Un peptide atypique synthétisé par un Rhizobium : vers un nouvel antibiotique ?

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La très grande majorité des antibiotiques dérive de produits naturels. Ils ont ensuite été modifiés par les chimistes pour les rendre plus efficaces ou pour contourner les résistances des bactéries. L’exemple de la pénicilline, le premier antibiotique découvert en 1935 et commercialisé très rapidement, est significatif. La pénicilline de Fleming n’est plus utilisée et ce ne sont que des dérivés comportant toujours le cycle thiazolidine, c’est à peu près tout ce qui reste de la molécule originelle. Aujourd’hui les laboratoires pharmaceutiques sont confrontés aux graves problèmes de résistance aux antibiotiques et il existe toujours une recherche très active pour trouver de nouveaux produits naturels présentant une activité antibiotique et/ou ayant un mécanisme d’action nouveau.

C’est le cas de certains peptides modifiés lors de leur synthèse par les ribosomes. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec la biologie moléculaire toutes les cellules vivantes possèdent une machinerie capable de traduire les informations génétiques codées sur l’ARN messager qui lui-même contient la transcription de l’information contenue dans le gène situé dans l’ADN. L’ARN messager c’est comme un ruban perforé de telex qui transmet les informations à une imprimante et celle-ci traduit les trous du ruban en texte lisible.

Les ribosomes, gigantesques complexes de protéines diverses maintenues dans la bonne conformation par des ARNs particuliers, décodent les informations du ruban – l’ARN – pour synthétiser les protéines. Ces protéines sont constituées d’acides aminés qui sont eux-mêmes acheminés vers cette grosse machine avec des « étiquettes » constituées de petits ARNs appelés ARN de transfert. Normalement la protéine finalement synthétisée est constituée d’amino-acides parmi les 20 d’entre eux connus dans le monde vivant. Certaines bactéries présentent la particularité de posséder des activités enzymatiques spéciales capables de modifier la structure de quelques amino-acides au cours de cette synthèse ribosomale. Comme je vais tenter de l’exposer clairement ci-après l’ingéniosité des bactéries est sans limite.

C’est en cherchant dans la profondeur de la forêt tropicale mexicaine qu’une équipe de biologistes des Universités de Berkeley et de Chicago en collaboration avec l’Institut de Technologie Skolkovo de Moscou a découvert une souche de Rhizobium sur des racines de pois qui se défend contre les attaques bactériennes néfastes. L’étude génétique de cette souche de Rhizobium sp.Pop5 a indiqué la présence d’un amas de gènes codant pour un petit peptide mais aussi pour deux protéines présentant une activité enzymatique très particulière intervenant dans la modification immédiatement postérieure à la synthèse par le ribosome du petit peptide en question. Il s’agit d’une activité cyclisant la cystéine sur elle-même et une autre activité cyclisant soit une thréonine soit une sérine.

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Lorsque la synthèse de ce peptide modifié est terminée celui-ci se replie en forme de pelote et il présente la capacité d’aller obturer le canal par lequel sortent les chaines poly-peptidiques en cours de synthèse depuis la sous-unité 50S du ribosome. Tout semble précisément calculé pour que cette sorte de bouchon figuré en jaune dans la figure ci-dessus interagisse avec un certain type de ribosomes mais pas ceux du Rhizobium concerné. Un autre peptide modifié du même genre, c’est-à-dire contenant dans sa séquence des cycles oxazole et thiazoles, la klebsazolicine, a été décrit et présente la même activité inhibitrice au niveau du ribosome. Mais ce n’était pas un rhizobium qui en était l’auteur, si on peut dire les choses ainsi, mais une Klebsiella pneumoniae sp. ozonae, une souche de Klebsiella parmi tant d’autres, principale responsable des maladies nosocomiales qui répandent la terreur dans les hôpitaux. En quelques sorte cette bactérie pathogène fait place nette pour finir à elle seule le travail de destruction fatale des poumons puisqu’elle se trouve alors sans concurrence.

Globalement c’est la même stratégie adoptée par le Rhizobium sp. Pop5. Les nodules racinaires d’un plan de pois non inoculé (première illustration) avec cette souche mais disposant pour assimiler l’azote atmosphérique, le rôle majeur de cette bactérie symbiotique des légumineuses, disparaissent, attaqués par d’autres bactéries du sol comme on peut le voir clairement sur la première illustration. Il reste beaucoup de travaux à effectuer avant que de tels peptides puissent déboucher sur des antibiotiques efficaces susceptibles d’être utilisés en médecine humaine mais ce genre de molécule constitue déjà un domaine de recherche très actif. Il semble que cette stratégie adoptée par deux bactéries très différente soit plus fréquente qu’on ne l’imagine malgré sa complexité et la recherche systématique des gènes codant pour les « cyclases » mentionnées dans ces travaux pourra peut-être conduire à la découverte d’un ou plusieurs peptides de ce type, plus simples, qui puissent faire l’objet de synthèses économiquement abordables. Ce n’est pas encore joué.

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Structure du peptide, abbréviations : A =alanine, T=threonine, C=cystéine (donnent un cycle thiazole en positions 3, 6 et 12), R=arginine, D=acide aspartique, S= sérine (donnent un cycle oxazole en positions 9, 15, 18, 21 et 24), G=glycine, K=lysine, I=isoleucine

Source : https://doi.org/10.1038/s41467-019-12589-5

Les « bienfaits » des antibiotiques : un cas d’école !

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C’est l’histoire d’un homme de 46 ans en bonne santé, sans histoires, qui se blesse le pouce bêtement. On est en Caroline du Nord et 2010 et non pas au XIXe siècle. La plaie s’infecte au point que le médecin traitant de ce monsieur décide de lui administrer un traitement antibiotique adéquat afin de stopper l’évolution vers l’avant-bras de l’infection. L’homme en question doit ingérer trois fois par jour 250 mg de cephalexine pendant trois semaines. Le traitement est un succès total.

Pourtant quelques jours après la fin du traitement cet homme commence à se plaindre d’épisodes de dépression, de brouillard mental, d’agressivité incontrôlable, un comportement jusque-là inconnu pour cet homme paisible et plutôt sobre. Son changement profond de personnalité le conduit à consulter un psychiatre qui le traite tout de suite avec des anti-dépresseurs puissants, genre Prozac. Malheureusement pour cet homme il doit conduire sa voiture pour aller travailler et c’est alors que tout se complique. Il est arrêté un matin par la police pour conduite en état d’ivresse. Il refuse de se soumettre à un alcootest et la police le contraint à une prise de sang à l’hôpital bien qu’il jure n’avoir pas consommé une seule goutte de boisson alcoolisée. La prise de sang révèle une alcoolémie de 2 grammes par litre. Naturellement le doute s’est installé dans l’esprit des policiers. Il est remis en liberté quelques heures plus tard car son alcoolémie est redevenue proche de zéro.

Totalement incrédule, cet homme sobre, relate son aventure à sa vieille tante qui lui suggère d’acheter un analyseur d’haleine pour vérifier si son taux d’alcool exhalé par les poumons reste normal ou est fluctuant pour une raison inconnue. Constatant des variations inexpliquées de cette alcoolémie cet homme décide de se soumettre à des analyses complètes. Le corps médical ne trouve rien d’anormal excepté la présence dans ses selles de Saccharomyces cerevisiae, la levure de bière banale, et de Saccharomyces boulardii bien connue des amateurs de suppléments nutritionnels sous le nom d’ « ultra-levure ». Le corps médical suspecte alors chez cet homme un syndrome d’ « auto-brasserie » aussi appelé syndrome d’auto-fermentation intestinale parfaitement explicable par la présence dans les selles de levures. Pour débarrasser cet homme de ses états d’ébriété involontaires, bien que s’étant astreint à une totale abstinence de toute boisson alcoolisée il fut donc traité avec des doses massives de nystatine, un antibiotique bien connu pour traiter les invasions de Candida, et ceci pendant trois semaines.

La rémission ne fut pourtant que passagère car quelques semaines plus tard il se retrouva en état d’ébriété involontaire et il fit une chute qui provoqua un traumatisme crânien et nécessita son hospitalisation. Entouré de médecins allant de la médecine interne à la neurologie et en passant par la psychiatrie et la gastroentérologie, rien que ça, le mystère s’épaissit car les prises de sang révélèrent à nouveau des alcoolémie erratiques variant de 0,5 à plus de 4 grammes par litre de sang. Le corps médical avait oublié de noter que cet homme, bien qu’en cours de traitement avec des antibiotiques, adorait les pizzas et les boissons sucrées … Des explorations intestinales à l’aide de sondes endoscopiques révélèrent la présence de Candida albicans et parapsilosis. Les traitements antibiotiques avaient donc été inefficaces. La seule issue fut de rétablir la flore intestinale détruite lors du tout premier traitement antibiotique pour l’infection de son pouce. Cet homme prit donc des doses tout aussi massives non plus d’un quelconque antibiotique mais de Lactobacillus acidophilus, une bactérie qui présente la propriété notoire d’éliminer par compétition les levures présentes dans l’intestin.

Dans des condition de stricte anaérobiose comme celles existant dans l’intestin les levures (Candida ou Saccharomyces) sont parfaitement capables de produire de l’alcool, un cul-de-sac métabolique, avec les conséquences décrites dans cette histoire qui dura plus de 8 ans, la victime des antibiotiques essayant de trouver une solution à son problème en Caroline du Nord puis dans l’Ohio et enfin à New-York. L’enseignement de cette saga incroyable est évident : le corps médical prescrit trop d’antibiotiques sans mesurer (ou se soucier) des conséquences – le médecin, pour se couvrir, parlera d’effets secondaires – en particulier sur le « microbiome » intestinal. Tout déséquilibre induit par les antibiotiques au sein de l’harmonieuse coexistence de centaines d’espèces de bactéries intestinales peut avoir des conséquences très graves et aussi, comme dans le cas de cette histoire, imprévisibles et débilitantes.

Source. doi : 10.1136/bmjgast-2019-000325 illustration : Wikipedia, Candida albicans

Tuberculose : enfin un espoir !

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Quand j’étais en pension chez les curés du diocèse, je fus atteint de tuberculose pulmonaire avec 7 d’autres élèves de ma classe. Ces cons de curés avaient accepté un élève externe dont le père était notoirement tuberculeux, peut-être par charité, mais le résultat fut catastrophique pour mes camarades ainsi que pour moi-même. Six mois de sanatorium réduisirent à néant une année scolaire et le rattrapage fut difficile, très difficile. De retour dans cette même pension, nourrissant une haine irréductible à l’égard de ces curés, je fus finalement poliment contraint de bien vouloir regagner ma famille et de ne plus jamais faire parler de moi. L’affaire avait alimenté les gazettes d’autant plus que le propre fils du maire de la ville avait été contaminé – ça faisait vraiment désordre – mais quelques liasses de billets judicieusement distribuées firent que ce scandale fut étouffé. Le diocèse s’en sortit sans aucun blâme sauf que 8 élèves de la même classe de troisième virent leur cursus scolaire fortement perturbé.

À l’époque, il y a près de 60 ans, la tuberculose se soignait très bien avec de l’isoniazide et des renforts de streptomycine au cas où la maladie évoluait trop rapidement, ce qui fut mon cas. Un bon tiers de mon poumon droit commençait à être sérieusement attaqué et le poumon gauche était menacé. La streptomycine, toujours à cette époque, contenait une impureté qui rendait sourd et pour pouvoir subir ce traitement de choc il fallait que le médecin du sanatorium suive presque quotidiennement l’acuité auditive des malades sous « traitement strepto » sans parler des radioscopies hebdomadaires pour suivre l’évolution de la maladie. J’ai encore aujourd’hui de la peine à évaluer les doses de rayons X auxquelles je fus soumis durant ce séjour en sanatorium. Bref, progressivement la tuberculose fut considérée dans les pays dits développés comme ayant disparu ou du moins maîtrisable avec les thérapeutiques d’alors. Même le vaccin BCG, ayant pourtant fait ses preuves d’efficacité, fut abandonné ou du moins rendu non obligatoire : il ne générait pas assez de profits pour les laboratoires pharmaceutiques qui le produisaient, c’est vrai, je n’invente rien. Le dépistage systématique de la tuberculose avec le test à la tuberculine a ensuite été jeté aux oubliettes. Il n’y a plus de dépistage dans les écoles.

Ces erreurs de prise en charge précoce de la tuberculose ont conduit fatalement à l’apparition de résistances aux antibiotiques. Si le diagnostic de cette maladie est établi aux stades initiaux de l’infection le traitement ne nécessite que peu de substances artificielles mais puisque les autorités en charge de la santé dans les pays développés ont – trop – rapidement considéré que la tuberculose était une maladie d’un autre siècle, celui d’Emile Zola, alors aujourd’hui le bacille de Koch est devenu résistant à tous les antibiotiques connus. Il y a 30 ans, bien longtemps après avoir moi-même été atteint par cette maladie, les patients furent alors soignés chez eux avec de fortes doses de substances chimiques et les sanatoriums de montagne se vidèrent, quoi de plus propice pour que les bacilles deviennent résistants et que la maladie se disperse !

La tuberculose tue chaque année 1,6 millions de personnes dans le monde (dernière statistique datant de 2017) et le tiers de ces morts étaient atteints par un bacille résistant à tous les antibiotiques connus. Les projections de l’OMS mentionnent qu’en 2050 ce seront 10 millions de décès chaque année. Une organisation non mercantile appelée TB Alliance ( https://www.tballiance.org ) a mis au point une nouvelle molécule, le Pretomanid, qui en association avec un ou deux autres antibiotiques (Bedaquiline ou Linezolid) a montré lors des essais cliniques préliminaires concernant 100 patients volontaires souffrant de tuberculose réfractaire à tout traitement antibiotique que 95 d’entre eux avaient montré très rapidement des signes prometteurs de régression de la maladie. La FDA américaine (Food and Drug Administration) a accordé son autorisation de mise sur le marché compte tenu de l’urgence sanitaire que représente aujourd’hui la tuberculose. Cette autorisation rapide est exceptionnelle dans la mesure où les patients sont des malades et sans que des essais cliniques prolongés aient pu être organisés. La précédente autorisation de la FDA pour une drogue anti-tuberculose eut lieu il y a plus de quarante ans … Pour l’anecdote le produit découvert par TB Alliance s’appelle Pretomanid car les premiers tests ont été conduits à Pretoria en Afrique du Sud.

Va-t-on autoriser les antibiotiques en agriculture ?

 

Cette question pourrait devenir centrale avec la propagation alarmante de la Xylella fastidiosa en Europe. Il s’agit d’une bactérie aérobie gram-négative qui se multiplie dans les canaux du xylème des plantes et finit par tuer ces dernières. Elle est transmise par n’importe quel insecte suceur comme par exemple la cicadelle et elle est capable de détruire plus de 300 plantes différentes, du laurier rose à l’olivier en passant par la vigne et le citronnier. C’est déjà un désastre en Apulée (Italie) où des oliveraies entières ont été dévastées ces dernières années mais également dans les régions viticoles de Californie, les cépages Pinot Noir et Chardonnay étant les favoris de cette bactérie insidieuse qui a trouvé en plus le moyen de se multiplier dans le tube digestif des insectes qui la véhiculent pour que ces dernier fassent encore mieux leur inoculation quand ils vont se nourrir de sève.

Cette bactérie est apparue en 2015 en Corse et il lui a fallu quelques mois pour atteindre la région niçoise en infestant d’abord la polygale à feuilles de myrthe (Polygala myrtifolia) puis le laurier-rose. La prochaine victime sera, à n’en pas douter, l’olivier. Elle a atteint l’Allemagne en 2016 en décimant également le laurier-rose et les Îles Baléares au début de l’année 2017 et enfin la région d’Alicante cet automne. Il y a donc franchement urgence car cette bactérie attaque aussi les orangers et les citronniers, tout pour plaire !

L’usage d’antibiotiques en agriculture est formellement interdit en Europe ainsi que dans de nombreux autres pays. Il existe cependant quelques exceptions comme par exemple en Suisse pour combattre le feu bactérien (fire blight en anglais) qui peut ravager les vergers fruitiers des basses vallées alpines en quelques jours. Il s’agit d’une maladie provoquée par la bactérie Erwinia amylovora susceptible (encore mais pour combien de temps ?) à la streptomycine. Le souci avec la Xylella sera, comme pour les bactéries pathogènes pour l’homme, l’apparition de résistances si l’utilisation d’antibiotiques, dans le cas où ceux-ci seraient utilisés dans l’urgence, était mal contrôlée.

Toujours est-il que l’on peut s’attendre à un véritable désastre économique, cette bactérie étant considérée depuis peu comme le pathogène agricole numéro 1 en Europe … Affaire à suivre

Source et illustration : BBC News

Note : pas de billets ces premier et deux janvier 2018

Un monde sans antibiotiques pour bientôt ?

L’humanité toute entière est au bord d’un gouffre sanitaire incontrôlable en raison des résistances à tous les antibiotiques connus d’un nombre de plus en plus important de bactéries pathogènes. En Europe seulement plus de 25000 décès annuels sont provoqués par des infections intraitables, en particulier dans les hôpitaux, qui il y a quinze ans à peine étaient banalement éradiquées à l’aide de produits encore efficaces. Avant la deuxième guerre mondiale la tuberculose était la deuxième cause de décès et la pneumonie la quatrième. Durant les années 1950-1960 grâce à l’apparition de la pénicilline puis de la streptomycine et des sulfamides ces deux maladies souvent mortelles furent pratiquement éradiquées des pays de l’OCDE. La seule introduction de la pénicilline a permis de sauver des dizaines de millions de vies et d’allonger l’espérance de vie de plus de 10 ans.

Hélas des résistances ont vu le jour très rapidement car les bactéries se multiplient très rapidement aussi et elles mettent au point des stratégies de survie en dépit de la sophistication des molécules chimiques. De plus, entre la découverte d’une nouvelle molécule prometteuse au laboratoire et sa mise sur le marché il peut se passer plus de dix ans de recherche intensive et les laboratoires pharmaceutiques hésitent à investir des sommes importantes pour des résultats hautement aléatoires. La « mode » des antibiotiques pour soigner tout et n’importe quoi – y compris les maladies d’origine virale – a aggravé la situation et le corps médical fait partie des acteurs, il faut malheureusement le dire, favorisant l’apparition de résistances aux antibiotiques.

Enfin un autre facteur souvent ignoré du grand public est l’usage intensif d’antibiotiques pour les animaux d’élevage car ils favorisent la croissance de ces derniers. Les élevages constituent dès lors un terrain unique pour les apparitions de résistances quand on sait que 80 % des antibiotiques utilisés en médecine humaine sont aussi utilisés en usage vétérinaire. En Belgique par exemple il se vend 70 tonnes d’antibiotiques (seulement les matières actives) chaque année exclusivement pour l’élevage et en Suisse « seulement » 40 tonnes par an alors que ce pays n’est pas particulièrement inondé de fermes d’élevage intensif que ce soient des porcs, des poulets ou des bovins. J’ai recherché en vain des statistiques pour les USA et la France, elles sont introuvables et il semble que ce soit l’omerta totale pour ne pas effrayer les consommateurs de hamburgers, de cuisses de poulet, de jambon … et de saumon.

Il existe des alternatives aux antibiotiques, en particulier au niveau vétérinaire, comme les vaccins. Mais les campagnes d’opposition aux vaccins à usage humain ont rendu les éleveurs méfiants et la mise au point de vaccins est également longue et coûteuse. Le problème reste donc entier et il n’existe pas de solution miracle en vue.

Sur le plan strictement biologique la résistance aux antibiotiques provient soit d’une adaptation de la bactérie ciblée à cette substance étrangère, soit à l’acquisition d’un gène de résistance existant au préalable chez une bactérie d’une autre espèce. Il s’agit alors de transmission horizontale de cette résistance. Dans la première éventualité, si la cible est connue il est alors possible de modifier la molécule originelle pour que la bactérie ne puisse plus s’en accommoder mais toute modification d’une molécule déjà homologuée nécessite une nouvelle homologation, ce qui prend beucoup de temps (et d’argent). Quant aux transmissions horizontales, entre l’élevage, formidable usine à fabriquer des résistances et les rivières – et donc les sols – inondés d’antibiotiques présents dans les eaux usées que les stations d’épuration ne sont pas capables d’éliminer, la transmission horizontale des résistances a encore de beaux jours devant elle.

Cette peinture terrifiante d’un futur, très proche quoiqu’en pensent les décideurs, où les taux de mortalité en particulier infantile explosereront sans que l’on puisse exercer le moindre contrôle, nous ramènera dans les années 1930 quand on mourrait de tuberculose, les sanatoriums étaient de gigantesques mouroirs, et quand la moindre pneumonie emportait un enfant sur trois eh Europe, au Japon ou en Amérique du Nord.

Il reste un dernier point au sujet non plus de la résistance aux antibiotiques au sens strict du terme mais de la prescription abusive des antibiotiques trop considérés par le corps médical comme des médicaments de confort : l’affaiblissement des défenses immunitaires de l’organisme puisque ces médicaments ne lui permettent pas de construire la moindre réaction immunitaire le plus souvent durable et qui protégerait alors un individu contre une nouvelle agression bactérienne. Il s’agit là de l’autre aspect négatif de la prescription à outrance des antibiotiques. Bienvenue dans un monde sans antibiotiques où la sélection naturelle rejouera son rôle entier ? Peut-être, mais des centaines de millions sinon des milliards de personnes y perdront leur vie …

Inspiré d’un article paru sur RTSinfo. Illustration CDC

Invraisemblable, la tuberculose tue près de 2 millions de personnes par an.


En 2015, année des dernières statistiques mondiales publiées par l’OMS (organisation mondiale de la santé ou WHO), 10,4 millions de nouveaux cas de tuberculose ont été recensés entrainant la mort de 1,8 millions de décès directement liés à cette maladie. L’Inde se trouve à l’épicentre de cette catastrophe sanitaire puisque toujours la même année il y a eu dans ce pays un demi-million de morts en raison de cette maladie infectieuse pour laquelle il existe pourtant un vaccin, le BCG, dont l’efficacité a été prouvée dès 1908 par les Professeurs Calmette et Guérin à l’Institut Pasteur de Lille en France.
Le BCG reste le vaccin le plus utilisé dans le monde, 170 millions de doses sont produites chaque année, mais son efficacité requiert des « rappels » périodiques, protocole que la plupart des pays n’ont pas mis en place, et en particulier en Inde. Ce qui devait arriver … arriva. Aujourd’hui certaines souches du Mycobacterium tuberculosis sont devenues résistantes à tous les antibiotiques connus et il s’agit pour l’Inde de tenter une éradication de la maladie. Or un tel programme est immense et extrêmement coûteux puisqu’il a été évalué à 2,5 milliards de dollars par an dans ce seul pays. Il n’y a pas d’autre solution viable que la vaccination obligatoire avec des rappels périodiques, le dépistage des foyers infectieux par les personnels para-médicaux opérant dans les dispensaires, comme cette approche permit au XXe siècle de circonscrire la syphilis par simple identification des personnes porteuses de cette maladie afin qu’elles se soumettent à un traitement adéquat.
Dans la recherche de l’excellence sanitaire dans un pays comme l’Inde qui a pourtant réussi à pratiquement éradiquer la poliomyélite – aucun cas déclaré depuis 5 ans – il s’agit d’un challenge qui peut être atteint à force d’opiniatreté et de civisme.
Source : adapté d’un article paru dans The Conversation, illustration : Reuters

 

Il n’y a plus d’antibiotiques pour soigner la chtouille …

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Les maladies contagieuses sexuellement transmissibles sont les plus répandues dans le monde. Les dernières statistiques de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) sont éloquentes : plus de 350 millions de personnes dans le monde souffrent d’une quelconque de ces maladies, soit 1 million de nouveaux cas par jour dont 210000 cas de blennoragie (primo-infection ou récidive). Si les dizaines de milliards de dollars consacrés à la mise au point de thérapies adaptées au virus du SIDA (AIDS) ont porté leurs fruits, ainsi que la mise au point d’un vaccin dirigé contre l’hépatite C, il en est tout autrement avec les redoutables bactéries provoquant la blennorragie, le gonocoque (Neisseria gonorrhoeae) et la syphilis (Treponema pallidum) qui sont en recrudescence constante y compris dans les pays de l’OCDE (voir note). Alors que l’incidence de la blennorragie avait diminué de plus de 90 % avec la découverte de nouveaux antibiotiques les médecins, tenus dans beaucoup de pays du monde de déclarer officiellement les cas de blennorragie aux autorités, se trouvent confrontés à une résistance aux antibiotiques qui est devenue préoccupante pour ne pas dire alarmante. Trois cas de blennorragie réfractaires à tous les antibiotiques connus viennent d’être décrits récemment, en Espagne, en France et au Japon.

En Afrique, le continent le plus touché par la blennorragie, l’incidence est de 5,68 cas pour mille adultes, femmes et hommes, et tous les pays de la zone Pacifique-Ouest et Asie du Sud-Est sont également touchés. Mais comme cette maladie ne présente le plus souvent pas de symptômes chez les femmes les données rassemblées par l’OMS sont largement sous-estimées. Les symptômes de la blennorragie chez l’homme sont également ambigus dans la mesure où une autre maladie sexuellement transmissible peut conduire à une erreur de diagnostic. Il s’agit des chlamydioses (Chlamydia trachomatis) également asymptomatiques chez la femmes et l’une des premières causes de cécité dans les pays en développement, en particulier en Afrique. La situation est donc compliquée et ce d’autant plus que le corps médical s’était habitué au traitement – pour la blennorragie – efficace à l’aide d’une dose unique de céphalosporines modifiées de dernière génération. Or ce type de protocole de traitement a tout naturellement favorisé l’apparition de résistances.

Aujourd’hui (voir le lien) l’OMS tire la sonnette d’alarme à l’échelle mondiale car il n’existe plus aucun antibiotique efficace contre le gonocoque. Cette bactérie est difficile à cultiver dans un laboratoire de bactériologie hospitalier courant afin de procéder à un diagnostic et de déterminer les éventuelles résistances aux antibiotiques. L’OMS préconise la généralisation du diagnostic directement avec l’ADN de la bactérie qui est très rapide mais nécessite un équipement coûteux, en particulier pour les pays en développement. À ce diagnostic du gonocoque peut être facilement adjoint celui des chlamydia. Cependant comme la résistance aux antibiotiques est portée par ce que l’on appelle des plasmides, des petits ARNs le plus souvent circulaires que les bactéries se transmettent entre elles très rapidement, l’équipement permettant un diagnostic rapide de l’une ou l’autre bactérie (ou les deux) mentionnées ci-dessus ne peut pas analyser ces plasmides.

En dernier ressort et avant qu’une nouvelle molécule soit découverte l’OMS préconise l’utilisation d’un cocktail de plusieurs antibiotiques à défaut d’autres alternatives mais ce protocole reste délicat à mettre en oeuvre. Reste le bon vieux préservatif mais le Vatican en interdit l’utilisation …

Note. Au cours de la période 2013-2014 34 pays africains ont signalé des cas de syphilis à l’OMS mais également 9 pays de l’Union européenne dont la France.

Source : Plos Medicine, doi : 10.1371/journal.pmed.1002328.t001 Illustration : Neisseria gonorrhoeae

Le « typhus » du saumon sur la sellette

Ce billet n’est pas de mon cru, il s’agit d’un copié-collé d’une dépêche de l’agence ATS. Pour la compréhension du contenu de cette dépêche il faut rappeler que les rickettsies sont des bactéries parasites intracellulaires obligatoires car elles disposent d’un génome rudimentaire. Elles sont responsables du typhus, une maladie redoutable transmise par des parasites comme les puces, les poux ou les tiques. Les rickettsies colonisent préférentiellement les cellules du foie. Enfin les rickettsies sont les plus proches parents des mitochondries, les centrales énergétiques des cellules.

Au Chili, un saumon mijoté aux antibiotiques

Les antibiotiques sont de plus en plus utilisés dans l’industrie du saumon au Chili, la deuxième plus importante au monde. Ils permettent de lutter contre une redoutable bactérie, mais leur usage excessif pollue l’environnement et pourrait créer de nouvelles maladies.

« Nous utilisons au Chili 500 fois plus d’antibiotiques qu’en Norvège », premier producteur mondial, s’alarme Liesbeth van der Meer, directrice par interim du groupe écologiste Oceana-Chili. Il y a un mois, cette organisation a obtenu une victoire importante devant la justice. Celle-ci a forcé à rendre publics la quantité et le type d’antibiotiques administrés aux saumons chiliens.

Le résultat est sans appel. En 2015, 557,2 tonnes de médicaments ont été injectées dans la production totale de 846’163 tonnes, selon le Service national de la pêche et de l’aquaculture. Cela équivaut à un taux d’antibiotiques de 0,066%. En 2010, le taux était deux fois moindre, à 0,031%, soit 143,2 tonnes de traitement sur une population de 466’857 tonnes.

L’objectif de ces antibiotiques est de lutter contre la bactérie Piscirickettsia salmonis. Cette dernière est dangereuse pour les saumons chiliens, élevés dans les eaux du sud du pays où ils ont été introduits artificiellement il y a des décennies.

Mais comment fait donc la Norvège? « Tout simplement, elle a su contrôler ses maladies », affirme Liesbeth van der Meer.

Contrôle médical strict

L’industrie chilienne se défend. Elle assure avoir besoin de cette quantité de médicaments pour repousser les pathologies menaçant le saumon, le tout sous strict contrôle médical.

« L’antibiotique utilisé doit être prescrit par un vétérinaire et on ne peut pas l’administrer de manière préventive, uniquement quand la maladie apparaît », souligne Felipe Sandoval, président de Salmon Chile. L’association représente la majorité des producteurs chiliens.

« Les progrès technologiques vont nous aider à minimiser l’usage d’antibiotiques. C’est juste une question de temps », assure-t-il.

Contamination par ricochet

Pêcheurs et écologistes sont formels: il n’y a aucun risque pour la consommation humaine. Toute trace de médicament disparaît. Quand il est vendu, « le saumon ne contient pas d’antibiotiques », explique la directrice d’Oceana. Elle prévient toutefois que le danger est ailleurs, quand le traitement se diffuse dans l’environnement.

Les résidus d’antibiotiques peuvent, à long terme, contaminer la communauté bactérienne autour des élevages de saumons, indique l’épidémiologiste Fernando Mardones, chercheur à l’université Andrés Bello. Les bactéries « peuvent devenir résistantes à certains antibiotiques au bout d’un certain temps, jusqu’à ce qu’apparaisse une bactérie résistante à tout, pouvant affecter les poissons et même parvenir jusqu’à l’être humain », s’inquiète-t-il.

Jusqu’à présent, aucun cas de résistance bactérienne n’a été prouvé dans l’aquaculture. Ce phénomène est toutefois déjà apparu dans d’autres industries, créant une menace pour la santé publique.

Crises sanitaires

L’industrie chilienne du saumon devrait « voir ce qui ne fonctionne pas dans la production et quelles sont les mesures alternatives pour diminuer l’usage d’antibiotiques », estime le chercheur. Il préconise par exemple d’augmenter l’apport d’antioxydants dans le régime des poissons.

Avec un chiffre d’affaires annuel de 3,5 milliards de dollars, l’élevage de saumons est l’une des principales sources de travail dans de nombreuses régions du sud du pays. Il génère plus de 70’000 emplois directs et indirects. Ses premiers clients sont les Etats-Unis, le Japon, la Russie et le Brésil.

Derrière son usage intensif d’antibiotiques, il y a au Chili le traumatisme de plusieurs crises sanitaires. En 2007, le virus de l’anémie infectieuse du saumon (ISA) avait dévasté une partie de la production. Début 2016, la prolifération d’algues nocives a provoqué la mort par asphyxie d’environ 100’000 tonnes de poisson, 12% du total.

(ats / 06.07.2016 11h03)

Et si on parlait aujourd’hui de Xylella fastidiosa …

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Il y a quelques semaines des arbustes décoratifs le long de la promenade des Anglais à Nice ont dépéri en quelques jours. Pas de quoi s’alarmer malgré les multiples chiens des psychopathes qui ne peuvent pas se passer d’une compagnie muette et dépendante sont autorisés à pisser leur urine chargée plusieurs fois par jour sur ces arbustes. Il y a plus d’adultes dépendants de leur chien que de leurs enfants, mais, bref, ce sera peut-être l’objet d’un futur billet …

Les services de la ville de Nice ont tout de même éffectué des prélèvements et les ont envoyé à des laboratoires habilités pour en faire des analyses appropriées afin de déterminer le pourquoi et le comment de cette soudaine hécatombe d’arbustes payés par les contribuables. Si ce n’est pas l’urine des chiens des riches retraités qui provoque ce dépérissement soudain des arbustes, il est apparu après analyse qu’il s’agit d’une attaque organisée de Xylella fastidiosa en provenance de Corse ou encore du sud de l’Italie. Il y a aussi des vagues d’immigrants parmi les insectes et les bactéries. Il s’agit d’une bactérie transmise par les insectes volants suceurs de sève qui s’attaque non pas seulement aux arbustes ornementaux de la ville de Nice – finalement c’est un épiphénomène – mais aussi à la vigne, aux oliviers et à des dizaines d’autres plantes. Cela fait près de cent ans qu’on essaie d’en savoir plus sur ce ravageur d’un nouveau genre puisque l’usage d’antibiotiques est interdit en Europe sur les végétaux (sauf en Suisse et exclusivement sur les abricotiers justement sensible à diverses bactéries) et on ne sait pas trop quoi faire pour se débarrasser de ce fléau potentiellement catastrophique non pas seulement pour les plantes et arbustes ornementaux mais aussi et surtout pour la vigne, les oliviers, les chênes, les érables, les agrumes et bien d’autres végétaux.

Un million d’oliviers sont morts en Campanie en 2014, les cours de l’huile d’olive sont d’ailleurs pour cette raison à la hausse. Une souche de cette bactérie a été identifiée en Corse au début de 2015 sur des polygales qui dépérissaient mystérieusement. Ce sont des arbustes ornementaux à feuilles de myrte souvent importés d’Italie. Ont-ils apporté la bactérie ? Nul ne le sait car la traçabilité est difficile à établir. Toujours est-il que la même bactérie a été identifiée sans ambiguité à Nice.

Souvenons-nous de cette histoire rocambolesque d’un vigneron écolo de Bourgogne qui refusait de traiter sa vigne pour détruire la cicadelle (lien sur ce blog) alors qu’il s’agit d’un des principaux insectes suceurs susceptibles justement de disséminer aussi la Xylella fastidiosa. Si cette bactérie se propage il en sera terminé des oliviers du sud de la France mais aussi des vignes … Il s’agit d’un danger agro-sanitaire d’une importance économique considérable.

Que va décider le gouvernement français, miné de l’intérieur par des écologistes fanatiques, pour juguler ce danger extrême qui est d’une importance économique beaucoup plus préoccupante que le soit-disant réchauffement climatique car tout un pan de l’économie agricole française est menacé. Il faut absolument autoriser la pulvérisation dans l’urgence d’antibiotiques sur les arbres attaqués. Ces antibiotiques existent naturellement dans le sol et proviennent de moisissures comme par exemple la streptomycine autorisée en Suisse pour combattre le « feu bactérien » des abricotiers, je le rappelle ici. On peut entrevoir une levée de bouclier des écologistes par la seule mention d’une utilisation éventuelle et préventive d’antibiotiques sur les végétaux. L’autre alternative est une désinfection massive et systématique des cultures à l’aide d’insecticides puissants pour exterminer tout insecte volant prédateur des végétaux mais ce sera aussi une levée de boucliers car elle sera contraire aux règles environnementales décrétées par ces mêmes activistes totalement déconnectés des réalité économiques.

Qui peut imaginer le sud de la France où ne pousseraient plus un seul olivier ni un seul cep de vigne ?

Je pose la question à Mademoiselle Ségolène !

https://jacqueshenry.wordpress.com/2014/02/24/lideologie-absurde-des-ecologistes/