J’ai lu dans slate.fr un article de Michel Alberganti relatif à la recherche de l’origine d’une rumeur.
Je vais donc avec un certain plaisir et un amusement certain exposer trois cas de rumeurs infondées qui entrainent des comportements déviants ou absurdes de la part de personnes ayant profondément et durablement admis que ces rumeurs étaient des vérités incontournables.
Premier cas : toxicité du papier d’aluminium.
J’ai remarqué que ma fille, pourtant ancienne élève d’une des écoles les plus prestigieuses de France, n’utilisait pas de papier d’aluminium dans sa cuisine, convaincue que c’était un produit toxique susceptible de favoriser l’apparition de la maladie d’Alzheimer (sic).
Je suis donc allé perdre un peu de temps sur le web et oh surprise ! Google me dirige tout de suite vers la rubrique « papier aluminium danger ». Je n’ai pas lu les sites plutôt polémiques pour les concierges et basés sur une absence désolante de données scientifiques convaincantes mais l’article de Wikipedia (en anglais) relatif au métal aluminium comporte une rubrique sur la toxicité de ce métal, le troisième élément chimique le plus abondant sur la planète après l’oxygène et le silicium. J’insiste sur ce point : il y a de l’aluminium partout. Dès qu’on touche un peu de terre, on s’en met plein les mains, dès qu’on touche une poignée de porte, elles sont toutes en aluminium, même chose, et je ne parle pas des casseroles, des couverts de camping, des opercules de bouteilles de lait ou de soda, des ordinateurs (la facade de mon Imac est en aluminium), enfin de pleins d’objets d’usage courant.
La rumeur proviendrait de l’usage de l’aluminium sous forme de chlorure d’aluminium dans les déodorants antitranspirants qui aurait (pas de référence sérieuse) favorisé l’apparition de formes de démence rappellant celles observées avec les dialysés qui développent une encéphalopathie pour laquelle on a incriminé la présence de sels d’aluminium dans le liquide de dialyse. Mais pas non plus de références fiables sinon quelques études de cas isolés sans signification statistique. Cette rumeur infondée a resurgi avec la campagne de vaccination contre la grippe, le vaccin incluant dans sa formulation de l’hydroxide d’aluminium. Je suis prêt à ingérer une cuillère à soupe d’hydroxide d’aluminium devant témoins chaque jour pendant une année pour prouver l’inocuité de ce produit insoluble dans l’eau (il est utilisé pour clarifier l’eau des piscines en raison de ses propriétés floculantes) que je rejeterai dans les selles quelques heures plus tard.
La rumeur persiste et il est presque impossible de l’extirper du cerveau de ceux ou celles qui en ont fait une vérité.
Deuxième cas : le four à micro-ondes.
Les détracteurs de l’usage du four à micro-ondes dans une cuisine prétendent que cet équipement modifierait certaines molécules chimiques en les rendant cancérigènes et les ondes peuvent sortir du four (sic).
En tant qu’ancien docteur en chimie, au cerveau déjà sérieusement dégradé plus par l’alcool et la cigarette que par l’aluminium, je m’inscris en faux devant ces affirmations totalement infondées.
En ce qui concerne la modification hypothétique de composés chimiques par les micro-ondes, jamais un tel effet n’a été décrit dans la littérature scientifique pour une raison très simple, le rayonnement micro ondes est mille fois moins énergétique que les rayons X ou les rayons gamma dits radiations ionisantes qui peuvent donc modifier la structure d’un composé chimique par ionisation, comme leur nom l’indique. Les micro ondes utilisées dans un banal four de cuisine ont une fréquence de 2,45 gigahertz, pas de quoi hérisser les poils d’un chat, et ont pour effet et seul effet d’exciter les molécules d’eau qui en vibrant produisent de la chaleur sous forme d’entropie (les curieux n’ont qu’à aller voir ce que signifie l’entropie) résultant en un échauffement de l’aliment introduit dans le four à micro ondes pour ce seul résultat.
L’autre reproche qu’on fait aux fours à micro ondes est que les ondes peuvent (pourraient) sortir du four. Là encore, c’est une rumeur infondée. L’utilisation d’un four à micro ondes est impossible si la porte du four est ouverte car un dispositif de sécurité interdit au magnétron d’émettre des ondes si cette porte n’est pas fermée et verrouillée pendant le fonctionnement. La vitre de la porte comporte également un maillage métallique relié à l’ensemble de la masse du four rendant la cavité du four totalement hermétique à toute fuite d’ondes.
En tant qu’ancien chimiste, si les micro ondes modifiaient la structure des molécules, ça se saurait car les applications en synthèse seraient multiples, or ce n’est pas le cas.
Mais attention, et ceci n’est pas une rumeur, il est fortement déconseillé d’introduire une feuille de papier d’aluminium dans un four à micro ondes, ça peut faire des étincelles.
Enfin pour définitivemnt mettre un terme à cette rumeur, le four à micro ondes est l’instrument le plus efficace en terme de rendement énergétique pour chauffer un aliment dans une cuisine !
Troisième cas : la lumière attire les moustiques.
Pour cette rumeur également totalement infondée, j’ai fait appel à ma longue expérience des pays tropicaux pour la mettre à mal.
Quand je suis arrivé à Onesua High School au nord de l’île d’Efate (au Vanuatu pour les curieux), au milieu de la forêt tropicale, dans ma case équipée de vestiges d’écrans anti-moustiques aux fenêtres, j’ai subi l’assaut incessant de ces insectes perfides et vicieux. On ne peut pas se badigeonner la peau en permanence avec du diethyl toluamide, la matière active contenue dans les crêmes anti-moustiques, découverte par l’armée américaine lors de la guerre de Corée pour repousser les moustiques parce qu’on sentirait l’isolant électrique en permanence, c’est vrai ! le DEET sent l’isolant électrique.
Bref, suivant les conseils de mon voisin de campus, un vieil américain endurci par la religion presbytérienne et le climat tropical, je me suis muni de lampes à kérosène, une lampe pour éclairer la table qui me servait de bureau et une autre lampe posée sur le sol pour éclairer mes jambes et surtout les chevilles, une des zones anatomiques la plus prisée par les moustiques avec les coudes, les oreilles et le cou. Le vieux John m’avait tout de suite averti que la lumière repousse les moustiques, surtout les lampes à kérosène. Et pourquoi ?
Les moustiques sont attirés par la chair à sang chaud, seulement les femelles qui doivent se remplir de sang pour que leurs œufs arrivent à maturité, et deux signaux les attirent : le gaz carbonique exhalé par la respiration et la chaleur du corps, c’est-à-dire le rayonnement infrarouge corporel. Quand une lampe se trouve près de l’animal à sang chaud convoité pour le festin, surtout si cette lampe est elle-même une source d’infrarouges, comme la lampe à kérosène, le moustique est désorienté, car de loin il voit une grosse source d’infrarouges aveuglante si l’on peut parler ainsi (nous ne voyons pas les infrarouges mais les moustiques les voient pour se diriger et venir nous piquer) et il s’en va vers d’autres lieux moins hostiles. Si on reste dans l’obscurité, le moustique femelle voit notre corps irradiant autour de lui des infrarouges et on est assuré de se faire suçer le sang en quelques secondes.
Cette histoire est une démonstration sans équivoque du mal fondé de la rumeur prétendant que la lumière attire les moustiques. Argumentant dans ce sens, il m’a été posé la question simpliste suivante : « mais alors pourquoi les réverbères attirent les moustiques ? » Question tout aussi idiote qu’inutile, les réverbères attirent les moucherons et les papillons de nuit mais certainement pas les moustiques. Le moustique serait-il assez idiot pour nous confondre avec des réverbères ? J’en doute.