Pour la première fois depuis l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi, un sondage organisé par le Asahi Shimbun a indiqué qu’une majorité de Japonais était favorable au redémarrage des réacteurs nucléaires arrêtés pour des raisons de sécurité et toujours à l’arrêt à ce jour. Le principal facteur qui a influencé l’opinion est le renchérissement du prix de l’énergie provoqué par les évènements d’Ukraine. L’Asahi Shimbun a réalisé ce sondage par téléphone auprès de 1181 personnes prises au hasard dans toutes les préfectures japonaises les 18 et 19 février dernier. Les résultats ont montré que 51 % des réponses étaient en faveur du redémarrage des réacteurs à l’arrêt alors que 42 % étaient contre cette décision. Au cours de toutes les consultations précédentes depuis 2013 jamais plus de 30 % des personnes contactées étaient en faveur de la reprise des activités des centrales nucléaires.

Parmi les « sondés » 81 % d’entre eux ont déclaré que l’augmentation du coût de l’énergie représentait une charge difficile à supporter contre 18 %. Au début du mois de février le cabinet du premier ministre a approuvé une politique consistant à maximiser le plus rapidement possible la reprise d’activité des centrales nucléaires à l’arrêt par une modification des procédures locales qui ne seront plus élaborées par les gouvernements des préfectures mais directement par le gouvernement central. De plus les autorités japonaises ont décidé de prolonger la vie opérationnelle des réacteurs au delà de la limite actuelle de 60 ans si toutes les inspections de sécurité sont satisfaisantes. Selon la nouvelle politique gouvernementale le Japon va développer un programme de réacteurs innovants de nouvelle génération pour remplacer la vingtaine de réacteurs existants encore à l’arrêt dont le redémarrage n’est plus planifié ou abandonné définitivement. Sur ce dernier point l’opinion est partagée 45/46 %.
Il y a actuellement 33 réacteurs en opération au Japon, 2 réacteurs en construction, 27 encore à l’arrêt dont 16 devraient être remis en service avant la fin de l’année 2023. Le Japon importe 90 % de son énergie, charbon en provenance d’Australie, gas naturel liquéfié (Australie et Qatar essentiellement et dans le cadre de contrats à long terme, voir note en fin de billet pour le GNL russe). Le mix énergétique électrique du Japon est actuellement le suivant : GNL 37 %, charbon 32 %, hydro 8 %, solaire 7 %, nucléaire 6 %, déchets 4 %, pétrole 3 %, éolien 0,7 %. L’opinion japonaise est très défavorable à l’installation de moulins à vent qui défigurent le paysage et les risques de typhons jouent un rôle prépondérant dans les décisions très timides du gouvernement sur ce point particulier. L’objectif du gouvernement japonais est d’atteindre vers 2030 la même part du nucléaire dans le mix énergétique électrique qu’avant le grand tsunami du 11 mars 2011, c’est-à-dire 30 %, un objectif difficile à atteindre sans construire de nouvelles usines.
Les conditions climatiques japonaises sont défavorables aux énergies intermittentes dites renouvelables car l’enneigement d’une grande partie de l’archipel en hiver et les caprices des vents sont des facteurs dissuasifs. L’abandon du charbon à l’horizon 2070 nécessitera donc la construction de nouvelles centrales nucléaires, les filières petits réacteurs modulaires et installations à haute température étant envisagées dans le futur mix énergétique électrique en particulier pour les installations décentralisées comme dans les petites îles et la production d’hydrogène qui intéresse les grande firmes automobiles japonaises. Dans le cadre d’une rationalisation du réseau de distribution concernant les grandes îles il est enfin envisagé une homogénéisation de la fréquence et de la tension du courant moyenne et basse tension, trop de disparités existant encore aujourd’hui. Le dernier volet du mix énergétique électrique japonais est l’approvisionnement en combustible et le Japon a développé une collaboration étroite, tant technique que financière avec l’Australie, une collaboration du même type avec l’Australie que celle concernant le gaz naturel Pour conclure ce panorama, le japon continue à développer la filière neutrons rapides et le retraitement du combustible dans le cadre d’une collaboration historique avec la France. Et les grandes firmes japonaises comme Mitsubishi Heavy Industry collaborent étroitement avec la Chine dans le domaine du nucléaire, en particulier pour la fourniture de cuves de réacteurs.

Source : World Nuclear Association, illustration : Centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa (TEPCO), Préfecture de Niigata au bord de la Mer du Japon dont le redémarrage des réacteurs 6 et 7 sont prévus à très court terme, cliché TEPCO. Cette usine est la plus grande installation électro-nucléaire du monde en terme d’énergie électrique produite avec 7 réacteurs BWR dont deux ABWR construits par Toshiba et Hitachi, partenaires de general electric, le créateur de la technologie BWR ( https://en.wikipedia.org/wiki/Boiling_water_reactor ).
Note. Au grand dam des USA, la puissance occupante du Japon depuis 1945 avec près de 60 installations militaires sur le sol nippon, le Japon est actionnaire via Mitsubishi d’un consortium mis en place par la société russe Gasprom en partenariat avec la société Sakhalin Energy pour acheminer du gaz naturel par gazoduc depuis l’immense gisement pétrolier et gazier de la Mer d’Okhotsk. Ce projet est néanmoins au point mort et l’unité de liquéfaction construite entre autres partenaires par Chiyoda Co et Toyo Engineering Co sur l’île de Sakhalin est maintenant opérationnelle. Le partenariat Russie-Japon a permis de définir des contrats de longue durée d’acheminement du LNG vers le Japon à des prix indépendants du marché international. C’est à peu près le rare volet de souveraineté du Japon vis-à-vis des Etats-Unis. Enfin les partenaires occidentaux de Sakhalin Energy se sont désolidarisés de ce projet dès le début de l’opération spéciale russe en Ukraine.