Nouvelles du Japon : les petits secrets de la Chuo Line enfin dévoilés

Nouvelles du Japon : les petits secrets de la Chuo Line enfin dévoilés

La Chuo Line est une ligne de chemin de fer partant de la station de Tokyo Central et supposée à sa création de relier Tokyo à Nagoya par l’intérieur (424 km). Elle fut mise en chantier dès 1889 et fut électrifiée dans sa partie urbaine dès 1904, cependant il fallut attendre 1973 pour que la totalité de la ligne Tokyo-Nagoya soit complètement électrifiée. Si cette ligne est presque rectiligne dans la plaine où se trouve l’immense conurbation de Tokyo, au delà de la ville de Hachioji le relief devient montagneux et cette ligne serpente au milieu des forêts. Les conducteurs des trains poursuivant leur route en direction de Nagoya étaient parfois avertis à Hachioji du danger que représentait l’impossibilité de freiner correctement dans les courbes en raison d’une invasion des rails par des centaines de milliers de millepattes au-delà de la station de Tatsuno à 220 kilomètres à l’ouest de Tokyo. Ce qui excita la curiosité des employés de la JR East (la compagnie de chemins de fer dont dépend la Chuo Line) était que ces alertes n’étaient pas communes tous les étés mais qu’il existait une périodicité de 8 ans sur certaines sections de la voie mais cette périodicité de 8 ans était décalée sur d’autres sections. Cette énigme occupa l’attention de certains entomologistes dès les années 1920.

Ce n’est que vers les années 1970 que le Docteur Keiko Niijima de l’administration nationale des forêts basé à Hachioji, une des villes situées à l’ouest de Tokyo sur la Chuo Line à 47 kilomètres de Tokyo Central en bordure des premiers reliefs montagneux, s’intéressa à ces curieuses explosions massives de millepattes sur les voies de la Chuo Line. Les archives incroyablement détaillées (à la japonaise !) relatant les minutieuses observations du Docteur Niijima, aujourd’hui retraité et vivant paisiblement à Suginami (arrondissement de la ville de Tokyo, situé à l’ouest du centre-ville et desservi par 4 stations de la Chuo Line), ont été étudiées et exploitées par les Docteurs Momoka Nii et Jin Yoshimura des Universités de Shizuoka et de Tokyo, campus de Hachioji, pour tenter de trouver une explication satisfaisante de la présence périodique, très exactement de 8 ans pour un site particulier, de ces centaines de milliers de millepattes qui ont toujours préoccupé les conducteurs de train de la Chuo Line dans la partie montagneuse au delà de la ville de Hachioji.

Il s’agit de l’espèce de petits millepattes Parafontaria laminata armigera dont le cycle larvaire complexe dure huit années. Les deux auteurs cités ont concentré leurs études près du Mont Yatsu et d’autres sites alentour où les essence forestières sont principalement des hêtres. L’état larvaire de ces petits arthropodes dans le sol à des profondeurs variant entre 10 et 30 centimètres dure huit ans avec donc huit stades (instar) successifs :

Et lors de l’émergence massive des adultes non seulement ce phénomène peut présenter un danger pour les trains mais également pour les automobilistes puisqu’il s’agit de centaines de milliers d’individus qui vont se livrer aux joies de la reproduction en groupe, les femelles déposant leurs œufs, entre 400 et 1000, à la fin de ces festivités sexuelles pour ensuite mourir. Le cycle de vie de 8 ans de ces millepattes est remarquable par sa régularité et ce sont les seuls insectes ayant un cycle larvaire aussi long avec certaines cigales dont le cycle larvaire, selon les espèces, varie entre 3, 7 et 17 ans.

Source et illustrations : https://doi.org/10.1098/rsos.201399

Lien : https://en.wikipedia.org/wiki/Chūō_Main_Line

Quoiqu’il arrive, tôt ou tard tu vas mourir

Voici un copié-collé d’un court billet de mon fils paru sur son blog (lien en fin de billet) ce dimanche 27 septembre.

Je demande à mon fils le sens d’une expression « izure » assez peu claire. La définition que j’avais sous les yeux paraît un peu dans tous les sens. Any, both, whichever, either… ca me parlait pas trop. Et le premier exemple qu’il me donne c’est « izure shinu, いずれ死ぬ » qui signifie « quoiqu’il arrive, tôt ou tard tu vas mourir ».

Je projette sûrement un peu, mais cet exemple donné si naturellement par un enfant de 8 ans me dit que soit il regarde trop la télé (ce qui est probable) soit que les Japonais on un rapport à la mort plus simple. À son âge en tout cas la mort me terrifiait, la perspective de mourir en dernier (étant le cadet), mon fils semble envisager la mort comme une perspective normale (ce qui est le cas d’ailleurs).

Après je pourrais éviter les généralisations plus ou moins foireuses sur le Japon et les Japonais mais en ce qui concerne le rapport à la mort on peut quand même se permettre de pointer quelques différences importantes.

J’ai demandé à mon fils l’autorisation de faire figurer sur mon propre blog cette réflexion puisqu’il s’agit de mon petit-fils. Il y a quelques mois mon petit-fils est allé avec sa famille et ses grands-parents sur l’île de Kyushu assister à la crémation d’un de ses grands-oncles. Il a donc été confronté au spectacle de la mort et j’apporte ici quelques précisions à ce sujet. Au Japon les morts sont incinérés mais partiellement. Je précise ce que m’a indiqué mon fils. L’incinération est surveillée et arrêtée lorsqu’il ne reste dans le four que quelques ossements parfaitement reconnaissables. Lorsque ces restes ont refroidi les membres de la famille font leur marché avec de longues baguettes spécialement conçues pour cet usage. Chaque membre de la famille du défunt choisit un morceau d’os partiellement calciné et le dispose dans une petite urne qu’il va ensuite rapporter chez lui. Dans les maisons traditionnelles il existe un petit autel où cette urne restera présente quelques mois afin de brûler un baguette d’encens et de se recueillir en pensant au défunt.

Cette période étant écoulée, un certain nombre de mois lunaires je crois, toute la famille se retrouve à nouveau pour rapporter la petite urne dans laquelle se trouvait le fragment de squelette du défunt. Tous ces fragments osseux sont alors réunis dans une urne funéraire et la famille procède à l’enterrement dans un cimetière. La dalle de la tombe familiale est extraite et l’urne est déposée dans le petit caveau où se trouvent parfois des dizaines d’autres urnes de lointains et proches ancêtres. Je pense que mon petit-fils doit avoir mémorisé ce spectacle un peu spécial du squelette presque complètement calciné de ce vieux membre de sa famille. Il s’agit d’une adaptation d’un rite funéraire bouddhiste car au Japon on naît bouddhiste et on meurt bouddhiste mais au cours de la vie la plupart des Japonais vont faire leurs dévotions pour implorer les dieux dans des temples shintoïstes. D’où l’explication plausible de mon petit-fils « quoiqu’il arrive, tôt ou tard tu vas mourir » …

Lien : http://www.rosenight.net/?p=7800 illustration : mon petit-fils Kôta

La gigantesque révélation d’Angela Merkel

Capture d’écran 2019-01-14 à 12.35.26.png

Mes lecteurs se diront que je retarde dans l’actualité. Je n’ai pas de télévision chez moi, je ne lis aucun journal papier et je ne fais que parcourir les titres de quelques quotidiens disponibles sur le Web. L’essentiel des informations qui me parviennent proviennent de blogs anglo-saxons, québécois parfois, mais aussi les quotidiens francophones suisses ou belges, pour ce qui concerne les informations relatives à la France. Et comme étant un ancien scientifique je fais une revue quotidienne de quelques sites d’informations strictement scientifiques et je ne m’intéresse qu’aux articles appuyés sur des publications dans des journaux à comités de lecture mais jamais je ne prête une quelconque attention à des sites qui ont redigéré et le plus souvent déformé des informations pour les orienter à leur guise.

Bref, en « surfant » sur la chaine youtube où on trouve tout ce que l’on veut et son contraire je suis tombé par hasard sur un site québécois qui vaut le coup d’être regardé bien que datant du 14 novembre dernier. Ce qu’a dit la Chancelière Merkel à Donald Trump, le nationaliste bec et ongles américain presque caricatural, est édifiant et également terrifiant. Et pourtant j’avoue n’avoir pas noté cette information. Voici la traduction des propos d’Angela Merkel :

« À notre époque les Etats-Nations doivent aujourd’hui – devraient aujourd’hui, je veux dire – se préparer à abandonner leur souveraineté, mais naturellement selon une procédure ordonnée » … « Si vous faites partie de ceux qui pensent qu’ils peuvent résoudre tous les problèmes par eux-mêmes, c’est du nationalisme dans sa forme la plus radicale. Ce n’est pas du patriotisme ».

Capture d’écran 2019-01-14 à 12.42.57.png

C’est un aveu public de la part de la plus puissante politicienne d’Europe adressée aussi à tous les chefs d’Etat qu’une gouvernance supra-nationale se met progressivement en place. Le totalitarisme à l’échelle européenne sous la houlette des USA, de l’OTAN et de la CIA avec le leadership allemand ( ? ) paraît donc inévitable pour Merkel et il faut tous s’y préparer. Déclarer que le patriotisme et le nationalisme sont deux concepts séparés mérite réflexion.

Par un effet du hasard j’ai reçu hier la lettre de Donna Laframboise à laquelle je suis abonné, journaliste canadienne anglophone (malgré son patronyme), qui est tout à fait révélatrice et je vous livre une traduction de son billet ci-dessous.

Sans frontières nationales une démocratie est condamnée à mourir

Autrefois les peuples étaient gouvernés par le Roi et l’Eglise. le Roi décrétait. Nous les paysans nous obéissions. L’Eglise a insisté et nous les paysans nous nous sommes soumis.

Puis quelque chose de merveilleux advint. Les gens ordinaires ont été autorisés à voter et ils ont cru que par leur droit de vote ils pourraient écarter les mauvais leaders politiques, pas par des effusions de sang mais de manière ordonnée, par leurs suffrages. Ceci a été appelé la démocratie : un gouvernement avec l’assentiment des citoyens votants. Les Présidents ne sont des présidents que parce que nous les choisissons. Si les premiers ministres ignorent nos préoccupations alors nous ne voterons pas pour eux la prochaine fois. Nous voterons pour quelqu’un d’autre et ils feront leur valise.

La démocratie est donc un système de responsabilisation. les mauvaises lois peuvent être abrogées, les mauvaises politiques peuvent être remises en question et les électeurs pourront choisir quelqu’un qui changera de stratégie politique.

la démocratie ne peut pas fonctionner sans frontières nationales claires. Les électeurs d’un pays « A » décident de leur propre destin et seulement de leur destin. Les résultats des élections sont applicables sur leur territoire mais pas au delà. Dans le pays voisin, la nation « B », les électeurs ont le droit de choisir une autre voie et ils vivront avec les conséquences de leur décision à l’intérieur de leur territoire.

John Lennon avait écrit les paroles d’une de ses chansons « Imagine » :

« Imaginez qu’il n’y a plus de pays

C’est pas si difficile d’y parvenir

Plus personne à tuer ou pour qui mourir

Et plus de religion non plus

Imaginez tous les peuples vivant en paix … « 

Mais un monde sans pays est un monde dans lequel l’autonomie gouvernementale, c’est-à-dire des citoyens pilotant leur propre navire, est impossible. La paix universelle n’est qu’une belle fantaisie. L’oppression est ce qui arrive nécessairement quand les dirigeants sont irresponsables et quand les gens ordinaires n’ont plus de voix au chapitre. C’est alors le retour du vieux et terrible monde pour lequel nos prédécesseurs ont tant peiné pour s’en échapper, un monde dans lequel ce seront les nouveaux rois qui décideront et les paysans se plieront et un monde dans lequel les nouvelles églises insisteront pour que les paysans se soumettent.

Heureusement que mon espérance de vie n’est plus, statistiquement, que de quelques années, je ne verrai pas cette horreur se mettre en place … Note. To take swipe at somebody … = gifler quelqu’un …

https://www.youtube.com/watch?=BOmn4seBIVQ et aussi :

https://genius.com/John-lennon-imagine-lyrics

Histoire de scolopendres

800px-Scolopendra_subspinipes_-_National_Museum_of_Natural_History,_United_States_-_DSC08514.jpg

Quand j’habitais à Port-Vila je regardais la télévision (mais oui !) parce que j’avais acquis à Nouméa une parabole et un décodeur « Canal » pour regarder les jeux olympiques de Sydney en direct puisqu’il n’y avait qu’une heure de décalage horaire et quand je regardais les épreuves sportives en nocturne, assis devant la télévision, j’avais toujours à portée de la main une machette. Tout simplement parce que le séjour était un espace régulièrement emprunté par des scolopendres noirs de 15 à 18 centimètres de long se déplaçant toujours en couples, d’abord le mâle et ensuite la femelle légèrement plus grosse. Je m’empressais avec un plaisir non dissimulé de les couper en deux et les moitiés continuaient à progresser sans ordre pendant quelques secondes. J’ai toujours été terrorisé par ces insectes répugnants. Quelques années plus tard, j’habitais à Marie-Galante et à nouveau je fus confronté à la présence de ces sales bêtes. Un soir je reçus un coup de téléphone désespéré d’une amie bretonne qui me demandait de venir d’urgence la prendre en charge pour la conduire à l’hôpital, elle venait de se faire mordre par un scolopendre. Je n’invente rien j’ai vraiment cru qu’elle allait mourir dans ma voiture.

Il ne me fallut heureusement que quelques minutes pour arriver à l’hôpital et me garer en vitesse devant l’entrée des urgences. C’était une question de minutes. Elle avait perdu connaissance et le personnel, informé d’une morsure de scolopendre, fit immédiatement le nécessaire : un piqûre de tonique cardiaque, de l’oxygène et la procédure d’urgence habituelle. On ne plaisante pas avec ces arthropodes répugnants, repoussants dont la longueur atteint parfois 20 centimètres, c’est tout simplement épouvantable, terrifiant, surtout quand ils grimpent en haut des moustiquaires au dessus du lit et qu’ils se rassemblent attendant peut-être le moment propice pour vous piquer car ils sont agressifs, nerveux et vicieux.

Mais comment ces insectes, de gros mille-pattes en réalité, ont-ils fait pour être aussi nuisibles et dangereux ? C’est ce qu’a voulu savoir l’équipe de biologistes dirigée par le Docteur Changlin Tian de l’Université de Science et Technologie de Hefei en Chine, faisant appel à une collaboration internationale, pour résoudre ce problème qui préoccupe peut-être quelques milliards de personnes dans le monde car ces sales bêtes se trouvent partout dans les pays où le climat est propice. Ici dans l’archipel des Canaries il y en a et le seul moyen de s’en protéger, comme d’ailleurs à Marie-Galante, si on habite dans une maison dans la campagne est d’avoir quelques poules hautes sur pattes (des pattes quasiment recouvertes d’écailles) qui ne craignent pas les morsures de ces bêtes immondes dont elles raffolent !

Juste une petite parenthèse, je rédige de billet un peu compliqué en écoutant Sayaka Shoji, une artiste japonaise, interpréter le concerto pour violon No. 1 in D major Op. 6 de Paganini, rien de tel pour stimuler les neurones et oublier les mauvais souvenirs des « scolos ».

Le venin du scolopendre contient une toxine unique dans le monde animal. Il s’agit d’un petit peptide de structure compacte constitué de 53 acides aminés. Cette structure compacte est assurée par deux ponts disulfure un peu comme l’insuline, hormone de même taille mais comportant deux chaines peptidiques maintenues ensemble par deux ponts disulfure. Cette toxine de scolopendre d’un poids moléculaire de 6000 Daltons inhibe tous les types de canaux potassium provoquant une paralysie presque instantanée chez un petit animal (voir la vidéo) d’un poids pourtant 8 fois supérieur à celui du scolopendre provoquant rapidement une très forte hypertension suivie d’une perturbation du rythme cardiaque au niveau de l’onde T et d’un arrêt du coeur. Au niveau cérébral cette toxine induit une forte augmentation de l’acétylcholine et une crise de type épileptique durable. Enfin au niveau pulmonaire la ventilation est progressivement réduite de plus de 60 % entrainant une asphyxie fatale.

L’atout du scolopendre est que la synthèse de ce petit peptide est beaucoup plus rapide que celle d’un métabolite compliqué requérant une machinerie enzymatique devant elle-même être synthétisée à cet effet. Quand vous serez attaqué par un scolopendre, car ces sales bêtes sont terriblement agressives, souvenez-vous de l’ingéniosité diabolique de cet animal, résultat d’une improbable évolution …

Sources : http://www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.1714760115

movie-usa.glencoesoftware.com/video/10.1073/pnas.1714760115/video-1

Illustration : scolopendre à tête dorée (Scolopendra subspinipes)

La disparition des abeilles : mythe ou réalité ?

800px-Varroa_destructor_on_honeybee_host.jpg

Les 6, 20 et 29 février 2016 j’ai laissé trois billets sur ce blog relatifs à la maladie des colonies d’abeilles et il semble que, du moins aux USA, ce phénomène soit en voie d’atténuation significative. Selon les dernières statistiques du Département de l’agriculture américain (USDA) le nombre d’essaims actifs a augmenté de 3 % depuis le début de l’année 2017 soit une augmentation du nombre d’environ de 90000 ruches sur un total de 2,9 millions enregistrées auprès des autorités. Selon Tim May, vice-président de l’association nord-américaine des apiculteurs « pour sauver les abeilles il faudrait savoir exactement de quoi elles souffrent » (sic) … cela va de soi. Si les ruches meurent toujours car une colonie n’est pas éternelle leur disparition a diminué de plus de 60 % entre avril et juin de cette année par comparaison avec la même période de l’année 2016, toujours aux USA.

Les meilleures conditions adoptées par les apicultures sur recommandation de l’USDA pour dédoubler les ruches, leurs discussions avec les agriculteurs afin qu’ils n’utilisent pas de pesticides lors de la période critique d’essaimage et de dédoublement des colonies semblent avoir été un succès. Malgré ces efforts aux résultats encourageants, il reste toujours que 13 % des colonies meurent en raison de l’usage de ces pesticides, 12 % à la suite d’infestations avec des parasites autres que le varroa et enfin 4,3 % en raison d’autres maladies. Les principales causes de la mort des ruches restent toujours le mauvais temps, l’insuffisance de pollen pour les butineuses, le manque de nourriture à la fin de l’hiver et enfin et surtout les mauvaises pratiques d’élevage des apiculteurs eux-mêmes. La disparition des colonies d’abeilles deviendrait-elle un mauvais souvenir ? Selon le Docteur May Berenbaum, entomologiste à l’Université d’Illinois, les pesticides ont été peut-être un peu trop tôt incriminés pour masquer les mauvaises pratiques d’un grand nombre d’apiculteurs pour une raison assez simple à comprendre : près de la moitié des ruches américaines sont infestées par le varroa et les apiculteurs n’aiment pas trop reconnaître qu’ils ne connaissent pas leur métier ou plus simplement leur passe-temps. Belle démonstration d’un évènement monté en épingle par les défenseurs de l’environnement alors que les arguments scientifiques irréfutables d’une effet nocif des pesticides, en particulier des néonicotinoïdes, se font toujours attendre. En Europe la situation est sensiblement identique et ce n’est pas le moratoire décrété par les instances bruxelloises au sujet de l’utilisation des néonicotinoïdes qui y est pour quoi que ce soit. Il était politiquement correct d’interdire ces produits en vertu du détestable principe de précaution qui à l’évidence ne s’applique pas aux USA …

Source : Bloomberg, illustration : varroa (Wikipedia)

Alimentation et santé : rumeurs et mensonges (4)

Red_Delicious.jpg

Les mensonges et les fausses informations parfois émises par des scientifiques peuvent conduire à des désastres sociétaux comme vous allez le découvrir en particulier quand il s’agit d’informations mensongères au sujet de la santé.

13. Si vous faites tomber de la nourriture au sol, vous avez 5 secondes …

Il paraîtrait que si on fait tomber un morceau de gâteau par terre en le ramassant pour le manger pas plus de 5 secondes après, on ne risque pas de contamination. Encore une idée préconçue erronée car il suffit de quelques millisecondes aux bactéries présentes partout pour contaminer ce morceau de gâteau et vous devrez vous résigner à le jeter plutôt que de le manger. Les règles d’hygiène élémentaire ont disparu depuis l’avènement des produits d’entretien de toutes les couleurs et parfumés à la jonquille ou à la résine de pin. Ces produits sont totalement inefficaces et ils ne donnent qu’une impression de propreté : « Ça sent le propre », « Monsieur Propre » … Depuis que les hôpitaux ont abandonné l’usage de l’eau de Javel (hypochlorite de sodium) on ne compte plus le nombre de morts par infections appelées du nom savant d’infections nosocomiales. Pourquoi ? Tout simplement parce que les hôpitaux sont devenus des endroits insalubres et c’est la même chose chez soi. Pour ma part le fais le grand ménage une fois par semaine dans mon modeste logement et je suis à peu près certain qu’il est ensuite propre. J’utilise comme mes grand-mères de l’eau de Javel diluée quatre fois pour laver le sol. De plus, comme dans beaucoup de pays dont en particulier le Japon, je quitte mes chaussures dès que je rentre à la maison. Pourquoi a-t-on interdit l’eau de Javel dans les hôpitaux, pourtant le seul antiseptique efficace à 100 % ? Il n’y a pas de mystère, ça ne coûte rien et les grandes multinationales de la propreté n’en tireraient aucun profit. Ceci explique cela.

14. Les vaccins peuvent être dangereux

Je ne reviendrai pas ici sur la nouvelle phobie des vaccins qui s’est propagée à la suite de la publication par Wakefield d’un article falsifié relatif au lien entre l’autisme et les vaccins en 1998 dans la revue The Lancet. Cet individu a avoué ses turpitudes, s’est rétracté et a été mis au ban de la société par l’Ordre britannique des Médecins. La rumeur s’est pourtant propagée et amplifiée malgré toutes les études scientifiques rigoureuses qui n’ont jamais pu prouver par la suite qu’il y avait un quelconque lien entre vaccins et autisme. À ce sujet le lien suivant est tout à fait instructif (www.pbs.org/wgbh/nova/body/autism-vaccine-myth.html).

Capture d’écran 2017-06-11 à 11.15.20.png

La France, patrie de Pasteur, se distingue par son attitude irraisonnée puisque près de la moitié de la population considère que les vaccins sont dangereux. Il faut dire que la justice française s’est distinguée par son imbécillité en admettant que les téléphones portables étaient dangereux pour la santé, or comme ce sont les mêmes groupes d’activistes qui colportent les même rumeurs, suivez mon regard … L’italie pour sa part vient de rendre la vaccination des enfants des écoles obligatoire, 15 % des parents refusant de faire vacciner leurs enfants.

Aux USA, pays où la rougeole avait été virtuellement éradiquée, passant de 500 000 cas annuels en 1960 à une centaine en 2000, le CDC a constaté ces derniers mois une recrudescence de la maladie. Tous les cas de rougeole déclarés proviennent d’immigrés non vaccinés, en particulier en provenance de Somalie.

Capture d’écran 2017-06-11 à 11.16.09.png

15. Les yaourts remettent de l’ordre dans les intestins

Bien que les yaourts – non sucrés et non aromatisés – ne soient pas mauvais en soi pour la santé il ne faut pas croire que les bactéries lactiques qu’ils contiennent ont le pouvoir de modifier la flore intestinale. C’est un mythe savamment vendu à grands coups de publicité par les fabricants de yaourts. À l’heure actuelle, aucun biologiste digne de ce nom ne sait comment modifier la flore intestinale en raison de sa complexité – plus de 250 bactéries intestinales sont encore inconnues et n’ont jamais été étudiées en détail ! Le marché des « probiotiques » se porte bien, merci, il atteint plus de 25 milliards de dollars par an. Quant aux yaourts sucrés ils sont plutôt dangereux pour la santé puisqu’ils apportent un supplément de sucres dont l’organisme se passerait volontiers. Le seul avantage du yaourt par rapport au lait est qu’il ne contient pratiquement plus de lactose, une caractéristique le rendant assimilable par les personnes souffrant d’intolérance au lactose.

16. Manger une pomme chaque jour, c’est bon pour la santé

Comparée à beaucoup d’autres fruits la pomme est plutôt pauvre en vitamines et en fibres contrairement à la croyance populaire. Par conséquent manger une pomme chaque jour pour rester en bonne santé est une vue de l’esprit. L’argument serait que la pomme est riche en vitamine C. C’est faux : une pomme n’apporte que 6 % du besoin quotidien ce cette vitamine. De là à prétendre que manger des pommes est bon pour soigner la grippe (illustration Red delicious, qui n’a de délicieux que le nom)…

Source : Business Insider, suite dans un prochain billet. Illustrations : World Economic forum, CDC et Wikipedia

La controverse du Monarch (ou Monarque)

3500 - copie 2.jpg

Si je m’intéresse de loin au monarque, ce magnifique papillon c’est tout simplement parce qu’il est sédentaire dans tout l’archipel des îles Canaries et qu’on peut l’observer tous les jours en pleine ville. En octobre 2014 j’avais laissé sur ce blog un billet qui expliquait par l’étude du génome de ce papillon emblématique pourquoi il s’était sédentarisé dans certaines régions du monde alors qu’il continue à migrer sur de folles distances – pour un papillon – entre le nord des USA et le Mexique (voir le lien et le doi de l’article paru dans la revue Nature). Cette étude n’avait pas assigné les gènes à des chromosomes puisqu’il s’était agi de détecter les mutations permettant de reconstruire l’arbre « généalogique » des divers spécimens de ce papillon. Il était admis que le monarque, Danaus plexippus, possédait 30 chromosomes selon des travaux parus en 1975 et réalisés à l’Université de Madras en Inde.

Le problème est que le caryotype réalisé à Madras le fut sur un autre lépidoptère proche du monarque, le Danaus genutia, car le monarque d’Amérique du Nord n’existe pas en Inde ! D’autres travaux avaient cité entre 28 et 32 chromosomes. Établir un caryotype de lépidoptère n’est cependant pas aisé car les chromosomes ont tendance à se couper en deux, voire à fusionner, au cours de la métamorphose. De plus les résultats dépendent de la partie du corps de l’insecte où un prélèvement a été effectué pour obtenir un caryotype.

Capture d’écran 2017-03-01 à 11.10.51.png

Pour mettre les choses au clair le Docteur Christopher Hamm de l’Université du Kansas a effectué le caryotype à partir des testicules de jeunes larves du « vrai » monarque. Il a ainsi pu établir sans ambiguïté que le matériel génétique, dans ce cas haploïde (N chromosomes au lieu de 2N pour un adulte puisqu’il s’agit des chromosomes de cellules germinales correspondant donc aux spermatozoïdes), est constitué de 30 chromosomes. La controverse est donc close et tous les zoologistes peuvent maintenant se baser sur une étude solide et parfaitement documentée parue dans la revue bioRxiv (voir le doi)

Source et illustration : bioRxiv, doi : 10.1101/107144 et aussi :

https://jacqueshenry.wordpress.com/2014/10/06/lemblematique-monarque-migrateur-une-enigme-enfin-resolue/

Nature, doi : 10.1038/nature13812

Le champion du monde de vol libre

800px-Apus_apus_-Barcelona,_Spain-8_(1).jpg

Après avoir capturé des martinets communs (Apus apus) des zoologistes de l’Université de Lund en Suède les ont muni d’enregistreurs permettant de les géolocaliser et d’accumuler pendant plus d’une année les caractéristiques de vol à l’aide d’un accéléromètre, d’un détecteur de battement des ailes et d’un localisateur GPS. Ce petit équipement ne pesant pas plus d’un gramme a été récupéré une année voire deux années plus tard pour l’un des oiseaux en les recapturant aux alentours des mêmes lieux de nidification dans le sud de la Suède. Les résultats obtenus sont tout simplement époustouflants. Deux martinets ont passé plus de dix mois à voler jour et nuit sans jamais se poser ni sur un arbre ni sur un édifice.

Cet équipement miniaturisé a aussi permis d’élucider précisément la route empruntée par les martinets pour hiverner si on peut appeler la situation ainsi car « hiverner » au Congo ou au Ghana consiste seulement à s’éloigner des rigueurs des hivers scandinaves.

Bien que nidifiant dans la même région de Suède les martinets suivent à peu près la même route lors de leur migrations en traversant l’Europe en direction de la côte méditerranéenne de l’Espagne puis l’est du Maroc. Certains d’entre eux hivernent en Guinée-Conakry et au Libéria (oiseau #4) alors que d’autres individus préfèrent le Nigeria, le Congo-Brazzaville, le Gabon ou la RDC (oiseau #3). Le dépouillement des données des enregistreurs a mis en évidence des périodes de pseudo-inactivité des oiseaux sans toutefois qu’ils se posent au sol car ils peuvent passer de longs moments sans battre des ailes en profitant des courants d’air ascendants, le jour comme la nuit. Voici un exemple de données recueillies pour l’oiseau #4 :

Capture d’écran 2016-11-06 à 18.40.36.png

En août il survole la côte espagnole. On le retrouve en novembre au sud de la Mauritanie et il passe une longue période au Libéria. À gauche les périodes de faible activité et au centre le nombre de périodes de faible activité en vol. La nidification a lieu entre le début du mois de juin et la fin du mois de juillet représentée par les traits noirs quand l’oiseau se pose au nid. Extraordinaire oiseau dont quelques secrets de sa vie peu connue viennent d’être dévoilés …

Source : Curent Biology, soi : 10.1016/Cuba.2016.09.014