On a tous quelque chose de Yamnaya en nous …

Près de 6000 ans avant l’ère commune des communautés s’installèrent dans les plaines situées au nord de la Mer Caspienne le long du cours inférieur de la Volga. Elles venaient probablement de la région appelée le Croissant Fertile dans l’actuel Irak. Et elles s’étaient déplacées avec leurs cheptels bovin et ovin. Des fouilles récentes concernant cette « civilisation » dite Yamnaya, aux carrefours de divers affluents du bassin de la Volga ont montré que ces peuples restèrent dans cette zone près de 3000 ans passant du néolithique à l’âge du bronze. L’une des particularités de ces peuples est qu’ils se déplacèrent ensuite avec des chariots tirés par des bœufs et leur nourriture constituée de produits lactés et de viande qui les suivait sur leurs 4 membres si on peut dire les choses ainsi. Le chariot à roue fut inventé semble-t-il par les Egyptiens et les Yamnayas utilisèrent cette technologie innovante pour se déplacer vers 3300 avant l’ère commune. Nul ne sait comment ils purent adopter le chariot à roue car la région où ils prospérèrent se trouve au nord du Caucase, une barrière pratiquement infranchissable pour se rendre au Moyen-Orient actuel qui connaissait à cette époque le chariot à roues. L’autre caractéristique des Yamnayas serait qu’ils parlaient une langue proto-indo-européenne venue il y a 5000 ans avant notre ère d’on ne sait pas trop où car il s’agit seulement d’hypothèses.

Lors des fouilles il a été possible de retrouver la trace des protéines présentes dans le lait de vache ou de brebis au niveau des maxillaires des squelettes inhumés dans des tombes relativement profondes favorables à une bonne conservation de ces protéines. Il s’agissait donc initialement d’éleveurs sédentaires. Les corps inhumés étaient recouverts d’ocre et cette particularité a permis de définir cette culture comme étant celle des « tombes ocrées ». Les travaux de séquençage de l’ADN mitochondrial recueilli dans les squelettes ont en outre montré que les Yamnayas eurent des contacts avec les chasseurs-cueilleurs d’Asie centrale mais également plus à l’ouest avec les populations d’Europe de la culture dite des « poteries cordées » du nom des décorations réalisées sur ces poteries à l’aide de morceaux de cordes torsadées avant la cuisson.

L’avantage que maîtrisaient ces peuples était leur mobilité. On a retrouvé leurs « traces » dans l’ADN mitochondrial depuis la Scandinavie et l’actuelle Belgique jusqu’à la Mongolie. Les haplotypes yamnayas se retrouvent en effet très présents dans l’Allemagne et le Danemark actuels. Traverser des rivières ne semblait donc pas les arrêter mais ils ne savaient pas naviguer puisque ces « traces » d’ADN sont pratiquement inexistante en Sardaigne comme en Sicile. Cette fabuleuse expansion des Yamnayas constitue un fait unique en Europe tant par sa rapidité, à peine un millénaire, que par la dissémination de l’usage des produits lactés jusqu’en Scandinavie et en Grande-Bretagne.

Source : https://doi.org/10.1038/s41586-021-03798-4 Illustration Wikipedia

Histoire de bisons

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C’est en comparant attentivement des peintures pariétales dans diverses grottes du sud de la France occupées par les hommes il y a 30 à 40000 ans que des paléontologues ont découvert que nos ancêtres avaient représenté deux espèces de bisons différentes. Or le bison d’Europe qui a échappé de justesse à l’extinction massive de la « mégafaune » qui sévit à la fin du Pléistocène à la faveur d’un changement climatique profond ne ressemble ni à celui représenté à Lascaux ni à celui peint dans la grotte Chauvet même si ces représentations sont stylisées. Ci-dessus le bison peint dans la grotte de Lascaux et ci-dessous celui peint dans la grotte Chauvet.

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Une équipe internationale allant de la Russie à l’Australie en passant par la France et l’Allemagne a voulu en avoir le coeur net. Il s’est agi de retrouver des ossements de bisons et ce fut chose faite dans l’Aven d’Arquet situé pas très loin de la grotte Chauvet mais aussi dans bien d’autres sites éparpillés dans toute l’Europe. Le séquençage de l’ADN mitochondrial tant de 38 restes d’ossements datant de 50 à 14000 ans que des bisons européens actuels a permis d’établir une sorte d’arbre généalogique du bison d’Europe actuel appelé « wisent » :

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Le bison d’Europe dont il n’existe plus aujourd’hui que quelques 4000 individus à l’état semi-sauvage résulte d’un croisement des deux espèces de bisons peints dans les grottes il y a 40000 ans environ. Il s’agit du bison des steppes, aujourd’hui disparu, ayant une sorte de crinière et de longues cornes et de l’autre bison peint dans les grottes sans trop de crinière et avec de plus petites cornes, également disparu aujourd’hui, mais dont le bison actuel d’Europe (de l’Atlantique à l’Oural) est issu. La très forte pression de sélection qui eut lieu à la fin du Pléistocène sélectionna cet hybride qui résista donc à l’extinction massive de la mégafaune européenne qui comprenait, entre autres animaux, les mammouths laineux et également des animaux apparentés aux rhinocéros.

Source : Nature communications, doi : 10.1038/ncomms13158

Des dinosaures dans les Pyrénées : ils ont laissé des traces !

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La partie méridionale de la chaine des Pyrénées renferme un trésor paléontologique qui a été systématiquement étudié par une équipe de scientifiques de l’Université Autonome de Barcelone dirigée par le Docteur Victor Fondevilla. Il s’agit de traces de sauropodes, des dinosaures géants pouvant peser jusqu’à 90 tonnes, herbivores et vivant dans ce qui était alors une savane humide densément recouverte de plantes variées. La région étudiée se trouve au sud-est de Seo de Urgel et est un assez vaste synclinal – une sorte de cuvette appelée par les spécialistes formation de Tremp – constituée de grès et de conglomérats, cuvette comblée en partie par des sédiments. Les traces de sauropodes ont été découverte tout autour de la formation géologique de grès. Ces roches ont été datée par une technique dite de paléomagnétisme et remontent pour celles où ont été retrouvées les traces de dinosaures à environ 300000 ans avant la transition crétacé-paléogène (ou crétacé-trias) qui fut provoquée par un évènement cosmique de grande ampleur conduisant à la disparition soudaine des dinosaures, en particulier ceux ayant atteint des tailles géantes qui étaient les derniers représentants de ces animaux.

Les traces retrouvées constituent donc une signature ultime de la présence des sauropodes européens.

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Cette illustration montre clairement diverses traces soit en relief soit en creux et ceci s’explique facilement dans la mesure où la surface du sol sur laquelle ont marché ces dinosaures a ensuite été recouverte d’alluvions qui au cours des dizaines de millions d’années suivantes ont été progressivement transformés en roches plus ou moins tendres selon l’activité géologique et les constituants de ces sédiments. Dans l’illustration ci-dessus les barres représentent 15 centimètres. Il s’agit donc d’espèces d’hadrosaures de taille sensiblement moins imposante que ceux qui ont aussi laissé des traces en Amérique du Nord dans le Colorado.

L’ensemble de ces empreintes de pieds de dinosaures a été reconstitué de la manière suivante :

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Plus incroyable encore est la découverte sur le même site d’une « empreinte » de peau d’hadrosaure. L’animal s’est probablement ébroué dans une rivière et a laissé cette empreinte au fond des sédiments qui ont été à la suite d’une crue recouverts d’alluvions. Les temps passants les sédiments ayant « reçu », si on peut dire les choses ainsi, cette empreinte de peau ont disparu laissant les alluvions eux-mêmes transformés en grès avec les millions d’années reconstituer l’aspect initial de cette peau comme si les temps géologiques avaient effectué un moulage :

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À quelques mètres de cette traces incroyable de peau a été découverte l’empreinte du pied d’un titanosaure, le plus grand sauropode. Il est donc possible que cette peau ait appartenu à ce genre de dinosaure, sans toutefois qu’il soit possible de l’affirmer. La barre noire représentant 5 cm il est donc facile d’imaginer que ces immenses sauriens possédaient une peau granuleuse ressemblant à celle de certains lézards d’aujourd’hui.

Sources : PlosOne, doi : 10.1371/journal.pone.0072579 en accès libre et Geological Magazine, doi : 10.1017/S0016756816000868 , article aimablement communiqué par le Docteur Fondevilla qui est chaleureusement remercié ici.