Ici, en Espagne, comme dans la majorité des pays développés les administrations ont été « informatisées » paraît-il pour améliorer leur efficacité et leurs rapports avec les citoyens moyens dont je fais partie. On aurait pu aussi s’attendre à voir le nombre de fonctionnaires se réduire au fil des départs à la retraite puisque tous ces employés de l’Etat n’étaient soudainement plus obligés de mouiller leur index pour lire les liasses de pages manuscrites ou dactylographiées dans le meilleur des cas. Avez-vous remarqué récemment dans une administration quelconque la petite éponge qui servait à se mouiller le doigt ? Non parce qu’il n’est pas nécessaire d’avoir les doigts humides pour pianoter sur un clavier d’ordinateur. Il y a quelques années j’ai essuyé un différend avec l’administration fiscale locale qui me réclamait des arriérés d’impôts sur le revenu, revenu constitué de ma modeste retraite en provenance de l’Etat français. Ce qui plongeait dans un abime de perplexité ces valeureuses employées de la province des Canaries, il y a beaucoup plus de femmes que d’hommes dans cette administration, était que ma retraite complémentaire provenait d’un organisme dont elles ignoraient l’existence.
C’est normal puisque l’administration française est tout aussi compliquée que son homologue espagnole. Tant en deçà qu’au delà des Pyrénées, selon l’endroit où on se trouve, il existe des milliers d’organismes créés pour la bonne cause, c’est-à-dire pour pourrir la vie quotidienne des citoyens. Ma caisse de retraite complémentaire, retraite constituée à titre onéreux, dépend de l’Etat. Elle est une émanation de la Caisse des dépôts et consignations. C’est donc bien un organisme étatique contrairement à Axa, Generali ou ici en Espagne Mafre et bien d’autres organismes privés. Or le code des impôts espagnol stipule qu’une retraite complémentaire provenant d’un organisme privé est imposable dès le premier centime alors que si cette retraite a été constituée auprès d’un organisme de l’Etat, français pour un expatrié comme votre serviteur, elle n’est pas imposable.
J’ai fait à nouveau une visite touristique auprès de l’hôtel des impôts de Tenerife ce mercredi puisque, apparemment, les documents que j’avais dûment fourni il y a déjà 3 ans à cette même administration ne figuraient plus dans mon dossier. Et c’est là qu’intervient l’informatisation de cette administration : un document papier disparaît car il n’y a plus d’archivage autre que ce qui figure dans le serveur de la dite administration. Les documents que j’avais fourni auparavant ont été égarés, m’a-t-on dit. Il m’est apparu que ce type d’administration ne connait pas les scanners qui justement sont faits pour archiver sous forme de zéros et de uns les documents papier. Mes chers lecteurs, si vous avez un problème avec l’administration commencez par scanner vos documents, mémorisez-les sur une clé USB et dites à votre interlocuteur de transférer ces documents directement dans votre dossier administratif informatisé. Ainsi vous ne risquerez pas de vous heurter au mur du mutisme contre le quel j’ai moi-même buté car un fonctionnaire ne reconnaîtra jamais ses erreurs.
Passons à l’informatisation dans les banques et là c’est presque hallucinant. Je suis allé un jour de pluie, pour ne pas attendre des heures pour être reçu par l’une des rares personnes encore présentes dans une banque pour faire une transaction modeste. J’arrive donc débonnaire et je pose la question rituelle : « do you speak english ? ». La réponse étant négative je rassemble le peu d’espagnol que je possède pour formuler ma demande d’achat d’une devise étrangère. Je donne ma carte d’identification nationale. Ici en Espagne un numéro comprenant 7 chiffres et deux lettres suffit à n’importe quel voyagiste, banquier, agent de la santé publique, employé d’une quelconque administration de vous identifier instantanément, c’est le progrès. J’indique à mon interlocuteur assis devant une petite table sur laquelle est posé un petit ordinateur portable que je désire acheter tel montant de devises de tel pays. Il me demande si j’ai l’ « appli » installée sur mon iPhone. Je ne comprends pas quel est le sens de sa question et je réponds que non mais que je me connecte à la banque avec mon ordinateur chez moi. Je passe donc la commande pour des devises étrangères et je rentre chez moi. Je reçois sur mon téléphone un message de ma banque qui m’indique la marche à suivre pour valider ma commande et que je ne peux effectuer cette opération que sur mon téléphone portable.
Je commence à transpirer car j’ai horreur d’utiliser mon iPhone, c’est petit, je n’y vois rien et composer un mot de passe avec ce tout petit clavier représente pour moi un véritable supplice bien que mes doigts ne soient pas particulièrement d’une taille démesurée. Il faut que je retrouve sur mon petit carnet jaune tous les identifiants et tous les mots de passe pour tenter d’effectuer cette opération. Je dois entrer le mot de passe de mon adresse mail puis le mot de passe pour avoir accès au serveur AppleStore. Je ne sais pas pour quelle raison j’ai choisi des mots de passe compliqués toujours est-il que ma vie se trouve soudainement très compliquée. Après deux tentatives infructueuses j’abandonne mon téléphone à sa solitude et je déciderai plus tard de retourner à la banque avec mon téléphone portable et mon petit carnet jaune. Je demanderai alors à l’employé de tout faire pour moi, je suis probablement trop vieux (ou trop fainéant) pour m’adapter aux nouvelles technologies.
Dans quelques mois il n’y aura même plus de billets de banque ni de cartes de crédit, on paiera tout avec son téléphone portable, les fournisseurs d’accès à internet se feront un « pognon de dingue » et, cerise sur le gâteau, les gouvernements sauront tout de nous, quels achats nous aurons effectué et où et à quelle heure ces derniers auront été payés puisque les compagnies qui gèrent les téléphones portables seront asservies par les politiciens, c’est d’ailleurs déjà le cas puisque ces mêmes entreprises font la pluie et le beau temps pour que le bas peuple élise leur candidat, comme ce fut le cas en France en 2017, mais je m’égare …