Réflexions sur le sexe et l’amour et les « Pensées » de Marc-Aurèle

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Sur l’Ogasawara maru le temps passe lentement et les opportunités de rencontre se multiplient au fur et à mesure que le bateau égrène les miles nautiques vers sa destination finale. J’ai donc engagé fortuitement la conversation avec une buveuse de saké, sa fille et son époux. Il faut pour bien comprendre la suite de mon billet situer les personnages. Une femme encore fort belle, mais il est difficile de donner un âge précis à une Japonaise, sa fille dans la trentaine fraichement divorcée et son époux souffrant d’une leucémie. Ils allaient à Chichi Jima en quelque sorte pour une pelerinage avant que ce monsieur soit définitivement effacé de la planète (voir infra la pensée de Marc-Aurèle). Cette charmante dame s’exprimant en un anglais parfait me demanda pour quelle raison je me trouvais sur le bateau et je lui répondis que nous rentrions ma femme et moi-même à la maison après une semaine de shopping effréné à Tokyo. Le saké aidant (je n’affectionne pas particulièrement cette boisson sans saveur ni odeur) les langues se délièrent progressivement et quand j’exposais pour quelle raison je me trouvais marié avec une Japonaise, comme j’ai l’habitude parfois facheuse de n’emprunter aucun détour réthorique, l’attention se concentra sur mes propos dérangeants. Il est vrai qu’en tant qu’ancien biologiste le comportement humain n’a plus trop de secrêt pour moi, encore que cette affirmation puisse paraître quelque peu arrogante, mais la discussion dériva progressivement vers le comportement sexuel des êtres humains en général, vaste sujet …

Je narrais donc ma rencontre avec celle qui allait devenir ma femme, me déclarant être amoureuse et vouloir m’épouser tout simplement après une soirée très physique qui la combla de satisfaction et de sérénité. Mon auditoire sembla offusqué par la franchise de mes propos et pour dissiper ce malaise je m’engageais alors dans un long exposé sur la nature humaine tel qu’on n’ose plus trop l’aborder dans la réalité ni en famille ni encore moins à l’école.

Au même titre que les bactéries, les insectes, les éléphants, les baleines, les plantes et les algues ou les coraux, nous sommes sur cette terre pour nous reproduire et perpétuer l’espèce, l’espèce humaine en ce qui nous concerne. Le sexe occupe donc une position centrale dans notre vie et il est impossible de le nier. Nous sommes programmés pour transmettre nos gènes lors du passage obligé de la copulation comme les bactéries s’unissent à l’aide de cils spécialisés, comme certains insectes mâles n’hésitent pas à détruire l’intégrité physique de leur femelle en la perforant littéralement avec leur sexe ressemblant à un tire-bouchon sachant qu’elle mourra après avoir pondu ses oeufs, comme les tortues qui ont inventé au cours de l’évolution des pénis invraisemblables pour pouvoir s’accoupler durablement dans l’eau, comme ces araignées dont le représentant mâle craint pour sa vie risquant d’être proprement dévoré par sa douce après l’avoir pénétrée, ou les baleines obligées d’accepter en elles un gigantesque pénis sans vraiment en éprouver un quelconque plaisir, d’ailleurs on ne leur a jamais demandé en termes intelligibles.

Bref, la conversation aborda l’interaction entre le sexe et l’amour, vaste sujet aussi surtout si on place volontairement des oeillères dans la réflexion afin de contourner tous les tabous éducationnels et religieux auxquels nous avons été tous soumis depuis notre plus tendre enfance y compris les Japonais. Parler de sexe est interdit, en japonais « damé », interdit, proscrit, alors que les sex-shops et les bars interlopes fleurissent à Tokyo.

Quelle ne fut donc pas la stupeur de mon interlocutrice lorsque je lui contais mon histoire récente. Après plusieurs jours d’hésitations réciproques, celle qui allait finalement devenir ma seconde épouse se décida à me visiter un soir dans la chambre que j’occupais dans cette petite pension d’Ogasawara Village. Sur la base d’une première relation sexuelle parfaitement réussie, le sentiment amoureux qui s’ensuivit n’étant qu’une résultante du fonctionnement de notre cerveau monstrueux qui manifeste ce pouvoir unique dans le règne animal d’être capable de réaliser des raisonnements déductifs, elle décida de me demander en mariage sans toutefois omettre d’envisager de vérifier si cette « première fois » n’était pas un mirage ou un rêve, ce qui fut fait le lendemain et les jours suivants.

Je m’explique, même si je risque de passer pour un horrible fallocrate. L’amour entre une femme et un homme procède du sexe bien vécu, en d’autres termes sans sexe consenti et partagé avec satisfaction mutuelle l’amour n’a aucune signification et dans la même veine, le sexe répétitif sans amour et uniquement pour le sexe devient vite dénué de tout attrait et finit par ternir cette relation uniquement physique. Notre cerveau, dont nous sommes dépendants sans en être conscients, nous joue un terrible tour en nous emprisonnant dans une sorte de cercle vicieux dans lequel nous nous retrouvons dans le quotidien : sexe et amour, amour et sexe, mais ce comportement est purement dicté par nos instincts de reproduction de notre espèce qui échappent à notre contrôle.

Mon interlocutrice (à bord de l’Ogasawara maru) se rendit compte que je tenais des propos nouveaux pour elle car elle n’avait jamais envisagé la situation sous cet angle, l’interaction indissociable entre sexe et amour, et elle me qualifia d’obsédé sexuel, superbe qualificatif très facile à formuler quand on n’a pas d’autres arguments à avancer dans une conversation pourtant amicale, ouverte et dénuée de toute arrière pensée. La fille de cette charmante dame, fraîchement divorcée je le rappelle, dut se poser de sérieuses questions existentielles car elle m’écoutait avec fascination.

Pour en rajouter une couche épaisse à dessein en parfaite conformité avec mes propos le plus souvent dérangeants je me hasardais à citer Marc-Aurèle dans la direction telle que je l’avais expérimenté une multitude de fois dans ma vie passée, à savoir que les femmes deviennent amoureuses après une relation sexuelle réussie en vue de garder le mâle reproducteur non seulement capable de leur donner du plaisir, ce que les félines, lionnes et autres chattes domestiques, affectionnent particulièrement, mais également de transmettre ses gênes à une descendance tout aussi réussie, l’un étant lié à l’autre. Ce comportement fugitif et instinctif de l’homme, de par sa nature qui lui est imposée physiologiquement est fabuleusement décrit par Marc-Aurèle dans sa 21e pensée du livre IV destinée à lui-même au sujet de la fuite de la vie qu’il faut remplacer et que je reproduis ci-après.

Marcus Aurelius Antoninus, de la dynastie des Antonins fut empereur romain de 161 à 180 de notre ère. Il fut confronté à l’avènement du christianisme, un genre de mouvement à la Greenpeace supposé bouleverser le monde des impies qui adoraient une multitude de divinités tout comme Greenpeace dénonce le dieu de l’énergie et du développement, le dieu des OGMs et les mauvais dieux du CO2 et de l’uranium. En tant que philosophe stoïcien et de surcroit empereur Marc-Aurèle se distingua par ses écrits, ses Mémoires malheureusement perdues, mais aussi ses Réflexions qu’il notait à la manière d’un Montaigne ou encore d’un Pascal, un peu ce qui lui passait dans la tête et qu’il considérait comme susceptible d’être transmis aux générations futures. Voici donc ce texte de Marc-Aurèle qui décrit l’implacable destinée de l’homme.

« Si les âmes survivent, comment depuis l’éternité l’atmosphère peut-elle les contenir ? Et comment la terre peut-elle contenir les corps qu’on y ensevelit depuis si longtemps ? De même qu’ici-bas la transformation et la décomposition des corps, après un certain temps, fait de la place aux autres, de même les âmes lâchées dans l’atmosphère, au bout d’un moment, se transforment, se répandent et s’embrasent dans l’universelle raison génératrice et ainsi reprises, font de la place aux suivantes. Voilà ce qu’on pourrait répondre dans l’hypothèse de la survivance des âmes. Et pour les corps, il ne faut pas seulement compter ceux que l’on enterre mais aussi les animaux que nous et les autres espèces mangeons chaque jour. En effet, bon nombre d’êtres vivants sont consommés et pour ainsi dire ensevelis dans les corps de ceux qui s’en nourrissent ; et cependant, en transformation en sang, en air ou en feu, ils sont assimilés. Quelle est la voie de la vérité sur ce point ? C’est la distinction entre la matière et la cause formelle. »

Brillante réflexion sur la destinée de l’homme qui se trouve être recyclé et ce destin implacable explique avec clarté quel est notre devoir : perpétuer notre espèce quoiqu’il nous en coûte, copuler et recopuler. Voilà la signification de notre comportement basique relatif à notre nature tout aussi basique qu’est notre activité sexuelle, n’en déplaise aux pudibonds, aux moralistes et d’une manière générale aux faux-culs (sans jeu de mots) qui n’ont cure de l’importance du sexe dans la vie de tous les jours, un comportement essentiellement instinctif, et il est encore ici bien venu de le rappeler, qui, parce que nous possédons un cerveau capable de raisonnements déductifs, conduit à ce que l’on appelle l’amour, d’une certaine manière pour transcender ce comportement sur lequel nous n’avons que peu de maîtrise.

Après cette discussion arrosée de saké je fus traité d’obsédé sexuel, la suprême injure alors que j’ai toujours cherché en priorité la satisfaction de mes partenaires féminines au risque, souvent, d’être moi-même frustré à l’issue de ces ébats simulacres de reproduction qui ne devenaient qu’une lancinante mécanique répétitive quand l’amour était absent. Dans ce cas, je l’admets, je pouvais être taxé d’obsédé du bas-ventre, mais comme le remarque Marc-Aurèle dans ses Pensées, Livre IV, pensée 13, « l’accouplement (est) un frottement de bas-ventres et une excrétion de sperme accompagnée d’un spasme », une définition qui convient à tellement de personnes qu’elle en est démoralisante !

En conclusion de ce récit un peu décousu, nous sommes, nous humains, confrontés à nos instincts de perpétuation de nos gènes et le sexe n’est qu’une manifestation de ces instincts qu’heureusement nous transformons en sentiments durables appelés amour entre une femme et un homme mais encore une fois l’amour sans sexe n’est qu’une chimère et le sexe sans amour un comportement sans issue.

Je conseille à mes fidèles lecteurs de se plonger dans la relecture des Pensées de Marc-Aurèle dont certaines furent pour moi la source de tourments avec mon gros Gaffiot lors de ces versions latines redoutées qui formèrent mon esprit à la logique quand j’étais jeune adolescent …

Manger des yaourts, bénéfique pour la santé ? Non, aucun effet !

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Malgré le battage médiatique et marketing du bienfait de la consommation régulière de yaourts, alors qu’aucune étude sérieuse n’a jamais été réalisée par aucune des grandes sociétés de l’agro-alimentaire qui commercialisent des centaines de yaourts de toutes les couleurs et pour tous les goûts, il se trouve qu’une équipe d’empêcheurs de tourner en rond s’est penchée sur la question et la réponse est sans appel, manger un yaourt par jour voire plus ne présente aucun effet bénéfique pour la santé physique ou mentale.

L’étude exhaustive a été conduite par une équipe de la faculté de médecine de l’Université autonome de Madrid dirigée par le Docteur Esther Lopez-Garcia sur 4445 personnes âgées de 18 ans et plus pendant près de 4 ans consommant au moins un yaourt par jour, entre 1 et 5 par semaine ou aucun yaourt. Tous les sujets étudiés étaient en bonne santé, non fumeurs et leur régime alimentaire était de type « méditerranéen ». Des tests variés ont été effectués sur ces personnes pour déterminer leur état de santé général ainsi que pour évaluer leur bien-être psychologique selon des critères internationalement reconnus tels que le SF-12 Health Survey ( http://en.wikipedia.org/wiki/Quality_of_well-being_scale ). Le résultat est tombé tel un couperet : « La consommation régulière de yaourts n’a aucun lien direct ou indirect avec la qualité de vie liée à la santé (HRQL ou Health Related Quality of Life) ».

Le yaourt enrichi en bactéries lactiques variés et entrant dans la catégorie des probiotiques est donc (encore une fois) une grosse arnaque commerciale nullement étayée par une quelconque étude scientifique sérieuse en dehors de vagues présomptions largement diffusées par les professionnels du secteur. Le lait entier constitue en lui-même un apport de calcium et de vitamines et le yaourt n’apporte aucun avantage intrinsèque sinon au niveau des profits réalisés par le secteur industriel concerné. Il serait grand temps que les régulateurs et les instances gouvernementales évaluent à l’aide de critères objectifs et indépendants les diverses propriétés des aliments sur la santé et ceci scientifiquement selon les directives de l’AFSA (no. 1924/2006). En effet, toutes les études, fragmentaires et incomplètes relatives aux bénéfices du yaourt et des probiotiques lactés sur la santé ont été financées par des parties professionnellement concernées. Quand on sait qu’un kg de yaourt coûte au détail entre 4 et 9 fois plus qu’un litre de lait, on saisit vite l’intérêt commercial de ces promotions mensongères …

Bon appétit !

Sources : http://www.agenciasinc.es/en , DOI: 10.1016/j.jand.2014.05.013 , illustration Wikipedia

La bonne (et la mauvaise) humeur est contagieuse : par la transpiration !

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Nous recevons des signaux chimiques, visuels et sonores de notre entourage. Naturellement quand nous nous trouvons dans une configuration, dirons-nous, plus intime ces signaux relèvent du toucher, de l’odorat ou encore du goût, par exemple lors de l’échange de caresses ou de baisers. Cependant, au cours de notre évolution, nous avons perdu certains sens comme l’organe voméronasal qui n’est plus qu’un vestige datant de nos lointains ancêtres primates. L’acuité de notre odorat a également dégénéré si l’on peut décrire la situation ainsi. Nous sommes donc limités dans nos possibilités de communication primale mais nos terminaisons nerveuses restent de manière vestigiale sensibles à certains signaux chimiques que l’on a très bien décrit dans certaines situations. Par exemple les phéromones sexuelles exsudées sont toujours détectées par notre sens de l’odorat bien que nous n’en ayons nullement conscience. La sueur n’a pas le privilège de signaler que nous risquons de conduire en état d’ébriété (voir un précédent billet), elle n’est pas non plus seulement révélatrice d’éventuels dérangements métaboliques ou d’abus d’aliments fortement émetteurs de substances volatiles, il y a aussi dans la sueur des substances qui permettent de transmettre à notre proche entourage l’état de notre statut émotionnel. Nous produisons, selon une étude parue dans le journal de l’Association for Psychological Science, des substances qui se retrouvent dans notre sueur et que d’autres personnes sont susceptibles de détecter : nous leur transmettons notre bonne (ou mauvaise) humeur !

Des travaux ont montré que les émotions négatives liées au dégout et à la peur sont communiquées par la sueur par l’intermédiaire de signaux chimiques mais peu d’études se sont concentré sur le même type de signalisation en ce qui concerne les émotions positives. Le Docteur Gün Semin de l’Université d’Utrecht aux Pays-Bas a montré que lorsque l’on est exposé à la transpiration de personnes émotionnellement heureuses cet état devient « contagieux » en quelque sorte comme le fou-rire se répand par contagion. Souvenons-nous de cette fameux scène du film d’Hitchcock « North by North-West » (en français La Mort aux Trousses si je me souviens bien) qui se déroule dans un ascenseur. Cary Grant joue contre son gré le rôle d’un agent de la CIA. Il est accompagné par sa mère qui se met à rire de l’histoire invraisemblable que lui narre son fils (Cary Grant, Roger O Tornill dans le texte) poursuivi par deux sanguinaires tueurs présents dans la cabine de l’ascenseur. Elle commence à rire et ce rire se communique à toutes les personnes présentes dans cet ascenseur y compris aux deux tueurs. On peut analyser cette scène d’anthologie du cinéma de grande qualité des années cinquante-soixante selon les hypothèses du Docteur Semin, le rire ou l’émotion positive est communicatif et ce d’autant plus dans un espace confiné comme celui d’une cabine d’ascenseur.

Il fallait tout de même démontrer sans ambiguité que la sueur est bien le véhicule de cette transmission « contagieuse » de la bonne humeur et pour ce faire Semin et ses collaborateurs ont étudié si la sueur prélevée sur des personnes heureuses pouvait avoir une influence sur l’état émotionnel d’autres individus. Ils ont fait appel à 12 volontaires de sexe masculin non fumeurs, exempts de tout traitement médical et de désordres psychologiques de quelque nature que ce soit. Durant la durée du test ils ne devaient pas boire d’alcool, ne pas avoir de relations sexuelles ni d’exercices physiques intenses et ne pas manger de nourriture excessivement odoriférante. Les « donneurs de sueur » arrivèrent au laboratoire du Docteur Semin, rincèrent et séchèrent leurs aisselles contre lesquelles on appliqua des couches de gaze adsorbante. Ils revêtirent des tee-shirts propres et se tinrent assis durant la durée du test. On leur demanda de regarder des video-clips dont la finalité était d’induire chez eux un état émotionnel particulier de peur, de joie ou au contraire neutre. Ils étaient également censés noter implicitement leur état émotionnel en regardant par exemple des caractères chinois ou d’autres images. On ôta les compresses ayant absorbé leur sueur et celles-ci furent stockées dans des flacons.

Pour la seconde partie de l’expérience, on recruta 36 femmes de type européen en bonne santé sachant que les femmes ont un odorat plus sensible que celui des hommes et sont également plus sensibles aux émotions que ces derniers. L’étude fut conduite en double aveugle de telle manière que ni les membres du laboratoire ni les participantes ne pouvaient disposer d’information sur les échantillons de sueur qui seraient présentés au moment de l’expérience. On leur demanda de s’asseoir et de poser leur menton sur un repose-menton leur faisant face. Les flacons contenant les échantillons de sueur furent placés sur un plateau devant le repose-menton. À chacune des femmes on présenta un échantillon correspondant à la « joie », la « peur » ou à la réaction « neutre » tel que précédemment décrit avec des intervalles de 5 minutes entre chaque exposition aux échantillons de sueur. Sachant que la première partie de l’expérience avait confirmé que les vidéo-clips avaient influencé l’état émotionnel des participants masculins, ces émotions étaient-elles transmissibles aux participantes au cours de cette deuxième partie de l’expérience alors qu’on leur montrait des vidéo-clips du même type que ceux utilisés lors de la première partie de l’expérience ?

L’examen minutieux de la face des participantes indiqua qu’effectivement les échantillons de sueur induisaient une réaction caractéristique de la peur quand on leur présentait l’échantillon de sueur correspondant. Les muscles médio-frontaux commandant le mouvement des sourcils étaient beaucoup plus sollicités. En revanche les échantillons correspondant à de la joie entrainaient une plus forte activité des muscle faciaux impliqués dans le sourire dit de Duchenne en formant les pattes d’oie caractéristiques du sourire de chaque côté des orbites oculaires, une caractéristique de la manifestation de la joie ou de la satisfaction. L’intensité des signaux émis par la sueur ne put pas être exactement quantifiée. D’autres observations indiquèrent que les femmes soumises aux échantillons de sueur correspondant à la « joie » réagissaient de manière plus constructive aux stimuli visuels que l’expérimentateur leur présentait. Mais l’épreuve des caractères chinois ne fut pas concluante, ce qui tendrait à montrer que les échantillons de sueur, dans ce dernier cas, n’ont pas d’influence sur l’était émotionnel implicite.

Ces résultats, quoique préliminaires, indiquent que l’on communique notre état émotionnel positif ou négatif à l’aide de signaux chimiques suffisants pour produire une réaction dans notre entourage, une contagion de notre état émotionnel. Et les retombées peuvent être surprenantes en particulier pour les industriels de l’odeur qui pourraient mettre au point un parfum (ne sentant rien du tout) communiquant de la bonne humeur. Reste naturellement à déterminer la nature des molécules chimiques contenues dans cette sueur puis à étudier en détail leur effet neurologiques. On peut imaginer toutes sortes d’applications possibles, d’ailleurs plus ou moins orwelliennes, pour influencer l’état d’esprit de tout un chacun. L’une d’entre elles venant à l’esprit serait la mise en condition d’un train entier de voyageurs à l’heure de pointe du matin pour qu’ils commencent leur journée de travail de bonne humeur et dans la joie. Mais on peut aussi imaginer le contraire comme conditionner des foules à l’agressivité et au mécontentement et tout cela à l’insu de chacun car ces molécules volatiles inodores sont probablement faciles à synthétiser. Des retombées d’une expérience apparemment simple pouvant aboutir à l’asservissement de populations entières, de la fiction devenue bientôt une réalité …

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Source : Association for Psychological Science. Il est intéressant de noter que ce travail a été en partie soutenu par Unilever.

Brève Chronique Japonaise : élections locales

À Suginami (Tokyo ouest) ce dimanche est un jour d’élections locales et il y a plus de 70 candidats pas tous présentés par des partis. Toute la semaine les dizaines de milliers d’usagers de la station de train et de métro d’Ogikubo ont été agressés par le bruit des orateurs dans la rue bonimentant le chaland au sujet de leurs mérites personnels. L’indifférence notoire de ces passants ne laissait pas présager la réaction nette et franche de ma belle-fille qui, avant de partir en vélo au bureau de vote a déclaré en parlant du candidat de Shinzo Abe : « je ne voterai pas pour un candidat supporté par quelqu’un qui veut envoyer mon fils à la guerre » parlant de mon petit-fils. Réviser la Constitution japonaise pacifiste, imposée par les Américains vainqueurs de la guerre, a donc une conséquence intergénérationnelle inattendue … Si toutes les femmes du monde s’unissaient en un mouvement planétaire contre la guerre !

L’alcootest intelligent et connecté

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Dans les pays ayant institué une alcoolémie « zéro » au volant on grand progrès dans la prévention vient d’être franchi par un groupe d’étudiants de l’Institut de Technologie de Cintalapa dans le Chiapas au Mexique. Il fallait y penser et ils l’ont fait : des détecteurs d’alcool sur le volant des voitures qui en cas de réponse positive neutralisent le démarreur de la voiture ! Plus besoin d’alcootest et comme on transpire de l’alcool, que la technologie de détection existait, il suffisait de réunir plusieurs petites astuces pour arriver à ce gadget inattendu et d’une redoutable efficacité : si on a bu un verre de bière, c’est bon, la voiture ne peut pas démarrer. Naturellement ce genre de progrès technologique ne peut s’appliquer que dans les pays où la tolérance zéro est appliquée sévèrement comme par exemple en Suède ou au Japon. Les statistiques mexicaines indiquent que 77000 accidents dus à l’excès d’alcool au volant sont répertoriés chaque année, soit 4 accident chaque heure. Autant dire que le gouvernement a immédiatement encouragé ce projet. Des détecteurs se trouvent sur le volant, le levier de vitesse et le dossier du siège du conducteur. L’installation électronique analysant les signaux des détecteurs comporte une géolocalisation et une application pour téléphones mobiles qui peut envoyer un signal à la famille ou à des amis en indiquant la position du véhicule ainsi immobilisé. Quelqu’un peut alors « venir au secours » du conducteur … Une start-up vient d’être créée avec l’appui du gouvernement de l’Etat du Chiapas pour le développement commercial de cet ingénieux système qui a aussi l’avantage d’être simple et peu coûteux, n’importe qui peut l’installer lui-même, en quelque sorte un système d’alarme dédié à la détection d’alcool à utiliser sans modération. Gageons que ce projet va rencontrer un immense succès tout en rendant les alcootests obsolètes.

Source et illustration : http://www.invdes.com.mx

Japon : Le Maglev bat le record mondial de vitesse ferroviaire !

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La société japonaise de chemins de fer JR vient de franchir un pas le 21 avril 2015 dans la vitesse ferroviaire en atteignant 603 km/h sur une ligne expérimentale située entre Uenohara et Fuefuki (préfecture de Yamanashi) à l’ouest de Tokyo. Il s’agit de la première ligne de chemin de fer, mais le terme n’est plus approprié, en lévitation magnétique avec une rame en vraie grandeur. Le 20 avril ce train avait atteint la vitesse déjà inégalée de 590 km/h.

Il faut faire ici quelques petits rappels historiques. Le Japon est le premier pays à avoir mis en place une ligne de trains à grande vitesse entre Tokyo et Osaka l’année des jeux Olympiques de Tokyo en 1964. Cette ligne Shinkansen, littéralement « ligne de nouveau train » est la seule ligne à grande vitesse dans le monde avec celle reliant Paris à Lyon en France qui soit rentable. Même au Japon, les autres liaisons « Shinkansen » sont déficitaires. Le Japon est donc le premier pays du monde à détenir ce record de vitesse avec un train qui n’est plus vraiment un train roulant sur des rails mais un véhicule futuriste sustenté par un champ magnétique et n’offrant donc aucun contact mécanique avec la ligne elle-même. L’entreprise française Bertin, innovante dans de nombreux domaines, avait tenté ce même type d’approche mais elle resta lettre morte …

Alsthom devenu Alstom si ma mémoire est exacte n’a jamais réussi à vendre son train à grande vitesse à d’autres pays qu’à « son » client captif la SNCF. On voit donc qu’une entreprise largement contrôlée par l’Etat et n’ayant que l’Etat comme client ne peut s’aventurer dans l’inconnu comme l’a tenté avec succès la JR, soutenue, certes, par l’Etat Japonais mais restant une entreprise de service public à capitaux largement privés, ce qui n’a jamais été le cas de la SNCF en France depuis sa nationalisation ayant conduit à un pourrissement de l’intérieur par des syndicats plus politiques que professionnels ayant gangrené toute initiative industrielle innovante, au mépris de tout rentabilité économique avec un service public dégradé et c’est bien dommage.

Comme je le mentionnais dans un précédent billet le Japon est déjà dans le futur quoiqu’on en pense dans la petite lorgnette européenne. Prudents, les Japonais n’envisagent une exploitation commerciale du Maglev qu’à l’horizon 2027. En effet la construction des lignes nécessitera un investissement pharaonique et cet investissement ne pourra être que très progressif. Longue vie à la JR !

Source et illustration : Kyodo News

Médecines alternatives et cancer : une catastrophe !

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Ne parlons même pas de ces charlatans notoires qui prescrivent des herbes pour soigner un cancer, c’est presque trivial. Mais il y a presque pire dans le genre de l’engouement d’un certain public assourdi et lobotomisé par de véritables campagnes publicitaires pour à tout prix se gorger de suppléments alimentaires pour promouvoir une meilleur santé générale. On trouve tout et n’importe quoi dans ce registre et le nombre d’échoppes spécialisées dans ce commerce hautement lucratif fleurit à tous les coins de rue. Il n’y a pratiquement aucun contrôle, tout ce business est basé sur deux principes, la bonne foi des clients et leur inaptitude totale à se forger une opinion raisonnée sur les produits qu’ils achètent pour leur bien-être.

Il y a une vingtaine d’années la vogue était que les fruits et les légumes, sources de vitamines et de sels minéraux, étaient excellents pour la santé, ce qui est d’ailleurs vrai en un sens. De nombreuses études furent entreprises pour promouvoir les régimes riches en fruits et légumes car certaines d’entre elles montrèrent une légère diminution de l’apparition de cancers. Il n’en fallut pas beaucoup plus pour que les doctes représentants de la médecine alternative en déduisent que se bourrer de pilules contenant une panoplie de vitamines ne pouvait qu’être bénéfique pour prévenir certains cancers parmi les plus fréquents comme ceux du colon, du sein ou des poumons. On y ajouta une petite couche de propagande démagogique en relatant d’autres études qui montraient que ces mêmes régimes enrichis en « produits naturels » étaient également efficaces pour diminuer les risques cardiovasculaires. Le Docteur Tim Byers de l’Université du Colorado a voulu en avoir le cœur net pour reprendre une expression bien connue qui n’a rien de scientifique et comme certains résultats étaient prometteurs avec des animaux, il a mis en place une étude qui a duré dix années impliquant des dizaines de milliers de patients à qui on avait prescrit des suppléments « alimentaires » ou des placebos. Cette étude révéla le contraire de ce que l’on espérait ! Non seulement les suppléments vitaminiques étaient inefficaces mais une proportion loin d’être négligeable de patients suivis au cours de ces dix années développèrent plus de cancers que les patients examinés avec placebos. Les suppléments alimentaires contenant de la beta-kératine étaient même plutôt favorables au développement de maladies cardiovasculaires et de cancers du poumon.

L’ajout de beta-kératine dans ces potions magiques est d’ailleurs complètement inutile car l’organisme n’a pas besoin de ce produit et on est en présence d’un exemple évident de charlatanisme. La beta-kératine ne se trouve que dans les plumes des oiseaux ou encore les écailles de tortues et nous ne sommes ni des oiseaux ni des tortues. Dans le même genre la gelée royale ne nous fera jamais pousser une paire d’ailes dans le dos mais amincira simplement notre porte-monnaie, nous ne sommes pas des abeilles.

L’acide folique (vitamine B9 ou acide ptéroyl-glutamique) un autre supplément très populaire en médecine « marginale » et censé diminuer l’apparition de polypes intestinaux s’est révélé avoir l’effet inverse. D’après Byers, ce sont les surdosages qui sont en cause car les adeptes des compléments nutritionnels finissent par ne plus croire en la validité de ces derniers alors ils considèrent que quelques milligrammes de ceci ou de cela ne sont pas suffisants et ils endommagent finalement leur santé en s’administrant, sans aucun contrôle médical, des quantité massives, inutiles et toxiques de produits dont la pureté et la qualité ne sont pas non plus contrôlées.

Une posologie adaptée ne peut pas être dangereuse si les produits en question répondent à des critères de qualité adaptés, mais après tout une bonne alimentation équilibrée n’a pas de substitut. Ces travaux ont été présentés au dernier Forum de l’Association Américaine de Recherche sur le Cancer et les conclusions de l’ensemble de la journée consacrée à ces suppléments alimentaires fut que ces derniers sont plus mauvais pour la santé que bénéfiques. Qu’on se le dise …

Source : University of Colorado Cancer Center

Le paracétamol pour être zen, qui l’eut cru !

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Il est bien connu que quand on a une poussière dans l’oeil la moindre contrariété est amplifiée au point qu’on peut devenir irascible. Une petite douleur nous rend plus sensible aux émotions. C’est le cerveau qui gère nos réactions et nous devons faire preuve d’une grande maîtrise de nous-même pour dominer nos réactions. D’ailleurs ces émotions peuvent être positives ou négatives, c’est selon. Le centre de gestion des émotions se trouve être le système limbique. Mais le système limbique, en d’autres termes tout ce qui se trouve à l’intérieur du cortex cérébral, gère aussi la douleur, signal provenant le plus souvent du tronc cérébral car le cerveau lui-même est indolore. C’est schématique et un spécialiste dirait que j’écris n’importe quoi mais si on entre dans les détails, le cerveau étant un organe tellement complexe, on ne comprend plus rien. Toute cette introduction pour discourir du paracétamol ou acétaminophene, l’analgésique le plus populaire et le plus vendu dans le monde.

Le paracétamol agit assez rapidement sur la douleur et son mode d’action est, encore schématiquement, supposé stopper les signaux indiquant une douleur remontant du tronc cérébral vers le cerveau mais après avoir été couplé à de l’acide arachidonique, modification qui le rend plus activement analgésique. Et quand on soulage une douleur, on devient également moins sensible aux émotions négatives. Si cela paraît logique, il n’en est pas de même de l’autre effet du paracétamol qui amenuise également les émotions positives et … la perception du plaisir.

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Difficile à croire et pourtant une étude parue dans le journal Psychological Science tend à prouver que les choses se passent ainsi. Le paracétamol aurait-il donc plusieurs modes d’action, l’un au niveau de la transmission du signal de la douleur et l’autre au niveau du système limbique ? Et comment le prouver ou du moins obtenir quelques indications sur ces mécanismes, tout simplement en effectuant des tests simples sur un nombre de personnes suffisant pour être certain que le résultat final est encourageant pour une recherche plus approfondie.

Le Docteur Geoffrey Durso, un psychologue de l’Université de l’Ohio, a donc demandé à 82 étudiants en bonne santé et ne souffrant d’aucune douleur de prendre 1 gramme de paracétamol pour la moitié d’entre eux et un comprimé ressemblant à celui contenant le paracétamol mais inactif, le placebo. Une heure plus tard, le temps que le paracétamol soit actif sous forme d’ester d’acide arachidonique, le test a consisté à montrer à chaque personne une série de 40 photos choisies pour entrainer de fortes réactions émotionnelles, du genre des photos d’enfants mourant de faim ou au contraire très bien portants et heureux et jouant avec leur petit chat. On a demandé aux étudiants de classer les photos de – 5 pour les plus négatives à + 5 pour les plus positives au niveau émotionnel. Puis on leur a demandé d’examiner à nouveau les photos et de les classer à nouveau de 1 à 10 selon leur niveau émotionnel.

Les membres du groupe ayant reçu du paracétamol ont systématiquement noté comme moins négatives les photos suscitant pourtant une émotion dérangeante et moins positives les photos « joyeuses », en quelque sorte un nivellement des émotions. Il est certain que les différences entre groupe placebo et groupe paracétamol n’étaient pas immenses, loin de là, mais le résultat laisse clairement entrevoir que cette molécule chimique agit également sur le système nerveux central. Autrement dit quand on s’administre de bonnes doses de paracétamol on devient zen et tout vous coule dessus comme de l’eau sur les plumes d’un canard. Avis aux émotifs, mais pas d’excès non plus …

Source : http://pss.sagepub.com/content/early/2015/04/09/0956797615570366.abstract

Du nouveau dans la résistance aux bactéries pathogènes : le cas des Indiens Yanomami

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C’est une très intéressante découverte, qui plus est inattendue, qui a été réalisée par une large collaboration entre diverses universités et institutions de recherche américaines et l’Université Centrale du Venezuela à Caracas. Les Indiens Yanomami vivent dans les régions montagneuses de la forêt amazonienne du Vénézuela et n’ont que très peu de contacts avec le monde que nous qualifions de civilisé. Ce sont des chasseurs-cueilleurs comme nos très lointains ancêtres l’étaient encore il y a plus de 6000 ans, avant l’apparition des premières tentative d’agriculture qui bouleversèrent les modes de vie. Les Yanomami sont en effet des nomades car leur mode de vie les y obligent dans la mesure où il ne leur est pas permis d’épuiser le gibier ou de sur-exploiter les plantes et racines comestibles dans un endroit donné. Les écologistes diraient qu’ils pratiquent une économie cent pour cent renouvelable, mais ce n’est pas le sujet de ce billet. L’occidentalisation du monde dans lequel nous vivons a progressivement modifié notre relation, disons intime, avec les bactéries qui vivent sur nous et à l’intérieur de notre corps. Non seulement l’alimentation a déséquilibré ce qu’on a coutume d’appeler maintenant notre microbiome et l’utilisation relativement récente d’antibiotiques a contribué à ce déséquilibre. Or une interaction équilibrée entre notre organisme, du moins la peau, les orifices naturels et leurs muqueuses et les intestins, est importante pour préserver l’ensemble de notre physiologie y compris nos réponses immunitaires, notre homéostase métabolique et même notre comportement. On pratique ainsi depuis peu des transplantations de « microbiote » pour rééquilibrer l’état physiologique de certaines personnes. Ce qui a été découvert chez ces Indiens est tout à fait surprenant et mérite qu’on s’y attarde tant les développements envisageables sont porteurs d’une multitude d’espoirs pour la médecine.

Les Indiens Yanomami habitent dans des contrées qui ne sont toujours pas cartographiées précisément et n’ont aucun contact durable avec l’extérieur et ils ont un style de vie qui ne les a jamais exposés aux antibiotiques. Ils ont donc développé leurs propres défenses. On sait que des bactéries résistantes aux antibiotiques modernes existaient déjà en des temps reculés par analyse du génome de certaines bactéries retrouvées dans des dents de nos lointains ancêtres. Il s’agit de gènes codant pour des enzymes préexistants qui ont évolué au cours du temps pour produire de véritables machines à détruire les nouvelles molécules inventées dans les laboratoires. L’analyse de prélèvements effectués dans la bouche, les mains et les selles d’une vingtaine d’habitants d’un village encore inconnu de la haute vallée de l’Orénoque et tout à fait stupéfiant. Les analyses ont été effectuées comme c’est devenu une routine par séquençage de l’ARN ribosomal 16S et comparées avec ce qui existe dans les banques de données de séquences. Il se trouve que les bactéries prélevées présentent la diversité la plus élevée qu’on n’ait jamais encore rencontré pour la peau et les selles dans le monde depuis la généralisation de cette technique rapide et très fine de taxonomie. Pour ce qui concerne les bactéries intestinales des Yanomami il a été observé une grande richesse en Prevotella mais une pauvreté d’espèces du genre Bacteroides comme les Indiens Guahibo et des peuplades de chasseurs-cueilleurs du Malawi. En ce qui concerne les bactéries retrouvées dans la sphère buccale peu de différences avec un Américains lambda ont été notées et pour la peau les bactéries dominantes se sont trouvées être des staphylocoques, des corynébactéries, des neisseria et des propionibactéries, toutes connues pour leur pouvoir pathogène. Encore plus intéressant, parmi les souches d’E.coli identifiées toutes étaient sensibles à 23 antibiotiques testés au cours de cette étude mais 24 autres étaient résistantes à 8 antibiotiques, une résistance essentiellement conséquente à une sur-expression d’un gène particulier. Ces populations n’ont jamais été en contact avec un quelconque antibiotique tel que ceux utilisés dans le « monde civilisé » et pourtant les bactéries étudiés quant à leur génome possédaient les informations génétiques – et donc l’équipement enzymatique correspondant – pour prendre en charge efficacement les antibiotiques de dernière génération, nommément les céphalosporines et un monobactam.

Comment donc se développe cette résistance aux antibiotiques puisque ces Indiens Yanomami n’ont jamais été en contact avec des molécules dont l’inefficacité pose de réels problèmes ? Et comment ces mêmes personnes sont insensibles à des bactéries qui ravageraient des populations entières dans le monde évolué dans lequel nous vivons ? La réponse se trouve très probablement, selon les résultats de cette étude, dans l’extrême diversité, pour ne pas dire exotique (ce serait d’ailleurs un terme parfaitement approprié), de leur flore bactérienne commensale. Il semblerait dans une première approche que l’explication puisse se trouver dans la diversité du régime alimentaire car, à l’évidence, les chasseurs-cueilleurs ne mangent pas tous les jours les mêmes aliments. Un autre résultat intéressant de cette étude concerne la similarité étrange entre les flores bactériennes buccales de ces Amérindiens et les Américains – sans jeu de mots – qui a priori ne trouve pas d’explication. Pourtant, si les Yanomami ne se brossent pas les dents énergiquement plusieurs fois par jour mais se limitent à quelques gargarismes avec l’eau d’une rivière voisine, ils ont l’habitude de chiquer du tabac dès le plus jeune age ! Peut-être est-ce un indice de la faible diversité de leur flore bactérienne buccale.

L’intérêt de cette étude provient aussi du fait que les Yanomami sont restés isolés du monde pendant plus de 11000 ans, c’est-à-dire depuis l’arrivée de leurs ancêtres en Amazonie. Des divergences génétiques des bactéries seront nécessairement observées car en supposant un temps de doublement d’environ une heure pour les bactéries il y eut depuis cet isolement 100 millions de générations bactériennes sans beaucoup de migrations au sein de cette petite communauté contrairement à ce qui se passe dans le monde occidental. Il s’agit en quelque sorte d’une archive unique qui permettra d’expliquer les causes de l’apparition des gènes de résistance aux antibiotiques puisqu’ils se retrouvent déjà inscrits pour partie dans le génome de ces bactéries. Et ces résistances aux nouvelles molécules « modernes » peuvent résulter d’une adaptation génétique ou provenir d’un transfert horizontal à partir d’autres microorganismes du sol ou des végétaux ou encore par mutation des régions de l’ADN dites régulatrices induisant une sur-expression de ces gènes de résistance.

http://advances.sciencemag.org/content/1/3/e1500183

http://advances.sciencemag.org/content/advances/suppl/2015/04/14/1.3.e1500183.DC1/1500183_SM.pdf