Alors que tous les atouts étaient réunis pour la production massive de perles noires ou plutôt grises irisées, en particulier dans la création de fermes d’huitres dans les lagons des atolls des Tuamotu, depuis quelques années cette industrie s’effondre pour diverses raisons qui m’ont été communiquées par un bijoutier du centre de Papeete. D’abord la concurrence est féroce entre la Polynésie et d’autres pays de la région. Je ne citerai ici qu’au moins trois pays en compétition avec la perles noire de Polynésie : l’archipel des Fiji, les Philippines et quelques îles de la Micronésie.
La deuxième raison est la très grande difficulté à trouver des « greffeurs ». On désigne par ce terme les spécialistes sachant ouvrir l’huitre sans l’endommager et introduire dans la chair en contact avec la demi-coquille inférieure une minuscule particule de corail à l’aide d’un petit bâtonnet fabriqué avec du bambou à l’extrémité duquel une sorte de pince a reçu ce morceau de corail. Habituellement cette opération était réalisée par des Japonais mais devant l’essor économique fulgurant de l’industrie de la perle ils ont réclamé des émoluments plus substantiels. Les négociations avec le syndicat des producteurs de perles ont trainé en longueur et finalement les Japonais ont tiré leur révérence. Les Polynésiens se sont alors rapproché des Chinois et ils ont constaté que le travail semblait bien effectué malgré le fait qu’il faille attendre plusieurs années pour constater le résultat final mais ce résultat n’était pas à la hauteur de leurs espérances. À leur tour les Chinois ont été remerciés et aujourd’hui quelques locaux des Tuamotu pratiquent ce véritable sport de précision afin de maintenir un niveau acceptable de cette industrie. Enfin il faut ajouter que les prix inabordables pratiqués au cours des années 80 et 90 ont chuté à tel point que n’importe qui peut s’offrir un collier de perles dites de Polynésie alors que nombre d’entre elles proviennent des pays précités.
Toujours dans la même veine au cours de mes pérégrinations dans les îles Marquises où les cocotiers ne manquent pas je n’ai vu aucun marquisien courageux casser les noix pour en extraire la chair avec un outil recourbé et la faire sécher au soleil pour obtenir du coprah. C’est un travail d’esclave. Le fameux monoï de Tahiti parfumé au tiaré, une espèce de gardénia local, est fabriqué exclusivement avec de l’huile de cocotier provenant d’Indonésie. L’huilerie de Papeete ne fonctionne que très rarement et le très fameux « savon de Marseille » fabriqué avec l’huile de coprah provenant en particulier de Polynésie n’est qu’un vestige du passé.
Autres temps autres mœurs : les Polynésiens délaissent la nourriture locale pour de la junk-food, l’eau de coco pour du coca-cola et ils ne cultivent qu’un strict minimum de légumes pour leurs besoins personnels. Les pamplemousses pourrissent au pied des arbres, les manguiers ne sont pas taillés pour produire de gros fruits commercialisables mais une multitude de petits fruits juste bons pour les cochons. Coprah, perles noires, légumes et fruits, voilà une illustration des effets pervers de la mondialisation et de l’uniformisation des mœurs. À qui le tour ?