De nouveaux variants génétiques résistants à tous les antibiotiques connus d’une maladie mortelle mais considérée comme « ancienne » – la fièvre typhoïde – traversent les frontières internationales et soulèvent quelques inquiétudes. Des cas ont été répertoriés au Pakistan, en Inde, au Bangladesh, aux Philippines en Irak mais aussi au Guatemala, au Royaume-Uni, aux USA, en Allemagne et plus récemment en Australie et au Canada. Ces dernières années ces germes résistants ont aussi envahi de nombreux pays africains. En l’absence de statistiques globales et fiables l’extension de la typhoïde résistante aux antibiotiques est probablement beaucoup plus importante qu’on ne le croit.
L’agent de la fièvre typhoïde est une bactérie, Salmonella enterica serovar Typhi, S.typhi pour faire simple, et cette fièvre est mortelle dans 20 % des cas si ceux-ci ne sont pas correctement traités. S. typhi se répand de personne à personne avec l’eau et les aliments qui ont été contaminés par une eau elle-même contaminée par des eaux usées. Par conséquent la fièvre typhoïde est associée à une mauvaise gestion de l’eau et à des pratiques sanitaires défectueuses. L’apparition de souches très difficiles à traiter constitue une perspective particulièrement alarmante. Alors que jamais auparavant on n’a autant voyagé et que le commerce est devenu mondialisé il apparaît inévitable qu’une épidémie locale de typhoïde puisse avoir des répercussions internationales. Les souches de S. typhi multirésistantes isolées en Europe, en Australie et en Amérique du Nord provenaient de personnes qui avaient voyagé, en particulier au Pakistan où une importante épidémie de typhoïde sévit depuis plusieurs années avec 5274 décès dans la Province du Sindh depuis 2016. La souche pakistanaise est résistante à tous les antibiotiques à l’exception de l’azithromycine, un macrolide de la famille de l’érythromycine.
En Grande-Bretagne, compte tenu des liens avec certains pays d’Asie du Sud-est, environ 500 cas de typhoïde difficilement traitable sont répertoriés chaque année. Aux USA, il y a eu récemment au moins 309 cas de typhoïde, 80 % d’entre eux décrits pour des personnes ayant voyagé dans les jours précédents. En Allemagne, 56 cas ont été comptabilisés en 2018, pratiquement tous associés à des personnes ayant voyagé.
Le retour de la typhoïde constitue un véritable choc pour l’organisation des systèmes de santé des pays occidentaux riches. Entre la fin du XIXe siècle et les années 1950, l’amélioration des conditions sanitaires, la vaccination et les antibiotiques ont pratiquement éliminé cette maladie de la plupart des pays dits riches. Après deux générations le retour de la typhoïde mortelle dans ces pays est devenu une réalité. Comment en est-on arrivé là ? La réponse n’est pas très plaisante à exposer car elle est liée au fait que l’éradication de cette maladie au siècle dernier (XXe siècle) était considérée comme un acquis alors que le germe de la typhoïde existe toujours et n’a jamais été éradiqué comme ce fut le cas pour la variole et comme la typhoïde était devenue dans les pays riches une maladie « ancienne » les contrôles sanitaires aux frontières devinrent plus laxistes puisque ces pays occidentaux en étaient venus à considérer que cette maladie était une maladie réservée aux pays pauvres et aux analphabètes. Cette négligence est en passe de devenir très coûteuse pour les pays riches. Et pour contrôler cette nouvelle typhoïde multi-résistante aux antibiotiques cela dépend des nouvelles technologies de prévention, de diagnostic et de traitement. Il est tout aussi crucial de ne pas oublier le passé afin d’être capables de maîtriser cette nouvelle typhoïde comme nous avons été capables de le faire par le passé mais sans répéter les erreurs qui ont été accumulées alors.
La typhoïde tuait les pauvres mais aussi les Rois.
Des analyses génomiques et archéologiques ont clairement montré que la typhoïde a toujours circulé dans les populations humaines depuis des millénaires. Si on ne peut pas établir une rétrospective exacte en se référant aux seuls écrits passés, la typhoïde était considérée comme une maladie mystérieuse qui tuait aussi bien les rois et les riches que les pauvres dans le monde entier. La typhoïde était redoutée par les armées en temps de guerre. Durant la deuxième guerre des Boers (1898-1902, lien) l’armée britannique fit état de plus de 8000 morts provoqués par la fièvre typhoïde. En dépit de sa fréquence la cause de la typhoïde et son mode de transmission restaient mystérieux. Beaucoup d’experts considéraient que c’était une maladie de l’ « air malsain » ayant pour origine les denrées pourrissantes et les odeurs d’égouts. De plus il n’y avait pas beaucoup de possibilités d’établir un diagnostic précis permettant d’exclure d’autres cas de fièvres. La notion moderne de la typhoïde en tant que maladie avec des signes cliniques précis, principalement transmise par l’eau et la nourriture ayant une origine bactérienne, n’émergea que progressivement au cours du XIXe siècle après que des pandémies répétées de choléra [maladie distincte de la typhoïde qui ne doit pas non plus être confondue avec le typhus] encouragèrent les spécialistes à se pencher sur les modes de transmission du choléra par l’eau. Ce concept de transmission par l’eau coïncidait dans de nombreux pays occidentaux avec des travaux d’amélioration des infrastructures sanitaires et ceci encouragea des investissements dans le traitement des eaux usées et dans les installations de distribution d’eau potable.
Par exemple dans la ville universitaire anglaise d’ Oxford le spectre de la typhoïde favorisa des interventions radicales sur les infrastructures et les réseaux hydrologiques. Henry Liddell, doyen du Christ Church College, père d’Alice, l’inspiratrice du conte de Lewis Carroll « Alice au pays des merveilles », dont l’épouse avait failli mourir de typhoïde, supervisa personnellement les travaux d’amélioration des réseaux d’eaux usées en enterrant les canaux d’égouts en 1863. Vers 1870 ces travaux, favorisés par des investissements massifs du gouvernement permirent de doter la ville d’Oxford d’un réseau d’égouts modernes, de restaurer toutes les fosses septiques fuyardes, d’interdire tout puisement d’eau dans des puits proches des systèmes d’égout et de construire une station de filtrage de l’eau potable de la ville. Le cas de la ville d’Oxford n’était pas isolé puisqu’au tournant du siècle la majorité des grandes villes européennes et de bien d’autres pays étaient dotées d’infrastructures sanitaires efficaces en ce qui concernait l’eau.
Il apparut très vite, malgré quelques erreurs de parcours, qu’il existait une corrélation claire entre l’amélioration de la qualité de l’eau et le recul de la mortalité due aux maladies transmises par l’eau dont en particulier la typhoïde.
De la prévention à l’éradication.
L’apparition de nouvelles technologies ont ensuite permis d’infléchir l’occurence de ce qui était considéré comme une maladie pouvant être évitée. En 1897, Maisdstone fut la première ville anglaise traitant la totalité de son système d’adduction d’eau potable avec du chlore. La vaccination émergea d’une autre façon pour protéger les populations sans infrastructure sanitaire. Imaginée par des biologistes anglais et allemands en 1896, les premiers vaccins contre la typhoïde étaient fabriqués avec des bacilles tués par la chaleur et comptèrent parmi les premiers vaccins anti-bactériens. Durant la seconde guerre des Boers les troupes britanniques « quittant la civilisation » pouvaient choisir de se faire vacciner. Cette première expérimentation de vaccination avec des bacilles inactivés fut marquée par des problèmes de qualité du vaccin et d’effets secondaires qui rendaient la vaccination particulièrement difficile à supporter. Cependant avant la première guerre mondiale toutes les grandes puissances utilisaient des vaccins améliorés pour protéger les troupes et les voyageurs.
Le nouveau statut de la typhoïde comme maladie pouvant être évitée fut célébré comme étant une grande réussite de la « science occidentale rationnelle ». L’idée d’une éradication émergea également ce qui stimula la nouvelle profession qu’était devenue la bactériologie. Les travaux de recherches montrèrent rapidement que la situation était beaucoup plus complexe qu’on ne l’imaginait. Bien qu’il apparut de plus en plus clairement que le mode de transmission était l’eau et les aliment souillés, le fait que la bactérie pouvait être également transmise via les selles par des porteurs sains durant des années après avoir guéri de la maladie devenait un sujet de préoccupation. Ce concept de « porteurs sains » avancé par le bactériologiste allemand Robert Koch en 1902 réduisit significativement les espoirs d’éradication de la maladie. Comment un porteur sain de la maladie pouvait-il constituer un danger pour les autres ?
L’approche pour cerner ce problème soulevé par Koch suivit en droite ligne les valeurs socio-culturelles de l’époque. Alors que toutes les personnes suspectées d’être des « porteur sains » de la maladie furent contraintes de rester dans leur communauté si elles s’astreignaient à des précautions d’hygiène (comme par exemple de ne travailler ni dans la production d’aliments ni dans le traitement ou le transport de l’eau potable) certaines personnes furent isolées par la force. Décider de qui pouvait inspirer confiance ou devait être isolé ne relevait plus de la neutralité stricte et refléta rapidement les préoccupations du moment, à savoir l’immigration, le racisme, le chauvinisme, les normes sexuelles et le militarisme naissant. Par exemple en Allemagne les bactériologistes tentèrent de nettoyer les zones de déploiement militaire identifiées comme devant être empruntées pour envahir la France en testant les communautés, en établissant des listes de porteurs sains et en plaçant certaines personnes en isolement dès 1904. Les populations habitant dans le centre du Reich échappèrent à ces contraintes mais les autorités militaires nourrissaient quelques scrupules en ce qui concernait la mise en place de ces mesures dans les zones jouxtant la frontière française sous un prétexte strictement militaire. Pendant toute la première guerre mondiale les soldats allemands étaient examinés en routine et les porteurs sains potentiels issus de région où des épidémies de typhoïde avaient eu lieu par le passé ne pouvaient pas être enrôlés dans l’armée. Encore une fois personne n’était traité sur le même plan d’égalité comme certaines population d’origine juive de l’est du Reich régulièrement accusées d’être des porteurs sains susceptibles de répandre la maladie.
Aux USA Mary Mallon, une immigrante irlandaise surnommée plus tard « Typhoid Mary », devint la porteuse saine la plus connue après avoir infecté les familles pour lesquelles elle faisait la cuisine. Elle fut placée en quarantaine entre 1907 et 1910 et à nouveau internée de 1915 jusqu’à sa mort en 1936 après avoir enfreint les conditions de sa remise en liberté en exerçant à nouveau le métier de cuisinière sous un nom d’emprunt (illustration datant de 1909). Les autorités britanniques quant à elles enfermèrent en majorité des « porteuses saines » présumées sous le prétexte qu’elles n’étaient pas saines d’esprit car elles ne comprenaient pas pourquoi elles étaient obligées de se soumettre à des mesures sanitaires strictes. Beaucoup d’entre elles furent isolées dans l’asile de fous Long Grove situé à Epsom entre 1907 et jusqu’en 1992. Depuis cette date de sérieux doutes au sujet de la réelle folie de ces femmes émergea dans l’opinion.
Le déclin de la maladie s’accentua par la suite et les cas de porteurs sains mis en isolement ne firent plus que très rarement la une des journaux. À la fin de la seconde guerre mondiale les espoirs d’éradication de la maladie s’amplifièrent comme en Europe et en Amérique du Nord avec des installations d’épuration des eaux usées fonctionnant bien, la chloration de l’eau, la surveillance scrupuleuse des cas de typhoïde et du devenir des porteurs sains, avec la vaccination et l’arrivée des thérapies antibiotiques efficaces pour les victimes de la maladie (chloromycétine en 1948) et les porteurs sains (ampicilline en 1961) cette maladie devint progressivement une menace négligeable. Bien que des cas de typhoïde furent constatés comme par exemple sur des gros bateaux de croisière, dans des stations balnéaires et accessoirement dans des villes focalisèrent l’opinion publique car cette maladie devint de plus en plus une maladie du passé, héroïquement vaincue par les actions sanitaires de grande ampleur et les progrès de la médecine. Il n’y avait donc pas vraiment de raisons de se soucier d’une réemergeancee de cette maladie en faisant entièrement confiance à la science oeuvrant pour son éradication définitive.
Une division infectieuse.
En réalité cette confiance aveugle était une erreur. Si la typhoïde avait pratiquement disparu des pays riches elle restait endémique dans la plupart des autres pays du monde. Durant la deuxième partie du XXe siècle, la division infectieuse fut renforcée par une relative désinvolture des campagnes d’éradication de la maladie. Il aurait fallu des investissements de grande ampleur pour procurer aux « pays du sud » une source sure d’eau propre et potable, pour organiser des usines de retraitement des eaux usées et la mise en place de structures médicales appropriées pour, sur une longue période, maîtriser non seulement la typhoïde mais également bien d’autres maladies dans le sud global. Or ces investissements restent non coordonnés et largement insuffisants. Plutôt que de s’occuper de ce problème les pays riches n’ont eu d’autre objectif que de protéger leurs propres populations prioritairement avec la vaccination, les antibiotiques et en mettant en place des régulations de bio-sécurité pour éviter que des voyageurs et des migrants importent la typhoïde. Cette stratégie économiquement rentable sur le court terme s’avérera extrêmement coûteuse sur le long terme. Pendant la guerre froide autant les pays occidentaux que ceux du bloc de l’est aidèrent les « pays du tiers-monde » que ce fussent des aides gouvernementales ou via des organisations non gouvernementales pour maîtriser des maladies très dévastatrices comme la malaria ou la variole, autant la typhoïde fut plutôt délaissée. Et pendant ce temps-là l’accroissement des populations des pays du sud aggrava les problèmes d’accès à une eau de qualité, mais aussi l’accès à la santé et, combinés au retard pris pour développer des structures adaptées pour la santé comme les hôpitaux et les dispensaires, cet ensemble de circonstances fit le lit pour un développement parfait de la typhoïde dans les pays du sud. De plus l’utilisation intensive d’antibiotiques pour juguler les épidémies locales favorisa l’apparition de souches résistantes.
Accroissement continuel des cas de typhoïde.
En 1967, des biologistes en Grèce et en Israël signalèrent l’isolement d’une souche de S.typhi avec résistance au chloramphenicol transmissible à d’autres souches. La même année des experts britanniques analysant des souches de S.typhi provenant du Koweit notèrent une résistance transmissible horizontalement non seulement contre le chloramphenicol mais également contre l’ampicilline et les tétracyclines. Cinq ans plus tard une sérieuse épidémie à Mexico City qui affecta plus de 100000 personnes révéla que la souche était multirésistante mais heureusement encore sensible à l’ampicilline. Des résultats similaires furent signalés par l’Inde et le Vietnam. La réponse des pays occidentaux fut à nouveau un renforcement des contrôles sanitaires des voyageurs et des campagnes de vaccination plutôt que de mettre en place avec les pays concernés des stratégies de grande envergure pour combattre les facteurs déclenchant ces épidémies dans les pays à faible revenu et favorisant l’apparition de nouvelles résistances aux antibiotiques. Les commentaires des pays occidentaux à propos des épidémies mexicaine et indienne furent une trop grande confiance aux antibiotiques pour juguler les épidémies et un usage inapproprié de ces derniers. Rarement les facteurs déclencheurs de ces épidémies furent évoqués, comme l’accès aux soins médicaux, la rareté d’une eau potable de qualité et des systèmes d’évacuation et de traitement des eaux usées adéquats et aussi, ironiquement, que la plupart des antibiotiques avaient été importés des pays occidentaux, les seuls producteurs de ces produits.
À l’évidence la priorité des pays occidentaux, encore une fois, était la bio-sécurité de leurs populations alors que la responsabilité collective mondiale n’était pas de leur ressort. De ce fait les aides financières, médicales et techniques de ces pays occidentaux restèrent limitées en regard des immenses contraintes apparues avec l’urbanisation, conséquence de l’accroissement de la population dans les zones à risque endémique. Et dans le même temps la principale préoccupation des pays occidentaux fut d’éviter « l’importation de souches résistantes étrangères » en consacrant des sommes d’argent conséquentes pour contrôler les frontières, les voyageurs et les migrants aux frontières : culturellement la typhoïde est une maladie réservée aux populations peu civilisées. En réponse à l’épidémie mexicaine les autorités sanitaires américaines ont non seulement renforcé leur contrôle des souches de S.typhi étrangères mais ils ont intensifié leur contrôle des population « hispaniques » locales tout en diabolisant les déplorables habitudes d’ « hygiène hispanique » même s’il n’existe aucune évidence scientifique à ce sujet.
Encore et toujours de la négligence.
Négliger tout effort international pour combattre la typhoïde a perduré au cours des années 1980 et 1990 et fut conforté par de nombreuses lacunes dans le système de surveillance sanitaire mondiale, une multitude de pays « du sud » n’étant pas pris en considération. De plus les décideurs accordaient beaucoup d’espoirs aux nouveaux traitements thérapeutiques. Les instabilités économiques et politiques provoquèrent un retour en arrière des systèmes de santé dans ces pays, par exemple dans les pays de l’ancienne sphère soviétique après la chute de l’URSS et aussi dans les pays en voie de développement dont les économies étaient sous la surveillance de la Banque Mondiale pour implémenter la politique de globalisation de l’économie. Par conséquent tous ces pays, sans services de santé adéquats puisqu’ils traversaient une crise économique parfois durable, n’eurent pas d’autre choix que de trouver des antibiotiques moins coûteux pour contrôler les épidémies. Ce phénomène coïncida avec la désaffection des grands laboratoires pharmaceutiques occidentaux pour la recherche de nouveaux antibiotiques, le retour sur investissements n’étant plus assuré, en d’autres termes les antibiotiques ne sont plus « profitables ». En 1988, une épidémie de typhoïde frappa le Cashmire et la bactérie se révéla être résistance aux trois principaux antibiotiques normalement utilisés. Des observations similaires furent communiquées en provenance de Shanghaï, du Pakistan et du delta du Mékong. Des études génétiques révélèrent qu’une grande partie des résistances était associées à la dispersion d’un haplotype spécifique ayant incorporé un groupe de gènes hérités simultanément. Les souches ayant acquis cet haplotype furent appelées séparément H58, se répandirent et dispersèrent cette résistance (dispersion génétique horizontale à l’aide de plasmides) non seulement contre les vieux antibiotiques de première ligne mais de manière croissante contre les antibiotiques gardés « en réserve » telles que les fluoroquinones et les céphalosporines. À la fin des années 1990 la majorité des souches isolées lors d’une épidémie qui frappa le Tajikistan étaient résistantes aux fluoroquinones puis des résistances sporadiques aux céphalosporines furent signalées au début des années 2000.
L’épidémie actuelle qui sévit au Pakistan depuis 2016 est due à une souche ultra-résistante qui est un variant de H58 et n’est plus sensible qu’à un seul antibiotique, l’azithromycine. Il suffira d’une seule mutation supplémentaire pour que S.typhi acquiert une résistance totale à tous les antibiotiques connus à ce jour.
Nouvelle génération de vaccins.
Cette histoire discontinue de la typhoïde montre clairement les limites de la politique sanitaire adoptée tant au niveau local que régional ou international quand il s’agit de tenter d’arrêter la progression de la maladie aux frontières d’un Etat. Soit on justifie les actions menées en dehors de toute considération éthique ou de responsabilité collective, soit on met en avant l’intérêt particulier d’un Etat dans son devoir de protéger sa population. L’apparition des multi-résistances aux antibiotiques est une menace globale et elle ne pourra être appréhendée efficacement que dans le cadre d’une action internationale encore plus robuste. Fort heureusement une nouvelle génération de vaccins pourrait aider à circonscrire les épidémies récurrentes de typhoïde dans le monde entier. Le nouveau vaccin Vi conjugué (TCV, voir le lien) mis au point par la fondation Vaccine Alliance (Gavi) a passé avec succès les tests d’autorisation de mise sur le marché. Il s’agit du Typbar-TCV en dose unique autorisé dès l’âge de six mois qui a été récemment licencié en Inde, au Népal, au Cambodge et au Nigeria. D’autres vaccins sont en cours d’étude ou d’homologation. Le vaccin Typbar-TCV a été développé par la compagnie indienne Bharat Biotec et non dans un pays occidental, ce qui constitue une grande différence. Il a été conçu dans un pays frappé par des épidémies récurrentes de typhoïde. Ironie de l’histoire de ce vaccin, il a d’abord été testé sur des enfants en Grande-Bretagne. En 2017, une centaine de volontaires ayant été vaccinés avec ce produit ont bu un grand verre d’eau contaminée avec des S. typhi vivantes pour tester l’efficacité du vaccin. Ça se passait justement à Oxford où eurent lieu quelques années auparavant quelques cas de typhoïde et l’évènement encouragea le gouvernement britannique à préconiser la vaccination contre cette maladie.
On assiste donc à un complet retournement de situation dans la manière d’appréhender ce problème sanitaire. Ce sont les pays concernés qui en bénéficient en premier lieu et non pas l’inverse comme par le passé.
Un problème « bio-social ».
Les nouveaux vaccins sont, certes, prometteurs pour contourner le problème des résistances aux antibiotiques mais la question fondamentale de l’accès des populations à une eau potable de qualité reste pendant dans de nombreux pays. Le risque encouru avec ces nouveaux vaccins est de délaisser encore une fois les investissements nécessaires dans des infrastructures permettant aux populations d’avoir accès à une eau potable de qualité. Si on remonte à l’ « histoire » du combat contre la typhoïde on se rend compte de l’importance de la prise en charge de la lutte pour une eau propre. Elle commence au niveau des villages et des villes comme ce fut le cas jadis à Oxford. Chaque ville ou village devra développer son propre système de production d’eau de qualité. Ce qui manquera malheureusement toujours ce sont les aides financières. La Salmonella typhi s’est remarquablement bien adaptée à nos habitudes de vie et elle porte l’empreinte génétique des interventions humaines pour la combattre. Les combats futurs contre cette bactérie, qu’ils soient de dimension biologique ou sociale, ne pourront qu’être une combinaison raisonnée de l’ensemble de ces deux approches.
Traduction d’un article paru sur le site The Conversation
Illustrations : The Conversation
Liens : http://www.bbc.co.uk/history/british/victorians/boer_wars_01.shtml
https://academic.oup.com/cid/article/69/Supplement_5/S385/5587093
https://www.bbc.com/news/uk-scotland-north-east-orkney-shetland-26957972
https://cmr.asm.org/content/cmr/28/4/901/F5.large.jpg?width=800&height=600&carousel=1