Le « riz doré » : la périlleuse naissance d’une super-plante vivrière.

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Traduction d’un article de Ed Regis à l’occasion de la sortie de son livre « Golden Rice : The Imperiled Birth of a GMO Superfood » paru sur le site de la Johns Hopkins University que j’ai cru opportun de faire figurer sur ce blog. J’ai disserté à plusieurs reprises sur ce blog au sujet du riz doré considérant que l’obstruction systématique à son utilisation constitue un crime contre l’humanité ayant depuis 20 ans provoqué la mort de 20 millions de personnes, surtout des enfants, et rendu aveugles plus de 50 millions d’enfants en raison d’une carence en vitamine A dans les pays en voie de développement. La critique de Ed Regis est plus nuancée.

« Le riz doré est une plante génétiquement modifiée (OGM) inhabituelle à la fois par son origine et par sa gestation. J’avais écrit un livre précédant celui-ci ( « Regenesis », 2012) avec le biologiste moléculaire de Harvard George Church qui était un homme d’une intelligence exceptionnelle ayant un large éventail de connaissances. J’en était venu à le considérer comme une personne qui savait tout. Par conséquent quand en 2016 j’ai lu une interview de Church j’ai vraiment cru ce qu’il disait, à savoir que 1. un produit appelé Golden Rice était « prêt » dès 2012, 2. que l’organisation supranationale écologiste Greenpeace était responsable du retard de son introduction depuis 13 ans, avec pour résultat que 3. des millions de personnes sont mortes et que 4. Greenpeace était donc coupable d’un crime contre l’humanité pour cet acte gratuit de meurtre de masse. Tout cela m’a rendu tellement en colère que j’ai décidé que je devais écrire un livre sur le Golden Rice pour informer le public de cette atrocité indescriptible.

Cependant au cours de mes recherches pour écrire ce livre et au cours de sa rédaction j’ai progressivement découvert qu’à part l’affirmation 3. toutes les autres étaient fausses ! Le riz doré est une forme de riz génétiquement modifié pour contenir du beta-carotène qui est converti en vitamine A dans le corps humain. Son objectif est de lutter contre la carence en vitamine A, une maladie qui cause la cécité et aussi la mort d’un million de personnes chaque année, principalement des enfants et des femmes enceintes dans les pays non développés. Il est exact qu’une forme de riz doré existait déjà en 2002 mais il s’agissait d’une version expérimentale, d’un prototype de laboratoire, et ses noyaux ne contenaient pas assez d’informations génétiques pour pouvoir produire suffisamment de beta-carotène pour lutter efficacement contre la carence en vitamine A. Il n’était certainement pas « prêt » à être distribué aux agriculteurs et nécessiterait de nombreuses années supplémentaires de développement et d’optimisation avant de le devenir.

Il est également vrai que Greenpeace avait critiqué et dénoncé depuis le début le riz doré, l’avait ridiculisé comme étant un aliment irréaliste et même dangereux. Depuis l’annonce de la version prototype Greenpeace a publié un flot continu de communiqués de presse, de prises de position et de déclarations diverses sur le riz doré, pleines d’imprécisions factuelles, de distorsions et d’exagérations farfelues de la vérité. Cependant j’ai appris qu’aucune de ces diatribes de Greenpeace n’a pu réussir à arrêter, ralentir ou entraver le processus de recherche-développement concernant le riz doré, processus qui se déroulait à son propre rythme. Greenpeace n’était pas non plus coupable de meurtres de masse, de « crime contre l’humanité », car même si les accusations de cette organisation contre le Golden Rice ont eu pour effet de retarder son développement (ce qui en réalité n’a pas eu lieu) ces accusations n’avaient pas non pour objectif de nuire aux populations et de provoquer des morts, le meurtre étant avant tout un acte intentionnel.

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Alors pourquoi aura-t-il fallu 20 ans pour qu’enfin le Golden Rice ait trouvé sa forme actuelle et soit homologué dans 4 pays, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Etats-Unis et le Canada ? Il y a deux raisons à cela. La première est qu’il a fallu beaucoup de temps pour que ce riz produise des concentrations de plus en plus élevées de beta-carotène (ou de tout autre trait de valeur) dans de nouvelles souches de riz (ou de toute autre plante). La sélection végétale ne ressemble en rien à une expérience de chimie pouvant être répétée autant de fois qu’on le souhaite, tous les jours. La croissance des plantes est un processus lent qui ne peut pas être accéléré de manière significative, sauf dans des conditions de laboratoire particulières qui sont difficiles à maintenir et à maîtriser. La deuxième raison pour laquelle il a fallu 20 ans pour développer la version finale du riz doré est la force de ralentissement de la réglementation gouvernementale sur le développement des cultures OGM. Ces réglementations qui couvrent notamment la sélection végétale, l’expérimentation et les essais sur le terrain sont si lourdes qu’elles rendent la constitution de dossiers de conformité excessivement longue et coûteuse. De telles réglementations existent en raison des craintes irrationnelles des OGMs, de l’ignorance de la science impliquée et du respect excessif du fameux principe de précaution. Le Docteur Ingo Potrykus, l’un des co-inventeurs du Golden Rice a estimé que le respect de la réglementation sur les OGMs retardait jusqu’à 10 ans le développement du produit final.

Ironiquement, étant donné tous les bienfaits que le Golden Rice aurait pu apporter durant ces dix années pour améliorer la carence en vitamine A avec son cortège de morts et de cécité, ce sont précisément les agences gouvernementales qui se sont révélées être les principaux acteurs du développement trop lent du riz doré, ce super-aliment sauveur de vies et de vision. Des millions de décès et d’enfants aveugles ne sont que la conséquence des délais réglementaires imposés par les agences gouvernementales. Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler de « crime contre l’humanité » il s’agit néanmoins d’une terrible tragédie moderne et c’est l’histoire racontée dans ce livre« .

Commentaire. Les organisations gouvernementales d’homologation sont sous la coupe des organisations « non » gouvernementales telles que Greenpeace qui ont exigé que le principe de précaution soit strictement appliqué dans le cas des OGMs, en d’autres termes le Principe 15 du protocole de Cartagena qui stipule que « tout OGM est considéré comme coupable avant d’être reconnu comme innocent ». Il faut se souvenir de l’actualité passée en Europe et en particulier en France, des faucheurs d’OGMs, des saccages à répétition des expérimentations en plein champ de plantes génétiquement modifiées qui ont conduit, par exemple en France, l’INRA, leader dans ce domaine dans les années 1980, à abandonner toute recherche relative aux OGMs. Je reproche à Ed Regis de ne pas avoir mentionné (je n’ai pas lu son livre) l’interférence sinon la connivence existant entre les régulateurs gouvernementaux et ces organisations supranationales non gouvernementales puissantes qui font pression pour faire passer leurs propres revendications politiciennes et idéologiques dans le mépris total de l’argumentation scientifique. Je rappelle à mes lecteurs que la mise en forme d’un dossier d’homologation pour un OGMs coûte au minimum une dizaine de millions de dollars et que les expérimentations en laboratoire sont soumises à des contrôles tellement stricts qu’il est parfois décourageant d’envisager un quelconque projet tant ces contrôles et régulations diverses sont contraignants. J’en parle en connaissance de cause puisque j’ai moi-même travaillé pendant de nombreuses années dans un laboratoire dont la mission première était la mise au point de plantes génétiquement modifiées. Je reste sur ma position exposée auparavant sur mon blog : Greenpeace est une organisation criminelle, point barre. Je trouve enfin curieux que deux pays comme le Canada et la Nouvelle-Zélande aient homologué le riz doré. C’est bien connu, ce sont deux pays gros producteurs de riz ! De qui se moque-t-on ? On ne peut qu’espérer l’homologation prochaine du riz doré dans des pays d’Asie comme le Bangladesh ou en Afrique, mais Monsieur Ed Regis abstenez vous de prendre ceux qui connaissent un peu le domaine des plantes génétiquement modifiées pour des imbéciles …

Le débat sur l’huile de palme : un faux problème

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Les organisations non-gouvernementales préoccupées par le changement du climat et la préservation de la biodiversité sont obsédées par l’huile de palme. Ils considèrent en effet que ce produit n’est pas « durable ». Il apparaît opportun d’analyser la signification de ce dernier adjectif. L’huile de palme est la première huile végétale utilisée dans le monde tant dans l’industrie agro-alimentaire que dans les secteurs de l’énergie, de la pharmacie ou des cosmétiques. Le palmier à huile est un formidable piège à CO2 : un hectare de palmiers immobilise autant de carbone que 6 hectares de soja. Il faut aussi mentionner que la quantité d’intrants, engrais et pesticides, est inférieure à celle utilisée pour toutes les autres cultures d’oléagineux.

Et pourtant les écologistes considèrent que l’huile de palme n’est pas « durable » car elle est nuisible à l’environnement et au biotope tropical puisqu’il faut faire de la place dans les forêts tropicales humides pour créer de nouvelles plantations de palmiers pour satisfaire une demande sans cesse croissante.

Il faudrait que ces organisations fassent un choix : ou bien elles veulent préserver la biodiversité des forêts tropicales ou bien elles choisissent de favoriser cette culture qui est l’un des meilleurs pièges terrestres pour le CO2 afin de préserver le climat qui est également – au cas où il se réchaufferait un peu trop – délétère pour cette biodiversité.

Toute cette histoire se terminera comme il se doit : par de nouvelles taxes sur l’huile de palme comme il y aura aussi de nouvelles taxes sur les produits pétroliers. Contrairement à ce qu’affirment ces organisations une plantation de palmiers à huile fait vivre les populations locales alors qu’il est évident qu’une forêt inviolée ne fait vivre personne. Toute régulation coercitive relative à cette denrée sera immédiatement préjudiciable à d’autres forêts que celles de l’Indonésie, de Malaisie ou de Papouasie-Nouvelle-Guinée, les principaux producteurs d’huile. Le Brésil devra par exemple accélérer la disparition de la forêt amazonienne pour cultiver du soja. Les organisations non-gouvernementales se sont dotées d’une sorte de bras armé pour faire valoir leurs revendications contradictoires. Il s’agit du RSPO, Round table for Sustainable Palm Oil, mais ces mêmes organisations déplorent le peu d’impact de cet organisme sur la déforestation dans les pays cités plus haut. Le débat n’est donc pas clos et il ne le sera que lorsque des taxes dissuasives sur l’huile de palme entraineront automatiquement une dévastation d’autres forêts dans le monde.

Inspiré d’une dépêche de l’AFP

Un immense espoir pour sauver la banane

Depuis la fin des années 1990 une nouvelle souche de champignon phytopathogène, un fusarium (Fusarium oxysporum TR4), détecté pour la première fois en Asie du Sud-Est a atteint maintenant l’Australie, la Chine, l’Indonésie et jusqu’au Liban en passant par le Mozambique. Cette situation est d’autant plus inquiétante que le champignon s’est adapté à tous les fongicides connus y compris utilisés en cocktails et à très haute dose. Toutes les précautions de protection des plantations encore épargnées se sont avérées inefficaces et la panique s’installe progressivement chez les producteurs, en particulier en Afrique, la bananes étant parfois pour certains pays leur seule source de devises.

Devant l’urgence les biologistes, en particulier à l’Université de Brisbane, ont recherché quels pouvaient être les gènes associés à la résistance à ce champignon. Ils ont découvert deux gènes de résistance, l’un (RGA2) présent dans les bananiers dits « sauvages » qui n’ont pas de valeur commerciale mais font partie de la famille des Musa, nom scientifique du bananier et l’autre (Ced9) exprimé par le nématode bien connu des biologistes le Caenorhabditis elegans, un gène qui, pour faire court, inhibe la mort des cellules végétales lors d’une attaque par les champignons phytopathogènes. Ces deux gènes ont été introduits dans des plants de bananiers Cavendish sous le contrôle d’un promoteur d’expression issu du maïs et un certain nombre de lignées stables ont été établies d’abord au laboratoire et depuis trois ans des essais plein-champ ont été réalisés dans une plantation des Territoires du Nord à une cinquantaine de kilomètres au sud de Darwin sous la direction constante des spécialistes de l’Université de Brisbane.

Ce lieu particulier a été choisi car toutes les plantations locales de bananiers sont infestées par le TR4 depuis plusieurs années et cet environnement constitue en quelque sorte un contrôle idéal pour détecter une résistance parmi ces lignées génétiquement transformées. Les essais plein-champ ont été menés durant plusieurs années car le champignon peut rester à l’état latent durant de longues semaines. parmi toutes les lignées deux d’entre elles se sont révélées totalement résistantes au TR4 qu’elles contiennent l’un ou l’autre des gènes mentionnés ci-dessus ou voire les deux gènes.

La banane est le premier fruit commercialisé dans le monde entier en termes de tonnage et de valeur et ce résultat, le premier dans le monde, de l’établissement de lignées de bananes Cavendish résistantes au fusarium constitue une avancée majeure et un immense espoir pour les cultivateurs. Il reste cependant deux étapes essentielles à franchir. D’une part les propriétés des fruits au niveau du goût et de leur aptitude à la conservation. Ces travaux sont en cours de finalisation. L’autre étape critique est l’acceptation par les autorités de régulation d’un bananier transgénique pour un usage commercial mondial. Devant la catastrophe annoncée de l’infestation par le fusarium de toutes les bananeraies du monde (pour l’instant les Amériques sont encore épargnées par cette souche TR4) quelle sera l’attitude du consommateur quand il ne trouvera plus que des bananes génétiquement modifiées sur les étals de son super-marché habituel ? En ces temps de propagande insidieuse, mensongère et délétère des organisations écologistes qui ont exigé l’étiquetage des produits d’origine transgénique il est presque assuré que le public réagira négativement car pour lui une plante transgénique est fondamentalement dangereuse alors qu’il n’existe aucune preuve scientifique permettant de confirmer cette dangerosité.

Source et illustrations : Université de Brisbane et 10.1038/s41467-017-01670-6

Et aussi sur ce blog : https://jacqueshenry.wordpress.com/2016/08/28/la-banane-en-reel-danger-de-mort/

Les OGMs de retour en Inde, pour le meilleur !

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Autorisé en 2002 en Inde, le coton Bt qui produit son propre insecticide a connu un immense succès. À cette époque l’Inde importait du coton, aujourd’hui 95 % des 116 millions d’hectares de coton sont du coton Bt et font que l’Inde est devenu le deuxième producteur de coton et deuxième exportateur de ce même coton au monde. Même pas besoin d’épiloguer d’autant plus que quand on va s’acheter un jean ou un chemisier on ne se pose pas la question de savoir si le coton avec lequel sont fabriqués ces vêtements est génétiquement modifié ou non. Certes le coton ne se mange pas mais les graines de coton servent à produire de l’huile dite « végétale » parfois à hauteur de 30 % de cette huile et personne non plus ne s’en soucie, même pas les écolos ! Devant ce succès incontestable pour les petits agriculteurs le Premier Ministre Indien Narendra Modi a décidé de lever l’interdiction concernant la culture des plantes transgéniques destinées à l’alimentation. Son raisonnement est le suivant : dans 30 ans il y aura 1,5 milliard d’Indiens et il faudra bien que tout ce petit monde mange à sa faim. Mais il faudra également préserver l’environnement et les plantes « Bt » sont de bons candidats pour satisfaire les besoins en nourriture des populations dans la mesure où ces plantes requièrent beaucoup moins de traitements avec des insecticides et les petits paysans se frottent les mains car ils ne doivent plus emprunter d’argent pour acheter des insecticides coûteux. En effet, la productivité de l’agriculture indienne est catastrophique et l’autorisation de plantes transgéniques destinées à l’alimentation pourrait selon le Premier Ministre améliorer la situation. Cependant le marché des semences de plantes vivrières transgéniques est contrôlé par 4 compagnies : Monsanto, DuPont Pioneer, Dow AgroSciences et Syngenta. Tous les autres acteurs de la transgénèse végétale ont virtuellement disparu sous la pression des mouvement écologistes sans que jamais aucun argument valable n’ai été apporté clairement par ces derniers pour justifier l’interdiction des plantes transgéniques. Modi exerce donc une pression constante sur les réfractaires du BJP (Bharatiya Janata Party) de tendance nationaliste et dont il fait partie pour autoriser la culture des oléagineux transgéniques sur le sol indien en particulier la moutarde.

La moutarde (Brassica juncea), de la famille du colza (Brassica napus), est une plante oléagineuse originaire du Népal à haut rendement en huile et une variété transgénique « made in India » à très haut rendement est en cours d’essai tout près de la résidence du Premier Ministre qui s’intéresse au plus haut point à ce premier essai en plein champ depuis le moratoire de 2010 interdisant la poursuite d’essais en plein champ de riz, de pois chiche, de maïs ou d’aubergine transgéniques. Il est important de noter au sujet de la moutarde que l’Inde importe 60 % de l’huile à usage alimentaire consommée pour un montant de 10 milliards de dollars, le troisième poste d’importation après le pétrole et l’or destiné à la bijouterie !

Le gouvernement central a autorisé sans restriction les essais plein champ et donc par voie de conséquence la culture de plantes transgéniques au grand dam des organisations écologistes dont Greenpeace qui se trouve être dans le collimateur du Ministère des Finances Indien. Les agriculteurs désireux de cultiver des plantes génétiquement modifiées doivent néanmoins obtenir une autorisation locale. Ce « détail » offusque naturellement Greenpeace, organisation de plus en plus démunie d’arguments surtout en Inde puisque le coton transgénique Bt a fait l’objet d’accords de licence avec plusieurs compagnies indiennes. Il en résulte que Monsanto n’est plus la bête noire à combattre dans ce pays pour cette organisation …

Sous l’impulsion du Premier Ministre, un multitude d’universitaires indiens ont tenté, en vain, de montrer que les plantes transgéniques vivrières étaient dangereuses pour l’environnement ou la santé animale et humaine. Il faut donc admirer le pragmatisme des dirigeants indiens qui permettra à terme d’améliorer les conditions de travail et de vie, tout simplement, de dizaines de millions de petits agriculteurs indiens et contribuer au bien-être de l’ensemble de la population du pays quoique puissent en penser les terroristes de Greenpeace ou du WWF …

Source et illustration : Reuters