Je voudrais rassurer les respectés lecteurs de mon blog que j’ai négligé depuis plusieurs jours. Je me suis retiré dans un tout petit village dans l’île de Fatu-Hiva, la plus méridionale de l’archipel des Marquises, et la plus isolée en ce qui concerne les communications maritimes avec peut-être l’île de Hua-Uka. Je ne resterai probablement pas dans cette île car l’isolement est difficile à gérer et je le ressens presque douloureusement dans la mesure où je ne me connecte à internet que quelques minutes chaque jour, ne disposant toujours pas d’un abonnement à internet. C’est assez compliqué et cette situation me rappelle mon arrivée dans les îles Canaries. Pour pouvoir louer un logement il fallait avoir un compte en banque mais pour ouvrir un compte dans une banque il fallait justifier d’un domicile, en quelque sorte un cercle vicieux que j’ai retrouvé ici et qui, pour l’instant n’est pas résolu.
On pourrait se décourager en se trouvant dans une telle situation mais il faut laisser, comme disait “tonton” du temps au temps et aux Marquises “le temps n’a pas de prise” (Brel). Depuis dix jours je me trouve dans le tout petit village d’Omoa, une rue bordée de maisons au milieu de la verdure arborée, des arbres à pain, des cocotiers, des pamplemoussiers ou encore des corossoliers, l’extrême richesse du sol volcanique qui permit durant des temps immémoriaux aux Marquisiens de vivre confortablement sans oublier les ressources halieutiques dont l’abondance a tendance à diminuer depuis qu”un politicien local a autorisé la flotte hauturière chinoise à piller ces ressources sans que ni les locataires de l’Elysée, à Paris, ni le pseudo-ministère des affaires maritimes dit des Dom-Tom ne s’en inquiète.
Dans peu d’années il n’y aura plus de thon dans le monde et ce seront ces décideurs politiques totalement incompétents qui seront les premiers coupables, corrompus qu’ils sont tous. Petite précision au sujet du thon, il s’agit d’un des très rares poissons à sang chaud et sa maturité sexuelle est atteinte à l’âge de 5 ans, ce qui signifie que tous les thons pêchés aujourd’hui n’ont pas encore atteint leur maturité sexuelle et par voie de conséquence les thons vont tout simplement disparaître comme les baleines furent menacées au dix-neuvième siècle puis sauvées par la découverte du pétrole car la baleine était surtout exploitée pour sa graisse dont un fabriquait de l’huile.
Comme je digresse en me dispersant dans mon inspiration parlons maintenant de l’huile de coprah. Il y a peu de cocotiers ici dans le village blotti entre les montagnes mais dans beaucoup d’autres îles, par exemple au Vanuatu ou encore aux Antilles il reste des cocoteraies désertées pour une raison simple malgré le fait que j’aie pu apercevoir des séchoirs à coprah ici et là dans le village. Réunir des noix, les casser et en extraire la chair, la faire sécher au soleil au moins 6 jours est tout simplement un travail qui était réservé aux esclaves durant les siècles passés. C’est trop dur comme métier, casser les noix, extraire la chair avec un outil recourbé pour la faire maturer au soleil et l’expédier à l’huilerie à Papeete, c’est un travail qui ne paie même pas la sueur de son homme.
Les temps ont changé, le savon est fabriqué avec d’autres huiles végétales, les thons sont remplacés par des poissons d’élevage et la vie continue. J’allais écrire “jusqu’à quand ?” mais je n’ai pas de réponse à cette question car j’ignore ce qui se passe en Ukraine ou à Bruxelles, j’ignore quelle sera l’ampleur de la révolte populaire en Europe cet automne et je m’en moque complètement, je suis maintenant dans les Îles Marquises, un endroit où le temps n’a pas de prise … et je peux affirmer que Jacques Brel avait raison, j’ai séjourné il y a plus de 25 ans dans cet archipel et rien n’a changé, strictement rien, on se dit bonjour dans la rue, les femmes se décorent avec une fleur d’ibiscus sur l’oreille, à droite si leur cœur est libre et réciproquement, on se tutoie et on est souriant …