Peut-être l’ignore-t-on en Europe mais l’Amérique toute entière est envahie de punaises de lit, ces charmants suceurs de sang nocturnes qui, je l’avoue, laissèrent un mauvais de mon enfance dans ma mémoire jusqu’à l’apparition du DDT dont l’usage permit d’éradiquer ce fléau, au moins en Europe. Aux USA et au Canada, même les grands hôtels de luxe sont envahis par ce parasite, mais aussi les sièges des trains et des métros ou des salles de cinéma et des millions d’appartements. C’est un véritable cauchemar dont il est presque impossible de venir à bout y compris en employant les grands moyens comme l’enfumage complet d’une maison car les œufs résistent aux pires agents toxiques comme l’acide cyanhydrique. La résurgence des punaises de lit ( Cimex lectularius , photo Wikipedia) est aussi expliquée par leur résistance aux insecticides et la dissémination depuis des réservoirs animaux comme les élevages de poulets mais rien n’est vraiment prouvé.
Depuis une dizaine d’années Gerhard Gries et son épouse Regine s’intéressent de très près à ce parasite désagréable et potentiellement transmetteur de maladies à l’Université Simon Fraser située sur les hauteurs dominant la ville de Vancouver. Leur idée, qui n’est pas nouvelle, a été d’identifier les phéromones qui attirent les punaises entre elles et de constituer des pièges pour les exterminer sans utiliser de pesticides qui de toutes les façons sont de moins en moins efficaces. Ce ne fut pas un travail de tout repos. D’abord il a fallu élever ces sales bêtes au laboratoire et comme elles ne se nourrissent que de sang d’origine humaine, Regine s’est pliée au supplice bihebdomadaire de se faire sucer son propre sang. Fort heureusement et contrairement à son époux et tous les étudiants du laboratoire elle n’a jamais manifesté de réactions inflammatoires ou allergiques ! Il restait à identifier les composés chimiques volatils attirant ces mini-vampires repoussants et là encore les moyens d’investigation modernes ont facilité l’identification des produits. On retrouve parmi ces molécules du sulfure de diméthyle (dimethyl sulfide), du diméthyl trisulfide, deux composés volatils participant à l’odeur caractéristique du chou-fleur en cours de cuisson, par exemple. Mais ces deux produits ne suffisaient pas à eux seuls pour attirer les punaises. Deux aldéhydes, le 2-hexenal et le 2-octenal et une cétone, la 2-hexanone, ont aussi été identifiés. Ces produits étaient déjà connus pour attirer les insectes dans certaines circonstances mais il fallait ce cocktail et seulement celui-là pour attirer les juvéniles et les adultes dans un piège qu’ils aient ou non été satisfaits ou non par un bon repas de sang auparavant.
Restait cependant un dernier élément chimique qui provoque chez les punaises l’arrêt du besoin impérieux de trouver de la nourriture. La surprise fut de trouver, après ce travail de recherche ayant consisté à trouver cinq aiguilles dans une énorme botte de foin car ces molécules sont détectées par les insectes à des concentrations infimes de l’ordre d’une partie par milliard, une molécule d’origine humaine, l’histamine. Et ce fut effectivement une surprise car l’histamine est un important neurotransmetteur et un régulateur de la réponse immunitaire. Curieusement l’histamine semble indiquer aux punaises qu’elles ont trouvé le bon endroit pour se reposer, se nourrir, s’accoupler et pondre leurs œufs. Seul le cocktail complet de ces six composés chimiques a permis d’élaborer un piège efficace et imparable qui va permettre dans un premier temps d’être utilisé pour détecter la présence de punaises dans une chambre à coucher. Il existe bien des chiens renifleurs de punaises mais ils ne sont pas toujours efficaces ! Le développement de pièges mortels sera à n’en pas douter très rapide car Regine Gries, après 180000 piqûres de punaises, ne compte pas en rester là et a déjà établi une collaboration avec la société Contech Enterprises pour la fabrication et la commercialisation des pièges ( http://at.sfu.ca/yzFVpJ ).
Source : SFU University Communications