Les surprises de l’évolution

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L’homme fait partie de la famille des primates au même titre que le chimpanzé ou le gorille et les scientifiques qui ont découvert que notre génome était incroyablement proche des singes, nos cousins, se posent maintenant des questions presque existentielles sur les différences entre le gorille ou le chimpanzé et l’homme. Ces infimes différences génétiques, selon ces experts que je ne contredirai pas, sont le résultat de l’évolution naturelle. En quelques millions d’années nos lointains ancêtres se sont différenciés des grands singes à tel point que par exemple le volume et la complexité de notre cerveau nous a permis de parler et d’effectuer des raisonnements déductifs, peut-être la plus importante différence entre nous humains et le bonobo ou le chimpanzé. Quant au comportement social et son évolution il constitue encore une énigme que la génétique ne peut pas totalement expliquer. Ce billet est dédié à l’évolution sociale de l’homme, ce qui le différencie des grands singes et ce qui le différencie aussi de ces derniers au niveau de son comportement et de ses attributs sexuels. Que mes lecteurs ne croient surtout pas que ce genre de sujet me préoccupe compulsivement, je ne fais que relater un article paru dans The Conversation (voir le lien) qui tente de préciser la relation entre les caractères sexuels secondaires et le comportement social et ce qui à ce niveau différencie l’homme de ses plus proches cousins.

Cet article a été écrit par le Docteur Mark Maslin, Professeur de paléoclimatologie à l’University College de Londres et je me suis permis d’en reproduire ici de larges extraits. Les hommes ont un pénis beaucoup plus long et large que tous les autres grands singes. Même le gorille mâle qui arrive à peser en moyenne 200 kg est pourvu d’un pénis d’à peine 8 centimètres de long en pleine érection. De plus les testicules du gorille sont à peu près de la même taille que ceux ces humains, plutôt petits – sinon ridicules – si on les compare à ceux du chimpanzé. Les testicules du chimpanzé et du bonobo représentent en volume près du tiers de leur cerveau alors que chez l’homme ils atteignent péniblement 3 % du poids de ce dernier. Si comme le Docteur Maslin on en reste à ces observations anatomiques on peut spéculer sur la signification de l’évolution et de l’interdépendance entre les caractères sexuels, la poitrine des femelles (femmes) est également prise en considération, et le comportement social et sexuel.

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Le comportement sexuel des grands singes est très variable. Ils sont tout aussi bien polygames (on dit polygynes) que multi-partenaires, tant les mâles que les femelles. Le dimorphisme sexuel, les gorilles et les chimpanzés mâles sont très nettement plus lourds et trapus que les femelles, semble lié à l’occurence de sortes de harems du moins chez les gorilles et aussi les orangs-outans. Un gorille mâle vit avec plusieurs femelles et agit en sorte qu’aucun intrus ne vienne empiéter sur son territoire. Ce n’est pourtant pas le cas des chimpanzés : dans un groupe tous les mâles et toutes les femelles s’accouplent parfois plusieurs fois par jour sans discernement, une sorte de joyeuse communauté. Une femelle est donc par conséquent porteuse du sperme d’une multitude de partenaires sexuels ce qui constitue une compétition directe dans le processus de transmission des gènes. Le chimpanzé, au cours de l’évolution, s’est donc équipé de testicules presque monstrueux (photo ci-dessous) pour produire des quantités massives de sperme plusieurs fois par jour. Les gorilles qui vivent en harem, un mâle non disputé pour plusieurs femelles, sont pourvus de testicules d’une taille presque ridicule pour leur stature, à peu de choses près comme les hommes. Comme les gorilles d’ailleurs, quand l’homme éjacule deux fois en une journée le comptage des spermatozoïdes chute dramatiquement. Si on s’arrête à cette dernière observation il est possible d’en déduire que la monogamie ou l’activité sexuelle de l’homme est une conséquence de la petite taille de ses testicules.

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Venons-en à la taille du pénis et à son diamètre. Là encore il n’y a pas de règles générales chez les primates y compris l’homme. Par exemple le babouin mâle hamadryas endémique en Somalie et en Ethiopie est pourvu d’un pénis d’un longueur de 14 centimètres pour un poids moyen de 25 à 30 kg, soit à peu près la longueur moyenne d’un pénis humain … Mais pour nous une simple règle de trois laisse rêveur, imaginez-vous, chers lecteurs, munis d’un pénis de 40 centimètres de long ! En ce qui concerne les chimpanzés, les gorilles et les orangs-outans, nos plus proches cousins, l’homme est champion dans cette catégorie bien que son pénis ait un aspect plutôt simple. Le pénis humain n’est pas grumeleux, il est dépourvu de crêtes, de brides ou d’un gland de forme bizarre. En un mot il est plutôt banal.

Cette banalité de l’aspect du pénis se retrouve justement chez les primates comme le gorille qui sont polygynes. Les anthropologues en ont déduit que l’homme était initialement polygyne (polygame) avant d’évoluer vers la monogamie assez récemment au cours de l’évolution. Parmi 185 groupes ethniques humains étudiés 84 % d’entre eux pratiquent la polygynie. À notre époque moderne la polygamie reste le privilège d’hommes ayant un statut social élevé et disposant de revenus suffisants pour entretenir plusieurs femmes. Je suis allé plusieurs fois dans l’île française de Mayotte majoritairement musulmane. Seuls les hommes très riches peuvent entretenir plusieurs femmes comme par exemple « Papa » Abdou que j’ai rencontré plusieurs fois pour lui acheter des fleurs d’ylang-ylang et qui, propriétaire de magnifiques plantations, a quatre épouses vivant chacune dans une maison qui lui est dédiée, meublée avec tout le confort moderne … et les nombreux enfants qu’il faut nourrir (mais les générosités de la République Française sont heureusement là pour prendre en grande partie en charge les grosses charges de Papa Abdou, c’est aussi l’évolution !

Pourtant, si on se limite à des considérations purement physiologiques, il serait avantageux pour l’homme d’assurer une descendance avec le plus grand nombre de femmes afin d’avoir le maximum de chances de transmettre ses gènes. La taille du pénis ne présenterait alors plus d’avantage en terme d’évolution. Ce n’était probablement pas le cas lorsque l’homme a compris que la polygamie demandait un incroyable effort pour protéger ses partenaires et sa descendance inévitablement nombreuse pour les loger, les protéger et les nourrir. L’évolution vers la monogamie serait donc de ce fait un phénomène naturel accompagnée d’une taille du pénis satisfaisante, dans tous les sens du terme, pour sa partenaire. En réalité l’organe sexuel le plus important reste le cerveau qui finalement commande notre comportement social et intime.

Note : la femelle bonobo n’exhibe pas de seins qui puissent la distinguer des mâles sauf quand elle allaite. Le sexe de la femme a le même aspect anatomique que celui des femelles bonobo ou chimpanzé hors période d’ovulation pour ces dernières.

Source et illustrations : http://theconservation.com/why-did-humans-evolve-big-penises-but-small-testicles-71652

L’os pénien chez l’homme : une disparition biblique ?

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L’homme se distingue étrangement des autres primates au cours de l’évolution. Je relatais récemment sur ce blog les conséquences de la bipédie à l’origine d’un changement de l’appréciation visuelle de nos congénères par opposition à celle des chimpanzés. L’évolution qui nous a séparé des singes il y a quelques millions d’années – on ne sait pas trop quand nous nous sommes définitivement différenciés des autres primates – a eu une autre conséquence tout à fait inattendue, la disparition chez l’homme de l’os pénien, pourtant présent chez le chimpanzé bien que de très faible taille et présent également chez la grande majorité des mammifères placentaires.

Si on reprenait le texte du chapitre totalement délirant de la Bible intitulé Genèse, qui sert de base idéologique pour les créationistes, on pourrait presque dire que la femme n’est pas issue d’une cote d’Adam mais de son os pénien, plus savamment appelé baculum. Pour ainsi dire Dieu aurait décrété dans son immense science que l’os pénien n’était pas utile à l’homme et qu’il allait en faire une femme pour lui tenir compagnie. Je sens que certaines de mes lectrices vont trouver mes propos outrancier mais qu’elles se rassurent ce n’est que de l’humour.

La question que se sont donc posé Matilda Brindle et Christopher Opie dans un article paru dans les Proceedings de la Royal Society (voir le lien) était de savoir pourquoi l’homme ne dispose pas de cet os particulier aucunement relié au reste du squelette et la réponse est ambigüe et pour cause, on ne sait pas trop à quoi sert cet appendice osseux qui existe aussi bien chez les primates que les carnivores dont les les rongeurs, les chats et les chiens. Une étude extensive a montré que la longueur et le diamètre de l’os pénien semblaient corrélés avec le volume des testicules, en particulier chez les primates. D’autres travaux indiquent que l’os pénien favoriserait un accouplement de longue durée, c’est-à-dire de plus de 3 minutes. L’accouplement chez les bonobos ne dure rarement plus de 15 secondes, or le pénis de ce primate très proche de l’homme est muni d’un os pénien, certes de taille infime, mais tout de même existant. Chez les félins, la copulation induit l’ovulation et l’os pénien tant du tigre que du lion aurait son importance sur ce point précis.

Bref, en ce qui concerne l’utilité du baculum les hypothèses sont variées mais la question toujours pendante est de savoir pourquoi l’homme a perdu cet os au cours de l’évolution alors que selon l’étude anthologique du Docteur Alfred Kinsey parue en 1948 la copulation chez l’homme dure en moyenne deux minutes, c’est-à-dire le temps précis entre l’intromission du pénis dans le vagin et l’éjaculation … Selon le Docteur Brindle l’homme ne fait pas face à une intense compétition sexuelle. Il est rare dans la vie normale qu’une femme fasse l’amour avec plusieurs hommes dans un laps de temps court contrairement aux femelles bonobo qui ne dédaignent pas s’accoupler avec le premier mâle à leur proximité.

Chez les primates, donc excepté l’homme, la fonction de l’os pénien est d’assurer une meilleure fécondation car cet os protège l’urètre d’éventuelles distorsions qui pourraient interférer dans le transport du sperme. D’autre part le baculum favorise le contact du gland avec le col de l’utérus, ce qui renforce l’hypothèse de l’utilité de cet os : préserver le transfert de gènes lors d’un unique accouplement. La taille de cet os surnuméraire est en effet corrélée à la durée de la saison des « chaleurs » chez les femelles des primates. Plus cette période est courte plus la taille du baculum est importante. Et plus la durée d’accouplement est courte, plus cet os est proéminent. Pourquoi l’homme est démuni de cet accessoire anatomique ? Les conclusions de cette étude restent elliptiques, une nécessité biblique … ?

Source : doi : 10.1098/rspb.2016.1736

Pourquoi notre cerveau est le plus gros et le plus complexe

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En 1924 Joséphine Salmons, la seule étudiante en anatomie de l’Université de Witwatersrand en Afrique du Sud, tous les autres étudiants étaient des hommes, alla comme chaque été surveiller les excavations d’une carrière de calcaire près de la ville de Taung qui appartenait à des amis de ses parents. C’était un peu son passe-temps favori et cette année-là elle ne fut pas déçue car elle trouva le crane complet d’un singe, peut-être, en tous les cas d’un ancêtre éloigné de l’homme, un simien que les propriétaires de la carrière avaient rapporté chez eux. Elle emmena ce fossile à son professeur, le Docteur Raymond Dart. Selon toute vraisemblance il s’agissait d’un enfant et Dart le nomma Australopithecus africanus, un ancêtre de l’homme, l’enfant de Taung. Les mesures du volume de son cerveau indiquaient que ce dernier était un peu plus gros que celui du chimpanzé, 400 grammes. Il fallut attendre les années 1950 pour considérer qu’effectivement cette découverte était considérable après de nombreuses découvertes d’autres fossiles d’hominidés en Afrique et en particulier dans la région des grands lacs. L’enfant de Taung a été ultérieurement daté et aurait vécu il y a un peu plus de trois millions d’années.

Aujourd’hui on peut se faire une idée précise de la chronologie de l’évolution des hominidés. Les hominidés (nos ancêtres lointains) et les chimpanzés y compris leurs cousins proches les bonobos ont divergé d’un ancêtre commun il y a environ 7 millions d’années. Il fallut attendre 4 millions d’années pour assister au début d’une augmentation massive du volume du cerveau de notre ancêtre Homo sapiens qui tripla de volume en moins de 3 millions d’années. L’homme moderne tel que nous le connaissons aujourd’hui n’apparut qu’il y a 200000 ans.

Par quel processus le cerveau de ces créatures qui allaient devenir des hommes a-t-il pu quadrupler en volume, passant de 350 à plus de 1300 grammes ? De plus parmi tous les mammifères y compris les éléphants et les mammifères marins qui ont un cerveau notoirement plus volumineux que celui de l’homme, ce dernier reste champion toutes catégories pour le nombre de neurones. Le cerveau d’un éléphant possède 5,6 milliards de neurones dans le cortex alors que celui de l’homme en rassemble dans la même zone cérébrale 16,3 milliards. Même les gorilles et les chimpanzés font pâle figure puisqu’ils possèdent respectivement 9 et 6 milliards de neurones corticaux.

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Il aura fallu attendre la révolution récente de la génétique moléculaire pour comprendre cette évolution particulière du cerveau humain. Bien que le cerveau représente 2 % du poids d’un être humain, il consomme plus de 20 % de l’énergie dont dispose le corps, essentiellement sous forme de glucose. Si on fait un bilan énergétique chez le chimpanzé, on découvre que le cerveau de ce primate consomme, rapporté à son poids, moitié moins d’énergie que celui de l’homme. Ces observations ont conduit à formuler l’hypothèse d’une redistribution de l’énergie en faveur du cerveau au cours de l’évolution de l’homme et au détriment des autres organes dont en particulier le tube digestif et les muscles. Au sujet des muscles, il est évident que le chimpanzé possède une musculature beaucoup plus développée que celle de l’homme, mais pour le système digestif la seule explication permettant d’éventuellement confirmer cette hypothèse est le régime alimentaire que développa et diversifia l’homme au cours de l’évolution. La cuisson (on considère que l’homme a inventé le feu il y a plus de 500000 ans) a favorisé cette redirection de l’énergie vers le cerveau en facilitant la digestion et donc en réduisant l’apport en énergie vers le système digestif. L’invention d’outils et d’armes pour faciliter la chasse a également contribué à réduire l’apport en énergie vers les muscles. Enfin, l’homme a très vite diversifié son régime alimentaire.

Encore fallait-il expliciter par des faits ces hypothèses et c’est ce qui a été rendu possible avec la biologie moléculaire en étudiant des cerveaux de primates et d’hommes et en quantifiant l’expression des gènes impliqués dans le transport du glucose. En effet les gènes codant pour les systèmes de transport du glucose vers le cerveau et les muscles sont différents et il a été possible de différencier entre les chimpanzés et l’homme l’expression de ces gènes. Il se trouve que le système de transport du glucose vers le cerveau est trois fois plus exprimé chez l’homme que chez le chimpanzé et à l’inverse plus d’une fois et demi plus exprimé chez le chimpanzé pour les muscles alors qu’il n’y a pas de différence au niveau du foie.

Mais il n’y a pas seulement le glucose. Une étude portant sur près de 1000 métabolites différents (métabolome) a clairement montré qu’au niveau du cortex préfrontal la divergence entre les chimpanzés et l’homme ne pouvait pas s’expliquer par la simple dérive génétique mais surtout par l’évolution. Par exemple il n’y a pas ou peu de différence pour les reins mais au niveau du cortex préfrontal cette différence due à l’évolution est 7 fois plus élevée que celle de la simple dérive génétique en ce qui concerne les profondes modifications de l’utilisation des petites molécules nécessaires à la croissance cellulaire. Qu’en est-il alors au niveau du développement embryonnaire du cerveau ?

L’approche a consisté à introduire chez la souris les gènes respectifs appelés HARE5 qui orchestrent le développement du cerveau provenant de l’homme et du chimpanzé et qui diffèrent de seulement 16 bases. Le résultat a été étonnant. Au bout de 9 jours de développement embryonnaire, il était déjà évident que le gène humain accélérait la croissance du cortex cérébral en diminuant le temps de division des cellules neuronales de 12 à 9 heures avec au final un cerveau 12 % plus gros que celui obtenu en présence de l’HARE5 de chimpanzé. Cette approche expérimentale était encore impossible il y a seulement dix ans. Le début de la divergence du gène HARE5 a pu être approximativement datée comme ayant eu lieu il y a 6 millions d’années … Il aura fallu encore près de trois millions d’années de dérive génétique pour aboutir à cet accroissement du volume du cerveau humain !

Pour conclure, l’évolution du cerveau vers une plus grande taille et une plus grande complexité est la résultante de plusieurs facteurs, alimentation et dérive génétique, qui nous différencient de nos cousins les singes.

Source et liens :

https://www.quantamagazine.org/20151110-evolution-of-big-brains/

http://journal.frontiersin.org/article/10.3389/fnana.2014.00077/full

http://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.1001871

Illustrations : Quantamagazine

Parlons peu, parlons bien …

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Le langage est l’apanage de l’homme, une caractéristique que nos cousins les singes, en particulier les chimpanzés et les bonobos, ne partagent pas avec nous comme ils ne partagent d’ailleurs pas non plus le penchant guerrier des hommes qui, au lieu de se parler puisqu’ils possèdent ce don, préfèrent s’entretuer quitte à abattre des avions civils pour le plaisir ou pour d’obscures raisons politiques, mais c’est une autre histoire. Le cerveau des chimpanzés est muni comme le notre d’une aire dite de Broca localisée dans le lobe fronto-temporal du cerveau également appelée aire du langage. Broca, illustre médecin français fut le premier à localiser cette zone particulière du cerveau, normalement située dans l’hémisphère gauche du cerveau, en étudiant des patients qui présentaient une aphasie du langage appelée depuis aphasie de Broca car cette aire particulière du cerveau était endommagée. Chez le singe il semble que tout fonctionne parfaitement au niveau cérébral mais ce qui fait que les singes sont incapables de parler ne vient donc pas du cerveau mais de la structure musculaire du larynx et des cordes vocales.

Au cours de la première année de la vie l’enfant apprend vite à montrer du doigt un objet puis il accompagne ce geste rudimentaire par des sons tout aussi rudimentaires et apprend très vite, après avoir découvert ses capacités à moduler les sons, à répéter les mots qu’il entend, puis à progressivement construire des phrases, le langage est ainsi apparu. Le jeune singe, de la même manière que l’enfant, montre du doigt les objets qui l’entourent quand il veut en prendre possession mais il n’associera jamais ces gestes à un quelconque son modulé alors qu’il reconnaît très vite une centaine de mots dont il a associé une signification précise ainsi que des phrases courtes (voir le lien youtube). Pour le langage simiesque, rien, seulement des sons inarticulés, comme si le cerveau, l’aire de Broca, n’arrivait pas à transmettre les impulsions correctement aux muscles du larynx et à modifier les cordes vocales judicieusement.

Le film « L’Aube de la Planète des Singes » met en scène des singes « mutants » qui parlent anglais, ce qui est véritablement de la science-fiction car l’émergence du langage apparut probablement au même moment que la bipédie pour toutes sortes de raisons dont la nécessité de communiquer rapidement en cas de danger, bipédie chez les primates étant synonyme du genre « Homo ». De plus, les interconnexions entre différentes régions du cerveau sont chez le singe telles qu’il manque cruellement des capacités cognitives qui chez l’homme lui permettent très rapidement de communiquer avec un nombre limité de mots qui peuvent être combinés à l’infini pour former des phrases courtes. Même si le singe peut mémoriser une centaine de mots et même s’il pouvait parler comme nous il serait incapable de construire des phrases. En effet une autre différence notoire entre le singe et l’homme est la faculté d’abstraction pour inclure dans la réflexion des notions aussi simples que le passé ou le futur ou encore l’absence d’un objet ou d’une personne. La perception du passé et du futur est un processus qui apparaît chez l’enfant vers l’âge de deux ans lorsque la mémoire commence à se construire et s’organiser alors qu’au même âge, le petit du bonobo possède déjà un cerveau en grande partie figé et seul un apprentissage répétitif influera sur sa mémoire et non plus sur la densité de ces connexions intra-cérébrales qui différencient encore l’homme du singe.

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Quand nos ancêtres directs arrivèrent en Europe il y a environ 80000 ans, organisés, capables de construire des armes, non pas pour s’entretuer mais pour se défendre contre les bêtes sauvages et se procurer de la nourriture de qualité, riche en protéines et très utile pour leur développement cérébral, ils étaient très probablement capables de communiquer par la parole, car qui dit organisation d’un groupe humain sous-entend la maîtrise de la communication. Ils ont rencontré sur leur chemin des créatures qui leur ressemblaient, les hommes de Neandertal, qui étaient établis dans ces contrées depuis des centaines de milliers d’années. Naturellement il y eut une certaine mixité intime entre ces cousins très proches descendant paradoxalement des mêmes ancêtres d’origine africaine, mais qu’en était-il de la faculté des hommes de Neandertal à parler et par conséquent à communiquer avec l’Homo sapiens sapiens nouveau venu ? Mystère ! On n’a toujours pas pu apporter le moindre élément de preuve sur ce dernier point. Cette réflexion sur le langage fait penser, surtout pour un résident des Îles Canaries, que les habitants de l’île de la Gomera utilisent un langage particulier basé sur des sifflements modulés appelé « el silbo gomero ». Il est acquis que ce langage que l’on pourrait rapprocher de celui des dauphins provient des premiers habitants des Îles Canaries, des berbères venus du Magreb appelés Guanches, que les occupants espagnols ont adopté pour une raison très simple, cette île de forme arrondie, reste d’un puissant volcan, est parcourue par de profondes ravines et la communication entre les diverses hauteurs séparées par ces vallées escarpées accessibles qu’aux seules chèvres des nombreux bergers du cru n’était possible qu’à l’aide de ce type de langage. Imaginons que les Neandertaliens aient communiqué entre eux par des sifflements comme le silbo gomero, on peut aisément comprendre pourquoi nos ancêtres directs s’en sont débarrassé proprement comme les Espagnols ont exterminé les Guanches jusqu’au dernier. Tout ça pour une incompréhension et un manque de communication, comme quoi à des dizaines de milliers d’années d’intervalle la nature humaine n’a pas fondamentalement changé.

Inspiré d’un article du Max Planck Institute for Psycholinguistics (Nijmegen). Ile la Gomera, en arrière plan le volcan El Teide (Tenerife)

http://www.youtube.com/watch?v=2Dhc2zePJFE

Pourquoi le pénis de l’homme est plus gros que celui de tous les autres primates ?

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Il y a un peu plus de deux millions d’années nous n’étions déjà plus des singes mais nous n’étions pas encore des hommes. Nous marchions encore le plus souvent à quatre pattes comme nos cousins primates qui nous ressemblaient probablement beaucoup. Nous ne sommes pas très différents des chimpanzés et des bonobos, génétiquement s’entend, puisque nos gènes ne diffèrent que de 2 % et c’est d’ailleurs la preuve que nous descendons d’un ancêtre commun, n’en déplaise aux créationistes. Mais quand notre ancêtre a appris à marcher sur les deux pattes arrières il s’en est suivi toute une évolution qui fait qu’aujourd’hui nous ne sommes plus des singes mais des hommes. Seule la bipédie a fait que notre squelette a évolué, notre habileté à trouver de la nourriture et à fuir les prédateurs ont fait le reste. Un nourriture agrémentée de quelques morceaux de charogne ou de viande crue d’un animal fraichement abattu a permis à notre cerveau d’évoluer rapidement, encore qu’il faille s’entendre sur le terme « rapidement » car il nous a fallu pas loin de deux millions d’années pour être ce que nous sommes aujourd’hui et non pas des singes.

La bipédie a eu aussi pour résultat, certes anecdotique, de mettre en évidence les organes sexuels de l’homme et de dissimuler le sexe de la femme qui quand elle marchait encore à quatre pattes était parfaitement visible comme le sexe d’un femelle bonobo est complètement découvert. Mais ce n’est pas tout. La posture verticale a modifié également l’agencement des organes internes, en particulier les intestins et d’autres tissus mous et variés qui sont retenus par le péritoine et la musculature du ventre chez les singes qui présentent naturellement un ventre rebondi du fait de la simple action de la gravité, mais pour l’homme (et la femme) qui a appris à marcher sur ses deux membres postérieurs, outre les modifications profondes de l’articulation des hanches et de la courbure de la colonne vertébrale, ces organes ont eu tendance à peser sur le bas du ventre. Et qu’y a-t-il au bas du ventre de la femme, le vagin, orifice jouant un rôle central dans le processus de la reproduction.

Et là réside l’explication de la taille nettement supérieure du pénis de l’homme si on établit une comparaison avec nos cousins les singes. Par exemple le gorille impressionne par sa musculature mais son pénis est si petit qu’au repos il est à peine visible. Cette observation enlève d’ailleurs toute crédibilité à la célèbre chanson de Brassens mais c’est hors sujet. Quant aux bonobos qui pratiquent les joies de l’accouplement à répétition à longueur de journée dans des postures n’étant pas sans rappeler celles que les humains imaginent dans le secret d’une alcôve n’ont pas non plus un pénis impressionnant, loin de là, à peine augmente-t-il de taille entre la flaccidité et l’érection.

Venons en donc à cette fameuse taille du pénis. Tout a été dit à tort ou à raison mais les statistiques sont là pour le prouver : la taille du pénis de l’homme n’est pas exceptionnelle, tout au plus en moyenne 5,4 pouces en érection, soit 13,9 centimètres. Mais il y a un problème ! Plus les statistiques concernent des grands nombres avec des mesures dûment constatées par le corps médical, plus la taille moyenne diminue. Les premières données datent de la collecte organisée par Mac Kinsey (sponsorisé par la firme Durex) et arrivaient à cette étonnante taille de 16,2 centimètres en moyenne puis ce fut 15,8, 14,6 et finalement 13,9 centimètres. En s’en tenant à cette dernière étude portant sur plusieurs milliers d’homme volontaires pour ce petit jeu, et en toute objectivité, on arrive à cette taille moyenne de 13,9 centimètres pour une circonférence moyenne de 12,7 centimètres conduisant à un diamètre d’environ 4 centimètres tout au plus à la base du pénis. Ces études statistiques agrégées ont enfin montré que seulement 18 hommes sur 1000 dépassaient cette mensuration moyenne. Les vantards sont donc beaucoup plus nombreux qu’on a tendance à le croire, toutes origines ethniques confondues et ce n’est pas parce qu’on a un ancêtre Zoulou qu’on est mieux « monté ».

Mais à la question de savoir pourquoi le pénis de l’homme est plus long et, disons, plus large que celui des quelques 190 espèces de primates dont nous faisons partie, il faut faire preuve d’imagination et les médecins qui se sont penché sur ce problème n’ont pas trouvé d’autres explications qu’une courbure du vagin vers l’avant et vers le bas sous le poids des viscères obligeant le pénis de l’homme à s’adapter à cette situation un peu comme la girafe a vu son cou grandir et grandir encore pour atteindre les hautes branches des arbres dont elle se nourrit. En d’autres termes le pénis de l’homme s’est adapté à la géométrie du vagin pour optimiser le dépôt de sperme aussi près que possible du col de l’utérus étant sous-entendu naturellement que le vagin n’est pas une structure figée mais un tissu souple, contrairement au pénis en érection, donc un vagin qui s’adapte autant à la longueur qu’au diamètre de ce dernier. La nature, encore une fois, fait bien les choses.

Source : Definitive Penis Internet Survey

 

 

 

 

 

 

Pourquoi sommes-nous monogames ?

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Plus de 90 % des oiseaux sont monogames, c’est-à-dire qu’une femelle et un mâle forment un couple stable, et cette situation est d’autant plus répandue que les oisillons nécessitent l’intense travail du père et de la mère pour leur subsistance. Il y a des exceptions comme certains oiseaux nidifuges dont la progéniture est à même de subsister dès l’éclosion sous la surveillance de la mère. Dans ce cas les femelles comme les mâles ont une activité sexuelle diversifiée, on appelle alors ce comportement la polygynandrie. J’ai découvert ce mot en lisant un article paru il y a quelques jours dans les PNAS (voir le lien) et dissertant du pourquoi et du comment de la monogamie et de la polygamie. Mais venons-en aux mammifères dont l’homme fait partie. Chez les mammifères moins de 3 % des espèces sont monogames. Et chez les primates, dont nous faisons également partie, la proportion n’est pas plus élevée. En dehors de quelques lémuriens, de l’homme et d’un groupe de singes d’Amérique Centrale et du Sud, les Callitrichidés, il n’y a pas de primates monogames. Les Callitrichidés (voir la photo trouvé sur Wikipedia) qui comprennent le tamarin, le ouistiti, le marmouset et le singe écureuil vivent en groupe et pourtant les couples sont stables pour une raison évidente : les femelles ont systématiquement des grossesses gémellaires, ce qui a pour conséquence d’obliger le père à s’occuper d’au moins une des deux progénitures, la mère ne pouvant pas les prendre en charge simultanément, cette prise en charge par le père constitue d’ailleurs une exception chez les primates. Les lémuriens vivent également en groupe et les couples sont le plus souvent stables. Pour tenter d’expliquer l’apparition de la monogamie chez les primates (dont l’homme) il n’y a pas beaucoup de possibilités. Soit la tâche consistant à élever les petits est trop lourde pour une mère seule, et c’est le cas des Callitrichidés, ou encore la durée entre la naissance et l’acquisition d’une certaine indépendance pour la subsistance alimentaire est très longue, c’est le cas évident chez l’homme, mais cette hypothèse entre dans le même cadre que celui des Callitrichidés, ce serait le coût de la survie qui nécessite une monogamie, situation qui peut être rapprochée également des mammifères élevant leur progéniture en solitaire comme par exemple l’ours, mais l’ours est pourtant polygame. Enfin, pour en revenir aux primates, la monogamie peut s’expliquer par les risques d’infanticides et la durée de la lactation par rapport à celle de la grossesse. Puisque 25 % des primates sont monogames, le plus fort pourcentage de tous les mammifères, il fallait trouver une explication rationnelle. D’abord l’apparition de la monogamie ne date pas d’aujourd’hui. En analysant l’arbre phylogénétique des primates, celle-ci remonte à environ 16 millions d’années malgré le fait que certaines espèces auraient opté pour la monogamie et seraient retombées, si l’on peut dire, à une polygynandrie originelle. La polygynandrie peut se définir brièvement comme suit : les femelles appartiennent à tous les mâles et réciproquement. L’infanticide est beaucoup plus répandu qu’on ne le croit, par exemple chez les gorilles, plus du tiers des nouveaux-nés est tué par un mâle afin de trouver une femelle réceptive et chez les colobes (Cercopythèques) cette proportion atteint plus de 60 %. Comme les gorilles et les colobes ne sont pas monogames, l’explication simple serait que la monogamie permet de réduire l’incidence des infanticides, le père protégeant sa progéniture. Il y a enfin un bénéfice inattendu pour le mâle monogame car, par les soins qu’il apporte à sa progéniture, la durée de la lactation diminue sensiblement, rendant la femelle réceptive plus précocement. Il faut rappeler ici que parmi les primates, seule la femme et la femelle bonobo sont réceptives indépendamment de l’oestrus, c’est-à-dire du fait d’être fécondes ou non. D’ailleurs chez les chimpanzés et les bonobos, les mâles protègent les petits qu’ils soient leur enfant ou non car ils vivent en groupes hiérarchisés bien que la polygynandrie y soit de mise. En définitive la raison la plus plausible de l’apparition de la monogamie est de réduire l’incidence des infanticides d’autant plus fréquents que le sevrage est tardif en raison de la complexité du cerveau nécessitant un allaitement tout aussi tardif. Pour rappel, les humains sont monogames à l’exception des Mormons et des Musulmans, il s’agit donc d’exceptions religieuses et non pas comportementales. Quant aux infanticides, le fait des mâles chez les primates, il n’existe chez les humains qu’en de très rares occasions, du fait de la mère de l’enfant, souvent en souffrance psychique, ou de religieux pour des exécutions rituelles, une pratique heureusement d’un autre âge.  

Source : http://www.pnas.org/content/early/2013/07/24/1307903110