Pourquoi la poitrine reprend sa taille normale après l’allaitement

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Toutes les femmes qui ont porté puis nourri au sein un ou plusieurs enfants le savent, leur poitrine grossit durant leur grossesse puis à la fin de l’allaitement celle-ci diminue de volume (illustration ci-dessus : poitrine de femme enceinte, source Wikipedia). Mais que se passe-t-il au juste au niveau des glandes mammaires pour que la poitrine retrouve sa taille d’avant la grossesse ? C’est une question pas si anodine qu’il n’y paraît que s’est posée une équipe de biologistes de l’Université de Manchester car il existe des troubles chez certaines femmes dans le processus de retour à une taille normale de leur poitrine à la fin de l’allaitement mais aussi dans diverses situations physiologiques car l’organisme entier doit sans cesse créer de nouvelles cellules et également éliminer celles qui sont mortes. Le décryptage de l’élimination du surplus de cellules des glandes mammaires constitue donc une bonne approche pour comprendre cet aspect général du renouvellement cellulaire d’un quelconque organe de notre corps.

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Comme l’indique ci-dessus le résumé graphique des travaux réalisés et parus dans la revue Developmental Cell (voir le doi et en accès libre car sponsorisé par la fondation Wellcome) les macrophages, ces lymphocytes sanguins mangeurs de détritus, prennent en charge les cellules mortes (apoptotic cell) de la glande mammaire (dans l’illustration entourant le canal de sécrétion, la lumière, entourée de cellules sécrétrices de lait dites luminales) mais ce mécanisme doit être finement régulé afin d’éviter une dégénérescence de la totalité de la glande mammaire. La femme est en effet programmée pour porter plusieurs enfants comme la plupart des mammifères, et la poitrine doit être capable de subvenir aux besoins nutritionnels d’un futur enfant après avoir été nettoyée des cellules devenues inutiles à la fin de la lactation. Les macrophages ne suffisent pas pour mener à bien ce rôle de nettoyeurs et les cellules myo-épithéliales leur donnent un petit coup de main si on peut dire les choses ainsi.

La régulation de cet évènement appelé involution est critique pour maintenir la glande mammaire dans un état opérationnel futur et cette régulation est sous le contrôle d’une protéine dite « signal » appelée Rac-1 dont le rôle central a été mis en évidence en annihilant son expression chez des souris. La première portée de souriceaux de ces souris se porte presque bien mais il se passe déjà quelque chose de pas normal car ils n’arrivent pas à atteindre le même poids que des souriceaux témoins. Par contre pour la deuxième portée c’est la catastrophe car les glandes mammaires sont devenues incapables d’excréter correctement du lait, de plus défectueux dans sa composition, et tous les souriceaux meurent de malnutrition. Le Rac-1, cette protéine signal exprimée dans tous les tissus, joue donc un rôle central dans la reconfiguration de la glande afin d’assurer à la descendance suivante un apport optimal en lait. En son absence les canaux d’excrétion se remplissent de cellules mortes car la machinerie d’élimination de ces dernières est devenue totalement inefficace. Non seulement les macrophages n’ont pas fait leur travail mais les cellules myo-épithéliales sont devenues également inopérantes. Un désastre !

Comme quoi notre organisme est sous l’influence d’une myriade de systèmes de régulations liés les uns aux autres dans une harmonie extraordinaire et le moindre grain de sable, une petite mutation sur le gène d’une petite protéine, et tout se dérègle.

Source : Developmental Cell, doi : 10.1016/j.devcel.2016.08.005

Mères allaitantes et sexe : libido plus intense ou stratégie relationnelle ?

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Curieuse question que s’est posé Michelle Escasa-Dorne de l’Université du Colorado en étudiant le comportement sexuel de femmes mariées à Manille aux Philippines. L’étude a englobé 86 femmes mariées allaitant et encore en aménorrhée, 48 femmes allaitant et étant réglées et 106 femmes mariées sans enfants et normalement réglées. Toutes étaient âgées de moins de 35 ans et avaient suivi une éducation normale, vivaient dans les faubourgs de Manille près de centres de santé et avaient accepté de répondre à un questionnaire un peu indiscret relatif à leur comportement sexuel avec leur époux. Il faut rappeler ici que les Philippines est un pays très catholique et que la fidélité conjugale est un devoir sinon une obligation religieuse. Mais là n’est pas la question.

La littérature scientifique faisait état d’une chute de la libido chez les mères après avoir donné naissance à leur enfant, trop préoccupées par les soins prodigués à ce dernier, et que cette chute de libido se traduisant par sinon une absence du moins une rareté dans les rapports sexuels n’était due qu’à cette occupation de mère allaitante et plus encline à s’occuper de son enfant que son époux. L’étude réalisée par le Docteur Escasa-Dorne démontre qu’il n’en est rien. On aurait pu croire que les femme allaitantes et en aménorrhée seraient plus disposées à un rapport sexuel dans la mesure où le risque de grossesse est amoindri. Ce sont au contraire les mères avec leur enfant au sein et réglées qui sont les plus actives sexuellement, y compris en comparaison des femmes mariées nullipares et normalement réglées. Ces mêmes femmes ont aussi déclaré être encore plus actives sexuellement qu’avant de se retrouver enceintes.

Puisqu’on cherche à trouver une explication logique à tout comportement humain comme dans le cas présent largement instinctif, il n’y a qu’un pas vite franchi pour en trouver une : une stratégie consistant à maintenir une relation étroite avec son partenaire dans le but de s’assurer un avenir confortable pour la progéniture. En quelque sorte une sorte d’instinct de conservation qui se traduit par une disponibilité sexuelle plus soutenue ou énoncé différemment la nécessité de préserver le couple pour assurer un avenir à l’enfant. Comme l’indique le tableau 2 de l’article relatant cette étude, c’est l’engagement entre partenaires du couple qui est le facteur prépondérant dans l’activité sexuelle et non le désir, l’amour, ou encore la recherche d’orgasmes ou de satisfaction. On se trouve donc devant un comportement strictement instinctif qui n’est justifié que par le maintien de la cohésion du couple en vue d’assurer la survie de la cellule familiale. Il faut enfin noter que dans cette étude la majorité des enfants au sein étaient âgés de 9 mois et plus, un détail qui n’a pas été relevé par l’auteur de l’étude (voir le lien) et qui pourrait à lui seul expliquer ce comportement particulier de la mère. En effet à cet âge l’enfant a besoin d’une alimentation plus différenciée que le lait maternel pour son développement et cette simple nécessité de disponibilité en nourriture peut expliquer ce comportement. On retrouve peut-être ici les comportement primordiaux de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs qui étaient assurés de toujours trouver une partenaire sexuelle active et consentante à condition peut-être qu’ils subviennent à la survie de l’enfant … et de sa mère, au prix de quelques sacrifices l’obligeant à délaisser un instant son enfant pour satisfaire son partenaire. En effet, la sécrétion de prolactine a tendance à diminuer le taux de testostérone chez la mère allaitante et donc par voie de conséquence la libido, mais ce n’était pas le but de cette étude.

Source : DOI 10.1007/s12110-015-9223-x , Human Nature en accès libre, illustration Marie Cassat « Mère et Enfant » (1906)

Pourquoi sommes-nous monogames ?

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Plus de 90 % des oiseaux sont monogames, c’est-à-dire qu’une femelle et un mâle forment un couple stable, et cette situation est d’autant plus répandue que les oisillons nécessitent l’intense travail du père et de la mère pour leur subsistance. Il y a des exceptions comme certains oiseaux nidifuges dont la progéniture est à même de subsister dès l’éclosion sous la surveillance de la mère. Dans ce cas les femelles comme les mâles ont une activité sexuelle diversifiée, on appelle alors ce comportement la polygynandrie. J’ai découvert ce mot en lisant un article paru il y a quelques jours dans les PNAS (voir le lien) et dissertant du pourquoi et du comment de la monogamie et de la polygamie. Mais venons-en aux mammifères dont l’homme fait partie. Chez les mammifères moins de 3 % des espèces sont monogames. Et chez les primates, dont nous faisons également partie, la proportion n’est pas plus élevée. En dehors de quelques lémuriens, de l’homme et d’un groupe de singes d’Amérique Centrale et du Sud, les Callitrichidés, il n’y a pas de primates monogames. Les Callitrichidés (voir la photo trouvé sur Wikipedia) qui comprennent le tamarin, le ouistiti, le marmouset et le singe écureuil vivent en groupe et pourtant les couples sont stables pour une raison évidente : les femelles ont systématiquement des grossesses gémellaires, ce qui a pour conséquence d’obliger le père à s’occuper d’au moins une des deux progénitures, la mère ne pouvant pas les prendre en charge simultanément, cette prise en charge par le père constitue d’ailleurs une exception chez les primates. Les lémuriens vivent également en groupe et les couples sont le plus souvent stables. Pour tenter d’expliquer l’apparition de la monogamie chez les primates (dont l’homme) il n’y a pas beaucoup de possibilités. Soit la tâche consistant à élever les petits est trop lourde pour une mère seule, et c’est le cas des Callitrichidés, ou encore la durée entre la naissance et l’acquisition d’une certaine indépendance pour la subsistance alimentaire est très longue, c’est le cas évident chez l’homme, mais cette hypothèse entre dans le même cadre que celui des Callitrichidés, ce serait le coût de la survie qui nécessite une monogamie, situation qui peut être rapprochée également des mammifères élevant leur progéniture en solitaire comme par exemple l’ours, mais l’ours est pourtant polygame. Enfin, pour en revenir aux primates, la monogamie peut s’expliquer par les risques d’infanticides et la durée de la lactation par rapport à celle de la grossesse. Puisque 25 % des primates sont monogames, le plus fort pourcentage de tous les mammifères, il fallait trouver une explication rationnelle. D’abord l’apparition de la monogamie ne date pas d’aujourd’hui. En analysant l’arbre phylogénétique des primates, celle-ci remonte à environ 16 millions d’années malgré le fait que certaines espèces auraient opté pour la monogamie et seraient retombées, si l’on peut dire, à une polygynandrie originelle. La polygynandrie peut se définir brièvement comme suit : les femelles appartiennent à tous les mâles et réciproquement. L’infanticide est beaucoup plus répandu qu’on ne le croit, par exemple chez les gorilles, plus du tiers des nouveaux-nés est tué par un mâle afin de trouver une femelle réceptive et chez les colobes (Cercopythèques) cette proportion atteint plus de 60 %. Comme les gorilles et les colobes ne sont pas monogames, l’explication simple serait que la monogamie permet de réduire l’incidence des infanticides, le père protégeant sa progéniture. Il y a enfin un bénéfice inattendu pour le mâle monogame car, par les soins qu’il apporte à sa progéniture, la durée de la lactation diminue sensiblement, rendant la femelle réceptive plus précocement. Il faut rappeler ici que parmi les primates, seule la femme et la femelle bonobo sont réceptives indépendamment de l’oestrus, c’est-à-dire du fait d’être fécondes ou non. D’ailleurs chez les chimpanzés et les bonobos, les mâles protègent les petits qu’ils soient leur enfant ou non car ils vivent en groupes hiérarchisés bien que la polygynandrie y soit de mise. En définitive la raison la plus plausible de l’apparition de la monogamie est de réduire l’incidence des infanticides d’autant plus fréquents que le sevrage est tardif en raison de la complexité du cerveau nécessitant un allaitement tout aussi tardif. Pour rappel, les humains sont monogames à l’exception des Mormons et des Musulmans, il s’agit donc d’exceptions religieuses et non pas comportementales. Quant aux infanticides, le fait des mâles chez les primates, il n’existe chez les humains qu’en de très rares occasions, du fait de la mère de l’enfant, souvent en souffrance psychique, ou de religieux pour des exécutions rituelles, une pratique heureusement d’un autre âge.  

Source : http://www.pnas.org/content/early/2013/07/24/1307903110