Antibiotiques et asthme chez l’enfant : encore un scandale !

Rhinovirus

Les enfants a qui on a prescrit des antibiotiques avant leur premier anniversaire sont plus exposés à des atopies, c’est un terme médical barbare qui recouvre la respiration dite « sifflante », l’asthme et certaines formes d’eczéma et c’est un réel problème qui perturbe non seulement l’enfant qui doit parfois se soumettre à vie à des anti-histaminiques mais également les parents qui doivent prendre soin de leur progéniture quotidiennement. Les médecins n’en ont cure, ils ont quasiment créé un marché captif bien juteux ! Mais la corrélation directe entre antibiotiques et atopies n’avait jamais été formellement prouvée jusqu’à une étude récente réalisée à l’université de Manchester qui a analysé les données recueillies par le Centre d’allergie et d’asthme associé à l’Université concernant plus de 1000 enfants suivis depuis la naissance jusqu’à l’âge de 11 ans avec leurs dossiers médicaux complets concernant les doses d’antibiotiques administrés, les diagnostics réalisés par des praticiens de respiration sifflante, d’asthme et d’allergies. On suspectait que l’administration parfois superflue d’antibiotiques aux enfants, en particulier avant l’âge d’un an pouvait favoriser l’apparition d’asthme mais aucune étude n’avait été décisive dans ses conclusions.

Pour ces 1000 enfants, étaient également inclus les résultats de recherche d’allergènes par tests sous-cutanés à 3, 5, 8 et 11 ans car l’asthme est souvent lié à des réactions allergiques à toutes sortes d’agents externes dont l’identification précise est parfois impossible. Pour aider les médecins dans cette analyse, tous les enfants ayant reçu au moins une prescription d’antibiotiques avaient été soumis à une analyse sanguine à l’age de 11 ans pour déterminer leur réponse immunitaire aux principaux agents pathogènes de l’enfance, à savoir rhinovirus (rhume), virus syncitial respiratoire (RSV, bronchite et bronchiolite), Hemophilus influenza et Streptococcus pneumoniae pour les bactéries affectant le rhino-pharynx et les poumons. Les échantillons sanguins ont aussi permis d’analyser les SNPs d’une région du chromosome 17 appelée 17q21 qui commande l’expression d’une série impressionnante de gènes impliqués dans toutes sortes de fonctions, depuis l’architecture de la glie dans le cerveau, les marqueurs du cancer du sein ou encore l’asthme chez l’enfant, autant dire qu’il s’agissait de rechercher une aiguille dans une grosse botte de foin malgré la richesse des données médicales. Heureusement que l’équipe de chercheurs disposait aussi d’un nombre suffisant d’enfants n’ayant jamais été traités avec des antibiotiques pour disposer de témoins au cours de cette étude.

Il est tout de suite apparu que les enfants traités avec des antibiotiques avant leur premier anniversaire étaient plus de deux fois plus sujets à une respiration sifflante ou de l’asthme caractérisé dûment diagnostiqués par les pédiatres. Plus troublant et totalement inattendu, ces mêmes enfants présentaient des taux de cytokines inférieurs à ceux des « témoins », les cytokines étant des marqueurs de défense immunitaire contre les affections virales. Preuve s’il en est que l’administration d’antibiotiques pour une affection virale est non seulement inefficace mais réduit inutilement la réponse immunitaire de l’organisme ! Pire encore, les enfant soumis à un traitement antibiotique présentaient une réponse immunitaire contre les bactéries citées plus haut sensiblement équivalente à celle des enfants « témoins » de l’étude, ce qui prouve que les antibiotiques sont d’une utilité très relative, l’organisme réagissant aux bactéries de manière équivalente, antibiotiques ou pas. Comme l’avait laissé sous-entendre une étude parue en 2007, l’administration d’antibiotiques est associée à la modification de l’expression du gène ORMDL3 qui code pour une protéine appelée filaggrine également régulée par la région 17q21 du chromosome 17 dont le rôle n’est pas totalement clarifié mais qui intervient dans le développement notamment de l’eczéma et cette modification de son expression est également systématiquement retrouvée chez les enfants asthmatiques auxquels ont été prescrits des antibiotiques avant leur premier anniversaire. Les antibiotiques semblent donc induire une plus grande sensibilité aux attaques virales, l’enfant se défend moins bien, sans pour autant modifier la réponse immunitaire aux bactéries.

Si tel était le cas, car il faudra affiner les recherches afin de vraiment prouver cette relation de cause à effet apparemment difficile à comprendre, mais les faits sont pourtant là, entre l’expression de certains gènes sous le contrôle de la région 17q21 et l’apparition d’allergies et d’asthme chez le jeune enfant, les médecins qui ordonnent des antibiotiques pour un simple rhume sont donc doublement coupables ! Non seulement ils semblent ignorer qu’un antibiotique n’a aucun effet sur un virus mais ils condamnent parfois à vie des enfants à des affections allergiques handicapantes tout en réduisant dramatiquement la réponse immunitaire aux virus communs du simple rhume ou de la bronchiolite et peut-être ultérieurement à bien d’autres virus, un comble pour ne pas dire un très gros scandale !

Source : The Lancet News Room et :

http://www.thelancet.com/journals/lanres/article/PIIS2213-2600(14)70096-7/abstract , illustration Wikipedia (rhinovirus)

Comment le « Gaucho » tue les abeilles : le voile enfin levé !

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Le néonicotinoïde imidacloprid, un insecticide matière active du Gaucho. est considéré comme un neurotoxique puisqu’il est connu pour agir sur les récepteurs de l’acétylcholine, neurotransmetteur essentiel. De plus les néonicotinoïdes sont systémiques, c’est-à-dire qu’ils se répandent dans toute la plante. Cette remarque est importante puisque toutes les parties aériennes de la plante, dont les fleurs, le nectar et le pollen deviennent toxiques pour les insectes butineurs. Cependant, les quantités retrouvées sont tellement infimes que les fabricants de néonicotinoïdes ont utilisé cet argument pour affirmer – et on va le constater à tort – leur innocuité pour les populations d’abeilles en réorientant leurs arguments vers d’autres causes comme les virus ou d’autres parasites. Je me suis intéressé dans mon blog sur ce point particulier en ne mâchant pas mes propos : il suffit d’entrer « abeilles » dans l’onglet recherche pour retrouver mes billets. Puisque les néonicotinoïdes sont des neurotoxiques, le débat est-il clos ? Il n’en est rien, bien au contraire, et c’est même inquiétant à la vue des résultats qui viennent d’être publiés dans la revue PlosOne datée du 2 juillet obtenus par une équipe de biologistes de l’Université de Nottingham en Grande-Bretagne. Si l’imidacloprid est un neurotoxique, il est également un puissant perturbateur de l’expression des gènes, et en particulier des larves des abeilles, ce qui est beaucoup plus grave qu’on ne le supposait. L’étude a été réalisée minutieusement en mettant dans la hausse d’une ruche du sirop de sucre contenant 2 microgrammes d’imidacloprid par litre pendant quinze jours et en comparant l’expression des gènes et les profils des acides gras des larves avec celle d’une ruche témoin. C’est grâce à la puissance d’analyse des machines modernes que la découverte a pu être obtenue en analysant 300 ARN messagers de transcription différents et en analysant finement par spectrographie de masse couplée à un chromatographe en phase liquide les acides gras que l’effet de l’imidacloprid sur l’expression des gènes a pu être montré de manière non équivoque. L’expression de certains gènes est altérée et l’inverse a aussi été noté. Par exemple l’enzyme P450 impliqué dans de nombreux processus de détoxification est sur-exprimé, on pouvait un peu s’y attendre, mais d’autres enzymes du métabolisme central des sucres ou des acides gras voient leur expression complètement modifiée conduisant à un développement défectueux et à la mort des larves comme à une espérance de vie abrégée des abeilles adultes par une fragilisation de leur activité musculaire puisque le métabolisme des sucres est altéré, non pas au niveau des activités enzymatiques elles-mêmes mais de l’expression des gènes correspondants. Puisque les activités enzymatiques n’ont pas été isolément étudiées, une analyse des acides gras des larves a permis de corréler ces perturbations avec le profil des acides gras (voir les figures 2 et 4 de l’article de Kamila Derecka et al.) profondément modifié dans le cas de l’exposition à l’imidacloprid. Les auteurs de cette étude parfaitement documentée en déduisent que les néonicotinoïdes non seulement tuent en raison de leurs propriétés neurotoxiques mais également en perturbant l’expression des gènes et donc l’ensemble du métabolisme des abeilles, une observation jusque là inconnue qui explique parfaitement l’affaiblissement des ruchers même en présence de traces infimes de produit. Cette mauvaise santé induite rend les abeilles plus sensibles à d’autres facteurs de stress. Les auteurs insistent sur le fait que l’on pourrait assister à brève échéance à l’extinction pure et simple des insectes pollinisateurs. Quant à l’effet de l’imidacloprid sur les abeilles adultes, le fait qu’elles tardent à revenir dans la ruche peut parfaitement s’expliquer par une perturbation du métabolisme énergétique, les abeilles se fatigant tout simplement plus rapidement, comme l’analyse des ARN messagers des larves l’a clairement montré. Les néonicotinoïdes sont autorisés dans 120 pays et représentent aujourd’hui près du tiers de tous les insecticides utilisés, afin de préserver les insectes pollinisateurs, dont les abeilles, il est urgent de décider de leur totale interdiction sur l’ensemble de la planète quoique puissent en penser les agro-chimistes dont les mensonges répétés commencent à devenir insupportables surtout en regard de ces nouveaux résultats, car pourquoi ces substances n’auraient-elles pas aussi un effet analogue chez les vertébrés dont l’homme ? Sur la photo, les larves que l’on voit dans les alvéoles sont condamnées à une mort lente …

 

Lien vers l’article :

http://www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0068191

Une pilule pour améliorer la mémoire ? Peut-être …

En situation de stress, les cellules de notre organisme répondent par un mécanisme que je vais tenter d’expliquer de manière compréhensible qui a pour résultat de réduire leur activité, en particulier la synthèse cellulaire des protéines. Ces signaux de stress – déficience en amino-acides essentiels, rayons ultra-violets, infection virale, dérèglement du métabolisme protéique dans certaines cellules cancéreuses (myélomes, cancer du pancréas ou cancer du sein) ou encore anémie – activent un enzyme particulier, selon la nature du stress, qui a pour effet de réduire la traduction de l’acide nucléique messager en protéines en interagissant avec un facteur d’initiation de cette traduction par addition d’un phosphate sur ce dernier. C’est un peu compliqué mais c’est intéressant tout de même. Dans le but de rechercher des molécules chimiques pouvant interférer directement avec cette réduction de la traduction, un système de screening haute fréquence a été mis au point consistant en une construction génétique comprenant le facteur d’initiation et le gène d’un enzyme qui va produire une fluorescence si le facteur d’initiation n’est pas inhibé par un stress, comme je viens de le dire plus haut. Le screening est effectué sur des cultures de cellules spécialement modifiées génétiquement par cette construction dans ce but. L’état de stress est simulé par un antibiotique particulier ajouté aux cellules en culture, la tunicamycine, conduisant à une extinction de la fluorescence. Si un composé chimique interfère avec cette extinction, il est donc potentiellement intéressant pour combattre l’arrêt de la synthèse cellulaire des protéines qui peut être fatale aux cellules et entrainer toutes sortes de pathologies liées au stress. L’étude collaborative entre l’Université de Californie à San Francisco, la société Genentech et l’Université McGill au Canada a permis de découvrir une molécule chimique (parmi les 106281 testées) particulièrement active qui a tout de suite été appelée ISRIB, acronyme pour Integrated Stress Response InhiBitor parmi une trentaine d’autres composés moins bons inhibiteurs de l’effet du stress sur les cellules. Il s’agit d’une bis-glycolamide symétrique et d’un seul isomère parmi les deux possibles mais je passe sur les détails. Comme on pouvait un peu s’y attendre, l’effet de ce composé chimique sur des cellules cancéreuses conduit à leur mort rapide. Mais bien plus intéressant encore, ce produit (ISRIB) a un effet spectaculaire sur la capacité à mémoriser de souris mutantes et déficientes en un des enzymes transférant un phosphate sur le facteur d’initiation dont je parlais plus haut et qui ont des troubles profonds de mémoire, elles sont incapables d’apprendre à se méfier d’une petite plaque électrifiée ou d’une mauvaise odeur. Elles refont toujours la même erreur, alors que les souris normales apprennent rapidement et se souviennent sur le long terme. Cette molécule nouvelle pourrait être envisagée pour le traitement de certaines maladies génétiques heureusement rares associées avec une difficulté à mémoriser pour lesquelles on a clairement identifié une mutation sur l’un des facteurs d’initiation dont il a été question dans cette étude. Peut-être enfin, mais c’est encore spéculatif, ce composé pourrait peut-être bien améliorer la mémoire et sa consolidation en jouant sur la plasticité des neurones.

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Lien : http://elife.elifesciences.org/content/2/e00498

Crédit photo : mgkuijpers / Fotolia)