Le paradoxe de la banane

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Le potassium est naturellement radioactif puisque 0,0117 % de ce métal est du potassium 40, l’isotope de demi-vie 1,25 milliard d’années, ce qui signifie que depuis que la Terre existe (environ 5 milliards d’années) plus de 90 % du potassium 40 a disparu sous forme de calcium et d’argon mais il en reste encore largement assez pour que notre propre corps soit carrément radioactif. Pour donner un ordre d’idée, le corps d’un adulte de 65 kilos est radioactif à concurrence de 4 à 5000 becquerels (Bq), ou désintégrations par secondes essentiellement dues au potassium 40. En se désintégrant le potassium 40 émet quatre vingt dix fois sur cent un électron et un antineutrino et le reste du temps un rayon gamma et un neutrino et ce rayon gamma est suffisamment énergétique pour que l’énergie totale émise par la désintégration de tout le potassium 40 du corps représente 26 micro sieverts. Ce n’est pas énorme mais tout de même … J’ai 68 ans et en faisant une approximation tout à fait valable d’une moyenne de 4000 Bq de potassium 40 dans mon corps depuis ma naissance, cela correspond à 8500 milliards de Bq ou en d’autres termes j’ai encaissé l’effroyable dose de radioactivité de 57000 sieverts et je ne m’en porte pas plus mal. Je signale à mes lecteurs qu’en plus du potassium 40 naturellement présent dans mon corps, j’ai été contaminé durant ma carrière de recherche en biologie par du carbone 14, du tritium (l’isotope radioactif de l’hydrogène), du phosphore 32 et surtout de l’iode 125 et je suis encore en vie ! Ces 26 micro sieverts qu’on encaisse naturellement à chaque instant de notre vie représentent la radioactivité naturelle contenue également sous forme de potassium 40 de 265 bananes. Mon corps est aussi radioactif que 265 bananes ! C’est une autre unité de dose radioactive plus parlante que le sievert appelée BED (acronyme signifiant Banana Equivalent Dose) et égale 0,1 microsievert ou 15 becquerels. Ceci n’est pas de l’humour, le BED, outre le fait que « bed » en anglais veut dire lit et n’allez pas croire que j’aie des mauvaises pensées, est une unité de vulgarisation de la dose de radioactivité à laquelle on est soumis tout au long de notre vie encore une fois à cause de ce potassium 40 omniprésent. Si vous vous shootez avec des noix de cajou ou des graines de tournesol en regardant un match de foot à la télévision, je prend cet exemple parce qu’enfin la saison de football a recommencé (et je m’en moque totalement), vous vous collez avec chaque pincée de graines deux ou trois bananes (BED) dans le ciboire. Certaines graines apéritives sont 500 fois plus riches en potassium que les bananes. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, si vous absorbez des trucs riches en potassium qui peuvent être par ailleurs dangereux pour votre santé pour d’autres raisons, ce n’est pas pour cela que la quantité totale de potassium radioactif de votre corps augmentera car l’organisme se débarrasse du potassium en excès à cause de l’homéostasie et vous allez enrichir les rivières et les océans avec le potassium que vous rejetez dans vos urines. J’ai dit océans ! C’est justement ce qui se passe en ce moment, et depuis le début de la catastrophe, à la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi, les eaux radioactives rejetées involontairement dans l’océan représentent 76 millions de bananes chaque heure depuis le tremblement de terre du 11 mars 2011. Si on fait un calcul simple mais qui va démontrer la pertinence de la BED, sachant que 145 millions de tonnes de bananes sont consommées chaque année dans le monde et qu’une banane (sans la peau) pèse environ 100 grammes, la fuite quotidienne de radioactivité de Fukushima-Daiichi représente à peine le quart de la radioactivité en potassium 40 de toutes les bananes consommées chaque jour dans le monde. Et si l’on veut établir une autre comparaison, la centrale nucléaire japonaise endommagée rejète chaque jour dans l’océan un dix-millième de la radioactivité totale que toutes les centrales électriques brûlant du charbon dans le monde rejètent dans la poussière, les fumées et les stocks gigantesques de cendres et de scories (radioactives) qui sont entre autres usages recyclées pour les revêtements routiers ou pour fabriquer des parpaings pour la construction. Les cendres et les fumées des centrales électriques brûlant du charbon contiennent en effet de l’uranium, du thorium du radium, du polonium et du radon, c’est tout à fait réjouissant. C’est le paradoxe de la banane : toutes les centrales électrique brûlant du charbon dans le monde (2500) représentent 760 milliards de bananes chaque jour, pas de quoi s’affoler ! Les rejets de radioactivité de la centrale de Fukushima-Daiichi dans l’océan représentent (en bananes) à peine le quart de la radioactivité que rejette une seule centrale électrique du genre de celles qui fleurissent en Allemagne, et pourtant Greenpeace ne dit rien ou plutôt non, s’empresse de critiquer l’attitude de TEPCO et du gouvernement japonais dans la gestion de l’accident de cette centrale nucléaire, oubliant soigneusement de mentionner le désastre écologique dans lequel est plongé l’Allemagne (et la Chine) en brûlant du charbon. Ces écolos sont vraiment des vraies bananes !!!

 

Inspiré d’un article paru dans Forbes

3 réflexions au sujet de « Le paradoxe de la banane »

  1. Je pensais être le dernier à continuer de penser normalement : vous me rassurez enfin beaucoup !
    Merci.

    On peut aussi en rajouter une couche avec les facteurs d’échelle : j’ai cru entendre parler de 700 ou 800 tonnes d’eau contaminée (enfin, au dessus des maxima internationaux exigés, n’exagérons rien non plus !), soit 700 ou 800 m³/j… assez difficiles à comparer à (environs ;-)) 1,4.10¹⁵ m³, non ?

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