On est entré dans l’univers prédit par Orwell

 

Le trouble de l’attention chez l’enfant hyperactif (ADHD) est considéré comme une maladie psychiatrique qui concerne entre 1 et 2 % des enfants. En général, une prise en charge optimale de l’enfant par les parents permet de résoudre les problèmes qu’engendre ce trouble la plupart du temps passager mais les parents sont souvent soumis à rude épreuve car un enfant hyperactif qui n’écoute pas ce qu’on lui dit, c’est juste un exemple, peut devenir rapidement exaspérant pour la plus zen des mères de famille. D’une manière générale ce trouble disparaît ou est largement atténué à la fin de l’adolescence mais les parents en gardent toujours un très mauvais souvenir car ils ne savent pas comment interagir avec leur enfant. L’état de stress permanent de ces parents tend d’ailleurs à empirer la situation car un enfant détecte l’humeur de ses parents beaucoup mieux qu’on ne peut l’imaginer et alors son hyperactivité peut se concrétiser par des situations conflictuelles permanentes rendant tout simplement la vie des parents infernale. Ces derniers doivent parfois se plier à une thérapie ou accepter les conseils d’un thérapeute pour les orienter dans leur relation avec leur enfant.

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Devant ce problème et considérant les moyens modernes de communication tels que les ordinateurs, les tablettes ou les téléphones cellulaires à notre disposition quotidiennement une équipe d’informaticiens de l’Université de San Diego en collaboration avec Microsoft a mis au point un application pour smartphone appelée ParentGuardian qui collecte les données envoyées par Wifi d’un bracelet que portent les parents en permanence quand ils sont en présence de leurs enfants. Ce bracelet mesure les discrètes poussées de transpiration, le premier signe tangible du stress, et par l’intermédiaire d’un smartphone ces données parviennent à un serveur dédié qui les analyse en temps réel et retourne sur le smartphone ou de préférence une tablette les instructions aux parents afin qu’ils prennent les mesures nécessaires pour déstresser. Ces interventions à distance sont basées sur la thérapie parentale comportementale qui a prouvé son bien-fondé dans la relation entre parents et enfants souffrant d’ADHD. L’ingénieur de UCSD transfuge de Microsoft définit en ces termes l’application en question : « nous voulons (avec cette application ParentGuardian) aider les parents à être les parents qu’ils voudraient être ». Tout est dit ! Le serveur, un genre de petit « big-brother » spécialisé surveille les parents durant les heures critiques de la vie familiale c’est-à-dire entre 18 h et 22 h et infléchit en temps réel l’attitude des parents. Ces derniers reçoivent sur leur tablette posée par exemple quelque part à la cuisine ou sur la table de la salle à manger des instructions du genre : « prenez trois grandes respirations, comptez jusqu’à 5, imaginez que chaque numéro change de couleur. Responsabilisez-vous, soyez préparé, soyez prédictible … ».

Ce genre de développement est la porte ouverte à une grave atteinte à la vie privée. Il existe déjà un certain nombre d’applications qui permettent de surveiller à distance à l’aide d’un smartphone le rythme cardiaque, la tension artérielle et bien d’autres paramètres afin de faire intervenir le cas échéant un médecin mais la surveillance de la vie familiale, par définition privée, est une atteinte à la liberté fondamentale de l’individu. Nombre d’utilisateurs de smartphones sont déjà devenus totalement dépendants de leur gadget, il suffira que cette dépendance soit judicieusement déviée pour qu’ils deviennent des extensions déshumanisées de leur téléphone, soumis au traitement statistique à l’aide d’algorithmes sophistiqués par des serveurs à l’identité inconnue mais certainement contrôlés par de grosses compagnies comme Google ou Microsoft. Le smartphone est l’outil idéal pour que tout un chacun plonge dans un univers orwellien. Les moteurs de recherche d’internet infléchissent déjà nos choix sans que nous en soyons pleinement conscients, mais quand nous serons munis de toutes sortes de détecteurs corporels supposés bénéfiques pour notre santé nous serons alors devenus des machines. Quel bel avenir en perspective.

Source : UCSD School of Engineering

 

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