Plus de la moitié des cancers décrits et étudiés au niveau, je dirai moléculaire, puisque c’est ainsi qu’on finira par découvrir le mécanisme des cancers et peut-être un traitement universel, sont reliés à une mutation du gène exprimant une protéine appellée P53.
(en jaune la molécule linéaire d’ADN en double hélice, crédit Wikipedia)
Dans le cas du cancer du col de l’utérus, très commun chez la femme, il est reconnu que c’est un virus du genre papilloma qui est impliqué, et ce virus a l’incroyable faculté d’inactiver la protéine P53 déclenchant alors un cancer. Pour le cancer du poumon des fumeurs, dont je fais partie, le gène de la protéine P53 serait muté par les goudrons et autres particules fines contenues dans la fumée de cigarette (comme les gaz d’échappement des moteurs diésel mal réglés). Mais qu’est-ce que cette protéine assez grosse puisqu’elle pèse 53000 daltons, l’unité de mesure du poids d’une molécule chimique. C’est un facteur de régulation de l’expression des gènes contenus dans l’ADN et la P53 intervient quand l’ADN a été endommagé par exemple par les rayons ultra-violets pour stopper une expression anarchique des gènes, ou encore quand la cellule vieillit et se met aussi à faire n’importe quoi. Un genre de protection interne sophistiquée qui protège les cellules et donc l’ensemble de l’organisme. Un dernier rôle de cette protéine est d’indiquer donc à la cellule qu’elle doit mourir plutôt que de se multiplier anarchiquement.
Or dans la moitié des cancers étudiés finement au niveau moléculaire, cette protéine est mutée et n’agit plus correctement, d’où l’apparition de cancers.
Comme c’est un gros truc assez compliqué, pour tenter d’étudier son fonctionnement et éventuellement dans un but ultime d’agir par voie téhrapeutique sur la protéine modifiée, une équipe pluridisciplinaire de l’université de Californie à Irvine composée de cristallographes, de chimistes, de biologistes et de modélisateurs sur ordinateurs, ce genre d’extraterrestres qui jouent avec la forme des objets sur leur ordinateur pour par exemple faire des films d’animation en 3D, ont finalement mis au point un programme pour faire une screening haute fréquence de milliers de molécules chimiques simples et existantes non pas avec un robot comme cela est utilisé couramment dans les laboratoires de recherche des grandes firmes pharmaceutiques, mais avec un ordinateur. L’idée était de trouver un composé chimique qui soit capable d’interagir avec la P53 mutante pour rétablir sa fonction de régulation. Pour le moment une vingtaine de molécules variées ont été repérées et vont faire l’objet d’études complémentaires. Une molécule naturelle isolée des lichens aurait pu faire l’affaire mais malheureusement elle est difficilement synthétisable, il s’agit de l’acide stictique, un drôle de truc avec plein de cycles.
L’acide stictique rétablissant la structure active de P53, crédit http://www.nature.com
Et pourtant cette molécule, une fois ajoutée à des cellules tumorales en culture, stoppe la multiplication anarchique de ces dernières, la preuve que la protéine P53, altérée dans ces cellules, a recouvré sa capacité de régulation de l’expression des gènes, car l’étude a montré clairement que l’acide stictique se fixait bien sur la protéine P53. Il s’agit d’une immense avancée dans l’espoir d’un traitement quasi universel des cancers, au moins ceux occasionnés par une mutation de cette protéine.
Finalement la recherche pluridisciplinaire fait encore la preuve de son efficacité dans un domaine aussi crucial que la recherche sur le cancer …
Sources : Université d’Irvine et http://www.nature.com
Crédits photos : Wikipedia et http://www.nature.com