La grosse arnaque de Nestlé

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Nestlé est la plus grande firme mondiale dont la spécialité est presque exclusivement l’alimentation. En quelques chiffres : 335000 employés, 2000 marques commerciales, 436 usines de fabrication dans 85 pays, 189 des 195 pays du monde achètent des produits Nestlé, enfin la capitalisation de Nestlé est estimée à plus de 240 milliards de dollars. Nestlé vend du sucre, beaucoup de sucre, depuis que le créateur de la compagnie, Henri Nestlé, décida de commercialiser le lait condensé qu’il fabriquait pour un voisin dans la petite ville de Vevey au bord du lac Léman à la fin du XIXe siècle qui était chocolatier de son état. Le premier marché de Nestlé fut en effet des barres chocolatées utilisant ce lait condensé sucré comme ingrédient majeur. Puis Nestlé se lança encore dans le lait, cette fois en poudre, pour l’alimentation des enfants et comme ce marché devint très rapidement porteur, la société eut l’idée géniale de fabriquer du café en poudre instantané dont la fabrication restait secrète et qui fit un véritable malheur durant la seconde guerre mondiale.

Aujourd’hui Nestlé vend toujours énormément de sucre aussi bien dans les barres Kit-kat que dans les glaces Häagen-Dazs. Il serait fastidieux de citer tous les produits Nestlé riches en sucre. Or une administration comme la FDA américaine envisage de classer le sucre parmi les produits toxiques pour la santé au même titre que le tabac ou l’alcool. Le Mexique vient d’introduire une surtaxe sur les sodas sucrés et a été immédiatement suivi par la Grande-Bretagne en mars dernier. L’Arabie Saoudite, pays où l’épidémie d’obésité est alarmante, envisage très sérieusement de surtaxer tout produit alimentaire industriel, solide ou liquide, trop sucré. Dans le domaine de la malbouffe dont Nestlé est un grand contributeur, les choses commencent à bouger avec le sucre, le sirop enrichi en fructose, les quantités extravagantes de sel, mais aussi avec les acides gras partiellement hydrogénés et divers additifs alimentaires dont l’innocuité pour la santé est de plus en plus contestée.

C’est ainsi que les parts de marché de Nestlé ont chuté dans le domaine des produits dérivés du lait (condensé et sucré) mais aussi dans le créneau des plats cuisinés et des sodas. Il n’y a d’ailleurs pas que Nestlé qui a choisi une reconversion discrète pour parer à cette diminution de chiffre d’affaire. Mondelez International, le fabricant des biscuits Oreos vendus sous la marque Nabisco, est entré en force dans le marché du « sans gluten » : puisque la mode « sans gluten » existe autant l’exploiter. PepsiCo s’attaque aux snacks bons pour la santé comme l’hummus (voir notes en fin de billet).

Nestlé n’est pas en reste : puisque cette firme vend du sucre pourquoi ne pas vendre aussi des produits susceptibles de combattre le diabète ! Ce n’est pas une orientation soudainement prise devant la levée de boucliers mondiale contre la malbouffe mais un positionnement stratégique : Nestlé veut se redéfinir comme le leader mondial de la nutrition, de la santé et du bien-être sur des bases dites scientifiques. En d’autres termes cette firme vend d’une main ce qui nuit à la santé et de l’autre main ce qu’il faut pour remédier à cette dégradation de la santé. Dans les locaux du siège de Nestlé à Vevey, il existe maintenant un laboratoire de recherche en amont de la biologie de la nutrition employant plus de 160 scientifiques de haute qualification dont les centres d’intérêt vont de la maladie d’Alzheimer aux rhumatismes sans oublier naturellement le diabète. Les matières premières choisies sont les plantes, les légumes comme les tomates et aussi les champignons. Une sorte de librairie a été constituée pour développer de nouveaux produits à usage alimentaire thérapeutique. Elle comporte déjà plus de 40000 composés ! Mais ce n’est pas tout, le centre de recherche Nestlé sur la santé compte plus de 3000 personnes dédiées à la commercialisation des découvertes en amont dirigées par un certain Ed Baetge, biologiste moléculaire diplômé de l’Université Cornell qui a parachevé son expérience dans les biotech en Californie du sud. De nombreux « suppléments » sont déjà sur le marché et sont censés posséder des propriétés thérapeutiques. Jugez par vous-même :

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L’ingéniosité de Nestlé est d’arriver à vendre de nouveaux produits susceptibles d’améliorer la santé du consommateur en échappant à toute régulation car il s’agit de compléments alimentaires. Et comme l’image de marque de Nestlé est incontestable, c’est du profit pur jus ! La gigantissime firme Nestlé a donc mis au point une arnaque tout aussi gigantesque pour la plus grande satisfaction de ses actionnaires, mais qu’en est-il de celle du consommateur final ? Jamais un quelconque de ces compléments alimentaires n’a pu être clairement reconnu comme significativement bénéfique pour la santé … Pour preuve la société Accera, une filiale de Nestlé, a commercialisé une boisson contenant un triglycéride de l’acide caprylique, l’Axona, supposée être bénéfique pour combattre la maladie d’Alzheimer. Le produit en question est issu de l’huile de coprah et est donc « naturel ». La toute puissante FDA a déclaré cette boisson comme une drogue non approuvée et une class-action a été organisée par des consommateurs d’Axona pour le moins déçus par ses effets inexistants. L’affaire n’est pas arrivée devant les tribunaux car Nestlé l’a étouffée dans l’oeuf pour ne pas ternir son image de marque. Quand on s’appelle Nestlé …

Source et illustrations : Bloomberg

Notes :

https://en.wikipedia.org/wiki/Oreo et aussi sur ce blog : https://jacqueshenry.wordpress.com/2013/10/17/oui-lobesite-est-une-maladie/

L’hummus est une sorte de purée préparée à partir de poix chiche, assaisonnée et pimentée. Ce plat originaire du Moyen-Orient est devenu très populaire aux USA en quelques années.

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