Énergie aux alentours des années 2100 : fiction hasardeuse ?

Tous les spécialistes et les béotiens qui se sont risqué dans l’art de la prospective n’ont jamais vu leurs idées confirmées point par point par les faits. Pour récupérer les prédictions de Nostradamus il a été nécessaire de procéder à des interprétations de ses écrits pour tenter d’y trouver des affirmations vérifiées par l’histoire contemporaine, ce qui relève plutôt de la manipulation sémantique. Emmanuel Todd, devenu célèbre pour son essai relatif à la chute de l’Union soviétique, avouait que sa « prophétie » résultait d’une étude démographique combinée à des facteurs ethnographiques mais il ajoutait qu’il s’agissait d’une exception. Quelques mois après la parution en 1976 de cet essai devenu célèbre, « La Chute Finale », je me trouvais à L’université de Californie à Los Angeles pour y effectuer un stage post-doctoral. Mon patron avait été alerté par l’existence de ce livre qui fit l’objet d’un article dans le Los Angeles Times et il m’affirma que jamais les Etats-Unis n’abandonneraient Berlin Ouest, en d’autres termes la situation de la guerre froide était satisfaisante pour les Américains qui avaient un ennemi, l’URSS, et qu’ils avaient tout le loisir de provoquer des « petits conflits » à leur guise pour s’accaparer des ressources naturelles sous le prétexte d’installer la démocratie selon leur point de vue en renversant des régimes autoritaires. C’était l’époque bénie des USA malgré les effets incommensurables de la guerre du Vietnam sur l’opinion publique dont on peut encore noter les conséquences aujourd’hui.

Todd déclara sur un ton humoristique que cet essai fut le seul ayant revêtu un caractère prophétique et « Après l’Empire » en 2001 élargi dans son dernier essai « La Défaite de l’Occident » constituent une prolongation de « La Chute Finale » revue avec des paramètres d’analyse actualisés. D’ailleurs Todd se défend lui-même d’être un prophète. Il est un pur produit de l’INED et ses analyses sont déduites d’études démographiques. Il ne se hasarde jamais dans des études prospectives relatives à l’évolution du climat ou à la disponibilité en énergie fossiles carbonées ou encore à l’apparition de nouvelles épidémies. Ce n’est pas sa spécialité ni celle de votre serviteur. Tous les lecteurs de ce blog savent parfaitement que je ne suis pas un climatologue ni un astrophysicien et pourtant je m’intéresse à ces deux domaines de la science. Oser s’engager dans l’écriture d’un article relatif à l’évolution de l’Univers, au « Big-Bang » ou aux trous noirs requiert des connaissances en mathématique et en physique dont je ne dispose pas. Quant au climat et aux ressources naturelles dont dispose l’humanité il s’agit de discipline plus proches de l’enseignement acquis lors de la préparation de la maîtrise de chimie à l’Université, en particulier la thermodynamique.

Je vais donc me hasarder à décrire, selon mes connaissances y compris celles acquises récemment, un tableau de la situation énergétique à laquelle va être confrontée l’humanité dans un demi-siècle ou trois-quart de siècle, vers les années 2100. L’article de ce jour aura disparu comme tous les enfants et la plupart des petits-enfants des lecteurs de ce blog qui auront également disparu et je suis parfaitement conscient que le présent article ne constitue qu’un exercice de prose qui n’intéressera personne. Dans 100 ans il n’y aura plus ni pétrole ni gaz naturel. L’amélioration des énergies éoliennes et photovoltaïques en termes d’efficacité aura atteint ses limites, c’est-à-dire décevantes. Il restera du charbon exploitable dans des conditions particulièrement coûteuses et si l’humanité n’a pas disparu à la suite d’un conflit nucléaire les peuples se battront pur mettre la main sur les rares gisements de charbon encore exploitables. La raréfaction de l’énergie carbonée aura réduit la croissance économique et en corollaire la croissance démographique depuis près de deux générations, comprenez : la planète Terre comptera à peine 5 petits milliards d’êtres humains vieillissants car presque plus aucun couple fertile ne produira de descendant en raison de la sombre incertitude d’un avenir sans énergies carbonées. Seuls quelques pays qui avaient précisément cinquante années plus tôt compris que cette situation énergétique allait devenir leur problème central avaient développé l’énergie nucléaire, l’unique alternative, l’unique solution à cette crise des énergies carbonées fossiles pourtant connues de tous les décideurs politiques et les prospectivistes de tous les pays. Cette prise de conscience commence déjà aujourd’hui puisque le combustible d’avenir est l’hydrogène et sa « matière première » est disponible en quantités illimitées puisqu’il s’agit de l’eau. Il reste cependant à développer la seule technique économiquement rentable combinant le cycle iode-soufre à une source de chaleur également rentable et disponible à tout moment d’environ 1000 degrés. Seule la Chine a décidé pour l’instant de développer concrètement cette approche.

Pour l’approvisionnement en uranium il en est de même : la Chine va contrôler l’extraction de l’uranium des océans et il n’y a aucun danger : la ressource est illimitée. Le tableau énergétique mondial dans cent ans sera nucléaire ou n’existera pas, il n’y a pas d’autre alternative. Une autre application de cette source d’énergie concentrée, par opposition à l’énergie solaire qui doit être focalisée avec des miroirs pour produire cette énergie concentrée, est encore une fois l’énergie nucléaire qui pourra être mise à profit pour « cracker » la lignine provenant d’arbres à croissance rapide de la famille du frêne produisant des chaines carbonées longues autorisant la mise en œuvre de polymères aujourd’hui dépendants du pétrole. Dans la pratique il sera donc possible de pallier à la raréfaction des matières premières carbonées fossiles. Pourra-t-on produire du méthane ? La réponse est oui puisque les produits forestiers pourront être hydrogénés après « cracking ». Et pour les véhicules automobiles ? On reviendra au « gazogène » qui fut inventé au dix-neuvième siècle et popularisé durant la seconde guerre mondiale. Cet accessoire n’est pas onéreux et peut utiliser exclusivement du bois pour produire du « gaz pauvre » auquel les moteurs à combustion internes classiques peuvent être aisément adaptés. Et puisque les végétaux et les algues sont très largement majoritaires dans la biosphère il n’y aura aucun problème pour faire circuler des véhicules automobiles y compris les véhicules utilitaires légers. Ce problème sera donc résolu au moins partiellement.

Le bois redeviendra donc l’un des combustibles privilégiés pour les raisons décrites plus haut. Alors que les arbres génétiquement modifiés pour ne produire ni fleurs ni graines afin de croitre plus rapidement avaient été bannis lorsque l’obscurantisme écologique était faiseur de lois et de décrets, des nouveaux feuillus et résineux constitueraient d’immenses forêts dès les années 2050 partout où, notamment en Europe l’agriculture hautement mécanisée et industrialisée ne pourrait pas s’adapter. D’ailleurs cette agriculture avait tellement régressé en raison de la chute spectaculaire de la population que l’équilibre était respecté. Tous les engins agricoles seraient propulsés avec de l’hydrogène. En ce qui concerne l’élevage ce secteur, en particulier l’élevage bovin et porcin, se serait adapté comme par exemple des bovins issus de croisements avec des yacks et parallèlement l’élevage intensif de rennes nourris grâce à la production industrielle de lichens pour leur alimentation car dans 80 ans la planète entrera définitivement dans le nouveau cycle glaciaire qui « dans les années 20 », comprenez les années 2020, ne préoccupait encore personne …

On peut continuer un tel récit fictif page après page. Il faut insister sur le fait que l’être humain a toujours su par le passé s’adapter aux nouvelles conditions que la nature lui imposait et en ce qui concerne le confort moderne tel qu’il est vécu aujourd’hui deviendra dans les années à venir devra faire appel à l’ingéniosité de l’homme afin de le faire perdurer malgré des conditions de plus en plus difficiles et complexes à appréhender. Il est raisonnable de rester optimiste malgré la diminution progressive de l’énergie et de la nourriture disponibles, deux facteurs qui ont toujours modulé naturellement la croissance de la population par le passé. Une remarque s’impose au terme de cet article un peu surprenant. Le sieur Jancovici s’enferre dans l’application stricte des préceptes des idéologues écologistes. Je n’ai regardé qu’une seule de ses présentations et j’ai vite compris qu’il exposait ce que ses maîtres de la finance supranationale lui avaient soufflé à l’oreille. Il est incapable de se livrer à un exercice de fiction comme ce que vous venez de découvrir en lisant avec curiosité cet article. Prochain article : état des lieux de la centrale nucléaire de Zaporizhzhya.

13 réflexions au sujet de « Énergie aux alentours des années 2100 : fiction hasardeuse ? »

  1. À rappeler que la prochaine glaciation ne concerne pas toute la planète. Les zones équatoriales seront moins touchées.
    La croissance végétale dépend de la température et donc elle sera beaucoup moins importante.
    La fusion nucléaire est pour moi pendant longtemps encore incapable de produire de l’énergie de manière notable. ITER ne donnera rien car c’est devenu un monstre bureaucratique et politique. On ferait mieux de consacrer la majeur partie des capitaux aux solutions à neutron rapide

    • je n’ai jamais cru à ITER, d’une part et constater que la France a investi à ce jour 180 milliards d’euros dans l’éolien en pure perte obligeant EDF à racheter des kW aléatoires et RTE à jouer les équilibristes pour gérer cette énergie tout simplement pour satisfaire les écologistes, on ne peut que constater que la France mais également l’Allemagne et en réalité tous les pays européens gèrent leur suicide imminent !

  2. Le problème de l’hydrogène est qu’il constitue le gaz le plus léger de l’univers. Pour le stocker et le distribuer, on doit disposer de réservoirs étanches capables de supporter d’énormes pressions à très basses températures. D’où l’idée de Toyota et du chinois GAC de développer un moteur à ammoniac (NH3) ou à ammoniaque, substances dans lesquelles l’hydrogène est associé à de l’azote et sont de ce fait beaucoup plus simples à stocker et à distribuer.

    • Et d’ici 2100, le stockage de l’électricité dans des accumulateurs rechargeables aura probablement fait des progrès et on pourra probablement stocker autant d’énergie dans une batterie de 100 kg que dans un réservoir d’essence de 60 L. On est pour le moment encore loin du compte en termes de densité énergétique puisqu’une Tesla Model S a un pack de batteries de 600 kg pour une autonomie maximale de 600 km, soit une tonne de batteries pour 1000 km, à comparer avec une berline standard à moteur thermique qui embarque moins de 50 kg de carburant pour une autonomie moyenne de 1000 km environ. Evidemment, il faudra installer beaucoup de centrales nucléaires pour alimenter ces petits joujoux électriques.

      • C’est en 2035 que les fous veulent la fin des ventes de voitures thermiques neuves pas en 2100 hélas. Je pense que d’ici là, la cote des voiture thermique d’occasion va augmenter à moins qu’en même temps les fous décrètent la fin de la commercialisation des énergies fossiles. Ils en sont tout à fait capable.
        Devons nous considérer les voitures à hydrogène, sauf évidemment celle à pile à combustible comme des voitures thermiques ??

      • On mesure là l’absurdité de la motorisation électrique qui oblige à transporter 550 kg de plus tout le temps pour une autonomie moins bonne (600km au lieu de 1000 km). Après les 600km la batterie sera toujours là avec son poids inutile de 600kg. L’énergie cinétique à 90 km/h (25m/sec) serait de 500kJoules pour la voiture électrique et seulement de de 328 kjoules pour la voiture à moteur thermique. Donc, chaque fois que l’on propulse à 90 km/h, il y a au moins une différence de 172 kjoules à dépenser avec la motorisation électrique, rien qu’à cause du poids de la batterie. En personnes transportées, c’est comme si on transportait tout le temps près de huit personnes de plus!

  3. Pour répondre à Dulieu:
    Une Tesla model 3 pèse en gros 1750 kg.
    Une berline thermique équivalente comme l’Audi A4 pèse en gros 1600 kg soit 150 kg de moins.
    En effet un moteur a combustion interne avec ses organes annexes est bien plus lourd qu’un moteur électrique.
    A titre d’exemple j’ai eu il y a quelques années une A4 break V6 quattro qui pesait 1727 kg …

    • J’ai eu plusieurs années après l’avoir remise en état (boite de vitesse, freins, embrayage, etc) une Deux Chevaux modèle 1954, 375 cm3, trois vitesses et marche arrière, avec capote descendant jusqu’au pare-choc arrière, autonomie réservoir plein 700 kilomètres, consommation un peu moins de 3l/100km. J’énervais les gendarmes et la police parce qu’il n’y avait pas de ceintures de sécurité. J’ignore le poids de cette voiture de musée qui a certainement fini la belle vie dans une casse quelconque alors qu’elle pourrait se vendre une fortune …

      • Ah la deuche …
        Nostalgie quand tu nous tiens.
        Mais plus sérieusement au sujet des voitures, si on avait vraiment voulu diminuer leur impact, la solution aurait été de continuer à améliorer leur rendement en diminuant le poids et en développant des moteurs consommant peu.
        BMW produit aujourd’hui des turbo diesel de 200ch qui consomment moins de 5l aux 100km.
        Pourquoi ne pas avoir encouragé la R&D pour améliorer encore cela ?
        Non les ecolo pasteque veulent des vélos !

      • Sans parler des « moteurs à eau » où quelques inventeurs sont passés à la trappe dans tous les sens du termes.

  4. Il faudrait lister tous les produits dérivés du pétrole (reclassés de sous-produits en co-produits) et pour lesquels peu ou aucun éléments de substitutions n’a été trouvés. Les plastiques, isolants (mousses…), produits ménagers etc.
    Le rendement est à considérer entre la production de sources par autres synthèses chimiques et aussi la microbiologie (champignon, bactéries…) en rapport avec la quantité nécessaire pour un monde sans pétrole.
    Je ne crois pas que l’agro-industrie (sur des surfaces agricoles nécessaires à l’alimentation) soit une solution, même si les dictateurs verts souhaitent monopoliser ces terres arables en nous faisant abandonner la production de bovins ( https://www.agriculture-environnement.fr/2023/06/01/elevage-bovin-que-dit-la-cour-des-comptes ).
    Mais le pétrole est-il un produit vraiment fossile ? (cf.
    https://tkp.at/2024/02/07/fuellen-sich-die-oelquellen-von-selbst-wieder-auf/ )
    La prospective est un élément de contrôle des populations par la peur ou/et la convoitise (du bunker antinucléaire à la ruée vers l’or lol), quand elle n’est pas une forme d’exorcisme : « se rassurer en se faisant peur » !

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