Que présage la restructuration des « fonderies » ?

Que mes lecteurs se rassurent ce billet ne va pas concerner les fonderies telles qu’on les entendait à la fin du dix-neuvième siècle mais des entreprises industrielles d’une sophistication inimaginable que sont les fabriques de circuits intégrés. Le leader mondial dans ce domaine est TSMC (Taiwan Semiconductors Manufacturing Company) et cette entreprise, depuis le grand tsunami du 11 mars 2011 qui détruisit les installations de Panasonic en particulier, est devenue en raison de cet événement le leader mondial dans ce domaine. Après avoir signé une déclaration d’intention avec Motorola pour la construction d’une giga-usine dans l’Arizona (USA) TSMC vient de signer un accord de coopération avec Panasonic et Fujitsu au Japon.

Pour expliquer cette ouverture vers le Japon dans une première approche il faut rappeler que la totalité des robots capables d’opérer à 4 microns près, une véritable prouesse technologique, utilisés par TSMC ont été fabriqués par des firmes japonaises. Malgré le tsunami ces sociétés ont été les principaux acteurs pour l’extension de TSMC et n’ont donc pas perdu leur savoir-faire. L’objectif de cette joint-venture nippo-taïwanaise est d’opérer à 4 microns de résolution et les Japonais sont capables d’atteindre cette définition. Ce projet va se dérouler en des temps records, beaucoup plus rapidement que le projet américain.

Quel est alors la raison de cette précipitation ? Tout simplement l’incertitude géopolitique dans la région car un conflit sino-taïwanais mettrait en péril l’ensemble des économies occidentales au cas où TSMC cesse toute production. Un tel scenario serait insupportable pour l’économie chinoise mais dans le doute autant les Américains que les Japonais ont préféré considérer la situation avec recul. Le Japon dispose d’un atout non partagé : la sophistication inégalée dans le monde de ses robots et les Chinois le savent comme d’ailleurs les Américains. Par conséquent qui va contrôler cette industrie des nouveaux fondeurs ? Le Japon, naturellement.

Si mes lecteurs se demandent pourquoi j’ai choisi ce terme de fonderies pour classer les producteurs de circuits intégrés c’est simplement parce qu’en amont de la fabrication de ces circuits intégrés de très haute technologie consistant à imprimer, le terme est abusif, actuellement à 6 microns de définition, des circuits intégrés sur jusqu’à six couches différentes, elles-mêmes connectées entre elles, utilisent un substrat noble pourtant constitué essentiellement de silicium. Il s’agit de disques très fins faisant appel à des techniques de fabrication de cylindres de silicium micro-cristallin éventuellement dopés avec des impuretés savamment choisies. Cette étape consiste initialement à « fondre » ce cylindre de silicium au cours duquel des étapes de purification par exemple par fusion de zone sont d’une extrême importance pour la qualité finale des produits. C’est pourquoi une usine comme celle de TSMC est une fonderie …

Pour conclure ce billet il faut mentionner le fait que la Chine ne maîtrise pas la technologie de TSMC et il faudra à ce pays au moins dix ans pour envisager la mise en place d’une installation industrielle de production de circuits intégrés certainement pas avec 4 microns de définition alors que le projet nippo-taïwanais pourrait être opérationnel dans moins de 5 ans. Dans cinq ans la Chine n’aura toujours pas un quelconque intérêt à attaquer Taïwan et aller s’aventurer au Japon relève de la fiction. Ces grandes manœuvres actuelles dans le domaine des circuits intégrés échappent totalement à la bureaucratie stérilisante de l’Europe et à nouveau l’Union européenne restera en retrait de cette industrie essentielle pour son développement qui apparaît maintenant compromis.

Lien : https://www.youtube.com/watch?v=lJ4LK5V_O1Y d

6 réflexions au sujet de « Que présage la restructuration des « fonderies » ? »

  1. Ping : Que présage la restructuration des « fonderies » ? – Qui m'aime me suive…

  2. Bonjour,
    petite erreur je pense de votre part, la fonderie taïwanaise TSMC grave actuellement en 5 nanomètres (et pas en microns).
    Ensuite, la finesse de gravure ne fait pas tout. Il y a tout un tas de données qui rentrent en ligne car si la finesse de gravure a continué à se réduire depuis des dizaines d’années, la taille des autres composants n’a pas nécessairement suivi, comme c’était le cas auparavant, faussant le calcul nanométrique que l’on connait.
    De plus si TSMC grave actuellement a 5 nm, Samsung a déjà communiqué sur la fabrication à 3 nm.
    Mais d’une manière général on sait qu’avec le silicium on ne pourra vraisemblablement pas descendre en dessous de 3 nm et que beaucoup de fondeurs se limitent a 12 nm, au dessous les gains sont très limités pour des coûts qui explosent.
    Bref, si les 4 pays d’Asie (Taïwan, Corée du Sud, Japon, Chine) sont les premiers « fondeurs », ne pas oublier les « designers » américains qui contrôlent 90 % du marché mondial…

  3. Conclusion : le Chine devra (également ?) conquérir/ envahir le Japon.
    D’aucuns diraient que c’est un « juste (?) retour des choses », le Japon ayant envahi, colonisé, martyrisé la Mandchourie, puis bien des espaces asiatiques dans les années 30′ et 40′.

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