Le principe de précaution et Simone Veil : une catastrophe !

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C’est une affaire désastreuse et peu connue du grand public qu’a provoqué, on peut dire à son insu, Simone Veil alors qu’elle était à nouveau Ministre de la Santé au sein du gouvernement Balladur, dernière cohabitation sous le règne de Mitterand, entre 1993 et 1995. Il s’agit d’un désastre économique et sanitaire à la suite d’une décision de cette femme illustre dont la compétence ne fut reconnue que pour prendre des décisions relatives aux « droits des femmes » comme l’autorisation par la loi de l’interruption volontaire de grossesse pour convenance personnelle, tout ce qui restera finalement dans la mémoire du public. Et j’ai bien pesé mes mots en écrivant ce billet … L’avortement volontaire a toujours été pratiqué depuis peut-être la nuit des temps et l’intervention législative de Simone Veil aura simplement permis de sauver des vies car les « faiseuses d’ange » ne connaissaient pas et ne pouvaient donc pas respecter les règles fondamentales de la médecine, loi qui a également permis de préserver la liberté des médecins qui osaient procéder à cette intervention car ils risquaient la prison. Pour information l’avortement pour convenance personnelle est interdit en Espagne, pays où je vis maintenant, et les femmes qui ne désirent pas l’enfant qu’elles portent doivent aller en Suisse, coût tout compris 6000 euros, business is business.

Venons-en donc au sujet de ce billet. En vertu de l’application de l’exécrable principe de précaution (voir note 3.) Simone Veil prit la décision, puisque c’est toujours le Ministre qui entérine au final une décision, d’interdire à l’Institut Mérieux toute production d’albumine à partir de placentas humains à dater du premier janvier 1994, du moins l’administration du Ministère de la Santé la poussa à prendre cette décision. Cette production avait été organisée progressivement et inlassablement durant des années par le Docteur Charles Mérieux et avait atteint un degré de technologie, une sophistication et une précision inégalés au fil des années. Le produit final était exempt de tout contaminant, même mineur. Pour Simone Veil, totalement ignorante du dossier qui lui fut soumis par l’Administration, le risque de présence de virus ou de prions dans les flacons d’albumine à 20 % (poids/volume) directement perfusables ne pouvait pas être nul, un fait qui ne fut jamais prouvé tant la qualité de l’albumine sortant de l’usine de séparation et de production de l’Institut Mérieux était irréprochable.

Le procédé de fabrication avait été minutieusement étudié par des autorités scientifiques et médicales compétentes et indépendantes de l’Institut Mérieux provenant de divers pays et jamais aucune de ces études n’avait pu démontrer la présence d’éléments préjudiciables à la santé. Pour Simone Veil, et il lui incomba donc en tant que Ministre d’insister sur ce fait, il y avait une totale absence de traçabilité des placentas provenant de divers pays du monde, dont la France, et le sacro-saint principe de précaution ne pouvait pas être satisfait. Il aurait fallu « tracer » chaque placenta et comme un lot de production d’albumine provenait au bas mot de 30000 à 50000 placentas puisque les traitements quotidiens avaient atteint jusqu’à 27 tonnes de placentas par jour, autant dire que la mise en oeuvre des exigences des fonctionnaires du Ministère de la Santé relevait de la pure fiction. Comment étiqueter sur le cordon ombilical chaque placenta congelé ensuite dans des sacs en papier paraffiné épais pour satisfaire les exigences de transport en provenance du monde entier, et comment, sur le site de production répertorier tous ces placentas puisque les sacs entiers passaient directement dans un broyeur sans être décongelés sauf en cas de présence d’un objet métallique ? Une exigence surréaliste !

Il est nécessaire pour dédouaner Simone Veil de replacer cette affaire dans son contexte : la France, comme plusieurs autres pays dans le monde, avait été secouée par le scandale du sang contaminé dès le milieu des années 1980, scandale qui fut révélé au grand public seulement en 1991 après avoir été soigneusement gardé sous le manteau par le Centre National de Transfusion Sanguine (CNTS). Inutile d’insister sur l’opacité de cet organisme étatique au sujet duquel je reviendrai dans ces lignes …

Cette usine, située dans la lointaine banlieue de Lyon, ville qui est le berceau de la famille Mérieux, traitait des dizaines de tonnes de placentas humains provenant de divers pays du monde chaque jour de la semaine. Cette collecte, véritable chaine du froid organisée à l’échelle mondiale puisque des milliers de maternités avaient été équipées de congélateurs aux frais de l’Institut Mérieux, permettait de produire une albumine humaine d’une qualité inégalée y compris depuis l’avènement de la biologie moléculaire moderne. Il s’agissait dans de nombreux cas d’un substitut aux transfusions de sang total qui présentait pourtant un risque en ce qui concerne la présence de virus ou d’anticorps indésirables, risque inévitable qui existe toujours aujourd’hui. Par exemple je ne peux pas donner mon sang (bénévolement en Espagne et sous la tutelle de la Croix-Rouge) car je suis positif pour les hépatites A, B et C et de plus je souffre de malaria !

Le principe de précaution ne fut que le seul argument que ne put qu’invoquer Simone Veil en dernier ressort. Mais derrière cette décision – j’insiste une nouvelle fois – démagogique et de façade, il s’agissait de protéger le monopole étatique des centres nationaux français de transfusion sanguine (CNTS) qui produisaient timidement et avec des gaspillages notoires et une gestion désastreuse des dérivés sanguins de mauvaise qualité. Les CTS étaient et sont toujours contrôlés par l’Etat (cf l’affaire du sang contaminé et du fameux « responsable mais pas coupable ») et toute atteinte à un monopole d’Etat devait être combattue avec véhémence quitte à priver le monde entier d’un produit de très haute qualité recherché par tous les pays du monde puisque l’albumine humaine Mérieux à 20 % était interdite de vente sur le territoire français !

De plus cette décision de Simone Veil – puisque ce sont toujours les Ministres qui décident et assument leur responsabilité et non pas l’Administration avec un grand A, faut-il le répéter – fit perdre à la France sa position de leader mondial dans ce domaine car, unique de par son origine, l’albumine humaine Mérieux provenait de placentas, un déchet des cliniques, et non de sang total dont la disponibilité était et est toujours encore aléatoire. L’extraordinaire usine de production de l’albumine (voir note 2) fut démantelée alors qu’elle avait atteint il y a plus de 25 ans un sommet technologique inégalé depuis par aucun autre laboratoire pharmaceutique dans le monde. Comme mentionné plus haut, malgré les progrès récents de la biologie moléculaire il est impossible de produire cette protéine du sang dans des conditions satisfaisantes par génie génétique. L’idée en tous points géniale du Docteur Charles Mérieux d’utiliser des placentas humains est tombée dans les oubliettes et la France a perdu l’un de ses plus beaux fleurons dans le domaine bio-médical. Voilà une conséquence de l’incurie et de l’incompétence involontaire mais assumée de Ministres qui prétendent gouverner la France « pour son bien » et Simone Veil n’est pas une exception, loin de là.

J’ajouterai qu’après cette décision de Simone Veil l’Institut Mérieux, brutalement privé de sa plus importante source de revenus, passa sous le contrôle de Rhône-Poulenc afin de pouvoir se redéployer dans le monde en rachetant la firme canadienne Connaught et l’entité Pasteur Productions pour s’internationaliser et se diversifier dans la production de vaccins, une activité qui était déjà existante à l’Institut Mérieux. Aujourd’hui la principale activité de l’ancien Institut Mérieux au sein du groupe Sanofi-Aventis, le seul reliquat français de Rhône-Poulenc, groupe qui fut démantelé et vendu par la suite « par appartements », est donc la production de vaccins.

Notes à destination de mes lecteurs.

1. La firme Mérieux était dans le collimateur du CNTS depuis plusieurs années avant cet évènement en tous points déplorable car elle rémunérait des donneurs de sang pour la production de certaines immunoglobulines. Or le don du sang, pour des raisons qui m’échappent toujours, est strictement bénévole en France comme dans bien d’autres pays du monde. Comme la production d’albumine placentaire amputait en quelque sorte les prérogatives du CNTS fixées par la loi, il est donc aisé de comprendre quelle ne fut pas la pression que dut subir Simone Veil pour prendre la décision, en dernier recours, d’interdire cette activité.

2. Je déclare que mes propos sont totalement indépendants des intérêts de Mérieux ou de Sanofi. Les faits relatés ici sont restés dans ma mémoire et sont peut-être entachés de ma part de quelques inexactitudes car il se trouve que j’ai moi-même travaillé sur le placenta humain en étroite relation avec l’Institut Mérieux bien avant cette histoire dans le cadre de recherches strictement académiques qui ne firent jamais l’objet d’applications industrielles ou commerciales. Si j’ai relaté ici cette histoire qui m’est revenue en mémoire c’est uniquement à la suite du décès récent de Simone Veil.

3. L’exécrable principe de précaution a vu le jour lors de la conférence de Rio en 1992 au sujet du changement du climat. Puisqu’on ne connaissait pas les causes de ce changement il était donc préférable d’attendre des évidences scientifiques pour prendre des mesures adéquates afin de prévenir toute catastrophe. Ce principe trouva un écho favorable en France, pays traumatisé par l’affaire du sang contaminé par le virus du SIDA (AIDS) et en pleine crise de la « vache folle ». Bien que non inscrit dans la loi puisqu’il faudra attendre le 2 février 1995 pour voir la promulgation de la « Loi Barnier ». Cette loi entérinera le principe de précaution qui sera par la suite inscrit dans le « marbre » la Constitution française par le Président Jacques Chirac. Cette loi concernait initialement l’environnement puisque Barnier était alors justement Ministre de l’Environnement mais par extension il s’ensuivit une sorte de blocage de toutes sortes de travaux de recherche et la mise à l’écart d’innovations en raison du manque d’évidences scientifiques relatives à leur sécurité tant pour l’environnement que pour la santé des personnes. Il est donc raisonnable de considérer que Simone Veil tint compte de ce courant de pensée du gouvernement dont elle faisait partie en entérinant la décision d’interdire la production d’albumine humaine d’origine placentaire par l’Institut Mérieux. Tout simplement un désastre économique dont elle fut probablement involontairement responsable, du moins j’ose pour ma part l’espérer …

5 réflexions au sujet de « Le principe de précaution et Simone Veil : une catastrophe ! »

  1. Vous connaissez René Quinton???
    Il est dit qu’on pourrait utiliser l’eau de mer isotonique pour transfuser au lieu du sang d’une autre personne, je sais que ça vous emmerde ce genre de truc alternatif, mais …..
    Il a testé ça et ça marchait bien, trop bien même donc au lieu d’essayer de produire des substituts au sang à grand frais, pourquoi ne pas essayer ce que Quinton a découvert??

    • L’albumine sérique (près de 50 % des protéines du sérum) d’origine placentaire n’est pas en soi un substitut du sang mais cette protéine a l’avantage d’être d’origine humaine. Pour ce qui concerne les autres alternatives au sang qui n’en sont pas à proprement parler il y a effectivement l’eau de mer, solution saline tout à fait banale et aussi l’eau de coco, le liquide stérile glucosé qui se trouve à l’intérieur des noix . Il a été largement utilisé par l’armée américaine pour perfuser (et non transfuser) durant la deuxième guerre mondiale. C’est un liquide nutritif riche en sels minéraux parfaitement isotonique. Après un coup de machette pour dégager les trois opercules de la noix il suffisait de planter une aiguille munie d’un petit tube remontant vers le haut et une autre reliée à un cathéter pour la perfusion. Le premier tube, muni d’un coton pour préserver la stérilité de l’ensemble servait à régler le débit … La nature a bien fait les choses mais l’albumine placentaire était dans de nombreux cas un précieux outils pour les médecins.

      • Merci, c’est très intéressant ce qu’on peut faire avec l’eau de noix de coco,je ne connaissais pas

    • Ni aux fichés S qui menacent explicitement de nous exterminer.A ce stade , ce n’est plus de la non application du principe de précaution mais l’application du principe de destruction.

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