L’immortalité ? Peut-être pour bientôt …

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On n’en est encore qu’au stade de laboratoire et sur des mouches du vinaigre (Drosophila melanogaster) mais c’est un grand pas vers le mythe de l’immortalité qui vient d’être franchi. Pour nous mortels et dans notre imaginaire seuls les dieux sont immortels, c’est dans notre esprit le seul détail, et d’importance, qui différencie les dieux des humains même si ces dieux ont souvent pris forme humaine par le passé. Il est maintenant admis que nous sommes mortels parce que notre machinerie cellulaire est incapable de gérer au cours du temps les mutations induites par des agents extérieurs ou simplement dues au hasard. Ces mutations s’accumulant, il arrive alors qu’un organe ne puisse plus fonctionner correctement et la mort s’ensuit. Expérimentalement on a observé chez les mouches du vinaigre, un animal de laboratoire de prédilection pour les généticiens, que les cellules déficientes s’accumulaient en formant des sortes de clones qui finissent par perturber un organe, dans le cas de ces mouches il s’agissait des ailes.

Cette simple observation a indiqué que l’apparition de cellules déficientes n’était pas l’apanage des adultes mais qu’elle était présente également chez les embryons et au cours du développement. Il en est de même chez les humains et bien d’autres animaux. L’une des indications qu’une cellule défectueuse ayant formé un petit clone lui-même défectueux dans un organe se situe au niveau des interactions entre cellules pour diverses raisons comme en particulier une croissance réduite ou l’absence de réponse à des signaux inter-cellulaires. En fait l’organisme s’arrange le plus souvent pour éliminer les cellules défectueuses, c’est le cas par exemple des lymphocytes sentinelles avec les cellules cancéreuses.

Pour devenir immortel il faudrait en fait que les cellules se détruisent elles-mêmes quand elles deviennent défectueuses à la suite d’une mutation pour préserver la santé du reste de l’organe dont elles font partie et par conséquent de l’organisme tout entier.

Jusqu’à de récents travaux d’une équipe de biologistes dirigée par le Docteur Eduardo Moreno de l’Université de Berne en Suisse, on ignorait si les cellules possédaient ce pouvoir d’auto-destruction dans le cas d’une accumulation de mutations dommageables pour leur « santé » fonctionnelle. L’astuce qui a été utilisée pour détecter la présence d’un tel gène a consisté à sélectionner un organe, dans le cas des mouches leurs ailes, pour suivre facilement si l’expression d’un gène réparait la structure de l’aile en éliminant les cellules défectueuses qui formaient, au cours du développement de la mouche à partir des pupes, des patchs indésirables dans ces ailes rendant celles-ci moins performantes pour le vol et mettant donc ainsi en danger la vie des mouches. Et c’est en stimulant dans la mouche l’apparition de cellules « bien portantes » des ailes que ces biologistes ont observé ce qu’il advenait des cellules mal programmées en raison de mutations spontanées ou induites. La présence de ces cellules saines entrant donc en compétition avec leurs homologues aux fonctions métaboliques amoindries induisait l’expression d’un gène particulier qui a pour rôle de précipiter la mort de ces cellules « en mauvaise santé ». Ce gène a été appelé « azot », un diminutif de Ahuizotl (AhuiZOT l).

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Il faut reconnaître que les scientifiques ont un don certain pour trouver un nom à leur découverte ! Ahuizotl était en effet une divinité aztèque dont le rôle était de contrôler le nombre de bateaux de pêche se trouvant sur les lacs pour protéger les ressources en nourriture en détruisant les bateaux en surnombre. C’est un peu ce qui se passe au niveau de la drosophile. Le produit du gène « azot », remarquablement conservé dans le monde vivant, y compris chez les humains, participe à la sénescence accélérée des cellules défectueuses.

Quand les embryons de mouche sont irradiés avec des rayons ultra-violets, si le gène « azot » ne peut s’exprimer – on arrive à réduire au silence ce gène par des manipulations génétiques appropriées – près de 100 % des embryons meurent. Si au contraire ce gène est sur-exprimé alors plus de 70 % des embryons arrivent au stade adulte malgré les dommages apparus après irradiation avec ces ultra-violets. De plus la durée de vie des mouches est considérablement augmentée quand ce gène est également sur-exprimé, de 24 jours, l’espérance de vie normale d’une drosophile, jusqu’à 72 jours ! Autant dire que ce résultat exposé dans un article remarquablement documenté paru dans le journal Cell (voir le lien) autorise tous les espoirs d’allongement de l’espérance de vie. On peut sans peine imaginer que dans un futur (lointain) la stimulation de l’expression de ce gène en agissant spécifiquement sur son promoteur par l’intermédiaire d’une molécule chimique ciblant spécifiquement ce dernier nous permettra de vivre 240 ans voire plus. Tout est expliqué dans un article paru dans le journal Cell en libre accès, bonne lecture !

DrosophilaMelanogaster_InstitutZellbiologie

 

(http://www.cell.com/cms/attachment/2024012921/2043934124/mmc1.pdf )

Illustrations : InstitutZellbiologie Université de Berne

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