Nos ancêtres lointains étaient des vraies bêtes de sexe !

J’avais il y a quelques jours disserté de la présence de régions non codantes de l’ADN qui sont en réalité des séquences d’origine virale qu’on a retrouvé entre autres échantillons dans l’ADN de la phalange d’une jeune fille découverte dans la grotte de Denisova dans l’Altaï. Le minuscule fossile a été daté à 40000 ans et il existe des différences notoires avec l’homme moderne ( https://jacqueshenry.wordpress.com/2013/11/21/ce-qui-fait-que-nous-sommes-nous-et-personne-dautre/ ) je n’y reviendrai pas. Séquencer de l’ADN datant de 40000 ans était déjà une prouesse en soi, mais pas mieux que le séquençage d’une partie de l’ADN de l’homme de Neandertal datant d’environ 100000 ans réalisé il y a quelques années. Si les conditions de « conservation » des restes proto-humains sont particulièrement favorables, les paléo-biologistes ont quelques chances de succès et c’est ce qu’a prouvé encore une fois l’équipe de Svante Pääbo du Max Planck Institute de Leipzig en réussissant à élucider la presque totalité de la séquence de l’ADN mitochondrial d’un Homo heidelbergensis qui a été retrouvé avec beaucoup d’autres restes proto-humains dans une grotte du nord de l’Espagne, la Sima de los Huesos, en français la fosse aux os. Le squelette qui a permis cette prouesse a été daté d’environ 500000 ans c’est-à-dire bien avant Neandertal ou la fille de Denisova.

Ce qui a permis de réaliser ce travail, c’est d’abord la puissance des machines de séquençage, mais c’est aussi la qualité de l’échantillon. Cette fosse aux os fait partie d’une grotte et est située à plus de 500 mètres de l’entrée. Il faut effectuer des reptations pénibles dans un tunnel étroit avant d’accéder au trou de 13 mètres de profondeur au fond duquel ont été retrouvé des dizaines d’ossements. La température de 10 degrés est quasiment stable ainsi que le taux d’humidité alors qu’en un demi million d’années le climat a oscillé entre des périodes glacières et des périodes chaudes. C’est la constance parfaite des conditions de température et d’hygrométrie qui ont permis à l’ADN de ne pas être totalement dégradé. L’autre avantage de l’ADN mitochondrial est qu’il se trouve présent en une multitude de copies dans les mitochondries et qu’il y a de surcroit plusieurs mitochondries dans chaque cellule. Au cours du vieillissement les bases puriques et pyrimidiques ont tendance à perdre des groupements aminés et c’est ce dernier point qui a aussi permis de faire la distinction entre l’ADN en question et les contaminations pouvant provenir aussi bien des archéologues que des techniciens du laboratoire du Max Planck Institute.

zoom

 

Même si les fragments d’ADN étaient rarement de plus de 50 bases les recoupements et l’établissement d’analogies ont finalement permis de reconstituer la presque totalité de ce petit bout d’information génétique datant d’une époque où on ressemblait encore beaucoup au singe, notre cousin le plus proche, et pas vraiment encore aux hommes modernes, n’en déplaise aux créationistes. Pour expliquer les résultats surprenants finalement obtenus, il faut rappeler que l’ADN mitochondrial n’est transmis à la descendance que par la mère alors que l’ADN du noyau ou ADN nucléaire provient pour moitié de la mère et pour moitié du père. Avec tous ces éléments en mémoire qu’a-t-on découvert ? D’abord l’Homo heidelbergensis, on le savait déjà, partageait des traits morphologiques faciaux avec l’homme de Neandertal comme des arcades sourcilières prononcées du genre de celles des chimpanzés pour se faire une idée, donc il semble qu’il était plus proche de Neandertal que des Denisovans, encore qu’on ne sait pas trop à quoi ressemblaient ces derniers, mais pourtant l’ADN mitochondrial de cet ancêtre commun supposé tant des Neandertaliens que des Denisovans est plus proche de l’ADN mitochondrial de ces derniers, les Denisovans, et plus éloigné de l’homme moderne. La seule explication possible pour ce résultat est qu’il y eut des métissages entre groupes proto-humains. Pour parler franc, nos ancêtres devaient être des vraies bêtes de sexe et toute créature qui ressemblait de près ou de loin à une femelle était bon pour que le mâle dominant puisse se soulager. Les femelles (les femmes?) transmettaient leur ADN mitochondrial comme on dit « horizontalement » en termes de généticien pour qu’on le retrouve chez les Denisovans avec plus de proximité, encore génétiquement parlant, que chez Homo heidelbergensis. Ces résultats ont également montré que l’Homo heidelbergensis et les Denisovans ont divergé du même ancêtre proche de l’homme de Neandertal il y a environ 700000 ans. Tout ça laisse rêveur. Pour le mot « horizontalement » je laisse mes lecteurs penser ce qu’ils veulent …

Source : Max Planck Institute

 

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