Quand le présent rejoint le passé …

Lorsque j’étais enfant le téléphone de la maison où je suis né était un vieil instrument, un petite caisse de bois surmontée d’un support où se trouvait le combiné microphone-écouteur et comprenant également une petite manivelle sur le côté. La ligne de téléphone qui longeait la route reliant le hameau où se trouvait la maison familiale et le village était « notre » ligne de téléphone car il n’y avait pas d’autre maison ou ferme agricole disposant d’un téléphone. Pour obtenir un correspondant il fallait tourner la manivelle et ce geste envoyait une impulsion électrique au central téléphonique du village. L’opératrice demandait alors à quel numéro de téléphone nous voulions être connecté et nous attendions une sonnerie qui indiquait que la connexion était établie. Tous les mois mes parents recevaient une enveloppe contenant une petite liasse de fiches cartonnées roses sur lesquelles étaient inscrits manuellement d’une belle écriture avec pleins et déliés les appels téléphoniques, l’heure et la durée des conversations ainsi que le numéro de téléphone appelé. C’était un avant-goût de ce qui allait être mis en place soixante-dix ans plus tard car l’opératrice pouvait s’offrir le luxe – illégal – de profiter par curiosité de la conversation téléphonique.

Aujourd’hui tous les appels téléphoniques, tous les messages écrits ou audio envoyés et reçus avec un téléphone cellulaire (ou fixe) sont enregistrés, étudiés avec des algorithmes sophistiqués, classés et archivés pour être éventuellement utilisés par la suite pour inonder chaque individu de publicités le plus souvent indésirables ou pour servir de supports à une enquête de police. De plus les téléphones cellulaires sont mobiles et notre localisation dans l’espace urbain ou même international est relevée scrupuleusement. À notre insu nous somme également géo-localisés par rapport à d’autres téléphones cellulaires. Par exemple quand le seul ami francophone que je vois régulièrement ici vient boire une bière ou un café à mon domicile le fournisseur d’accès au téléphone sait qu’il se trouve chez moi à telle heure de la journée à la date x du mois. L’opératrice du petit standard téléphonique de notre village connaissait tous les numéros appelés et tous les appels arrivant sur notre téléphone en bois avec une manivelle. Avec le gros annuaire téléphonique du département elle aurait pu ajouter des noms mais elle n’était pas payée pour ça. Aujourd’hui ce sont des robots qui mémorisent tout … Finalement je me dis que les technologies modernes n’ont rien inventé, elles ont seulement remplacé des personnes par des machines.

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