La dendrologie est une science à part entière consistant à étudier les cernes de croissance des arbres. Le tissu architectural du bois est constitué de polyphénols complexes et dans les régions du globe terrestre où il existe une alternance des saisons il est possible de calculer l’âge d’un arbre en comptant les cernes de croissance. Ce qui est plus riche en renseignements est la structure fine de ces cernes et leur épaisseur. Une telle étude permet d’obtenir des renseignements sur la température au cours de la période de croissance s’étalant sur une partie du printemps, l’été et une partie de l’automne dans les régions dites tempérées. Les feuilles, ou les épines pour les conifères, sont les moteurs du mouvement de la sève dans la partie la plus externe du tronc de l’arbre. Il est donc facile de comprendre que l’arbre ne croit que s’il y a des feuilles. La partie plus interne du tronc de l’arbre est en réalité une architecture ligneuse inerte qui gagne en épaisseur et en solidité avec la croissance de l’arbre.
La structure de chaque cerne indique que les cellules sont plus grandes au début de la saison de croissance avec des parois ligneuses fines qui s’épaississent au fur et à mesure que la saison avance devant également plus petites en délimitant ainsi un cerne. Le tissu ligneux présente la particularité d’émettre une lumière bleue sous un éclairage ultra-violet, lumière mesurable et permettant d’approfondir le processus de croissance de l’arbre au cours de la saison, en particulier la vitesse de cette croissance qui dépend essentiellement de la température. En effet le mouvement ascendant de la sève dépend de la température à laquelle sont soumises les feuilles ou les aiguilles dans le cas des conifères. L’étude microscopique de ces cernes de croissance a été mise en œuvre avec des pins sylvestres se trouvant à la limite nord de la forêt boréale au nord-est de la Finlande. Les travaux ont été partagés entre l’Institut fédéral suisse de la forêt, l’Université de Gothenburg et l’Université catholique de Louvain et les résultats obtenus sont surprenants.
Pourquoi avoir choisi de tels arbres ? La réponse est simple. La pluviométrie et l’hygrométrie dans cette région est pratiquement constante au cours de la saison de croissance des arbres et seule la température module cette croissance. Appliquée dans ce cas particulier, au delà de 65 degrés nord, la dendrologie permet d’obtenir un profil très précis de l’évolution de la température estivale loin des perturbations de l’Atlantique nord, le pourtour de l’Océan arctique étant relativement stable au cours de l’été. La température optimale pour la croissance des arbres dans cette région ne s’étale que sur une durée très courte ne dépassant pas deux mois par an. L’illustration ci-dessus détaille la technique d’analyse de chaque cerne de croissance. Celui-ci est divisé en 10 parties d’une épaisseur d’environ 10 microns chacune et un logiciel d’analyse permet de quantifier l’épaisseur des parois cellulaires et leur croissance radiale (rCWT, radial cell wall thickness) ou tangentielle (tCWT, tangential cell wall thickness). L’analyse permet d’en déduire le volume de lignine de chaque cellule par rapport au volume total de la cellule ainsi que la densité anatomique (aD) et par analyse de la fluorescence dans le bleu sous éclairage UV l’épaisseur radiale des parois cellulaires. Cette épaisseur décroit au fur et à mesure que l’arbre grandit par ajout d’un cerne supplémentaire chaque année comme l’indique le profil en bleu dans la partie d) de l’illustration, EW étant le bois précoce, au début de la saison de croissance et LW le bois tardif en fin de saison de croissance.
Les résultats globaux obtenus par cette analyse très fine et novatrice ont été rassemblés dans une figure (ci-dessous) exprimés en Zscore ou déviation par rapport à la moyenne de tous les points expérimentaux pour chaque paramètre : largeur des cernes (rig width), MXBI ou intensité maximale de la fluorescence bleue sous UV, MXD ou densité maximale du bois tardif au cours de la saison de croissance, aLWD ou densité moyenne du bois tardif, Max.rCWT ou épaisseur radiale de la paroi cellulaire et enfin CRUTEMA4 ou données des températures relevées sur la cellule 65-70°N-25-30°E « moyennées » d’avril à septembre, de juin à août et seulement de juillet depuis 1875.
Quel enseignement en tirer ? Les 5 paramètres dendrologiques rassemblés dans cette figure sont concordants. À l’issue du petit âge glaciaire, au début du vingtième siècle, il y eut pendant une quarantaine d’années (1910-1950-60) une période climatique « chaude » culminant vers la fin des années 1930. Ceci a été confirmé par l’abondance des taches solaires en particulier. À partir de 1960 l’effet de la température sur les cernes de croissance se stabilise avec d’autant plus de clarté que la période propice à la croissance des arbres dépasse rarement 2 mois entre le 15 juin et le 15 août. Si les relevés de température CRUTEMA sont d’une remarquable stabilité en réalité il faut considérer avec une extrême précaution ces données de températures.
En effet les relevés de températures présentés dans cette illustration sont contestables dans la mesure où la rareté des stations météo est un facteur limitant et chaque « carré » de la surface terrestre ne peut en aucun cas rendre compte de la réalité. J’admire au passage l’honnêteté des auteurs de l’étude qui ont osé insérer ces relevés de température qui n’ont d’autre qualité que de montrer cette stabilité inattendue au cours des années passées. Il s’agit de données brutes lissées et représentées et exprimées également en Zscores. Ce seul fait est contestable puisque les températures, aux extrêmes considérées, avril et septembre, peuvent déjà varier de moins 10°C le matin à plus15°C l’après-midi du même jour. Que signifie alors le Zscore ? On est en droit de se poser la question. Enfin, la croissance des pins dans cette région boréale à l’extrême limite de la forêt est très sensible aux températures qui sont largement dépendantes de l’ensoleillement de 24 heures autour du solstice. Il n’est pas permis non plus d’oublier l’effet des transferts de chaleur entre les zones tropicales et les pôles comme l’a bien documenté le Professeur Lindzen dans son article traduit par mes soins sur ce blog. Il reste donc qu’entre 1915 et 1950 un réchauffement du climat a bien été montré par les résultats de cette étude et seule la température a influencé la croissance de ces pins sylvestres. Des travaux complémentaires utilisant cette même technique superbement détaillée et dans d’autres régions arctiques ou sub-arctiques permettront un jour d’en savoir plus.
Source et illustrations : https://doi.org/10.1016/j.dendro.2020.125673
Pour les curieux désirant avoir plus d’informations sur les relevés de températures CRUTEMA voici un lien indiquant clairement le peu de fiabilité de ces évaluations : doi:10.5194/essd-6-61-2014 en accès libre. Il suffit de considérer qu’en France, avec ce système d’évaluation, les températures moyennes sont les mêmes du Havre à Montélimar et de Bordeaux à Charleville-Mézières !