Histoire de violettes

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La violette (Viola odorata) était une fleur honorée par les dieux de l’Olympe et ils avaient parfaitement raison sans le savoir car cette plante au parfum délicat est aussi une source, comme des centaines d’autres plantes beaucoup moins odorantes, d’un petite protéine unique en son genre qui fait l’objet de toutes les attentions. Il s’agit d’un peptide de la famille des cyclotides, c’est-à-dire cyclique, dont la structure est fermement renforcée par la présence de trois ponts soufre-soufre. Quand vous mangez des courges ou des lentilles vous ignorez que vous ingérez ce genre de produit aux propriétés uniques. D’une part les cyclotides sont indigestes, ils persistent donc dans l’intestin et peuvent éventuellement se retrouver dans le sang, et d’autre part ils présentent des propriétés biologiques remarquables.

Pour remonter brièvement dans l’histoire de la découverte de ces substances il faut remonter aux années 1960 lorsqu’une mission de la Croix-Rouge au Congo remarqua que les femmes sur le point d’accoucher buvaient une tisane préparée à partir d’une plante médicinale (Oldenlandia affinis) facilitant le travail en provoquant des contractions de l’utérus. Il fallut plus de 25 années pour élucider la structure de la substance active qui se révéla être de la kalata B1, du nom traditionnel de cette plante médicinale qu’on retrouve justement dans la violette et dont je vous livre la structure (www.cybase.org.au) :

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La kalata B1 est stable à 100 °C, résiste aux enzymes de la digestion, présente des propriétés antibactériennes, insecticides, nématicides et même antivirales contre le HIV en particulier. On peut donc presque dire que c’est un don des dieux et parmi les 532 cyclotides actuellement référencés, en cherchant bien et en y apportant quelques petites modifications on pourra trouver des applications thérapeutiques qu’on ne soupçonne même pas aujourd’hui.

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La Clitoria terneata, une plante de la famille des fabacées dont le nom scientifique rappelle un organe féminin bien connu, utilisée en médecine ayurvédique pour diverses pathologies, est particulièrement riche en cyclotide et une équipe de biologistes de l’Université de Vienne en Autriche a montré que la kalata B1 présentait des propriétés stabilisantes pour la sclérose en plaques avec un modèle de souris génétiquement modifiées développant cette maladie invalidante et mortelle pour laquelle il n’existe aucun traitement.

La sclérose en plaque est une maladie auto-immune qui détruit progressivement les terminaisons neuronales. Les lymphocytes T sont les principaux responsables du développement de la maladie. À la suite d’une observation montrant que la kalata B1 inhibait la prolifération des lymphocytes T en interférant avec la régulation de l’interleukine-2 sur ces derniers, en toute logique on pouvait s’attendre à un effet bénéfique sur ces souris modèles. C’est ce qui a été effectivement montré en administrant par voie orale la kalata B1 à ces souris modèles en suivant le développement de la maladie au cours du temps. De plus l’apparition des premiers symptômes a été notablement retardée par un traitement préventif à l’aide de kalata B1.

Par synthèse chimique totale mise au point par cette même équipe de biologistes, il a pu être montré également que des modifications ponctuelles de la séquence d’amino-acides de la kalata B1 avaient de profonds effets sur l’activité d’immunosuppression. La mise au point de méthodes de synthèse totale des cyclotides et l’immense diversité de ces derniers ouvrent un large éventail d’investigations pharmacologiques et cliniques dans de nombreux domaines thérapeutiques.

Source : http://www.pnas.org/cgi/contents/short/1519960113 en accès libre

2 réflexions au sujet de « Histoire de violettes »

    • Je savais que les fleurs étaient comestible, mais je l’ignorai pour les feuilles. Merci pour ce renseignement. Comme j’en ai plein le jardin, je sais quoi faire avec ces jolies fleurs parfumées.

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