Où la religion se mêle des OGMs

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Quand un agresseur n’a plus d’ennemis il en invente un nouveau. Mes lecteurs pourraient croire que je vais me lancer dans une énième diatribe au fort relent d’anti-américanisme primaire à propos de la politique belliqueuse des USA qui n’a cessé depuis la fin de la dernière guerre mondiale. Pas du tout mais il s’agit néanmoins des USA où la guerre pour l’étiquetage des produits alimentaires est finalement arrivée à son terme. Ce sont donc des ONGs et des groupuscules « représentatifs » des consommateurs qui ont gagné contre les grandes firmes de l’agrochimie et de l’alimentation. L’étiquetage des aliments est devenu obligatoire pour indiquer si oui (ou non, ou un peu tout de même) les aliments proposés aux consommateurs n’étaient pas pollués par des dérivés provenant de plantes transgéniques. Le débat a été initié par le minuscule Etat du Vermont qui a fait passer une proposition il y a déjà maintenant 2 ans obligeant les distributeurs à spécifier le plus clairement possible la présence de produits issus de cultures génétiquement modifiées dans les produits présents sur les linéaires des super- et micro-marchés comme on en trouve dans n’importe quelle petite ville américaine, on dirait en Europe l’épicerie du coin.

Cette décision qui a été reprise par plusieurs autres Etats américains et entérinée finalement par la Cour Suprême à la suite de démêlés judiciaires à rebondissements presque rocambolesques a conduit divers industriels de la bonne et de la moins bonne bouffe à se résigner à l’étiquetage des produits alimentaires. Des firmes comme Campbell, General Mills ou encore Mars Food et Kellogg se sont donc pliées au diktat organisé par des ONGs du genre « Paix verte » au risque de se voir trainer dans la boue, leur image de marque écornée et leur marché s’effondrer. La Cour Suprême, à n’en pas douter, a subi des pressions du même genre pour finalement rendre son verdict : il faut étiqueter les aliments.

Depuis que les plantes génétiquement modifiées existent et sont cultivées il n’y a jamais eu le moindre cas de nuisance pour la santé humaine ou animale qui ait pu être honnêtement lié à la présence de gènes étrangers dans ces dernières. Un maïs transgénique résistant au glyphosate ou exprimant la toxine Bt est biochimiquement indiscernable d’un maïs non modifié si on se penche sur la plante entière ou ses graines. Les produits dérivés comme l’amidon, les tourteaux ou les sucres sont également chimiquement identiques à ceux obtenus avec un maïs non modifié. Il en est de même pour toute autre plante transgénique à vocation alimentaire animale ou humaine. Seules échappent à cette règle les plantes destinées à produire une protéine spécifique à usage médical ou pharmaceutique, une approche infiniment plus économique que la même production à l’aide de bactéries ou de levures également génétiquement modifiées.

Le débat américain qui va apparaître en Europe à n’en point douter s’est focalisé sur la présence de gènes en provenance d’animaux hétérologues comme dans les cas des saumons AquaBounty qui surproduisent leur propre hormone de croissance contrôlée par un gène signal provenant d’anguilles. Là où le bât blesse est justement la présence de ce gène. Le saumon AquaBounty a été approuvé « bon pour le service » en novembre dernier par la toute puissante FDA qui n’est fort heureusement pas (pour combien de temps encore ?) inféodée aux ONGs genre « Paix verte ». Le cas de ce saumon est emblématique car il a fait l’objet d’une vigoureuse campagne de dénigrement orchestrée par les associations ultra-orthodoxes juives : l’anguille n’est pas un poisson kosher ! Comme si la présence d’un gène en provenance d’un poisson considéré comme impur par une religion et qui n’exprime même pas de protéine puisqu’il s’agit d’un « opérateur d’expression » pouvait être répréhensible en vertu de lois coutumières issues d’élucubrations de dignitaires théologiens ultra-religieux totalement déconnectés de la réalité scientifique moderne. Le combat contre les OGMs en général, et l’affaire du saumon AquaBounty en est un élément révélateur, est maintenant entré dans le plus total obscurantisme qui mêle la religion à la science.

L’argument des milieux religieux, et pas seulement des juifs, est que les organismes génétiquement modifiés violent les lois de la nature et donc abusent du grand dessein de la Création divine ! La nature est « sainte » et toute modification d’origine humaine est hasardeuse et dangereuse pour la santé de l’homme (et des animaux et des plantes) et il s’agit d’une sorte de sacrilège dont il faudra rendre compte un jour. Il est intéressant à ce niveau d’extravagance de remarquer que la définition même de « modification génétique » prête à confusion tant au niveau d’une plante entière que des produits qui en sont dérivés. Où se situe la manipulation contre nature ? Les revendications de l’Etat du Vermont n’ont jamais spécifié clairement que les produits issus des plantes transgéniques devaient être marqués comme « transgéniques » ni également que les produits alimentaires ayant subi des traitements à l’aide d’enzymes produits par des bactéries ou des levures génétiquement modifiés entraient dans cette catégorie. Il y a donc comme une faille dans cette démarche pseudo-scientifique … mais quand la religion s’en mêle, on ne peut que constater qu’inévitablement l’opinion publique suit aveuglément sans se poser d’autres questions. Puisque les théologiens en ont décidé ainsi c’est donc vrai, il faut les croire, les OGMs ne sont pas bons pour la santé et les horribles manipulations des apprentis sorciers sans foi ni loi qui ont abouti à ces monstres que jamais le Créateur n’avait envisagé dans son grand dessein harmonieux sont tout simplement nocives.

On est devant la même attitude anti-scientifique adopté par les mêmes organisations non gouvernementales à propos de l’effet néfaste de l’activité humaine sur l’évolution du climat. On est foutu on mange trop d’OGMs, on est foutu on émet trop de CO2, on est foutu on ne respecte pas la nature … Les dieux vont se venger !

Billet inspiré d’un article paru dans Slate.com

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