Ecomodernist Manifesto : faire de la place à la nature avec une énergie abondante et peu coûteuse !

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Il s’agit d’un document émanant d’un think tank américain appelé The Breakthrough Institute coécrit par 18 scientifiques dont Mark Lynas, Michael Shellenberger ou encore Stewart Brand (voir note et lien) qui remet en cause fondamentalement l’approche écologiste telle qu’elle a été choisie par les militants politiques se déclarant adeptes de cette idéologie. Il est paru le 14 avril 2015, il y a donc un mois et demi et ce document a éveillé ma curiosité car en exergue il est dit : « Nous affirmons un idéal environnemental sur le long terme consistant pour l’humanité à réduire son impact sur l’environnement pour laisser plus de place à la nature, et nous rejetons l’autre approche consistant pour les société humaines à s’harmoniser avec la nature pour éviter une catastrophe économique et écologique ». Comme la présentation générale de ce document me paraissait sibylline, j’ai entrepris de le lire en entier car la notion de découplage entre le développement de l’humanité et son espace vital terrestre est considérée à tort comme ayant les pires effets sur l’environnement. Au contraire des idées reçues, ce document développe une toute autre thèse : l’intensification des activités humaines, agriculture, extraction d’énergie (fossile), exploitation rationnelle des forêts, habitat amélioré, de telle manière qu’elle utilise moins de surface et ait moins d’interférence avec la nature est la clé du découplage entre le développement de l’humanité et les impacts environnementaux.

La tendance à l’urbanisation (70 % de la population du monde sera urbaine d’ici 2050) accompagnée d’une intensification de la productivité agricole ont été bien documentées et ces deux facteurs contribueront à libérer de l’espace pour la nature et symbolise déjà ce découplage entre humanité et nature. Considérées dans leur ensemble, ces tendances signifient que l’impact humain total sur l’environnement, comprenant les modifications de l’utilisation des terres, la surexploitation et la pollution, atteindront un maximum au cours de ce siècle puis déclineront rapidement. En intégrant et en promouvant ces processus émergents, l’humanité à ici l’opportunité de rendre une grande partie de la surface terrestre à la nature sauvage et la laisser « reverdir » y compris si les pays émergents atteignent des standards de vie modernes et que la pauvreté matérielle disparaît par voie de conséquence. Il s’agit d’un programme ambitieux qui nécessite un large soutien car il est tout à fait accessible.

Contrairement encore à ce que l’on avance communément, les technologies que nos ancêtres utilisèrent pour satisfaire leurs aspirations nécessitaient un impact environnemental beaucoup plus élevé qu’aujourd’hui. L’urbanisation, l’intensification agricole, l’énergie nucléaire, l’aquaculture et le dessalage de l’eau de mer sont des processus ayant un potentiel démontré de réduction des besoins humains sur l’environnement permettant de libérer plus d’espace pour les espèces animales.

Si on prend en considération les préoccupations actuelles relatives au changement climatique, la transition vers un monde avec des sources d’énergie zéro-carbone nécessitera des technologies énergétiques denses, concentrées et capables d’atteindre des échelles de grandeur de l’ordre de dizaines de térawatts pour fournir une économie croissante et demandeuse d’énergie. Comme aucune forme d’énergie dite renouvelable ne remplit ces conditions, seule la fission nucléaire satisfait déjà à ces critères et est la seule dont la capacité à fournir de l’énergie zéro-carbone a été déjà démontrée comme pouvant satisfaire la majeure partie de la demande en énergie, sinon toute, dont aura besoin l’économie moderne.

Le seul chemin éthique et pragmatique vers une économie énergétique juste et renouvelable requiert que l’humanité effectue aussi rapidement que possible cette transition vers ces sources d’énergie qui sont peu coûteuses, propres, concentrées et abondantes. Cette transition nécessitera le support du public et de l’opinion aussi bien dans chaque pays qu’internationalement. Il y a là un contraste évident avec les politiques énergétiques actuelles qui sont confuses et contradictoires dans de nombreux pays, en particulier en Europe.

Ce document a été écrit sans a priori et sans émotion et ne pourra qu’avoir un écho favorable auprès des décideurs et des gouvernements. Naturellement et inévitablement des efforts explicites pour préserver les paysages de leur valeur non utilitaire seront des choix fondamentaux. Il pourra en être ainsi mais les auteurs pensent que ces choix seront naturellement acceptés même s’ils pourront être considérés comme anthropocentriques.

La modernisation, pour transcender les systèmes économiques et politiques, a déjà libéré plus que jamais auparavant dans l’histoire des peuples de la misère et des dures tâches agricoles, a libéré des femmes de leur statut de bien vulgairement mobilier, des enfants et des minorités ethniques de l’oppression et des sociétés entières de gouvernances arbitraires et capricieuses.

Le Professeur Barry Brook (voir note) appelle ce document « Une déclaration de principe pour un nouvel environnementalisme » et en tant que tel il sera vivement critiqué par le lobby vert et par ceux qui écrivent et proclament des platitudes affligeantes sur l’environnement ou construisent des projets et des programmes idéologiques sophistiqués totalement déconnectés des aspirations et des besoins de la moitié la moins favorisée de l’humanité. Cette déclaration sera également un sujet de dérision pour ceux qui prônent une réduction de la croissance actuelle en raison de son impact sur l’environnement. Et la vision claire exposée dans ce document pourra être considérée comme un anathème par les politiciens populistes d’aujourd’hui uniquement motivés soit par une vision romantique de l’environnement soit par leur plus intime et égoïste projet électoraliste à court-terme. Il faut espérer que ce document que je conseille à mes lecteurs de lire puisse avoir une très large audience. Il faut enfin noter que le front environnementaliste jusqu’au-boutiste climato-réchauffiste commence à réellement se fissurer car certains cosignataires de ce document ont fait à leurs heures partie de l’IPCC. C’est une bonne nouvelle !

Lien et illustration : http://www.ecomodernism.org

Notes :

Mark Lynas est l’auteur de plusieurs ouvrages de référence. Activiste du « changement climatique » il a écrit notamment un article sur la nécessité de développer l’énergie nucléaire en déclarant notamment : « Sans énergie nucléaire, la bataille contre le réchauffement global est perdue d’avance ». Anciennement farouche opposant aux plantes transgéniques il a finalement compris l’avantage de la transgenèse végétale pour le développement agricole afin de satisfaire la faim encore endémique pour la moitié de l’humanité.

Michael Shellenberger est président et cofondateur du Breakthrough Institute. Il est coauteur d’un ouvrage qui a fait grand bruit en remettant en cause la politique écologiste actuellement admise dans le monde : « Break Through : From the Death of Environmentalism to the Politics of Possibility ». The Ecomodernist Manifesto s’inspire en partie de son ouvrage.

Steward Brand, écologiste de formation a écrit un ouvrage, parmi d’autres, intitulé « The Rise of Ecopragmatism » qui est clairement opposé aux mouvances actuelles de l’écologie politique.

Barry Brook, Professeur d’écologie à l’Université de Tasmanie, est spécialiste des synergies entre l’homme et la biosphère.

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