Antidépresseurs : un autre scandale !

Il y a près de 7 millions d’Européens qui souffrent de dépression nerveuse plus ou moins grave et la commercialisation des antidépresseurs représente de ce fait une manne quasiment inépuisable pour les laboratoires pharmaceutiques et un coût considérable pour la société. Ce sont ainsi des dizaines de milliards d’euros qui partent à l’égout puisque peu de ces molécules sont réellement actives. C’est ce que montre une étude parue récemment dans PlosOne ( http://www.plosmedicine.org/article/info:doi/10.1371/journal.pmed.0050045 ) qui s’est basée sur toutes les données – favorables et défavorables – des essais cliniques réalisés sur des nouvelles molécules qu’on peut classer en trois groupes, les tricycliques, les « monoamine oxidase » et les inhibiteurs de la réabsorption de la sérotonine. J’ai écrit un billet à ce sujet il y a quelques jours ( https://jacqueshenry.wordpress.com/2013/08/07/le-controle-de-la-bonne-humeur-dans-le-cerveau/ et aussi ce billet : https://jacqueshenry.wordpress.com/2013/08/12/mutations-et-maladies-psychiatriques-un-debut-dexplication/ ). La dépression nerveuse est liée à une modification même ténue des neurotransmetteurs aminés dont je faisais mention dans ce billet, en particulier le taux de sérotonine qui est considéré comme critique pour le maintien de ce qu’on appelle « la bonne humeur » malgré le fait que la définition même de bonne humeur puisse varier d’une personne à une autre. La dépression nerveuse, c’est du moins la définition que je donne personnellement et qui n’engage que moi-même, est une perte de bonne humeur, processus dont on a perdu le contrôle et qui peut s’aggraver jusqu’au suicide. Les firmes pharmaceutiques font donc preuve d’imagination pour maintenir ce pactole mirifique. De nouvelles molécules sont synthétisées et testées sur des malades sévèrement déprimés ou légèrement déprimés. On fait la distinction selon les résultats à une série de 21 questions à laquelle on soumet le patient. Les dépressions légères sont traitées par psychothérapie et les dépressions sévères par psychothérapie associée à des antidépresseurs. La nouvelle famille d’antidépresseurs est donc celle des inhibiteurs de la réabsorption de la sérotonine que sont la Fluoxetine, matière active du Prozac (Eli-Lilly), la Venlafaxine (Efexor de Wyeth), la Nefazodone de Brystol-Myers Squibb qui a été supprimée en raison de sa toxicité hépatique et enfin la Paroxetine (GlaxoSmithKline) utilisée dans les cas de sévère dépression et aussi pour traiter, soit-disant, les éjaculations précoces. Toutes les données relatives aux études cliniques de ces quatre molécules en possession de la FDA (Food and Drug Administration) ont été réanalysées en détail et il est ressorti clairement que leur efficacité n’était pas différente d’un placebo excepté dans le cas des formes sévères de dépression. Et même dans ce dernier cas, le fait de prendre un médicament contre la dépression constitue déjà en lui-même un geste thérapeutique et les chercheurs qui ont réalisé l’étude insistent sur le fait qu’il est difficile de faire un distinguo vraiment clair entre le médicament et un placebo tant le malade est en attente d’une guérison. Dans toutes les études cliniques réalisées, il était fait appel au questionnaire standardisé (« Hamilton Rating Scale of Depression ») pour évaluer la sévérité de la dépression, avant, pendant et après traitement. Toutes les données disponibles ont été donc réévaluées en fonction de critères uniformisés. Les résultats de cette méta-analyse sont illustrés par la figure (PlosOne) ci-dessous :

journal.pmed.0050045.g003

On remarque que seulement dans les cas de sévère dépression quelques essais seulement ont semblé positifs, encore que, dans la zone verte (dépressions sévères selon l’indice HRSD), une seule étude peut paraître significative, la taille des symboles étant proportionnelle au nombre de patients ayant participé à l’étude, mais il s’agit malheureusement d’un placebo, les triangles représentant les médicaments et les cercles les placebos ! Qui se moque de qui ? On est vraiment en droit de se poser la question. Non seulement les médecins sont bernés par les laboratoires pharmaceutiques mais les malades le sont doublement, par leur médecin et par les firmes pharmaceutiques. On est bien là en face d’un grand scandale que paradoxalement personne ne dénonce.

Une réflexion au sujet de « Antidépresseurs : un autre scandale ! »

  1. Les médicaments en question peuvent ne pas soigner la dépression mais avoir tout de même des effets psychotropes agréables pour l’utilisateur qui en a quand même un peu pour son argent. Si je comprends bien l’étude mesure la capacité des médicaments à soigner, c’est à dire mesure si l’état dépressif persiste après la fin du traitement. En cours de traitement il me semble (pas d’expérience) que ces molécules ont plus d’effet qu’un placebo, après rétablir les équilibres chimiques complexes du cerveau en prenant des pilules semble effectivement difficile.

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