Que se passe-t-il au dessus de la Sibérie ? Rien de bien rassurant …

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Lorsque j’ai voyagé il y a deux mois entre Madrid et Tokyo-Narita (13h30 de vol) l’avion a suivi une trajectoire en apparence rectiligne (dans les faits curviligne) entre son point de départ et son point d’arrivée en se dirigeant d’abord vers le nord pour survoler l’Allemagne, le Danemark puis le sud de la Finlande et enfin l’interminable Sibérie en passant au dessus d’Arkangelsk, de Norilsk, puis au sud de Yakutsk, au dessus de Khabarovsk et pour survoler enfin la Mer du Japon. L’aéronef dont l’altitude de croisière est de 13000 mètres passe brièvement au nord du cercle polaire entre la Mer Blanche et Yakutsk dans la région de Norilsk. Le voyage débute à 12h30 heures, heure locale, à Madrid et au delà de la Finlande c’est l’obscurité totale jusqu’à la réapparition d’une pâle lueur en direction de l’est pour atterrir à Narita vers 10 heures du matin.

J’étais assis près d’un hublot du côté bâbord de la cabine, donc exposé au nord, et j’ai pu saisir ce bref moment où la Terre porte une ombre vers l’ouest alors que le Soleil n’est pas encore au dessus de l’horizon. Mais ce n’est pas ce qui est intéressant dans ce cliché riche d’enseignements. Ce qui est frappant est la couche claire située très haut au dessus de l’horizon, couche éclairée par le Soleil et prenant une couleur légèrement rose probablement du fait que l’horizon à l’est est rouge en raison du lever du Soleil en raison du phénomène physique appelé diffusion de Rayleigh (lien). En considérant un angle de vision de l’appareil de photo, un Fuji X10, de 30 degrés, une appréciation de la courbure de la Terre très approximative que j’ai négligé peut-être à tort et tenant compte de l’altitude de vol de 13000 mètres, la ligne d’horizon doit se trouver à environ 400 km de l’avion (voir les liens en fin de billet). L’angle de l’ombre portée par la Terre par rapport à la ligne d’horizon (en première approximation une ligne et non une courbe compte tenu des fluctuations nuageuses de basse altitude) est égal à environ 30 degrés. Il est donc possible de déduire l’altitude de cette bande claire qui est totalement invisible si on se penche vers le hublot et que l’on regarde vers le haut : le ciel était toujours complètement noir.

Après un calcul simple en utilisant un double décimètre posé sur l’écran de mon ordinateur j’ai trouvé que cette bande claire se trouvait à une altitude médiane d’environ 70 kilomètres et son épaisseur, puisqu’on la voit par la tranche, est difficile à apprécier compte tenu de la courbure de la Terre et donc de la courbure de cette couche si celle-ci est uniformément répartie. De plus cette épaisseur semble plus importante au fur et à mesure qu’on s’approche en direction de l’est encore une fois en raison de la diffusion de Rayleigh des rayons solaire. Il s’agit d’un phénomène de diffusion de la lumière solaire et c’est ce détail qui prouve que cette couche claire bien visible est constituée de micro-cristaux de glace qui réfléchissent la lumière du Soleil dans toutes les directions provoquant un épaississement apparent de la couche dont il est question dans la direction du lever du Soleil. Si cette couche n’existait pas il n’y aurait pas ce phénomène de réflexion solaire ni de diffusion qui s’accroit dans la direction de l’est.

Pourquoi donc arrive-t-on à voir cette accumulation de cristaux de glace ? Tout simplement parce que sa perception visuelle se fait par la tranche : il faut donc une accumulation de cette matière probablement très ténue diffusant la lumière solaire sur des dizaines de kilomètres pour qu’elle soit vraiment visible et seulement visible depuis un avion volant à 13000 mètres d’altitude. Je doute que les astronautes de la station spatiale soient capables de la voir.

Cette perception visuelle rendue possible de par la position de l’observateur en altitude apporte une preuve qu’il existe donc bien à environ 70 kilomètres d’altitude des cristaux de glace qui se forment mais comment cela est-il possible ? Il y a très peu de molécules d’eau à une telle altitude et pour que celles-ci s’agrègent et forment un micro-cristal de glace la présence d’un « noyau de nucléation » est nécessaire. Ce noyau de nucléation, terme plutôt réservé aux chimistes quand ils étudient la formation de colloïdes, est dans ce cas un ion chargé positivement ou négativement, peu importe, qui va attirer par attraction électrostatique ces molécules d’eau. Les molécules d’eau présentent naturellement une différence, certes faible mais bien réelle, de charge électrique négative entre l’oxygène et les atomes d’hydrogène de charge positive. Par exemple un ion N3+ aura toutes les chances d’attirer une molécule d’eau. La question qui surgit alors est l’origine de tels ions très chargés. Il s’agit tout simplement du résultat du bombardement des hautes couches de l’atmosphère, bien au dessus de cette altitude de 70 kilomètres, par des rayons cosmiques très énergétiques provenant de la galaxie.

Normalement le bombardement cosmique est dévié par le champ magnétique solaire. Or, il se trouve qu’en ce moment même le Soleil est entré dans une phase de sommeil magnétique avec plus de 270 jours consécutifs pratiquement sans aucune tache solaire, le « marqueur » de cette activité magnétique. Il s’agit d’un record depuis l’avènement de l’ère spatiale. Il faut remonter en 1913 pour retrouver de telles conditions. Mais qui peut bien se soucier de la présence d’un tel phénomène … Tout le monde car ces conditions existent tout autour de la planète et pas seulement près des pôles compte tenu de la faiblesse actuelle du champ magnétique solaire. Cette couche de glace va contribuer au refroidissement du climat en réfléchissant une partie du rayonnement solaire vers l’espace et comme il faudra attendre l’année 2100 pour qu’à nouveau le Soleil retrouve une activité magnétique normale, selon de nombreux astrophysiciens, alors il y a vraiment beaucoup de souci à se faire.

Ainsi l’observation fortuite d’un phénomène visuel inattendu dans le ciel sibérien peut expliquer, malgré toutes les approximations faites dans son interprétation, beaucoup de choses. Je répète encore que je ne suis pas un spécialiste mais j’ai eu la chance de regarder par le hublot de l’avion au bon moment et au bon endroit et comme je suis encore curieux à mon âge j’ai voulu trouver une explication rationnelle à ce phénomène inattendu que j’observais. Mes lecteurs plus férus que moi dans le domaine de la physique de l’atmosphère peuvent infirmer ou confirmer mon interprétation, je suis ouvert à toute explication détaillée.

Référence pour le calcul de la distance de l’horizon : https://fr.wikipedia.org/wiki/Courbure_terrestre https://en.wikipedia.org/wiki/Rayleigh_scattering . Lire aussi les derniers rapports de Spaceweather.com

6 réflexions au sujet de « Que se passe-t-il au dessus de la Sibérie ? Rien de bien rassurant … »

  1. ttttt c’est le CO2 point barre

    cela m’a toujours sidéré ,cette histoire de backradiation
    on vous dit:pointez un thermomètre à IR vers le ciel, il affichera une t° bien supérieure que celle du vide?
    c’est la preuve qu’il y a une émission provenant de l’atmosphère, et donc que les GES renvoient une partie du rayonnement venant du sol.
    bien évidemment, puisqu’il mesure un rayonnement IR, directement devant sa lentille.,et que devant sa lentille, il y a des GES, mais surtout de la vapeur d’eau, et chose jamais évoquée, un brouillard plus ou moins dense d’eau liquide.
    Observez une rivière, par temps froid.on voit un léger brouillard qui en montant disparaît plus ou moins
    l’eau à une t° suffisante pour se vaporiser, mais dès que la vapeur quitte la surface, elle se condense(sinon on ne verrait rien du tout, la vapeur d’eau est transparente)car elle rencontre un air froid
    Il n’y a aucune possibilité que cette eau liquide se vaporise à nouveau en s’élevant,
    elle reste donc en très fines gouttes, formant un brouillard plus ou moins dense suivant la turbulence présente.(observable par temps calme au dessus des tours de refroidissement)
    C’est tellement vrai, que cela modifie la transparence de l’atmosphère
    Des Saintes Marie de la mer, par temps très froid, avec mistral, on voit nettement le phare de Beauduc.Dès que que cela se réchauffe(et que l’évaporation s »accélère il devient invisible noyé dans ce brouillard, invisible,car la ‘tranche d’atmosphère ( comme dans votre observation,) devient suffisante.
    et donc ,quand vous pointez votre thermomètre IR, il se trouve dans un environnement « pollué » par un brouillard,certes invisible, mais qui renvoie comme un miroir le rayonnement IR(comme les nuages)
    Et comme il n’y a pas sur le globe, d(endroit absolument sec, ce phénomène est présent partout avec plus ou moins d’intensité(allez comprendre pourquoi aller se les geler sur les hauts plateaux pour y installer des observatoires?)
    Quand Spencer fait ses expériences dans son jardin, ce qu’il croit être une « bacradiation » est en fait une réflexion du rayonnement.
    Curieusement, ce qui est observable facilement(comme vous l’avez fait lors de votre vol) n’est jamais même envisagé?
    curieux non?
    surtout que l’on a jamais pu prouver expérimentalement l’effet du CO2, alors que les gouttes d’eau….

    • Question : Est-ce que l’air chaud sec rayonne dans l’IR ?

      L’air est chauffé à la surface. Il s’élève dans le ciel et se mélange. Il se refroidit aussi par rayonnement. Donc, n’est ce pas ce rayonnement que capte le thermo. IR ?

      Quand j’avais un tel instrument, j’ai toujours eu l’impression qu’il prenait la température du solide (mur, sol, plafond) ciblé à 5mètres en étant indifférent à la température de l’air ambiant.

      • L’air (principaux composants azote et oxygène) est transparent aux infra-rouges. Au niveau du sol il est chauffé par le rayonnement infra-rouge provenant de ce sol ce qui provoque une augmentation du mouvement brownien directement mesurable avec un thermomètre. Il se dilate et a tendance à monter. Les amateurs de vol à voile connaissent très bien ce phénomène. En prenant de l’altitude l’air se dilate en raison du gradient adiabatique et il se refroidit. Si cet air est humide la vapeur d’eau se condense et forme des nuages. Ce processus de condensation libère de l’énergie, celle provenant du rayonnement solaire, qui a été utilisée pour que l’eau s’évapore (cf. un billet de ce blog intitulé « la magie de l’eau »). Le gradient adiabatique et le devenir de la vapeur d’eau dans l’atmosphère sont des phénomènes liés et complexes et ils suffisent à prouver que la théorie de l’effet de serre est une imposture.
        La température de l’air mesurée par un thermomètre est le résultat direct du mouvement brownien. Albert Einstein fut le premier physicien à postuler l’existence des atomes et donc des molécules en observant ce mouvement, ce qui fit l’objet d’une de ses publications scientifiques en 1905. Quand on est dans un avion qui vole à 13000 mètres d’altitude l’air est raréfié et le mouvement brownien est faible, de ce fait la température mesurée est très basse – moins 56 degrés – et pour qu’elle soit respirable dans une cabine il faut la compresser et la réchauffer. Ce mouvement brownien augmente et la température ressentie qui est de l’ordre de 25 degrés, parfois moins.

    • Allez voir plutôt le site de Jean-Pierre Petit, tapez son nom suivit de Janus, vous verrez…
      D’ailleurs cela intéresserait peut-être notre hôte.

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