La Sibérie en feu ? Tous les étés !

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L’été dans l’hémisphère nord c’est aussi la saison des incendies de forêt en Sibérie septentrionale. Et généralement, chaque nouvel article sur les incendies de forêt en Sibérie les relie en quelque sorte au changement climatique. Par conséquent, il est temps de voir comment les incendies de forêt ont changé au fil des années. Y a-t-il vraiment une tendance à la hausse des incendies de forêt en Sibérie comme le suggèrent les nouvelles et ce qui est continuellement prédit sur la base des modèles climatiques ? Les éléments de réponse sont présentés dans l’article de Pasi Autio paru sur le site d’Antony Watts le 14 juillet 2020. Il faut mentionner ici que les tribus nomades d’éleveurs de rennes participent à ce phénomène en brûlant à dessein les zones arctiques bordant la limite nord de la forêt boréale couvertes d’arbustes à feuilles caduques de faible taille afin de dégager des pâturages enrichis par les cendres pour l’année suivante. Il en est de même dans les zones d’hivernage plus méridionales des troupeaux de rennes où des feux de forêts sont volontaires, généralement bien maîtrisés, mais ne concernent pas les conifères.

Avec une superficie de 13,1 millions de kilomètres carrés, soit 14 fois la surface de la France, la Sibérie représente 77% de la superficie de la Russie. La majorité de la Sibérie est une région sauvage peu peuplée avec peu ou pas de routes. Par conséquent, le feu brûle généralement jusqu’à ce que la pluie ou un autre facteur naturel arrête le feu. La Sibérie méridionale est également le lieu d’une exploitation forestière extensive pour les résineux de haute tige.

Obtenir des données fiables sur les zones d’incendie sur la base de la littérature disponible semble être problématique. Selon la littérature (1), les données sur les zones d’incendie de la Russie ne sont pas fiables et ont systématiquement et gravement sous-estimé les incendies dans les zones à faible densité de population en raison de la structure du peuplement qui a laissé la plupart du pays sans surveillance (6). La situation ne s’est améliorée qu’après la mise en service des données satellitaires occidentales par la Russie de l’après-URSS. Mais compte tenu de la taille de la Sibérie et du fait qu’elle est très peu peuplée, il n’est pas étonnant qu’aucune donnée fiable ne puisse être générée sans l’aide de satellites. Mais même à l’ère des satellites, certains petits incendies ne sont pas détectés en raison de la couverture nuageuse ou des limites de détection des capteurs (6).

Après une étude approfondie de la littérature, on ne trouve aucune étude réelle fournissant un ensemble de données par satellite pour les incendies de forêt en Sibérie pour l’ère post-URSS non plus, ce qui est étrange compte tenu de la couverture médiatique occidentale des incendies de forêt en Sibérie ces derniers temps. Il semble qu’un effort soit en cours pour créer un tel ensemble de données pour les années de l’ère URSS en numérisant de vieilles images satellite prises depuis 1979.

Superficie brûlée annuellement en Sibérie sur la période 1997-2016

Un essai antérieurement publié (le sujet était les feux de brousse australiens) utilisait des données satellites basées sur les travaux de Giglio et coll. (1, 2). L’article de Giglio décrit une base de données de quatrième génération sur les émissions mondiales de feux (GFED4). Cet ensemble de données combine des enregistrements satellites tels que les cartes de la zone brûlée MODIS de 500×500 m avec des données d’incendie actives du scanner visible et infrarouge (VIRS) de la mission de mesure des précipitations tropicales (TRMM) et de la famille de capteurs du radiomètre à balayage (ATSR). C’est une excellente source pour créer un ensemble de données également pour les incendies de Sibérie.

Les données sont disponibles sur le site globalfiredata.org. Ce site fournit un excellent outil d’analyse et bien sûr les données elles-mêmes, si vous souhaitez les analyser davantage. Actuellement, l’ensemble des données fournit des données sur les zones brûlées pour les années 1997-2016. Il est possible de sélectionner une région ou un pays et de choisir plusieurs options concernant les données sources des émissions vers la zone brûlée (entre autres). La section Outils d’analyse permet également d’utiliser la définition de formes de zone personnalisée. Et c’est ce que j’utilise pour créer mon jeu de données sur la zone des incendies de forêt en Sibérie.

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La figure fournit la superficie totale brûlée en Sibérie pour chaque année entre 1997 et 2016 en km2. Nous pouvons voir que depuis 20 ans, la tendance des zones brûlées en Sibérie est légèrement à la baisse. Aucun élément de preuve ne permet de penser que les incendies s’aggravent. La superficie moyenne brûlée annuellement au cours de cette période était d’environ 91181 km2, soit environ 10 fois la superficie de la Corse.

Les années 1998, 2003, 2008 et 2012 ont été les quatre saisons d’incendie les plus graves au cours de cette période. En général, la variabilité inter-annuelle est grande (3) avec jusqu’à des différences de parfois un facteur 4 entre les années. Les incendies de forêt en 2003 étaient d’environ 203288 km2.

Données sur les zones brûlées à l’époque de l’URSS

En étudiant la littérature disponible, on découvre que Stocks et Cahoon avaient lancé vers 2010 un projet (3) pour numériser les anciennes images satellite AVHRR de la période 1979-2000 afin de construire une base de données des zones d’incendie par satellite pour la Sibérie. Cela semble avoir pris un certain temps, car les résultats de ces travaux sont introuvables. L’ancien élève de Cahoon, Soja AJ, semble avoir poursuivi ce travail (4) avec Cahoon et Stocks et a présenté les résultats lors de plusieurs conférences en 2018 et 2019 mais les données sont toujours en cours de validation. Les données sont basées sur des instruments, algorithmes et méthodes différents (moins sophistiqués) que l’ensemble de données GFED4 présenté ci-dessus. Par conséquent, cela n’a aucun sens de comparer ces ensembles de données directement. Mais pour savoir si les incendies de forêt en Sibérie se sont aggravés, il est intéressant de comparer les tendances. De plus, les ensembles de données contiennent quatre années qui se chevauchent (1997-2000) et en les utilisant comme référence, nous pouvons conclure que la superficie brûlée des années 1985 et 1987 dépasse 1998 et fait partie des saisons les plus sévères de l’ère satellite.

Les données présentées lors de la conférence (4) ne montrent pas non plus de tendance à la hausse pour la zone brûlée en Sibérie.

En résumé, lorsque nous combinons les ensembles de données AVHRR et GFED4, nous disposons de 37 ans (1979-2016) de données sur les zones brûlées pour la Sibérie. Pendant cette période, aucune tendance à la hausse des incendies de forêt et aucun signal détectable de «changement climatique» ne peuvent être trouvés.

Incendies de la saison 2020

Comme d’habitude, les médias fournissent des histoires inquiétantes sur les incendies de forêt en Sibérie pour cette saison. Greenpeace Russie a fourni cette information (7):

« Le programme forestier de Greenpeace Russie, qui analyse les données satellitaires, a déclaré qu’un total de 9,26 millions d’hectares – plus grand que la taille du Portugal – ont été touchés par des incendies de forêt depuis le début de 2020 ».

Ça semble vraiment très mauvais. Mais comment ces 9,26 millions d’hectares (92600 km2) se comparent-ils aux années précédentes ? Encore une fois, l’outil d’analyse globalfiredata.org nous fournit ces informations. Superficie brûlée cumulée pour la Sibérie de janvier à fin juin pour certaines années du passé:

2003: 15,4 Mha (154205 km2)

2008: 15,5 Mha (155114 km2)

Si les données fournies par Greenpeace sont correctes (aucune source pour le vérifier), le début de la saison des incendies de 2020 en Sibérie a été l’un des pires depuis 1997, mais en aucun cas un record.

Résumé

Les incendies de forêt en Sibérie sont importants chaque été avec d’amples variations entre les années. La superficie moyenne brûlée pour la Sibérie est d’environ 91000 km2 ou 9,1 Mha – environ la taille du Portugal. Contrairement aux prévisions du modèle climatique, aucune augmentation de la superficie brûlée ne peut être trouvée au cours de la période 1979-2016 pour la Sibérie.

Lecture complémentaires

Forêts de Russie dominant les types de forêts et leur densité de canopée:

https://www.researchgate.net/publication/272680068_Russia%27s_Forests_Dominating_Forest_Types_and_Their_Canopy_Density

REFERENCES

1. Giglio, L., J. T. Randerson, and G. R. van der Werf (2013), Analysis of daily, monthly, and annual burned area using the fourth-generation global fire emissions database (GFED4),J. Geophys. Res. Biogeosci.,118, 317–328, doi:10.1002/jgrg.20042.

2. Giglio, L., Boschetti, L., Roy, D.P., Humber, M.L., Justice, C.O., 2018. The collection 6 MODIS burned area mapping algorithm and product. Remote Sens. Environ. 217,72–85. https://doi.org/10.1016/j.rse.2018.08.005.

3. Stocks, Cahoon 2010; Reconstructing Post-1979 Forest Fire Activity and Area Burned in Russia: NOAA AVHRR Analysis https://www.researchgate.net/publication/253580597_Reconstructing_Post1979_Forest_Fire_Activity_and_Area_Burned_in_Russia_NOAA_AVHRR_Analysis_Invited

4. Historic AVHRR-derived Burned Area product and validation for Siberia (1979 – 2000) https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/2019AGUFMGC24C..07S/abstract

5. Vegetation fires and global change; White paper directed to UN 6.https://eecentre.org/Modules/EECResources/UploadFile/Attachment/Vegetation-Fires-Global-Change-UN-White-Paper-GFMC-2013.pdf#page=52

7. Nearly 300 wildfires in Siberia amid record warm weather https://phys.org/news/2020-07-wildfires-siberia-weather.html

Que se passe-t-il au dessus de la Sibérie ? Rien de bien rassurant …

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Lorsque j’ai voyagé il y a deux mois entre Madrid et Tokyo-Narita (13h30 de vol) l’avion a suivi une trajectoire en apparence rectiligne (dans les faits curviligne) entre son point de départ et son point d’arrivée en se dirigeant d’abord vers le nord pour survoler l’Allemagne, le Danemark puis le sud de la Finlande et enfin l’interminable Sibérie en passant au dessus d’Arkangelsk, de Norilsk, puis au sud de Yakutsk, au dessus de Khabarovsk et pour survoler enfin la Mer du Japon. L’aéronef dont l’altitude de croisière est de 13000 mètres passe brièvement au nord du cercle polaire entre la Mer Blanche et Yakutsk dans la région de Norilsk. Le voyage débute à 12h30 heures, heure locale, à Madrid et au delà de la Finlande c’est l’obscurité totale jusqu’à la réapparition d’une pâle lueur en direction de l’est pour atterrir à Narita vers 10 heures du matin.

J’étais assis près d’un hublot du côté bâbord de la cabine, donc exposé au nord, et j’ai pu saisir ce bref moment où la Terre porte une ombre vers l’ouest alors que le Soleil n’est pas encore au dessus de l’horizon. Mais ce n’est pas ce qui est intéressant dans ce cliché riche d’enseignements. Ce qui est frappant est la couche claire située très haut au dessus de l’horizon, couche éclairée par le Soleil et prenant une couleur légèrement rose probablement du fait que l’horizon à l’est est rouge en raison du lever du Soleil en raison du phénomène physique appelé diffusion de Rayleigh (lien). En considérant un angle de vision de l’appareil de photo, un Fuji X10, de 30 degrés, une appréciation de la courbure de la Terre très approximative que j’ai négligé peut-être à tort et tenant compte de l’altitude de vol de 13000 mètres, la ligne d’horizon doit se trouver à environ 400 km de l’avion (voir les liens en fin de billet). L’angle de l’ombre portée par la Terre par rapport à la ligne d’horizon (en première approximation une ligne et non une courbe compte tenu des fluctuations nuageuses de basse altitude) est égal à environ 30 degrés. Il est donc possible de déduire l’altitude de cette bande claire qui est totalement invisible si on se penche vers le hublot et que l’on regarde vers le haut : le ciel était toujours complètement noir.

Après un calcul simple en utilisant un double décimètre posé sur l’écran de mon ordinateur j’ai trouvé que cette bande claire se trouvait à une altitude médiane d’environ 70 kilomètres et son épaisseur, puisqu’on la voit par la tranche, est difficile à apprécier compte tenu de la courbure de la Terre et donc de la courbure de cette couche si celle-ci est uniformément répartie. De plus cette épaisseur semble plus importante au fur et à mesure qu’on s’approche en direction de l’est encore une fois en raison de la diffusion de Rayleigh des rayons solaire. Il s’agit d’un phénomène de diffusion de la lumière solaire et c’est ce détail qui prouve que cette couche claire bien visible est constituée de micro-cristaux de glace qui réfléchissent la lumière du Soleil dans toutes les directions provoquant un épaississement apparent de la couche dont il est question dans la direction du lever du Soleil. Si cette couche n’existait pas il n’y aurait pas ce phénomène de réflexion solaire ni de diffusion qui s’accroit dans la direction de l’est.

Pourquoi donc arrive-t-on à voir cette accumulation de cristaux de glace ? Tout simplement parce que sa perception visuelle se fait par la tranche : il faut donc une accumulation de cette matière probablement très ténue diffusant la lumière solaire sur des dizaines de kilomètres pour qu’elle soit vraiment visible et seulement visible depuis un avion volant à 13000 mètres d’altitude. Je doute que les astronautes de la station spatiale soient capables de la voir.

Cette perception visuelle rendue possible de par la position de l’observateur en altitude apporte une preuve qu’il existe donc bien à environ 70 kilomètres d’altitude des cristaux de glace qui se forment mais comment cela est-il possible ? Il y a très peu de molécules d’eau à une telle altitude et pour que celles-ci s’agrègent et forment un micro-cristal de glace la présence d’un « noyau de nucléation » est nécessaire. Ce noyau de nucléation, terme plutôt réservé aux chimistes quand ils étudient la formation de colloïdes, est dans ce cas un ion chargé positivement ou négativement, peu importe, qui va attirer par attraction électrostatique ces molécules d’eau. Les molécules d’eau présentent naturellement une différence, certes faible mais bien réelle, de charge électrique négative entre l’oxygène et les atomes d’hydrogène de charge positive. Par exemple un ion N3+ aura toutes les chances d’attirer une molécule d’eau. La question qui surgit alors est l’origine de tels ions très chargés. Il s’agit tout simplement du résultat du bombardement des hautes couches de l’atmosphère, bien au dessus de cette altitude de 70 kilomètres, par des rayons cosmiques très énergétiques provenant de la galaxie.

Normalement le bombardement cosmique est dévié par le champ magnétique solaire. Or, il se trouve qu’en ce moment même le Soleil est entré dans une phase de sommeil magnétique avec plus de 270 jours consécutifs pratiquement sans aucune tache solaire, le « marqueur » de cette activité magnétique. Il s’agit d’un record depuis l’avènement de l’ère spatiale. Il faut remonter en 1913 pour retrouver de telles conditions. Mais qui peut bien se soucier de la présence d’un tel phénomène … Tout le monde car ces conditions existent tout autour de la planète et pas seulement près des pôles compte tenu de la faiblesse actuelle du champ magnétique solaire. Cette couche de glace va contribuer au refroidissement du climat en réfléchissant une partie du rayonnement solaire vers l’espace et comme il faudra attendre l’année 2100 pour qu’à nouveau le Soleil retrouve une activité magnétique normale, selon de nombreux astrophysiciens, alors il y a vraiment beaucoup de souci à se faire.

Ainsi l’observation fortuite d’un phénomène visuel inattendu dans le ciel sibérien peut expliquer, malgré toutes les approximations faites dans son interprétation, beaucoup de choses. Je répète encore que je ne suis pas un spécialiste mais j’ai eu la chance de regarder par le hublot de l’avion au bon moment et au bon endroit et comme je suis encore curieux à mon âge j’ai voulu trouver une explication rationnelle à ce phénomène inattendu que j’observais. Mes lecteurs plus férus que moi dans le domaine de la physique de l’atmosphère peuvent infirmer ou confirmer mon interprétation, je suis ouvert à toute explication détaillée.

Référence pour le calcul de la distance de l’horizon : https://fr.wikipedia.org/wiki/Courbure_terrestre https://en.wikipedia.org/wiki/Rayleigh_scattering . Lire aussi les derniers rapports de Spaceweather.com

La ville de Pevek (Sibérie orientale) maintenant alimentée en électricité nucléaire flottante …

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Le 8 octobre dernier le sujet du billet de ce blog était la centrale nucléaire flottante russe Akademia Lomonosov. Après avoir quitté le port de Mourmansk et parcouru plus de 4700 kilomètres dans l’océan arctique, l’A.Lomonosov a atteint sa destination la ville de Pevek dans la province (Okrug) de Chukotka. Sur place les installations portuaires étaient prêtes à accueillir le navire. Le 19 décembre à 11 heures du matin, heure de Moscou, l’Akademia Lomonosov a été connecté au réseau entièrement rénové de Pevek. Symboliquement le sapin de Noël (artificiel car il n’y a pas d’arbres dans cette région arctique) dressé pour l’occasion hautement symbolique.

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Cette centrale nucléaire produit également de la vapeur pour le chauffage domestique et des bâtiments municipaux et dans quelques mois une unité de dessalage d’eau de mer permettra d’alimenter la ville en eau douce. Le réseau électrique est enfin en cours de raccordement avec le réseau électrique de la ville de Bilibino où se trouve également une petite centrale nucléaire toujours dans le même province de Chukotka et également au delà du cercle polaire qui de ce fait vient d’être arrêtée.

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L’ensemble de ces installations fait partie du programme de développement de la route du nord reliant éventuellement Mourmansk à Vladivostok par mer. L’A.Lomonosov est une première mondiale. Les réacteurs ont été testés durant une année à Mourmansk avant de recevoir leur certification finale.

Sources : ZeroHedge et partielle (illustration) The Barents Observer

Pour les curieux la ville de Pevek est la plus septentrionale du monde. Elle compte près de 5000 habitants après une période plus faste (plus de 12000 h) lors de l’exploitation de minerai d’uranium aujourd’hui abandonnée. Il reste encore des mines d’or et d’étain en exploitation.

Les ours blancs en voie de disparition ? Pas vraiment …

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La région autonome de Chukotka se trouve aux confins nord de la Sibérie orientale. Elle fait face à l’Alaska et dans le petit village de Rirkaypie, que l’on voit ci-dessus en été, la vie est paisible, la chasse au phoque et la pêche occupant la majeure partie du temps des quelques 766 habitants, enfants compris. Du moins quand il y a des phoques … Il se trouve que ce dernier automne a été particulièrement clément et les phoques sont partis un peu trop tôt au goût des ours blancs alors que l’océan était encore libre de glaces. Ces ours blancs évoluent en temps normal quand survient l’hiver sur la banquise à l’affût des phoques qui viennent respirer en surface à la faveur de failles dans cette banquise. Des dizaines de milliers de phoques avaient profité de cet été indien le long des côtes de la péninsule du cap Kozhevnkov (illustration ci-dessus avec le village au lointain) et quand il ont vidé les lieux fin novembre à l’approche du froid des centaines de carcasses de phoques trop vieux ou malades sont vite devenues la seule nourriture pour les ours. Au milieu du mois de décembre cette banquise était trop fragile pour supporter le poids d’un ours adulte mais les oursons se faisaient un plaisir de risquer un bain forcé dans les eaux océaniques.

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Très vite la situation est devenue critique pour ces ours, 56 au total, qui n’avaient brusquement pratiquement plus aucune nourriture en dehors de ces quelques carcasses vite prises par le gel. Ils sont donc allé roder autour du village à la recherche du moindre morceau de nourriture. Cette invasion d’ours est un phénomène rare et il a surpris les habitants du village qui doivent être sur le qui-vive en permanence. De même que dans les parcs nationaux américains il ne faut pas tenter les grizzlis avec de la nourriture laissée dans le coffre de sa voiture au risque de voir celle-ci gravement endommagée par ces ours, de même les ours blancs sont tentés de trouver de quoi se nourrir dans un village qui stocke quelque part de la nourriture. Et 56 ours (il paraît qu’ils étaient en voie de disparition en raison du réchauffement du climat) constituent une sérieuse menace pour la vie quotidienne d’un petit village.

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Avant que ne s’installe la nuit polaire les équipes en charge de contrôler les mouvements des ours afin de protéger la population ont tout fait pour les repousser et les dissuader de s’approcher trop près de Rirkaypie avec des fusées éclairantes. Il faut espérer que cette stratégie sera couronnée de succès, mais les ours apprennent vite qu’ils ne risquent rien et les habitants de Rirkaypie répugnent à utiliser leur fusil d’autant plus qu’une habitante du village est mandatée par le WWF pour suivre l’évolution de la population des ours blancs de la région qui n’ont pas vraiment l’air en mauvaise santé.

Source : The Siberian Times. Prochain billet : nouvelles en provenance de la province de Chukotka.

Bref compte-rendu de voyage.

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Le vol Madrid-Tokyo-Narita (12h30) suit un itinéraire presque rectiligne autour de la partie septentrionale de la Terre et l’avion s’approche du cercle polaire arctique vers Norilsk. Comme les satellites d’observation météorologique l’indiquent la presque totalité de l’Europe était, ce jeudi 28 novembre, recouverte d’une épaisse couche nuageuse. Dans la région de la Mer Blanche j’ai pu observer de magnifiques aurores boréales d’un bleu très clair, diffuses et peu changeantes dans leurs formes évolutives comme le sont au contraire les aurores boréales vertes, par exemple. Une grande partie de la Sibérie était découverte, sans nuages, et il était facile de constater que l’ensemble de cet immense territoire le long duquel il est facile de repérer des sites gaziers ou pétroliers en raison des torches brûlant un gaz qui ne semble pas convenir à son conditionnement et son transport était entièrement couvert de neige et tous les fleuves totalement pris par les glaces.

Toute la partie de l’extrême est sibérien est également prise par les glaces et recouverte d’un épais manteau nuageux jusqu’au rivage de la Mer du Japon, en particulier l’immense fleuve Amour. Quelques timides étendues de la Mer du Japon, du côté russe, commencent à geler, c’est mauvais signe. Ceci explique la température particulièrement basse à l’aéroport de Narita – six degrés – alors que l’on se trouve à la latitude d’Alger.

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Avant que le Soleil n’émerge de l’horizon il était possible d’observer la présence de cette couche de nuages de haute altitude en dessous de la quelle les avions volent mais parfaitement visible, on pourrait dire par la tranche. Incontestablement, en tous les cas de mon point de vue, c’est la conséquence de l’affaiblissement de la vigueur du champ magnétique du Soleil, situation permettant aux rayons cosmiques de pénétrer plus profondément dans l’atmosphère et favorisant alors la formation de cristaux de glace à des altitudes élevées, approximativement vers 70000 pieds. Il ne s’agit pas de pollution provoquée par les torches brûlant du gaz car dans la région où à été prise cette photo, très au nord de Khabarovsk, il n’y a pas d’exploitation pétrolière. Le Mont Fuji avait revêtu sa parure d’hiver, semblant surveiller la baie de Tokyo, cette grande bande d’un bleu sombre au bord de laquelle on peut distinguer de nombreuses cheminées d’usines variées au sud de la ville de Chiba … Note. Khabarovsk est la plus grande ville de Sibérie orientale et le kraï est frontalier de la Chine dont il est séparé par le fleuve Amour.

Nouvelles du ciel sibérien

Au cours de mon voyage Espagne-Japon direct, 13h30 de vol c’est un peu long mais on finit par s’habituer, étant assis près d’un hublot à babord, je garderai en mémoire les superbes aurores boréales qui ont parcouru le ciel pendant plus de deux heures alors que le sol était totalement occulté par un tapis nuageux épais. L’avion se trouvait à proximité de la côte de l’Océan Arctique bien au delà du cercle polaire, je crois me souvenir près des côtes de la Mer de Kara. Malheureusement mon appareil de photo était dans ma valise et celle-ci dans la soute de l’avion. Je n’ai donc pas pu capter les superbes volutes d’un vert-émeraude tirant parfois sur le jaune et je ne savais pas que ces phénomènes étaient incroyablement changeants rapidement et de manière continue. Il n’est pas nécessaire de réaliser un film et de le visionner en accéléré pour se rendre compte de la fluidité de ces ionisations qui parcourent des centaines de kilomètres en quelques fractions de seconde. Inutile de dire que ce phénomène créé par le bombardement de particules en provenance du Soleil est non seulement magnifique mais aussi inquiétant car il est représentatif de l’influence de l’environnement cosmique sur l’atmosphère de la Terre.

Il se créé aux hautes altitudes des mouvements d’ionisation d’une rapidité étonnante que l’on ne peut pas imaginer quand on voit une photo de ces aurores. Comment ces phénomènes d’ionisation puisque les photons émis ne sont dus qu’à un retour vers un état stable d’atomes préalablement excités par des particules cosmiques essentiellement solaires peuvent-ils se propager aussi vite dans cet atmosphère déjà très raréfié en raison de l’altitude, au moins 100 kilomètres, alors que l’avion volait à une altitude de 11 kilomètres seulement ? Une question à laquelle je n’ai pas trouvé de réponse claire en cherchant sur internet. Parfois la lumière verte semblait bourgeonner puis disparaître ou encore ressemblait à une immense draperie ondulante un peu comme un rideau de théatre animé par un souffle d’air. Un spectacle incroyablement beau mais tout aussi inquiétant. Puisque je n’ai pas pu faire de photos et que je n’utilise plus mon téléphone portable depuis des mois j’ai trouvé sur wikipedia l’illustration ci-dessus la plus ressemblante de ce spectacle gratuit qui a agrémenté un long moment mon voyage avec la nouvelle Lune à l’est qui semblait aussi observer cette féérie.

Pourquoi Sirius disparaît à l’horizon ?

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Dimanche dernier 25 septembre en allant à Tokyo, j’ai donc survolé le sud de la Finlande puis les immenses étendues glacées de la Russie, durant 7 à 8 heures en direction de l’est. Inutile de dire que durant presque tout le trajet jusqu’à Khabarovsk il y avait une couverture nuageuse continue qui interdisait tout point de vue sur ces plaines parsemées de puits de pétrole pendant des milliers de kilomètres. Au milieu de la nuit sibérienne je me suis promené dans l’avion pour me dégourdir et boire une bière et un whisky ou un whisky et une bière, je ne sais plus, puis j’ai regardé le ciel et quelque chose m’a paru bizarre. La constellation d’Orion, au sud, était parfaitement visible ainsi que d’autres étoiles que je connais bien pour avoir navigué de nuit alors que le GPS n’existait pas. Il n’y avait en effet pas d’autre choix à l’époque que de faire le point sur les étoiles et relever par exemple Bételgeuse, Sirius et Procyon était assez pratique car ces trois étoiles forment un triangle équilatéral parfait. Sirius et Procyon sont respectivement les étoiles les plus lumineuses du Grand Chien et du Petit Chien et Bételgeuse, facilement reconnaissable car elle est rouge, l’étoile la plus brillante d’Orion.

Bref, j’ai cherché en vain Sirius alors que cette étoile aurait dû être visible y compris dans le grand nord surtout depuis une altitude de 35000 pieds. Avec un peu d’habitude il est facile à partir de deux points de trouver le troisième qui forme avec ces deux derniers un triangle équilatéral. J’en ai donc déduit que quelque chose d’anormal obscurcissait le ciel pour que Sirius soit invisible même si Sirius devait se trouver proche de l’horizon. La seule explication plausible est que cet horizon était voilé par une sorte de brume qu’il était impossible d’apprécier du le regard. Finalement j’ai en quelque sorte eu confirmation de mes suppositions quand le Soleil a mis beaucoup de mal à sortir d’une espèce de coton voilant justement l’horizon. L’avion se trouvait quelque part au nord-ouest de Khabarovsk et quand il a survolé cette ville relativement importante située à une trentaine de kilomètres de la frontière avec la Mandchourie au bord de la rivière Amour il faisait « grand jour » comme on disait dans ma campagne lyonnaise natale.

L’horizon était anormalement blanc, comme s’il y avait une autre couche de nuages à une altitude supérieure à 35000 pieds (10500 mètres) dans laquelle l’avion allait devoir pénétrer.

L’étoile Sirius avait donc bien été voilée par la présence imperceptible d’une sorte de brouillard ténu de cristaux de glace dont il n’est possible de déceler la présence qu’en portant son regard vers l’horizon. Je n’avais pas rêvé. Je décrirai dans un prochain billet l’explication que j’ai pu trouver à ce phénomène nouveau pour moi, habitué à survoler la Sibérie depuis que je vais régulièrement au Japon au moins deux fois par an depuis 2006.

Qui étaient les ancêtres des « hommes de Clovis » ?

Peu après la fin de la dernière grande période glaciaire qui s’étala de cent dix mille à douze mille années avant notre ère, la glace recouvrait tellement de surface tant dans l’est de l’Amérique du Nord qu’en Europe que le niveau des océans était près de 130 mètres en dessous du niveau actuel. A la fin de cette longue période de froidure (Würm), quand le climat devint plus clément, l’immense calotte glaciaire boréale ne fondit pas en quelques jours, le processus dura plusieurs milliers d’années et les hommes qui avaient atteint l’extrémité orientale de l’Asie ne furent pas arrêtés par le détroit de Behring car celui-ci était à sec comme la Manche le fut près de neuf cent mille ans plus tôt, au sortir de la période glaciaire dite pré Pastonian (voir un précédent billet sur les traces de pas en Grande-Bretagne). Il y eut vraisemblablement deux ou plusieurs vagues successives d’occupants arrivant d’Asie vers le continent nord-américain. Ce que l’on sait avec certitude c’est la présence de groupes humains ayant largement occupé le territoire nord-américain puisqu’on a pu retrouver leurs traces aussi bien dans le Montana qu’au Nouveau Mexique. Cette « civilisation » dite de Clovis, du nom de la localité du Nouveau Mexique où furent retrouvés des restes humains, des pointes de silex et des flèches et divers outils en os, a mystérieusement disparu à peu près au moment où une nouvelle vague de migration arriva par le détroit de Behring franchissable à pied, vers 13000 avant notre ère.

Pourtant la tradition indienne, en particulier celle des Indiens Crow dans le Montana, considère que leurs ancêtres remontent à la nuit des temps. Ils n’ont pas complètement raison ni complètement tort, encore fallait-il le prouver.

La découverte des restes d’un jeune enfant d’environ un an dans une sépulture du site préhistorique d’Anzick près de Wilsall dans le Montana datés précisément de 12600 ans et dans la réserve indienne des Crow a permis à une équipe de biologistes de l’Université de Copenhague d’effectuer le séquençage complet du génome de cet enfant de la civilisation de Clovis. Et cette étude a également permis d’y voir un peu plus clair sur le peuplement des Amériques par l’homme et de confirmer en quelque sorte les légendes indiennes.

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Un premier point a pu être confirmé : 80 % des « natifs », c’est-à-dire les Amérindiens d’Amérique du Nord, Centrale ou du Sud, sont des descendants directs de la famille des « hommes de Clovis ». Plus surprenant encore ces « hommes de Clovis » descendent des premiers occupants des Amériques qui arrivèrent donc avant l’émergence de cette civilisation dite de Clovis toujours d’Asie par le détroit de Behring. Enfin cette étude a montré seulement 30 % de similitude génétique avec l’enfant de Mal’ta près du lac Baikal datant de 24000 ans dont le génome a également été séquencé par la même équipe de Copenhague. Cette civilisation de Mal’ta réputée pour ses figurines féminines (voir photo, Musée de l’Ermitage) n’est donc pas directement liée à celle de Clovis et ce d’autant plus que jamais aucune figurine féminine du même type n’a pu être trouvée dans les Amériques datant de cette période. On peut donc bien conclure que les ancêtres (inconnus) de la civilisation de Clovis se trouvaient déjà en Amérique avant les dernières vagues de migrations qui ont occupé préférentiellement le Canada et l’est des USA alors que les descendants directs des hommes de Clovis avaient déjà largement essaimé tant au Mexique qu’en Amérique du Sud. Pour le Docteur Eske Willerslev, leader de cette étude, les ancêtres des hommes de Clovis ne sont directement reliés ni aux Mélanésiens, ni aux Européens ni directement aux Asiatiques d’aujourd’hui … peut-être que le peuplement des Amériques a eu lieu antérieurement à la fin de la glaciation du Würm à la faveur d’une autre période glaciaire plus ancienne qui découvrit aussi le détroit de Behring et en termes de périodes glaciaires il y a l’embarras du choix.

 

Source : University of Copenhagen News