La corneille Kitty est plus intelligente qu’un enfant de 5 ans !

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Quand un enfant arrive à raisonner de manière abstraite et établir une relation de cause à effet on a coutume de dire qu’il fait preuve d’intelligence, c’est du moins ce que l’on pense dans les chaumières. Il ne faut pas confondre l’apprentissage et la faculté spontanée de raisonner dans l’abstrait. Comme je ne suis pas du tout un spécialiste des sciences cognitives je m’abstiendrai donc d’émettre le moindre jugement. Je me contenterai de décrire le comportement d’une corneille de Nouvelle-Calédonie capable dès l’âge de six mois, encore une juvénile, de se comporter comme un enfant de plus de 5 ans en réussissant à résoudre un puzzle pas du tout évident pour l’enfant. Nous avons tendance à considérer que l’établissement clair d’une relation de cause à effet est l’apanage de l’espèce humaine. Pas du tout ! Esope, le grand fabuliste dont s’est inspiré La Fontaine, a écrit une fable sur la corneille et le pichet. Assoiffée la corneille ne peut pas atteindre l’eau du pichet pour s’abreuver. Elle collecte des cailloux qu’elle jette dans le pichet jusqu’à ce que le niveau d’eau devienne accessible et ainsi elle peut étancher sa soif. Dans cette fable la corneille a parfaitement établi une relation de cause à effet.

La corneille Kitty s’est trouvée face à un dilemme du même genre qui avait été arrangé par l’expérimentateur. Il s’agissait de deux tubes de verre à moitié remplis d’eau et dans l’un des tubes, de petit diamètre, se trouvait un morceau de liège flottant et sur lequel se trouvait un morceau de viande appétissante. La corneille a probablement réfléchi pour imaginer un stratagème lui permettant d’atteindre le morceau de viande et elle s’est mise à collecter des petits cailloux qu’elle a jeté soigneusement dans le tube ne contenant pas le morceau de viande. Pour que le lecteur comprenne la signification du test, les deux tubes étaient reliés par un tube invisible pour la corneille afin de constituer un ensemble de vases communicants. Jeter des cailloux dans l’un des tubes a fait monter le niveau d’eau, ce que la corneille a tout de suite compris, et à la fin de son exercice elle a pu s’emparer du morceau de viande. Il s’agissait dans ce test d’une sophistication d’une observation déjà réalisée sur le terrain avec d’autres corneilles de Nouvelle-Calédonie capables d’effectuer le même type d’opération avec un vase à moitié rempli d’eau sur la surface de laquelle flottait un morceau de nourriture. La corneille a donc établi une relation de cause à effet : jeter des graviers dans l’un des tubes devrait faire monter le niveau d’eau mais plus encore, son raisonnement était abstrait puisqu’elle a jeté les graviers non pas dans le tube contenant le morceau de viande mais dans l’autre tube. Pour réaliser ce test, un enfant doit atteindre au moins l’âge de cinq ans avec encore de nombreux échecs et de multiples tentatives et tâtonnements. À sept ans, tous les enfants réussissent le test. La corneille de Nouvelle-Calédonie (Corvus moneduloides) apprend très rapidement à réussir le test. De plus si on lui laisse à sa disposition des cailloux ou des morceaux de bois elle choisit préférentiellement les cailloux. Si les deux tubes communicants ne sont pas de même diamètre, la corneille choisit de jeter les cailloux dans le tube de plus grand diamètre en particulier quand la récompense se trouve flottant dans le tube de petit diamètre. Aussi incroyable que ce comportement puisse paraître la corneille « fait preuve d’intelligence ».

Des zoologistes de l’Université de Californie à Santa Barbara ont compliqué le test comme on peut le voir dans la vidéo suivante :

ttps://www.youtube.com/watch?v=AVaITA7eBZE&w=535&h=301

Aussi incroyable que ce petit film puisse faire croire à une mise en scène préparée, il n’en est rien. De toute évidence la corneille a réfléchi et a du effectuer trois opérations successives faisant appel à un raisonnement abstrait impliquant dans chaque cas une relation de cause à effet pour faire basculer la boite contenant la grande tige de bois et la saisir afin d’atteindre le morceau de viande ! Une partie de ces travaux a été publiée dans le journal PlosOne (voir le lien) mais toutes les corneilles ne présentent pas les mêmes « facultés intellectuelles » si on peut énoncer les choses ainsi. Sur huit corneilles étudiées, deux adultes et six juvéniles, seulement trois étaient capables de comprendre la signification du test des tubes remplis en partie d’eau dès la première observation. De plus elles choisissaient les cailloux plutôt que les objets en bois d’emblée. Dans le test des deux tubes communicants et de diamètre différent compliqué de telle manière que l’oiseau soit obligé de faire une première tentative, seule Kitty a déterminé après seulement deux essais, en ayant observé l’effet du jet d’un premier caillou dans l’un des gros tubes sur la variation de niveau du tube de petit diamètre contenant la nourriture convoitée, le gros tube de gauche étant connecté au petit tube de droite dans l’expérience :

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Dans ce test, aucun enfant de 5 ans n’a pu réussir à comprendre la supercherie et il faut qu’un enfant atteigne au moins l’age de huit ans pour comprendre ce qui se passe réellement car la configuration du test est contre-intuitive.

Est-ce dire que les corneilles de Nouvelle-Calédonie sont plus intelligentes que des enfants de 5 ans, je laisse le soin aux spécialistes d’apporter une réponse qui dans l’article cité n’est pas explicite. La corneille et d’autres corvidés sont considérés comme les « Einstein » des oiseaux par les zoologistes et comme plus « intelligents » que la plupart des primates, y compris les grands singes.

Après tout peut-être que nous n’avons pas le privilège de l’intelligence, toutes proportions gardées …

Source : National Geographic et http://www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0103049

4 réflexions au sujet de « La corneille Kitty est plus intelligente qu’un enfant de 5 ans ! »

  1. Petite expérience personnelle : j’ai eu une corneille dénichée jeune , je l’ai gardé un certain nombres d’années
    Elle vivait dans une volière et je la lâchais en liberté surveillée de temps en temps
    Le système de fermeture était constitué de deux loquets coulissant il fallait donc soulever le petit levier puis faire coulisser l’ensemble (et cela de l’intérieur de la cage ce qui est plus difficile )
    Trouver la bonne méthode pour ouvrir ne lui a pris que deux ou trois secondes
    J’ai ensuite fixé ce loquet avec un bout de ficelle :double nœud bien serré; même résultat en quelques secondes le nœud était défait
    La corneille observait visiblement la façon que j’avais de faire le nœud et ne tapait pas au hasard
    Ensuite je suis passé au cadenas à combinaison la corneille a immédiatement compris que s’acharner sur l’anse ne rimait à rien et manipulait les molettes pour changer les chiffres ! Un jour j’ai trouvé le cadenas avec la bonne combinaison (que je ne lui avait pas fourni bien sur 😉 ) , il ne restait plus qu’à tirer sur l’anse pour que la porte s’ouvre , je n’ai jamais su si c’est moi qui avais oublié de brouiller la combinaison ou si à force de tâtonner elle avait fini par hasard à reconstituer la bonne formule
    Passant enfin au cadenas à clef il fallait faire très attention au moment du retrait de la clef car la bestiole tapait sur les doigt imprudents pour voler la clef : un jour elle a d’ailleurs réussi m’obligeant à démonter le fond de la cage pour pouvoir la récupérer !

  2. Il y a mieux encore dans le genre : à Tokyo, près du parc de Shinjuku les gros freux locaux attrapent des noix de je sais quel arbre qui sont très dures. Ils viennent les déposer dans la rue, précisément là où passent les pneus des voitures et ils attendent que les noix soient écrasées par un automobiliste coopératif. Ces mêmes corbeaux confectionnent des nids avec des ceintres en fil plastifié qu’ils volent sur les balcons des maisons. Ils les tordent pour en faire leur nid. Mais la société TEPCO n’apprécie pas du tout car ils peuvent créer de gros dégâts avec les fils électriques …

    • Ce sont effectivement des animaux très très intéressant mais en ce qui concerne celle qui était chez moi , elle avait vraiment un sale caractère et j’étais la seule personne dont elle tolérait des contacts , son bec étant une arme très dissuasive !

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