Petite chronique japonaise : il faut vivre avec son temps

Les Japonais vivent pour la très grande majorité d’entre eux dans des petites maisons individuelles ou des appartements exigus dans des copropriétés parfois de plus de 15 étages. Malgré ce manque d’espace l’habitude est d’entasser toutes sortes d’objets inutiles et le décors des pièces ressemble vite à un capharnaüm difficile à décrire. La maison toute neuve située de l’autre côté du mur du petit espace vert de la maison de mon fils dont le mur faisant face à celle-ci comporte plusieurs très petites fenêtres ayant pour but de ménager une aération de l’habitation et deux de ces petites fenêtres sont encombrées d’objets variés. Il est courant de remarquer de vraies ouvertures « bow-windows » totalement obstruées par un amoncellement invraisemblable de cartons et parfois de vieilles valises ou sacs que l’on devine à travers les vitres dépolies. Dans la maison de mon fils qui comporte trois chambres, ce qui n’est pas du tout la norme pour une maison individuelle, deux d’entre elles sont encombrées de choses hétéroclites et il n’y a ni lit ni futon. Mon fils a réussi à créer dans la chambre destinée à ma petite-fille un minuscule espace pour télé-travailler quand il ne se rend pas dans l’entreprise pour laquelle il travaille. Ma belle-fille dispose d’un dressing lui-même très difficile d’accès puisqu’il est également rempli par exemple de ses cahiers d’écolière et d’autres artéfacts du passé.

Un point à souligner dans ce quartier : lorsque l’on se promène tranquillement à pied dans les ruelles on entend de nombreux joueurs de piano, des enfants naturellement, et il semble qu’au Japon le piano fasse partie de l’éducation. Mes deux petits-enfants jouent au piano comme leur grand-mère et leurs parents. Il y a en effet beaucoup d’enfants dans cette partie ouest de Tokyo et toutes les mamans ont un vélo électrique aves un deux sièges pour enfant. J’ai vite compris qu’en grandissant ces enfants se déplacent vite en vélo et les sièges pour bébé sont alors transformés en porte-bagages. Lorsque j’habitais à Ogasawara je fus prévenu par la capitainerie du port qu’un voilier en provenance de Tahiti allait arriver et le couple de navigateurs que je pus rencontrer me pressèrent pour être invités à boire un café dans le modeste appartement que j’occupais avec ma compagne afin de se rendre compte comment les Japonais vivaient chez eux. Tout était sous-dimensionné et l’accumulation d’objets inutiles les surprit. Et pourtant les sanctuaires shinto sont très dépouillés mais peut-être donnent-ils une trop claire image de ce qu’est la sobriété et l’ordre dans une maison d’habitation. Mon fils s’est vite habitué à ce désordre et laisse faire sans protester. Il y a une semaine dans cette chambre qui sert de rangement j’ai découvert un gros carton contenant des vieux jouets en matière plastique avec lesquels mon petit-fils ne joue plus depuis longtemps.

J’ai disposé le jour suivant dans des sacs transparents réservés aux déchets ménagers brûlables le contenu de ce carton sans demander l’avis de mon fils qui n’est pas vraiment le patron dans ce domaine et il m’a répondu que les personnels officiants du ramassage de déchets ménagers refuseraient de prendre ces sacs. Tout fut embarqué et mon fils fut étonné et je recommencerai ce prochain mardi l’un des deux jours de la semaine réservé aux brûlables, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas recyclable. Ma philosophie pour faire régner l’ordre dans une maison consiste à jeter sans état d’âme ce qu’on n’a pas utilisé depuis plus de deux années. J’ai évolué et à force de changer de domicile en permanence cette limite est devenue une année, autant dire que mon logement à Papeete semble vide, y compris le vaste placard-penderie. Lorsque j’expliquais cela à ma belle-fille elle a pensé que j’avais un comportement dénotant que le passé n’avait pas d’importance et pourtant il faut vivre dans le présent et non pas dans ce passé disparu quoiqu’on en pense et qu’on ne peux pas le figer en collectionnant en quelque sorte ces objets du passé. Enfin ce dimanche soir nous avons célébré le seizième anniversaire de ma petite-fille. Elle avait commandé un gâteau typiquement japonais dont le principal ingrédient est du thé vert et son cadeau sera un iPhone 15 : il faut bien vivre avec son temps !

4 réflexions au sujet de « Petite chronique japonaise : il faut vivre avec son temps »

  1. Au Japon, on a pourtant développé dans l’industrie le principe des 5S qui stipule que quelque chose qu’on utilise pas et qui prend de la place n’est pas nécessaire et doit donc être jeté.

    • C’est la belle-mère de mon fils qui s’occupe de donner les livres pour enfants (en japonais) à des familles variées du voisinage qui ont également des enfants qui deviendront grands. Lorsque j’ai quitté les îles Canaries j’ai donné tous mes livres à l’Alliance française …

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