En l’an 542 une maladie mortelle décima la population de l’Empire Byzantin. Elle atteignit l’Afrique du Nord, l’Espagne, l’Italie et les frontières française et allemande en 543. Les historiens comme les scientifiques se perdirent en conjecture quant à l’agent infectieux qui avait fait brutalement chuter la population de près de la moitié. Cette pandémie fut tout de même appelée « La Peste de Justinien », du nom de l’Empereur en place à Rome à cette époque. Les conséquences de cette pandémie furent catastrophiques tant sur le plan économique que politique puisque la chute de l’Empire romain en fut la principale conséquence et ce d’autant plus que cette maladie persista jusqu’au VIIIe siècle. Quelques 800 années plus tard, une nouvelle pandémie de peste s’abattit sur l’Europe et les récits des historiens sont formels, cette fois il s’agissait bien de la peste bubonique et pulmonaire venue de Chine en suivant le long cheminement de la Route de la Soie.
Les biologistes ont depuis longtemps établi des classements des diverses souches de Yersinia pestis basés sur des caractères phénotypiques comme par exemple la dépendance en certains nutriments dans les milieux de culture au laboratoire. Cependant, pour la pandémie dite « peste de Justinien » il ne fut pas possible de classer le germe pathogène parmi les yersinia tout simplement parce qu’aucune information n’était disponible. C’est en effectuant des fouilles archéologiques dans les cimetières qu’il a été possible d’établir un arbre phylogénétique des diverses souches ayant dévasté les populations européennes entre les XIVe et XVIIIe siècles. Cette même approche a été rendue possible en procédant à des fouilles du cimetière du Haut-Moyen Age d’Aschheim en Bavière. Les techniques de datation ont établi que tous les squelettes retrouvés dataient du VIe siècle. La particularité de ce cimetière est que la plupart des tombes (438 individus) contenaient deux, voire plusieurs squelettes, visiblement inhumés le même jour. Il fut alors « facile » d’extraire de l’ADN de certains de ces squelettes et de confirmer – enfin- la présence de yersinia.
De plus l’arbre « généalogique » de cette bactérie est maintenant complet et il est intéressant de s’y attarder. Toutes les souches représentées par des points gris n’ont été retrouvés qu’en Asie. Les carrés jaunes représentent les souches qui sévirent en Europe entre les XIVe et XVIIIe et dont dérivent celles présentes en Europe (petits cercles blancs.
Le carré bleu figure une souche retrouvée uniquement en Mongolie (MNG 2972) et dont dériva directement la souche 0.ANT1, responsable de la peste de Justinien. Cet arbre phylogénétique a pu être construit en étudiant cinq sites particuliers de SNPs (single nucleotide polymorphism) qui renseignent très précisément sur la chronologie d’apparition des diverses souches. J’ai mis entre guillemets le mot « facile » ci-dessus. En réalité, l’identification et le séquençage d’ADN à partir de dents, ADN retrouvé dans les micro-capillaires sanguins dans la pulpe de la dent, nécessite une étape préliminaire dite d’amplification. Or toute impureté présente dans un échantillon soumis à une telle étude est également amplifiée. Les techniques d’amplification ont été grandement améliorées ces dernières années tant aux USA (Université de Flagstaff, Arizona) qu’en Allemagne (Université Ludwig Maximilian, Munich) où ces travaux ont été effectués.
Source : PlosOne, doi : http://dx.doi.org/10.1371/journal.ppat.1003349
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