La maladie d’Alzheimer ne peut pas être étudiée directement sur les malades, éthique oblige, et les biologistes ont développé un modèle avec la souris. Il s’agit de souris modifiées génétiquement pour produire la protéine amyloïde de telle manière qu’elle se fixe sur la protéine membranaire ou prion, appelée PrPc, normalement présente dans de nombreux tissus dont les neurones et intervenant entre autres rôles dans les mécanismes de la mémoire sur le long terme. La maladie de Creutzfeldt-Jakob résulte d’une mauvaise conformation tridimensionnelle de cette protéine. Les médias en ont longuement parlé lors du scandale de la vache folle puisque si cette protéine se replie mal quand elle est synthétisée ce défaut semble transmis aux autres PrPc, on parle alors de maladie à prion, mais nous avons tous dans de nombreux tissus cette protéine heureusement normale. Les souris transgéniques utilisées dans le modèle de la maladie d’Alzheimer expriment une PrPc (prion) qui fixe la protéine beta-amyloïde en entrainant une cascade d’évènements conduisant au développement de la maladie. La protéine amyloïde est produite de manière anarchique par un mécanisme encore inconnu à partir d’un précurseur normalement présent dans la membrane des neurones comme la PrPc. C’est déjà compliqué mais pour bien comprendre comment ça se passe il faut aussi mentionner la protéine tau, interagissant avec les protéines se trouvant dans le membrane cellulaire et intervenant dans le maintien de l’architecture spatiale de la cellule, dans le cas qui nous intéresse le neurone. Si quelque chose se met à mal fonctionner c’est la catastrophe et la maladie. Mais en réalité c’est encore plus compliqué qu’il ne paraît.
A coté de la PrPc, qui fixe donc la protéine beta-amyloïde se trouve un récepteur du glutamate appelé métabotropique (mGluR5). Je rappelle à mes lecteurs que le glutamate est un acide aminé très important dans le métabolisme général présent dans l’organisme et qui est aussi un neurotransmetteur essentiel. Il se trouve que quand la PrPc (ou prion, je le rappelle) fixe la protéine beta-amyloïde (petits symboles rouges dans la figure), cette interaction active le récepteur du glutamate qui à son tour active un enzyme intracellulaire collé à la partie intracellulaire du récepteur du glutamate dont la fonction est de transférer un groupement phosphate sur une autre protéine et appelé kinase et c’est la protéine tau qui se trouve modifiée car elle est la cible de cette kinase (Fyn dans l’illustration). Pour faire plus clair, ce récepteur du glutamate semblerait être l’articulation centrale de ce processus plutôt complexe mais rien n’est simple dans la cellule vivante, surtout dans le cerveau. Ce qui est intéressant à savoir, c’est que ce récepteur particulier du glutamate (mGluR5) est la cible du seul traitement connu d’une maladie neurologique d’origine génétique et rare appelée syndrome du X fragile ou encore syndrome de Martin-Bell. En effet, dans cette maladie, le mGluR5 est sur-exprimé et les neurones sont endommagés pour des raisons similaires à celles évoquées plus haut notamment les enchevêtrements (tangles dans la figure) des neurofibrilles également retrouvés dans la maladie d’Alzheimer. Les souris modèles de la maladie d’Alzheimer traitées avec un antagoniste du mGluR5 (Malvoglurant de Novartis en phase III pour le traitement du syndrome du X fragile) retrouvent leurs fonctions cognitives (mémoire et apprentissage) et la densité synaptique est restaurée. Reste à valider l’effet du médicament en question et de trouver d’autres éventuels antagonistes du mGluR5 et procéder à des essais cliniques. Tout cela prendra du temps mais on peut espérer et l’espoir, ce n’est pas mauvais pour les neurones …
Source et illustration : Yale News