Triclosan : un scandale sanitaire à bas bruit ?

Découvert au début des années 1960 par la firme suisse Ciba le Triclosan, dont la production mondiale approche les 2000 tonnes par an, est toujours entaché de suspicions de la part de nombreux scientifiques. Sa structure chimique pourrait faire penser à un perturbateur endocrinien mais rien n’a été prouvé en ce sens. Par contre les bénéfices de ses propriétés anti-bactériennes et anti-fongiques et son innocuité supposée pour la santé humaine ont favorisé son utilisation dans près de 2000 applications, depuis les gels pour se laver les mains, les dentifrices, les shampooings, les savons variés, les liquides pour vaisselle manuelle, le traitement préventif des jouets pour enfants, la literie, le nettoyage des instruments chirurgicaux, bref le Triclosan fait partie du quotidien. Par exemple la majorité des sacs-poubelle est traitée avec du Triclosan. Comme ce produit est insoluble dans l’eau son élimination des eaux usées est facilitée par cette propriété car il est adsorbé par les solides qui seront incinérés ou serviront d’engrais. Dans ce dernier cas le Triclosan peut se retrouver dans les eaux de ruissellement adsorbé sur des microparticules et être retrouvé ensuite dans les rivières. Son effet sur la faune et la flore aquatique est mal connu bien que ce produit compte parmi les dix plus importants polluants.

Le Triclosan est éliminé de l’organisme après conjugaison avec un sucre dans le foie et élimination dans l’urine alors qu’une partie est adsorbée par les selles. Pourtant une récente étude ( https://doi.org/10.1038/s41467-021-27762-y ) a montré que si l’incidence de l’inflammation des intestins et du colo-rectum était en progression depuis une cinquantaine d’année il n’y avait pas de relation directe avec le Triclosan. Entre 1999 et 2015 ce syndrome a augmenté de plus de 50 % dans les pays développés, alors la cause pourrait être attribuée au Triclosan. L’une des conséquences est l’apparition de cancers du colon et c’est pourquoi une équipe plurinationale de biologistes s’est penchée sur le devenir du Triclosan dans l’intestin pour éventuellement identifier l’une des causes de ces inflammations colorectales. Le tractus intestinal humain est directement exposé au Triclosan via le dentifrice et une partie de ce produit est conjuguée à un sucre pour en faciliter l’élimination par les reins. Mais la flore bactérienne transforme ce conjugué à nouveau en Triclosan et ce fait a été mis en évidence chez des patients ayant été soumis à un traitement oral d’antibiotiques car l’abondance de la forme conjuguée du Triclosan dans l’urine était alors multipliée par un facteur 6 et par un facteur 200 dans les selles.

L’étape suivante a donc consisté à identifier l’activité enzymatique bactérienne qui libère le Triclosan chez des souris. Le résultat essentiel de cette étude indique que l’activité enzymatique impliquée dans la libération du Triclosan provoque une inflammation de l’épithélium intestinal, toujours chez les souris, en raison de l’accumulation de Triclosan adsorbé par les matières semi-solides transitant dans l’intestin. La solution serait de mettre au point un inhibiteur de cet enzyme bien identifié et nécessitant une flavine comme cofacteur. Pourtant la solution la plus logique serait d’interdire la vente, surtout de dentifrices contenant du Triclosan, ce que la FDA a proposé dès 2013. Gageons que des laboratoires pharmaceutiques trouveront un produit qui laisse le Triclosan dans sa forme conjuguée dans le tractus intestinal ajoutant ainsi une autre molécule au cocktail déjà très complexe de tout ce que les êtres humains ingèrent ou recouvrent leur peau puisque les anti-inflammatoires constituent également une confortable source de revenus pour cette industrie. On se retrouve ainsi dans le cas typique du vieillard en fin de vie qui doit ingérer trois pilules actives et sept pilules pour combattre les effets adverses des trois premières. Il y a encore une fois un très bel avenir pour les laboratoires pharmaceutiques … 

Pourquoi ne pas interdire totalement le triclosan ?

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Au cours de la vie nos glandes salivaires produiront 40 m3 ( de salive qui est utile pour la digestion, pour neutraliser l’acidité de la bouche et combattre les bactéries qui provoquent une mauvaise haleine et si on prend un minimum de soins de ses dents en les brossant au moins deux fois par jour nous utiliserons quelque chose comme 100 litres de pâte dentifrice durant notre vie, soit 4 minutes environ ou encore 24 heures à se brosser les dents chaque année ! La muqueuse buccale est plus de 4000 fois plus perméable que la peau aux drogues et même en n’avalant pas le dentifrice les produits chimiques et autres additifs qui s’y trouvent se retrouvent presque instantanément dans le circulation sanguine.

Compte tenu de cet état des lieux, si on peut dire les choses ainsi, il est préférable de s’inquiéter de la composition du dentifrice. Or ce produit est classé parmi les cosmétiques – bizarre, oui j’ai bien dit bizarre – et le fabricant, en général une grande multinationale, n’est pas tenu de communiquer une description détaillée de ses produits aux autorités de régulation de la sécurité sanitaire.

J’ai lu avec attention la composition du dentifrice que j’utilise (fabricant : GlaxoSmithKline) et il contient du bromure de domifen, un antiseptique léger, et du fluorophosphate de sodium parmi les matières actives. Pour le reste, plutôt du classique dont de l’oxyde de titane et toutes sortes de produits dont entre autres de la saccharine ( je ne comprends pas trop pourquoi ! ) et un ou deux détergents.

J’ai été étonné de ne pas y trouver de triclosan, un bactériostatique présent dans la grande majorité des dentifrices et dans plus de 2000 produits courants dans une maison. Le triclosan est une molécule organo-chlorée qui peut prendre une configuration spatiale telle qu’elle ressemble alors aux hormones thyroïdiennes T3 et T4 et là c’est carrément alarmant. Le triclosan est un bactériostatique qui, présent dans le dentifrice, est supposé contrôler l’apparition de la fameuse plaque dentaire, un film de bactéries propice à l’apparition de caries dentaires. Il suffit de se brosser les dents le matin pour prendre sa dose de triclosan …

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Le triclosan se retrouve aussi dans les détergents pour vaisselle, dans les poudres et liquides pour machines à laver, de nombreux produits cosmétiques dont les crèmes à raser et les crèmes de beauté pour le visage, les shampooings et les gels pour les cheveux, les déodorants, les savons liquides pour se laver les mains mais aussi dans les sacs à ordures ménagères, et encore dans les vêtements neufs et la formulation de nombreux pesticides … Il n’y a pourtant aucune évidence scientifique qui permette d’affirmer que le triclosan améliore la qualité sanitaire ou prévienne l’apparition de maladies comme les caries dentaires ou l’acné. Pour embellir le tableau, le triclosan, difficilement biodégradable finit par se retrouver dans les nappes aquifères. Pour compliquer encore ce tableau, l’ajout de chlore dans l’eau pour la rendre potable transforme, certes lentement, le triclosan en dioxine, tout pour plaire !

Pourquoi la FDA et son équivalent européen l’EFSA viennent de préconiser l’interdiction du triclosan dans le savon liquide pour les mains et les liquides pour vaisselle mais pas pour les dentifrices ? Mystère. Toujours est-il que de nombreuses études indiquent que nous sommes presque tous littéralement imprégnés de triclosan depuis notre tendre enfance puisque ce produit traverse la barrière placentaire et se retrouve aussi dans le lait maternel. il se retrouve également dans la viande, de boeuf, de porc ou de poulet, bref, nous vivons avec mais au détriment de notre santé et de notre équilibre hormonal.

Sources. doi : 10.1289/EHP1788 et adapté d’un article paru sur le site lewrockwell.com. Illustrations : molécule de triclosan et molécule de thyroxine T4 (Cl = chlore, I = iode).

Savons au triclosan : oubliez, c’est totalement inefficace et de surcroit dangereux !

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En avril 2014 j’appuyais sur la sonnette d’alarme au sujet du triclosan (voir le lien) et une nouvelle étude vient non pas de confirmer les effets cancérigènes du triclosan qui ont été démontrés chez les souris et qu’il était un perturbateur endocrinien mais de montrer que le triclosan n’a aucun effet bénéfique sur l’hygiène. Un savon sans triclosan est tout aussi efficace qu’un savon en contenant. Pour que cet antiseptique agisse pleinement il faudrait laisser ses mains au moins neuf heures dans un lavabo avec du savon auquel a été ajouté ce triclosan pour être vraiment certain que les mains ont été parfaitement nettoyées. Encore une fois cette affaire c’est du gros business – 1,5 milliard de dollars par an – et ce qui est le plus inimaginable est que tout le monde y croit. Johnson & Johnson, Unilever ou encore Procter & Gamble se moquent complètement que ce produit perturbe les récepteurs des hormones stéroïdes alors qu’il est totalement inefficace en termes d’antiseptique. On se trouve donc encore une fois confronté à de la fausse science mais cette fois-çi elle n’est pas véhiculée par des magazines de caniveau mais par d’importantes multinationales de la chimie. Longue vie à ces compagnies mais aussi longue vie à la bêtise humaine qui n’a d’équivalent que l’immensité de l’univers.

Source : The Guardian

https://jacqueshenry.wordpress.com/2014/04/26/il-faut-interdire-le-triclosan/

Il faut interdire le Triclosan !

Il est certain que de nombreux cancers sont la résultante de multiples facteurs qui se conjuguent pour dérégler la machinerie en charge de copier l’ADN au cours d’une division cellulaire. Et ce n’est pas une mince affaire car il y a 46 brins d’ADN à copier représentant en tout plus de 3 milliards de base. Au cours de ce processus incroyablement rapide le moindre « grain de sable » et tout est possible en particulier l’apparition de cellules cancéreuses. Cette apparition de cellules cancéreuses peut aussi être favorisée par des effets sur le métabolisme et en particulier celui des hormones stéroïdes qui agissent en de nombreux points particuliers du fonctionnement cellulaire notamment au cours de la duplication de l’ADN lors d’une division cellulaire. Ces « grains de sable » peuvent être ce que l’on appelle des perturbateurs endocriniens et l’industrie chimique est une grosse productrice de molécules susceptibles de présenter une activité indésirable de ce type. Certes les intentions des chimistes sont louables puisque leur argument est qu’ils s’occupent de notre santé mais peu d’études ont été réalisées sur les risques réels de certains produits couramment employés dans une maison plusieurs fois par jour que ce soit par des adultes ou, pire, par des enfants sous prétexte qu’il faut se laver les mains, se brosser les dents, se shampouiner les cheveux, en un mot être propre. Et c’est là le danger car une utilisation quotidienne de certains produits d’hygiène élémentaire peuvent se révéler à la longue particulièrement dangereux voire mortels.

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C’est le cas du Triclosan qui devrait être purement et simplement interdit en raison de ses effets sur l’environnement en particulier le plancton, mais c’est une autre histoire. Une équipe de biologistes de l’Université de Chungbuk en Corée (du sud) s’est penchée sur le pouvoir perturbateur du Triclosan sur deux régulateurs essentiels du cycle cellulaire les cyclines D1 et p21. Ce sont des entités protéiques interagissant avec des récepteurs des hormones thyroïdiennes et de l’estradiol déclenchant une cascade de signaux essentiels pour la bonne coordination de la division cellulaire. En étudiant l’effet du Triclosan sur des cellules de glande mammaire en culture ou sur des tumeurs mammaires humaines greffées chez des souris immunodéprimées, ces biologistes ont montré que l’expression des cyclines était altérée et cela conduisait à une prolifération cellulaire hors de contrôle, ce qui constitue en soi un résultat inquiétant. Mais plus alarmant encore, les tumeurs mammaires implantées chez les souris dont la nourriture contenait du Triclosan grossissaient beaucoup plus vite qu’en l’absence de cet antibactérien. L’illustration ci-dessous (tirée de Chemical Research in Toxicology) montre la transformation des cellules de glande mammaire en culture sous l’effet du Triclosan (TCS) et d’un autre perturbateur endocrinien l’octylphénol (OP) en regard de deux contrôles l’un avec de l’huile de maïs et l’autre avec de l’estradiol (E2) en présence ou non d’un inhibiteur du récepteur de l’estradiol (ICI). Le cliché supérieur de droite montre l’apparition de cellules cancéreuses et cette simple expérience comparative indique que le Triclosan agit directement sur le signal secondaire induit par récepteur de l’estradiol en modifiant la cascade de signaux subséquents. Il s’agit d’une preuve directe que le Triclosan présente un effet oncogène sur la cellule.

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Le Triclosan est ajouté aux savons, aux pâtes dentifrices, aux liquides pour vaisselle, aux liquides et gels bains de bouche, aux déodorants, aux sprays de nettoyage des mains sans alcool mais aussi aux sacs destinés à recevoir des ordures ménagères, à certains produits vestimentaires comme les chaussettes ou encore les taies d’oreiller. De quoi se soumettre quotidiennement à des doses presque constantes et loin d’être négligeables de ce produit. Plus de 70 % de la population des pays de l’OCDE éliminent du Triclosan dans leurs urines, preuve qu’ils sont soumis en permanence à ce produit qui n’a pas d’autre avantage que de réduire la plaque dentaire et les gingivites quand il est incorporé aux pâtes dentifrices, encore qu’il y a des alternatives moins toxiques. Pour ce qui est de la propreté des mains, un savon classique est tout aussi efficace que le Triclosan.

Pour aggraver la situation, le Triclosan s’accumule dans la nature et l’exposition au soleil le transforme en dioxine, tout pour plaire ! Mais le lobby des industries chimiques ne l’entend pas de cette oreille et considère qu’il s’agit d’un produit dont les bénéfices sur la santé humaine sont bien supérieurs aux risques de développement de cancers. Chacun son choix mais je persiste et signe en réclamant l’interdiction de ce produit !

Pour en finir avec la polémique sur le maïs Mon 810 ?

 

Une étude détaillée réalisée sur des porcs dont la physiologie digestive est proche des humains a récemment montré que si l’on nourrit des truies gestantes puis allaitantes avec du maïs Mon 810 qui exprime la toxine du Bacillus thuringiensis (Bt) pour le rendre résistant à certains insectes ravageurs, aucune différence significative ne peut être détectée même si le transgène est présent dans le sang, le lait et les tissus des truies et des porcelets. Le transgène est la protéine Bt et non le gène lui-même appelé Cry1Ab. Les analyses sanguines tant des truies que des porcelets n’ont pas révélé de différences significatives avec des groupes témoins nourris avec un maïs non transgénique, aucun phénomène d’allergie n’a pu être noté et il n’a pas été possible de détecter des anticorps dirigés contre le transgène ou des fragments de ce dernier. Cette étude indépendante, réalisée à l’Institut de Biotechnologie de l’Université de Mexico et en partie financée par l’Union Européenne a été conduite sur deux lots de 12 truies avec du maïs Bt et du maïs contrôle parent, c’est-à-dire exactement identique au précédent en dehors du transgène introduit (lignées PR34N44 et PR34N43 respectivement).

Il faut espérer que cette étude mettra un terme aux errements des ignorants qui se réclament d’un monde plus sain sans OGM.

A ce propos, je voudrais signaler à mes lecteurs qu’une étude réalisée récemment à l’Université d’Arizona a montré clairement que neuf femmes allaitantes sur dix excrétaient dans leur lait du triclosan, une organo-chloré présent dans nombre de crèmes, savons liquides, shampooings, lingettes ou encore dentifrices. Or quand on sait que cet antiseptique est un perturbateur endocrinien reconnu et est également cancérigène, sans apporter un quelconque bénéfice pour la santé, on se demande vraiment quel combat mener contre l’industrie chimique !

 

Sources : Arizona State University et PlosOne.