Des bactéries transgéniques « Bt » pour tuer les vers parasites !

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Tout le monde ou presque a entendu parler du « maïs Bt » de Monsanto, une plante génétiquement modifiée pour produire la toxine « crystal » du Bacillus thuringiensis. Inutile d’y revenir car cette toxine n’affecte que les insectes en perforant leur intestin mais n’a strictement aucun effet sur les autres créatures vivantes sauf qu’elle est également toxique pour les nématodes, ces vers non segmentés qui parasitent les intestins. On estime qu’il y a plus d’un milliard de personnes dans le monde parasitées par ces vers, trichiures, ascaris, filaires et autres necators et cela dans tous les pays. On estime qu’il y aurait plus de 25000 espèces de nématodes différentes dont la moitié sont des parasites. Pour l’homme et les animaux d’élevage il existe quelques traitements médicamenteux mais le problème de l’apparition de résistances devient très préoccupant car il n’existe que 4 produits autorisés pour traiter ces parasitoses.

C’est la raison pour laquelle des équipes de recherche se sont orientées vers la toxine Bt car son utilisation dans l’agriculture sous forme de pulvérisation de bacille vivant n’a jamais révélé de toxicité pour l’homme ou les animaux depuis plus d’un demi-siècle. Et a fortiori les plantes génétiquement modifiées pour exprimer cette toxine sont anodines pour l’homme. Quant à l’apparition de résistances chez les insectes, elle pourra toujours être contournée en raison de la multiplicité des formes de Bt disponibles.

Quand un individu est parasité par un nématode le problème consistera à administrer la toxine par voie orale afin qu’elle atteigne l’intestin sans être dégradée par le processus de digestion. De plus il faudra qu’elle soit libérée lentement afin de tuer tous les nématodes présents dans le tube digestif. C’est pour ces raisons qu’une équipe de biologistes de l’Université de Caroline du Nord à Raleigh a imaginé d’utiliser le Lactococcus lactis pour démontrer qu’il était possible d’administrer cette toxine de manière douce et efficace. Pourquoi ce choix, tout simplement parce que d’une part cette bactérie est inoffensive pour l’homme et elle est largement utilisé dans l’industrie laitière et d’autre part elle est facilement modifiable génétiquement et est largement utilisée dans l’industrie pharmaceutique pour produire notamment des vaccins et d’autres protéines recombinantes à usage thérapeutique.

La bactérie a été modifiée de telle façon qu’elle sur-exprime la toxine Cry ou son homologue tronqué tCry et qu’elle emmagasine la toxine ou au contraire qu’elle l’exporte dans le milieu externe. La bactérie peut être administrée vivante par encapsulation ou associée à un aliment d’origine lactée. Dans ces conditions elle survit relativement bien aux enzymes de la digestion et à la bile pour pouvoir atteindre le duodénum. Dans la théorie cet outil peut être couronné de succès pour combattre les parasitoses et son efficacité a déjà été démontrée chez des rats.

Reste à savoir si un tel organisme génétiquement modifié sera autorisé pour des traitements thérapeutiques par voie orale compte tenu de la scandaleuse campagne de dénigrement des plantes génétiquement modifiées exprimant la toxine Bt. Quand les travaux seront pleinement couronnés de succès chez l’homme, ce que les auteurs de cette étude considèrent comme tout à fait probable, on assistera alors à une bataille judiciaire et idéologique qui risque de devenir tout à fait épique malgré le fait que des centaines de millions de personnes souffrent de parasitoses qui pourraient être élégamment traitées par cette approche innovante et totalement inoffensive pour les vertébrés dont l’homme.

Source Applied and Environmental Microbiology doi : 10.1128/AEM.02365-15

OGMs (2) : Les produits « organiques » sont-ils plus sûrs ?

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En 1901 un biologiste japonais du nom de Ishiwata Shigetane découvrit qu’une bactérie du sol tuait les vers à soie. Il fallut attendre de nombreuses années pour mettre à profit le pouvoir de cette bactérie pour protéger les culture avec la toxine de cette bactérie appelée par la suite Bacillus thuringiensis par un biologiste allemand travaillant non plus sur le ver à soie mais sur la mite de la farine. Il observa les même effets toxiques de la bactérie et ce n’est qu’au début des années 70 qu’on commença à s’intéresser sérieusement à cette bactérie. On découvrit que sa toxicité pour les insectes – et seulement pour les insectes – était provoquée par une protéine codée par un plasmide, un petit ARN circulaire présent uniquement dans cette bactérie. On envisagea donc de cultiver à grande échelle cette bactérie pour la répandre sur les cultures et ainsi les protéger contre les insectes ravageurs puisque la toxine n’avait aucun effet sur les vertébrés. Dans les années 80 des biologistes belges eurent l’idée d’intégrer le gène codé par le plasmide dans des plants de tabac. Il faut mentionner ici que les premiers travaux de transgénèse végétale étaient presque exclusivement réalisés avec le tabac, non pas parce qu’ils étaient sponsorisés par les fabricants de cigarettes mais seulement parce que le tabac était une plante de laboratoire merveilleusement prolifique et facile à modifier génétiquement avec les techniques dont on disposait à l’époque. Le résultat ne se fit pas attendre quand on tenta de mettre des insectes suceurs sur les plants de tabac modifiés pour produire la toxine de la bactérie, Bt, ces derniers ne survivaient pas. Les agriculteurs applaudirent ces résultats prometteurs car ceux-ci allaient les dispenser de traitements phytosanitaires répétés et également, pour les agriculteurs dits « bio » de répandre à grands frais de la purée de bacille sur leurs champs de maïs ou leurs parcelles de légumes.

Les écologistes encore une fois ne l’entendirent pas de cette oreille et contre toute logique s’opposèrent immédiatement aux plantes génétiquement modifiées exprimant la toxine Bt. Alors que tout le monde s’accordait pour confirmer l’innocuité de la toxine pour les vertébrés dont l’homme et que ces écologistes préconisaient les bouillies de bacille aux producteurs « bio » pour conserver leur label « vert », d’un seul coup, parce qu’une plante modifiée génétiquement pour produire elle-même cette toxine, cette dernière devenait dangereuse parce que cette fois on avait affaire à une plante transgénique. Les premières plantes modifiées Bt apparurent à la fin des années 80 et l’Agence de Protection de l’Environnement (EPA) approuva les pommes de terre, le maïs et le coton Bt en 1995. Greenpeace se coalisa avec d’autres organismes non gouvernementaux – ils sont devenus quasiment gouvernementaux depuis – comme le Center for Food Safety, le Pesticide Action Network ou encore la fédération internationale des mouvements de l’agriculture organique (IFOAM) basée à Bonn en Allemagne pour intenter un procès à l’EPA. Les motivations de cette action en justice étaient les suivantes : possibilité de voir apparaître des insectes résistants à la toxine et possibilité d’être toxique pour les organismes vivants non ciblés par la toxine, traduisez les êtres humains !

Cette coalition d’écologistes purs et durs parlaient au nom de la protection de l’environnement alors que bon nombre d’agriculteurs inscrits sur la liste des plaignants opposés aux nouveaux OGMs Bt utilisaient les bouillies de bacille pour leurs propres productions agricoles, à n’y rien comprendre !

Greenpeace et ses partenaires se battaient pour protéger les producteurs de bacille et de coccinelles qui faisaient partie du business bio. Greenpeace avança sans aucune preuve à l’appui que les plantes transgéniques Bt contenaient jusqu’à 1000 fois plus de toxine que la purée de Bt répandue sur les plantes. Ils durent faire marche arrière en 2006 quand des enquêteurs mandatés par cette organisation s’aperçurent qu’en réalité les plantes transgéniques, dans le cas présent du maïs Bt cultivé en Espagne, ne contenaient que de très faibles quantités de toxine, à peine plus de 10 parties par million en moyenne dans la plante (voir le lien en fin de billet). Déconcertés par ce résultats, qu’entre parenthèses les biologistes de Monsanto connaissaient, les managers de Greenpeace changèrent leur fusil d’épaule et à court d’arguments décrétèrent que ces plantes transgéniques étaient de toutes les façons dangereuses pour la sécurité alimentaire animale et surtout humaine et qu’il n’y avait pas assez de toxine Bt exprimée pour que la plante soit vraiment résistante aux insectes ravageurs. Greenpeace s’appuya alors sur un argument totalement erroné en prétendant que la toxine Bt produite par la plante était activée et que c’était la raison pour laquelle il y en avait si peu dans les plantes transformées. Donc, dans la logique terrorisante de Greenpeace, puisqu’il en était ainsi cette toxine activée était donc dangereuse pour l’animal et l’homme puisqu’elle attaquait l’intestin des insectes, pourquoi pas celui de l’homme ?

Et c’est là que réside la rhétorique mensongère de Greenpeace. Il faut que soit présent dans l’intestin une protéine sur laquelle va se fixer la toxine Bt activée préalablement. Cette activation nécessite une activité enzymatique digestive particulière. Or les vertébrés ne possèdent ni cette activité enzymatique ni les récepteurs spécifiques au niveau de l’épithélium intestinal. Les curieux peuvent lire l’excellente revue citée ici en lien : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1899880/ . On y découvre, pour contrecarrer aussi l’argument fallacieux de Greenpeace relatif à l’apparition de résistance au Bt chez les insectes ravageurs qu’à ce jour plus de 140 toxines Bt ont été identifiées et que l’apparition d’une résistance est hautement improbable et si c’était le cas il existe une gigantesque panoplie dans cette famille de protéines pour contourner toute résistance pouvant éventuellement apparaître : http://www.lifesci.sussex.ac.uk/home/Neil_Crickmore/Bt/ .

Pour brouiller les cartes Greenpeace prétendit en 1999 que les plantes exprimant la toxine Bt étaient dangereuses pour l’environnement parce que la toxine n’était pas dégradée correctement dans le milieu naturel. Cette affirmation mensongère fut répétée de nombreuses fois mais elle contredisait l’autre affirmation consistant à dire que les quantités de Bt exprimées étaient trop faibles pour que la plante soit efficacement protégée contre les insectes ravageurs. Cette organisation réellement terroriste, à court d’arguments, monta de toute pièce une histoire de suicide de centaines de milliers d’agriculteurs indiens qui ne pouvaient pas acheter leurs semences de coton Bt et qui ne fut jamais prouvée dans les faits : http://blogs.discovermagazine.com/collideascape/files/2014/01/GMOsuicidemyth.pdf .

Avant même la mise au point de plantes transgéniques exprimant la toxine Bt pour leur propre protection contre les insectes ravageurs, cette toxine pulvérisée manuellement ou avec des machines sur les cultures avait été montrée comme étant l’insecticide le plus inoffensif dans le monde. À ce jour aucune corrélation de cause à effet n’a pu être démontrée sur un soit-disant effet néfaste de la toxine Bt que ce soit appliquée sur les plantes à l’aide de la bactérie vivante ou à partir de plantes transgéniques tant chez les animaux (vertébrés) que chez l’homme ( http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24041244 ) avec un retour d’expérience de maintenant plus de 30 ans, des dizaines de millions d’hectares de plantes Bt cultivées, des dizaines de milliards d’animaux nourris avec des préparations issues de plantes génétiquement modifiées sans parler du coton de nos chemises et de nos draps ou de l’huile de coton qu’on trouve dans n’importe quelle huile végétale pour cuisiner à la maison ou encore de la multitude de dérivés du soja ou du maïs transgéniques Bt utilisés dans l’alimentation.

Pour insister sur la malhonnêteté de cette organisation qui transparaît quand il faut trouver un nouvel argument permettant de justifier sa stratégie il y a cette mémorable histoire de persistance de la toxine dans les sols qui vient d’être brièvement mentionnée. En 2006 Greenpeace alerta le régulateur néo-zélandais du risque d’apparition d’insectes résistants à la toxine Bt en s’appuyant sur des études réalisées pour prouver la persistance de cette toxine dans le sol au delà de 200 jours. Selon Greenpeace si la toxine persistait aussi longtemps dans le sol alors des insectes pouvaient parfaitement s’en accommoder. Or les expériences conduites sur commande par Greenpeace, organisation qui prend bien soin de sous-traiter ses études pour ne jamais apparaître comme le responsable légal de ses allégations, furent réalisées non pas avec des plantes transgéniques mais avec le spray disponible commercialement et appelé DiPel, une émulsion de B.thuringiensis avec des particules d’argile. Le comble de l’ironie était que le but de l’action de Greenpeace était de protéger les agriculteurs « bio » des agriculteurs utilisant des plantes transgéniques Bt ! Même chose en Inde pour protéger les producteurs d’aubergines alors qu’une variété d’aubergine Bt venait d’être disponible pour les petits maraîchers indiens. Le souci avec la technique du spray de bactéries directement sur les plantes est qu’il est très coûteux et que dans certaines configurations il faut même faire appel à des hélicoptères. La propagande de Greenpeace précise bien dans ses recommandations qu’aucune partie des plantes ne doit être oubliée et de plus, selon les affirmations de cette même organisation il n’y a pas de souci à se faire car les protéines de la bactérie se dégradent en moins de deux semaines, il faut être logique avec soi-même ! Il faut donc effectuer des pulvérisations périodiquement et il n’y a aucun danger car les fruits et les légumes sont consommables presque immédiatement ! On croit rêver mais c’est pourtant la vérité : https://www.youtube.com/watch?v=vPQnphEJr98 !!!

Ce que Greenpeace oublie c’est que ces pulvérisation sont effectuées avec des bactéries vivantes et qu’elle persistent sur les aliments qu’on retrouve dans notre assiette « bio », des études réalisées au Danemark et en Chine l’ont montré. On retrouve même ces bactéries dans le lait … Le business de la pulvérisation de Bt représente un chiffre d’affaire d’environ 2 milliards de dollars par an. Aux USA seulement on a retrouvé la bactérie sur près de la moitié des tomates et plus de 60 % des brocolis, des choux-fleurs et des choux. Le plus hallucinant est que ce sont les gouvernements qui promeuvent l’agriculture dite « bio » sous prétexte que les plantes transgéniques Bt contiennent plus de toxine Bt alors que dans les faits c’est exactement le contraire. En Allemagne on estime que 125 kilos de pesticides bio sont pulvérisés par hectare et par an, en termes de toxine Bt cela représente 25 fois plus de toxine que ce que peut introduire une plante génétiquement modifiée Bt quelconque, bonjour la qualité des aliments !

Pour ajouter à l’attitude totalement ridicule de Greenpeace qui encourage les pulvérisations de bio-pesticides, devinez qui les commercialise ? Monsanto, Syngenta, Bayer, DuPont et BASF, ceux-là même qui ont développé et commercialisent aussi les plantes transgéniques. Ces grandes compagnies se frottent les mains car elles ont compris que les actions de Greenpeace et d’autres organisations comme l’Organic Consumers Association leur avaient ouvert le marché. DuPont a investi pas moins de 6 milliards de dollars pour être prêt à satisfaire la demande sans cesse croissante en bio-pesticides ! C’est proprement hallucinant de constater que Greenpeace et les autres ONGs qui répandent la terreur se sont fait prendre dans leur propre piège. Le combat contre les OGMs est devenu un faux prétexte mais il n’est pas question pour Greenpeace de l’abandonner, ce serait une catastrophe pour la réputation de cette organisation.

Alors, pour ne pas perdre la face, on voit encore des publications mensongères paraître dans des revues scientifiques qui n’existent même pas. GreenMedInfo, un site d’information des adeptes de l’agriculture organique a créé le « buzz » en livrant une information précisant que les plantes transgéniques type Bt ou RoundUp Ready favorisaient l’apparition de leucémies. C’était en 2013. L’article fut publié dans une revue inconnue qui n’existait pas auparavant ( http://www.esciencecentral.org/journals/ArchiveJHTD/jhtd-archive.php?month=April&&year=2013 ) ce qui est déjà suspect, et ce qui est encore plus suspect est que cette étude émane d’un obscur laboratoire de l’Université de Brasilia et qu’elle se garde bien de conclure si on lit l’article dans son intégralité (ce que j’ai fait).

Le dernier combat de Greenpeace reste donc l’étiquetage informatif. Et là c’est du business pour cette organisation car elle est devenue experte dans le domaine de l’intimidation et de l’arnaque des sociétés qui ne veulent pas se plier à ses injonctions « vertes ». Greenpeace a fait une fixation sur les plantes transgéniques et on vient de le voir à l’évidence avec les plantes Bt au détriment de la sécurité des consommateurs : la culture bio est un leurre, elle n’est pas rentable car non compétitive, elle appauvrit les consommateurs persuadés qu’elle sera meilleure pour leur santé ce qui est loin d’être le cas et elle n’est encore une fois réservée qu’à ceux qui ont les moyens de payer beaucoup plus cher leur nourriture. Finalement on peut dire que cette longue campagne anti-OGMs n’est qu’un mensonge de plus qui passe auprès de 60 % de la population car il suscite la peur, une peur orchestrée et montée de toute pièce sur la base de mensonges et de contradictions par Greenpeace et toutes les organisations qui en suivent l’idéologie.

Source : billet inspiré d’un article paru dans Slate.com, illustration Slate

https://www.testbiotech.org/sites/default/files/How%20much%20Bt%20toxin%20produced%20in%20MON810_Greenpeace.pdf

OGMs (1), l’odeur du triomphe de la papaye transgénique

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Il y a une vingtaine d’années les producteurs de papaye d’Hawaï vivaient de graves incertitudes pour leur avenir car les papayers étaient décimés les uns après les autres par un virus pas seulement pathogène pour le papayer mais également dévastateur pour les cucurbitacées, melons, pastèques, cornichons et autres courges. Le virus est transmis par les pucerons et le seul moyen de protéger un verger de papayer est d’utiliser des quantités massives d’insecticides afin d’exterminer jusqu’au dernier puceron pour prévenir l’extension de ce virus. Lorsque l’on mange un quartier de papaye (ou éventuellement de melon) on est pratiquement certain, si la peau du fruit n’est pas uniformément jaune et présente des taches circulaires vertes (ringspot, d’où le nom anglais de ringspot virus) que le fruit et la plante sont infestés par le virus.

Inspiré par des travaux réalisés par la société Monsanto sur la résistance aux virus le Docteur Dennis Gonsalves de la Cornell University eut l’idée de faire exprimer par le papayer la protéine de l’enveloppe du virus dans le but de perturber sa multiplication après une infestation par un puceron. Ça se passait au milieu des années 1990 et Monsanto, qui n’était pas intéressé par cette technique car les retombées économiques attendues étaient négligeables, céda la licence de l’utilisation de ses constructions d’acides nucléiques utilisées au cours de la transgénèse à l’Université de Cornell à un groupement de fermiers hawaiiens. L’idée de Gonsalves se révéla immédiatement efficace sans modifier les propriétés organoleptiques des papayes, les papayers étaient devenus résistants au virus, ils avaient été en quelque sorte « vaccinés ». Les fermiers reçurent des semences transgéniques gratuitement et depuis lors les papayers d’Hawaii sont en bonne santé, il y a toujours le virus et des pucerons mais la plante est devenue résistante.

L’histoire ne s’est pas déroulée aussi simplement qu’on pourrait le croire car des activistes écologistes opposés aux plantes transgéniques commencèrent immédiatement leur travail de sape idéologique. Malgré le fait que depuis que l’archipel produit des papayes transgéniques personne ne s’est trouvé incommodé par la présence de la protéine du virus alors que la plante est toujours infestée mais sans symptômes par ce virus, les écologistes ont répandu le doute et la papaye transgénique faillit être interdite à Hawaii. L’un des arguments des écolos, puisque le monde scientifique et les régulateurs (FDA) avaient prouvé qu’il n’y avait aucun risque pour la santé des consommateurs, fut que ce gène pouvait être transmis à d’autres virus en créant alors un nouveau virus encore plus pathogène. Greenpeace organisa la destruction de plantations expérimentales de papayers organisées par l’Université d’Hawaii arguant qu’il s’agissait de « pollution génétique » et qu’aucune étude sérieuse n’avait été réalisée pour prouver l’innocuité de cette transformation génétique sur la santé humaine.

Tous les arguments, y compris les plus rocambolesques, furent utilisés pour terroriser la population. Un article paru en 2002 incriminait une similitude entre la protéine du virus exprimée par le papayer transgénique et un facteur qui augmentait la production d’une immunoglobuline E ce qui pouvait constituer un danger pour la santé ( http://www.biomedcentral.com/1472-6807/2/8 ). Sur les 280 amine-acides de la protéine virale seulement une séquence de 6 amino-acides consécutifs coïncidait avec l’allergène stimulant la fameuse immunoglobuline E qui se trouvait être une protéine sécrétée par l’oxyure, un parasite intestinal commun, c’est dire à quel point l’argument était tarabiscoté ! Il n’en fallut pas plus pour affirmer haut et fort que la papaye transgénique pouvait déclencher des réactions allergiques. La même méthodologie fut utilisée pour déterminer si la toxine Bt exprimée par le maïs ou le coton (à l’époque, c’est-à-dire en 2002) risquait d’être allergène. On trouva également des analogies de séquence entre la toxine Bt et pas moins de 50 protéines du maïs ! Ces analogies se retrouvaient sur des portions de séquences de 6 amino-acides. Mais au delà de séquences de 8 amino-acides consécutifs aucune analogie ne put être établie. Cet article concluait que ce type de recherche était fallacieux et qu’il ne pouvait en aucun cas alimenter la polémique sur d’éventuelles propriétés allergènes nouvelles après introduction d’un gène étranger dans une plante. Les conséquences structurales de ce type d’analogies ne présentaient aucune signification biologique susceptible d’être sérieusement retenue ( http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12218366 ).

Ces activistes ont sciemment ignoré un article paru à peu près au même moment qui déniait tout effet allergène de la protéine du parasite intestinal démontant ainsi l’argumentation hautement fallacieuse développée à dessein pour discréditer la papaye transgénique ( http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC130290/ ).

Greenpeace n’en resta pas là et organisa une campagne de dénigrement, cette fois en Thaïlande, allant jusqu’à saccager en 2004 une plantation de papayers transgéniques en considérant qu’ils s’agissait d’une véritable « bombe à retardement ». Toutes ces actions spectaculaires et médiatisées, c’est là la spécificité de Greenpeace, n’avaient aucune justification scientifique rigoureuse. Les fermiers hawaiiens, qui entrevoyaient un espoir de survie avec le papayer transgénique, se trouvèrent confrontés à un nouvel ennemi : la mouvance écologiste !

Entre 2006 et 2010, une série d’études contredit les affirmations sans fondement scientifique avancées par Greenpeace : aucun allergène ne put être identifié en établissant une recherche sur 8 amino-acides consécutifs. Il fut également démontré que cette protéine était clivée en quelques secondes dans l’estomac. De plus les papayes non transgéniques et présentant les symptômes caractéristiques d’une attaque par le ringspot virus contenaient jusqu’à 8 fois plus de protéine virale que les papayes issues de papayers transgéniques résistant au virus.

Le Japon autorisa la culture de la papaye transgénique en 2011 considérant qu’il n’y avait aucun argument valable pour interdire cette culture (voir le lien en fin de billet) et la Chine suivit quelques mois plus tard.

Il faut donc se rendre à l’évidence que les pourfendeurs des OGMs n’ont que deux choix possibles : ou bien il leur faut reconnaître que leurs arguments n’ont aucune valeur scientifique et qu’ils se sont fourvoyés par pure idéologie ou alors ils persévèrent dans leur obscurantisme et continuent à semer la terreur apocalyptique que constituent les plantes transgéniques. Ces idéologues ont choisi de persévérer dans leur loufoquerie et poussèrent le Conseil de la plus grande île, Hawaii, à interdire le papayer transgénique. Pour mes lecteurs la ville d’Honolulu et Pearl Harbor se trouvent sur l’île d’O’ahu. Un membre de ce Conseil, une dénommée Margaret Wille, pourtant activiste anti-OGM bien connue, dut se rendre à l’évidence, il n’existait aucun argument objectif contre la culture du papayer transgénique à Hawaii, les récents travaux réalisés au Japon et en Chine le démontraient clairement. De plus elle reconnut que Monsanto n’avait rien à voir avec les papayers transgéniques et les arguments avancés par les agriculteurs qui ne traitaient plus leur culture avec des pesticides conforta sa décision d’exempter le papayer de l’interdiction des plantes transgéniques dans l’archipel. Margaret Wille opéra donc une sorte de reniement du dogme écologique consistant à classer les plantes transgéniques parmi des perturbateurs de la nature sans toutefois perdre la face car elle obtint l’interdiction de l’introduction dans l’archipel d’autres cultures génétiquement modifiées.

Son ami et collègue Jeffrey Smith, également membre du Conseil de l’île et écologiste notoire, persista dans ses idées et bien que n’ayant strictement aucune culture scientifique – sans faire d’humour – persista en listant dans une sorte de logorrhée délirante tous les inconvénients des OGMs. Il déclara que l’ARN introduit dans la papaye (sic, il ignorait donc à l’évidence tout des procédés de la transgénèse) pouvait perturber les gènes des consommateurs et que les protéines nouvelles étaient susceptibles de modifier l’immunité des êtres humains, qu’elles rendaient plus sensible aux virus du SIDA et de l’hépatite et qu’elles induisaient l’apparition de cancers pour cette raison. Il fut soutenu dans son discours par un agronome de l’Université, un dénommé Hector Valenzuela qui prétendit qu’aucune étude sérieuse n’avait été faite sur la santé humaine ou animale alors qu’à peine deux mois plus tôt une publication relatait l’absence d’effet sur les rats nourris avec des papayes, comme si la vraie science n’existait pas pour ces activistes empêtrés dans leur dogmatisme ( http://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/jf305036x ). Smith et Valenzuela prétendirent que la FDA était noyautée par les sbires de Monsanto. Plus incroyable encore ces deux tristes individus prétendirent aussi que parmi les messages révélés par Wikileaks figuraient des instructions précises à destination des régulateurs japonais émanant du gouvernement américain pour faire approuver la papaye transgénique au Japon. Jamais ce dernier point n’a pu être confirmé par les analyses scrupuleuses des dépêches et messages révélés par Wikileaks.

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Aujourd’hui, dans les magasins de fruits et légumes on trouve des papayes transgéniques avec un label qui précise seulement que ces fruits ont été artificiellement modifiés pour permettre de réduire l’usage de pesticides par les agriculteurs mais on omet de dire que ces fruits ne présentent aucune différence nutritionnelle par rapport aux fruits non modifiés. Finalement, pour conclure cette sombre histoire, les écologistes ont réussi à semer le doute dans l’esprit des consommateurs sans jamais apporter de preuves irréfutables à l’appui de leurs arguments pour la simple raison qu’il n’y en a pas … Le doute persiste et c’est là que réside l’effet hautement néfaste de ces organisations qui nient ouvertement la vraie science, celle qui n’est pas prisonnière de l’idéologie et de la politique.

Source : adapté d’un article paru dans Slate.com, illustrations Wikipedia et Slate.

http://gain.fas.usda.gov/Recent%20GAIN%20Publications/Japan%20approved%20GM%20papaya_Tokyo_Japan_12-19-2011.pdf