À Tokyo la météorologie est, comme pour tous les printemps instable, quelques jours de très bel ensoleillement avec une température presque estivale, vingt-cinq de degrés, puis une chute vers 15 degrés et de la pluie. Comme je suis très occupé par le petit jardin d’agrément de mon fils je suis désorganisé et par voie de conséquence je n’ai pas été inspiré par les informations provenant des nombreux sites de la toile que j’ai l’habitude de parcourir, d’autant plus que le 8 mai en France, un lundi, était l’occasion d’une longue fin de semaine de repos. Je me souviens de mon beau-père qui déclarait qu’en mai tous les jours de congé résultaient en une totale perte des bénéfices de son entreprise de négoce de vin. Voilà comment les Français vivent et ils se plaignent parfois que les entreprises n’embauchent pas …
Dans le pays du soleil levant comme son nom l’indique le début du printemps est célébré le 3 février lorsque les cerisiers commencent à frémir mais encore de manière invisible. Il s’agit de Setsubun ou le début de la vie nouvelle après l’hiver et l’établissement imminent du printemps. Cette saison se caractérise par un instabilité météorologique, une alternance de pluies et de soleil avec de grandes variations de température qui s’appelle Lishun. En France en particulier les petits bouquets de muguet sont une tradition le premier du mois de mai bien après la date officielle du printemps. D’ailleurs comme au Japon la période d’instabilité météorologique est nommée celle des giboulées de mars avec parfois des chutes de neige tardive. Le premier mai est dans la presque totalité du monde la fête du travail, et ce jour est traditionnellement l’occasion de manifester contre les décisions gouvernementales considérées comme invariablement néfastes pour les travailleurs, cette fête étant issue d’une décision datant de 1889 pour lutter afin d’obtenir une réduction du temps de travail et l’instauration d’une journée de 8 heures (Wikipedia). Je n’ai personnellement pas le souvenir d’avoir célébré ce jour dans ma vie. Le Japon est aussi une exception car le Premier de Mai est un jour comme les autres et non férié. Seuls quelques manifestants bons enfants vont défiler calmement dans le quartier des ministères près d’Hibiya Park non loins du palais impérial sous le regard calme de la police. Le Japon célèbre le jour du travail au début du mois de novembre. Il y a au Japon un parti communiste représentant près de 10 % de l’électorat qui n’a jamais été associé au pouvoir décisionnel et ses membres se limitent à quelques manifestations dans les rue du même quartier des ministères. Aux Etats-Unis le premier de mai est considéré comme une fête « communiste » et c’est un jour comme les autres. Les Américains et les Canadiens se singularisent en fêtant le travail le premier lundi du mois de septembre, une décision datant de la même période, vers 1882.
Depuis quelques jours le jardin d’agrément de mon fils dans la banlieue ouest toujours dans la ville de Tokyo s’enorgueillit de muguet. Le citronnier est en pleine floraison et par un matin calme le parfum presque entêtant émanant de ces floraisons attirant de nombreux bourdons se mêle à celui du jasmin.
ans une autre partie de ce petit jardin floral il y a une fleur dont j’ignore le nom qui fleurit très tôt, à la fin du mois de février, et qui disparaît complètement au milieu du mois de mai, les fleurs meurent et les feuilles sont emportées par le vent. Si l’un des lecteurs de ce blog en connait le nom mon fils est intéressé. Il me semble que cette fleur fait partie de la famille des anémones mais mon cours de botanique de l’université est trop loin …
Pour la troisième fois de son histoire, le Japon a remporté la coupe du monde de baseball en battant à domicile l’équipe américaine. Le match de finale s’est déroulé au Tokyo Dome, un stade très particulier dont le toit ressemble à un immense ballon, situé dans un quartier de Tokyo parsemé de très beaux parcs les uns intimes avec la cérémonie du thé et d’autres ressemblant à une nature inviolée. C’est aussi un quartier d’affaires avec des tours imposantes.
On aperçoit sur la droite de la photo prise du sommet du SkyTree une tache claire, c’est le Tokyo Dome. À l’horizon situé à la gauche du stade se trouve le quartier de Shinjuku.
Mon fils résidant à Tokyo a découvert ce jeu et regardant le match en direct et a finalement compris quels étaient les enjeux de ce sport, ce que j’avoue n’avoir jamais faithttps://www.youtube.com/watch?v=YDtJEAvK8Os . Le baseball est très populaire au Japon. Il existe au sommet de beaucoup d’immeubles des sortes de « practice » dans une sorte de cage constituée de filets pour s’entrainer à frapper la balle avec la batte, l’un des gestes le plus critique du jeu. Le baseball a été introduit au Japon à la fin du XIXe siècle et il n’est pas rare aujourd’hui de croiser dans la rue de jeunes enfants avec leur pantalon blanc finement rayé de gris aller s’entrainer au lancer de la balle. Les Japonais veulent atteindre la perfection dans tous les domaines, qu’il s’agisse du tennis, de l’athlétisme, de l’alpinisme extrême et aussi du football. Le rugby est également un sport très prisé au Japon. Cette mentalité de la perfection a permis, dans le domaine industriel a propulser la firme Toyota a devenir le premier constructeur d’automobiles du monde, imbattable dans le domaine des voitures hybrides, ayant développé un secteur de recherche par exemple des batteries de nouvelle génération utilisant moins de cobalt et de lithium et plus légères. Dans moins d’un mois je serai à Tokyo et je profiterai de cette ville que j’apprécie beaucoup, un univers de quartiers différents les uns des autres vivant les uns à côté des autres dans une parfaite harmonie …
À la suite de ce court billet au sujet des décisions prises par la ville d’Oxford pour limiter la circulation automobile dans la partie centrale de l’agglomération j’ai jugé opportun d’établir une comparaison avec les villes de banlieue de l’agglomération de Tokyo dont en particulier celle où réside mon fils depuis maintenant plus de 15 ans et que je connais très bien. J’ai en effet séjourné deux fois par an pour des durées de séjour de près de deux mois excepté lors de la pandémie de coronavirus pendant toutes ces années. La ville de Suginami (Suginami-ku) fait partie de l’ensemble des villes formant l’agglomération de Tokyo. Elle est située dans la partie ouest de celle-ci. Elle est essentiellement résidentielle et compte 580000 habitants pour une superficie de 34 km2. La ville est desservie par une ligne du métro de Tokyo, la Marunouchi line, et par trois compagnies de chemins de fer, la JR est, la Keio line et la compagnie Seibu dont les tracés sont dans le sens est-ouest. Il existe également au moins trois grands axes routiers dont les deux principaux sont également orientés est-ouest, Suginami se trouvant à en peu plus de 10 kilomètres à vol d’oiseau de Shinjuku, l’un des grands centres d’affaire de la ville de Tokyo proprement dite. Depuis la gare ferroviaire desservant la ville de Suginami une série de lignes d’autobus permet d’atteindre diverses autres villes et quartiers des alentours en particulier dans la direction nord-sud. Tous ces autobus sont mus par des systèmes de propulsion hybrides consommant du gaz de pétrole liquéfié (comme d’ailleurs la plupart des taxi).
Venons-en donc à la circulation automobile dans cette ville de Suginami. Je rappelle ici à mes lecteurs que les véhicules diesel de moins de 20 tonnes ainsi que les deux-roues à moteurs 2-temps sont interdits dans toutes les grandes villes japonaises depuis environ 20 ans et je rappelle également qu’il faut disposer d’une place de stationnement privée pour obtenir l’autorisation d’acquérir une automobile car il est strictement interdit de stationner son véhicule privé dans toutes les rues sans exception, y compris dans les quartiers résidentiels pourtant calmes. Toutes les infrastructures de transports en commun ainsi que les restrictions mentionnées ci-dessus ont pour effet de limiter le nombre de voitures particulières dans la circulation automobile générale et par conséquent la pollution de l’atmosphère. Enfin presque toutes les gares ferroviaires comprennent un grand centre commercial, propriété de la Japan rail (JR) ou d’autres compagnies privées de chemins de fer. Ceci a pour conséquence le fait que les employés allant le plus souvent travailler dans le centre de Tokyo peuvent faire leurs achats en revenant chez eux le soir en s’arrêtant aisément dans ces centres commerciaux souvent imposants et par conséquent très pratiques. Enfin, depuis leur résidence personnelle ou en copropriété les habitants se déplacent en vélo électrique pour procéder à leurs petites emplettes.
Après la fin de la deuxième guerre mondiale et le grand bombardement aérien dont fut victime l’agglomération de Tokyo, les grandes lignes de chemin de fer et les grands axes routiers ont été repensés dans le but de rendre les déplacements dans cette immense conurbation maintenant de plus de 38 millions d’habitants de telle manière que la vie des habitants soit facilitée au maximum. Les dernières mesures prises dans le but de diminuer la pollution constituent l’achèvement de ce long programme rendant l’agglomération de Tokyo attractive. Aujourd’hui la qualité de l’air est parfaite et je peux affirmer qu’on peut voir les étoiles le soir dans ce quartier résidentiel de Suginami alors que les rues sont bien éclairées.
Si on tente d’établir un parallèle entre Tokyo dans son ensemble et n’importe quelle ville européenne on se rend compte d’une part que dans certaines de ces villes les petites compagnies de chemin de fer privées qui s’étaient multipliées au cours de la première moitié du vingtième siècle ont été démantelées après la seconde guerre mondiale et les lignes de tramway urbaines ont subi le même sort. L’engouement incontrôlé pour la voiture individuelle a fait le reste. Les villes européennes, et pas seulement en Grande-Bretagne mais également en France, en Belgique ou en Italie, sont devenues irrespirables, perpétuellement encombrées par des véhicules polluants, dont les autobus, nuisant ainsi à la qualité de vie. Le manque total de vision à long terme des décideurs locaux ou nationaux a rendu la vie urbaine pratiquement insalubre. Pour bien insister sur cette différence entre le Japon et l’Europe en général, il n’y a jamais de grève dans les transports en commun au Japon et les trains sont toujours à l’heure, ils sont d’une propreté irréprochable, toutes les stations de métro ou de train sont propres et j’ajouterai enfin que les ascenseurs sont tous en état de marche et que les toilettes sont impeccables.
L’épisode de forte chaleur qui a sévi pendant plusieurs jours dans l’immense conurbation de Tokyo a pris fin avec, comme on pouvait s’y attendre, une série d’orages ininterrompue pendant 36 heures. La température a chuté de 40,5 degrés à 25 en fin de nuit, et ce vendredi 5 août l’air est léger et j’ai pu reprendre les ultimes travaux de jardinage dans le petit espace vert de la maison de mon fils avant de partir pour les mers du sud. La vie est redevenue normale, sans air conditionné, sans devoir affronter une chaleur étouffante qui coupe le souffle car aggravée par un taux d’humidité atteignant 75 %.
Comme disaient les anciens, ces paysans de mon hameau natal, après une grande chaleur il y a de grands orages. Les personnes habilitées tiraient alors des fusées contenant du nitrate d’argent en direction des gros nuages noirs précurseurs d’une averse de grêle dévastatrice. Ce type de prévention existe-t-il toujours ? J’ai quelques doutes. On parle d’ingénierie climatique pour refroidir le climat et tant pis pour les vignes dévastées par la grêle … On vit aujourd’hui dans un monde étrange qui fait croire qu’un ordinateur peut trouver toutes les solutions à nos problèmes mais en ce qui concerne la météorologie il faudra bien s’en remettre un jour au savoir de ces anciens à qui il suffisait d’observer le ciel pour prévoir la pluie ou le beau temps.
On parle d’intelligence artificielle qui trouvera une solution à tous nos problèmes, mais le savoir acquis par l’expérience ne sera jamais remplacé par la plus sophistiquée des machines à calcul car c’est bien ce dont il s’agit quand on se gargarise avec des mots comme « intelligence artificielle » qui ne veulent rien dire. La bêtise humaine ne sera jamais vaincue par les ordinateurs …
Ce dernier samedi nous étions allés chez les parents du plus fidèle ami de mon petit-fils. Deux jours plus tard ce dernier était malade et sa mère procéda à un test dit antigénique. Résultat : positif. Comme je devais obtenir un test PCR la veille de mon départ vers les mers du sud, il s’avéra que celui-ci était également positif. Ma belle-fille, triplement injectée, est restée 4 jours au fond de son lit. Ma petite-fille a également subi quelques accès de fièvre. Mon fils a résisté, fort heureusement d’ailleurs puisqu’il assure le ravitaillement et la cuisine.
Les régulations au Japon précisent que s’il y a un cas avéré d’infection coronavirale au sein d’une famille la totalité de ses membres doit respecter une quarantaine de 7 jours. Le port du masque est toujours obligatoire partout y compris dans la rue et pourtant le Japon traverse une très forte recrudescence du nombre de “cas” alors que la très grande majorité des Japonais est triplement injectée malgré le fait que cette démarche n’est pas obligatoire. La pression sociale a fait le reste …
L’enseignement à dégager de ce petit épisode familial est simple. Malgré les injections répétées supposées protéger la personne, celles-ci sont sans effet. L’immunité acquise après une première infection n’est pas suffisante pour se protéger contre un nouveau mutant, ce qui ressortait de l’inefficacité de la vaccination contre la grippe. La recherche médicale a donc encore beaucoup à découvrir dans ce domaine mais sans se précipiter vers de nouvelles technologies qui n’ont, donc, toujours pas fait leurs preuves bien au contraire. Ci-après un article de mon fils sur son blog:https://www.rosenight.net/?p=8402
J’avais envisagé d’écrire un commentaire au sujet des élections législatives françaises et je me suis rendu compte qu’un tel projet n’avait aucune signification dans la mesure où les cinq années à venir pour la France se traduiront pas une descente aux enfers à laquelle personne n’échappera sauf les ultra-riches, comme depuis 5 ans, avec la bienveillance du pouvoir en place. Par conséquent je ne m’intéresse plus du tout à ce qui se passe en France, ni en Europe. Voici donc un petit récit qui changera les idées de mes lecteurs.
Je suis allé me promener dans le jardin botanique de Koishikawa ce vendredi avec mon fils. C’est une véritable forêt d’arbres souvent multicentenaires, tous identifiables par une étiquette mentionnant le nom latin du spécimen. Nous nous somme arrêtés auprès d’un arbre très particulier, de la famille des tilleuls, Tilia miqueliana. Rien de vraiment particulier mais cet arbre fait partie de la courte liste de ceux qui ont survécu à la bombe d’Hiroshima, les arbres « hibakujumoku », littéralement ayant résisté à la bombe. On a dénombré à Hiroshima 170 arbres qui existaient avant l’explosion de la bombe américaine et qui, bien que transformés en poussière par l’explosion, ont vu leur croissance repartir depuis les parties enfouies sous terre et protégées de l’intense chaleur de cette explosion que mon anti-américanisme primaire me pousse à classer comme le crime contre l’humanité le plus insupportable jamais perpétré à l’encontre de civils innocents. Qu’on carbonise des arbres est une chose, certains repoussent, mais rôtir sur places des femmes, des enfants et des vieillards est tout à fait abject.
Voici une illustration des inflorescences du Tilia :
et le nom de l’arbre pas très haut, plutôt touffu :
Il y a aussi des cyprès chauves qui présentent la particularité de présenter des excroissances de leurs racines superficielles assez surprenantes :
Ce jardin vaut le détour parmi la multitude de parcs que compte la ville de Tokyo, peut-être l’une des grandes villes comptant le plus d’espaces verts souvent immenses et quelquefois totalement sauvages comme celui de Yoyogi. Si vous vous rendez à Tokyo consacrez deux ou trois journées de flânerie dans ces espaces préservés qui font partie de la vie des habitants de cette agglomération immense mais au sein de laquelle on peut se retrouver en communication avec la nature.
Quelques fleurs épanouies dans le petit jardin de mon fils dans la banlieue ouest de Tokyo. Le muguet a fleuri pour le premier mai qui au Japon n’est pas une date notoire. Le jasmin a revêtu sa panoplie odorante, le rosier nain retrouve la vie avec les beaux jours et le citronnier est également égayé par le printemps un peu tardif …
Alors que les JO se déroulent à Tokyo plutôt bien malgré l’arrivée de fortes pluies qui ne dureront que deux ou trois jours le nombre de vieillards mourant seuls chez eux atteindra chaque jour, dans cette ville, une douzaine dans l’indifférence générale. Le kodokushi (孤独死) ou mort solitaire est bien là et JO ou pas il ne perturbe même pas la population. C’est un phénomène normal. En France, lors des gesticulations gouvernementales pour juguler l’épidémie coronavirale, combien de « vieux » sont morts chez eux ou dans les mouroirs pudiquement appelés EHPAD sans avoir revu leurs proches ? On peut presque dire que kodokushi n’est pas unique au Japon.
Le vieillissement de la population japonaise n’explique pas tout. Si en 2003 il n’y eut que 1451 cas de kodokushi à Tokyo, en 2018 il y eut 3882 kodokushi. Les autorités sanitaires japonaises ont suggéré de munir tous les vieillards esseulés d’un bracelet électronique qui transmets les informations en temps réel et qui autorise le porteur du bracelet à alerter les services d’urgence. Ce sont surtout les sociétés qui louent de modestes appartements qui le réclament car les frais de nettoyage après kodokushi sont considérables … Ça laisse songeur. Cependant la loi japonaise interdit d’imposer ce type d’appareil car il s’agirait alors d’une atteinte aux libertés individuelles, sous-entendu si un vieillard veut mourir seul c’est son droit le plus strict. La situation va donc perdurer. Une analyse de ce phénomène a été réalisée et elle indique bien qu’il touche autant les femmes que les hommes ( https://doi.org/10.1186/s12910-021-00657-9 en accès libre). Pour les curieux voici un reportage très éclairant sur ce phénomène de société :
Je connais mieux le Japon que la très grande majorité des Européens, ces touristes qui ont « fait » le Japon, accumulé des photos de Shibuya, des temples et palais de Kyoto ou Nara et capté par chance une image claire du Mont Fuji enneigé. Ils connaissent le Japon, mais oui puisqu’ils le disent ! En quatorze ans j’ai vécu, en durée cumulée, plus de trois ans dans ce pays admirable, à mon humble avis le plus civilisé du monde. Il y a également des analystes de l’économie et de la finance qui clament à longueur de prise de parole sur un plateau télévisuel que le Japon, c’est l’horreur, le pays le plus endetté au monde, Fukushima, l’enfer des grandes villes. Je pense que tous ces journalistes et autres chroniqueurs n’ont jamais mis les pieds sur le sol japonais. Si je connais le Japon aussi bien c’est tout simplement parce que mon dernier fils s’est installé dans ce pays il y a 14 ans et je pense qu’il y restera pour toujours tant il s’est imprégné au fil des années de la culture de ce pays. Je n’ai pas pu me rendre à Tokyo au printemps pour rendre visite à mon fils et mes deux petits-enfants métis franco-japonais et je ne peux toujours pas m’y rendre cet automne comme à mon habitude. Hypothétiquement je pourrai peut-être obtenir une autorisation du consulat du Japon pour me rendre à Tokyo au printemps prochain. Pour l’instant il est inutile d’y penser, l’Espagne est classée parmi les pays à haut risque en ce qui concerne le coronavirus, comme la France et bien d’autres pays européens. Par conséquent tous les ressortissants de l’Europe ne peuvent pas se rendre au pays du Soleil levant, point barre.
Les autorités japonaises ont en réalité raison de se protéger parce que les touristes qui ne connaissent pas le pays ne respectent pas les coutumes locales. Par exemple, et je l’ai mentionné à plusieurs reprises sur ce blog, quand on souffre de symptômes grippaux on porte un masque pour protéger son entourage, par exemple quand on est dans un train ou dans le métro, c’est la moindre des choses. On n’a pas le droit de fumer dans la rue, il faut mettre son téléphone portable en mode silencieux partout y compris dans la rue, on doit respecter la propreté des rues et ne pas jeter n’importe quoi n’importe où comme on a coutume de le faire comme à Paris, ville dont les rues ressemblent de plus en plus à des dépotoirs puants. Mes petits-enfants ont appris ce qu’était le respect dès l’école maternelle. C’est ça le Japon, un pays toujours en pleine effervescence, en perpétuelle mutation vers le modernisme le plus extravagant sans pour autant oublier ses traditions séculaires. À Arajuku, un quartier de cette immense ville de Tokyo, des créateurs de mode du monde entier viennent épier le foisonnement créatif parfois inattendu des couturiers locaux qui, dans leurs petites échoppes artisanales, proposent des tenues vestimentaires que vous retrouverez deux ans plus tard dans les grands magasins de la cinquième avenue à New-York.
Mais revenons au SARS-CoV-2 et à la gestion de l’épidémie par les autorités japonaises. Que s’est-il passé au Japon avec cette épidémie de SARS-CoV-2 alors que la très grande majorité de la population vit dans des grandes villes et qu’elle est vieillissante ? Compte tenu du fait que les autorités japonaises n’ont jamais imposé de confinement ni de port du masque obligatoire ce pays de 125 millions d’habitants n’a eu à déplorer « que » 1600 morts. Certes certaines activités nocturnes sont toujours strictement contrôlées en particulier les bars à entraineuses que l’on peut trouver à peu près dans tous les quartiers animés d’une ville comme Tokyo, ville qui a d’ailleurs déploré la majorité des décès provoqués stricto sensu par le coronavirus. L’activité économique n’a jamais cessé et le port du masque a été laissé à l’appréciation de chaque individu. On commence à comprendre quelles ont été les conséquences de cette sorte de liberté laissée aux Japonais.
Une étude réalisée par la Medical Corporation Koshikai a Tokyo, sans aucune finalité commerciale, a permis de mettre en évidence un phénomène surprenant alors que le pays traverse la deuxième vague tant redoutée par les pays européens. Parmi les 1877 employés d’une grande entreprise de Tokyo, tous vivant dans 11 quartiers différents de cette immense ville de 14 millions d’habitants, 615 d’entre eux ont été sélectionnés, d’âges variant entre 19 et 69 ans, 46 % de femmes et 54 % d’hommes, tous en bonne santé. Tous ces employés se rendaient sur leur lieu de travail chaque jour en utilisant les transports en commun. Des tests sanguins ont été effectués chaque semaine pour chacun des volontaires du 26 mai au 25 août de cette année 2020. Les tests sanguins suivaient l’évolution des immunoglobulines G et M reconnaissant le coronavirus. Cette séropositivité indiquait que les sujets avaient été en contact avec le virus et que leur système immunitaire réagissait normalement sans apparition de symptômes cliniques.
La première indication de cette étude a montré que les IgMs apparaissaient avant les IgGs mais leur présence ne persistait qu’au plus un mois pour 80 des sujets étudiés puis seules les IgGs restaient présentes, une évolution normale dans le développement des défenses immunitaires. Mais ce qui est le plus remarquable dans les résultats de cette étude est l’augmentation du nombre de sujets séropositifs passant de 5,9 % au début de l’étude à 47 % à la fin de cette investigation strictement sérologique. Aucun des sujets étudiés n’a par ailleurs présenté de symptômes cliniques grippaux, aucun n’a été hospitalisé et il n’y a eu aucun décès à déplorer, en d’autres termes tous les sujets étudiés étaient « asymptomatiques ». Dans une ville aussi densément peuplée que Tokyo et avec la quasi obligation d’utiliser les transports en commun pour se déplacer les résultats indicatifs de cette étude montrent que ce que l’on appelle l’immunité collective a probablement été atteinte dans cette ville. En effet, le taux de létalité calculé au Japon était de 0,0006 % à la date de la fin de cette étude. Il n’est pas certain que ce taux ait significativement augmenté avec cette « deuxième » vague qui se termine (cf. l’illustration en date du 6 octobre). Une dernière nouvelles en provenance du Japon : les liaisons aériennes avec un certain nombre de pays d’Asie ont été rétablies le premier octobre et les quelques 15000 jeunes de tous pays ayant obtenu un visa « vacances-travail » devraient pouvoir enfin arriver au Japon.
Il reste néanmoins quelques points à éclaircir au sujet de cette épidémie. D’autres études sont nécessaires pour expliquer ce si faible taux de fatalité, qu’il s’agisse des habitudes de vie des Japonais, de la nature des souches du virus circulant ou encore du statut immunologique de la population japonaise très homogène, en particulier la « mémoire immunologique » qui est au cœur d’un intense débat au sujet des vaccins pourraient expliquer ce taux incroyablement faible de la létalité observée au Japon. Enfin il est important de mentionner que si les autorités politiques japonaises avaient décidé de mesures autoritaires et coercitives comme le confinement ou le port obligatoire du masque ils auraient violé la Constitution japonaise et cette immunité de groupe n’aurait probablement pas été atteinte.