Récit d’une brève escapade dans la péninsule ibérique

Après une année de privation de voyages aériens j’ai goûté à nouveau aux joies de ce type de déplacement. Depuis les îles Canaries on n’a pas trop le choix et en tant que résident permanent le prix d’un voyage dans la péninsule défie toute concurrence, alors autant en profiter. Pendant le vol de trois heures vers Barcelone, telle ne fut pas ma surprise de constater que l’aéronef survolait le territoire marocain, un fait nouveau qui m’a permis de découvrir que le désert marocain était ponctué d’une intense activité minière. L’arrivée à l’aéroport de Barcelone m’a déprimé. Cet endroit habituellement peuplé d’une incroyable foule cosmopolite était vide, les boutiques en grande majorité fermées, les bars à tapas et les restaurants également fermés, l’horreur ! Je pris ensuite un vol pour Alicante et même impression mortifère dans cet aéroport.

Lors de mon séjour chez une de mes nièces je fis une découverte stupéfiante : l’un de mes petits-neveux, en classe terminale et ayant déjà largement perdu son année scolaire 2019-2020 conclue par un blanc-seing pour accéder à l’ultime année précédant son entrée à l’université, travaillait en grande partie « à la maison », distanciation sociale oblige. Je m’explique : pour respecter un certain espace dit de sécurité dans les salles de classes, malgré le port obligatoire du masque, les élèves ne vont à l’école qu’un jour sur deux, c’est-à-dire une semaine de trois jours à l’école et la semaine suivante avec deux jours seulement à l’école. À la maison l’élève est livré à lui-même et il doit se battre sur un petit ordinateur avec son téléphone portable en complément pour écouter le cours transmis en différé par le professeur et consulter un résumé écrit du dit cours.

L’élève, en l’occurence mon petit-neveu, doit rédiger des devoirs dont l’énoncé manque souvent de clarté. Ces devoirs sur papier sont rendus au professeur le jour suivant. Lors de mon séjour j’étais presque le bienvenu car cet enfant était confronté à des cours et des devoirs de chimie et il restait encore quelque part enfouis dans mes neurones vieillissants de vagues notions de chimie. J’ai tout de même constaté que la notion d’orbitales avait l’air de faire partie du quotidien pour mon petit-neveu alors que « de mon temps » cette notion n’avait été abordée qu’en deuxième année d’université. J’ai cru comprendre que l’enseignement de la chimie pour des élèves de classe de terminale avait été rendu parfaitement ésotérique avec une couche de physique quantique qui n’avait pas, à ce stade, vraiment lieu d’être. Curieuse évolution …

La conséquence alarmante de l’épidémie de SARS-CoV-2 sur toute une génération d’écoliers se fera sentir à l’entrée à l’université. En effet, le passage de la première à la terminale a permis l’acquisition de « points » pris en compte pour l’accès à l’université mais le barème d’entrée, compte tenu de la dévalorisation du passage de première à la terminale, a été relevé. Cette modification obligera ainsi les élèves actuellement en classe terminale à obtenir les meilleures notes possibles pour accéder à des études supérieures, pour mon petit-neveu en l’occurence la faculté de médecine pour s’orienter vers l’odontologie. On peut prédire que beaucoup de ces écoliers se retrouveront dans quelques années soit tout simplement chômeurs soit résignés à exercer un métier qu’ils n’avaient pas souhaité. L’avenir me paraît bien incertain pour ces quelques dizaines de millions d’adolescents européens …

Le télé-enseignement pour « dégraisser le mammouth » ?

Les restrictions budgétaires dans certains états américains sont telles qu’il manque des classes dans l’enseignement secondaire, les « colleges », équivalents des lycées. De plus le manque d’enseignants, pour les mêmes raisons de restrictions budgétaires, fait que le niveau des « graduate students », l’équivalent des bacheliers français, a diminué à tel point que pour pouvoir entrer à l’Université les élèves doivent suivre des cours de rattrapage payants et souvent à la charge des étudiants qui doivent emprunter pour suivre ces cours. Rien qu’en Californie plus de 50 % des candidats à l’université ne sont pas au niveau requis et il manque dans les collèges des centaines de milliers de places et des milliers de professeurs. C’est la crise en Californie comme dans beaucoup d’autres états américains mais on en parle peu de ce côté-ci de l’Atlantique. Par exemple les professeurs de l’université de Californie (université publique et presque gratuite pour les résidents de Californie) ont vu leur salaire diminuer de 40 % depuis 2009 et rien ne laisse présager une amélioration dans les années à venir. C’est pourquoi il se développe un enseignement à distance peu coûteux qui ne nécessite qu’un ordinateur et l’assiduité de l’élève, dans toutes les matières et d’une extrème qualité puisque les cours sont préparés par des professeurs d’universités réputées comme Harvard (MIT), Stanford ou UC Berkeley avec pour certains un financement de la fondation Bill & Melinda Gates. L’expérience de télé-enseignement a débuté en 2011-2012 et semble d’ors et déjà un succès puisque plus de 90 % des télé-élèves ont pu intégrer l’université sans devoir passer par des cours de rattrapage. A n’en pas douter, pour « dégraisser le mammouth » du système éducatif français pléthorique et extrêmement coûteux dont la qualité s’amenuise année après année, il serait temps d’envisager une telle approche avec les économies considérables qui en résulteraient pour l’Etat. Reste à savoir si les enseignants seraient prêts à se prêter à ce genre d’expérience nouvelle mais parfaitement dans le sens de l’évolution des technologies modernes de communication et d’information, trop jaloux de pouvoir formater les élèves en leur inculquant une pseudo-culture générale orientée idéologiquement et totalement inutile pour la vie active. Quoi de plus intelligent et positif que d’utiliser un ordinateur pour s’éduquer dans une matière quelconque comme les mathématiques ou la chimie moyennant une centaine d’euros par an et par matière avec des cours attrayants et interactifs, des applications sous forme d’exercices et de devoirs et une plus grande ouverture vers la connaissance !

 

Source : San Jose State University et udacity.com