Dans un précédent billet de ce blog il était question des gènes allèles codant pour la clathrine et la conclusion était que l’abus d’alimentation industrielle riche en sucre aggravait la situation génétiquement préexistante du diabète de type 2 sans apporter de preuves irréfutables bien que ce billet ait été inspiré d’un article scientifique publié dans une revue à comité de lecture.
Revenons sur l’homéostase centrale et périphérique du glucose et son mécanisme. Après un repas, le taux de glucose circulant augmente et les cellules beta du pancréas sécrètent de l’insuline, une hormone qui va provoquer l’entrée du glucose sanguin circulant dans les cellules des organes cibles que sont le foie, les tissus adipeux, les muscles ainsi que le cerveau. Lorsque la concentration sanguine du glucose diminue les cellules alpha du pancréas sécrètent alors du glucagon qui a pour rôle de provoquer le relâchement dans le sang du glucose intracellulaire.
Ces deux mécanismes de régulation pancréatique sont complétés par un contrôle central de l’homéostase du glucose par l’hypothalamus en réponse à l’insuline et à une hormone, la leptine, sécrétée par les tissus adipeux. Chez un individu ayant un poids normal le taux de leptine permet de réduire la sensation de faim. Enfin des neurones sensibles à l’insuline complètent ce tableau en agissant sur le « système nerveux autonome » constitué des nerfs sympathiques et para-sympathiques agissant en particulier sur le foie et le pancréas. Cette régulation est donc d’une finesse extrême car elle est essentielle pour un bon fonctionnement général de l’organisme. Toute perturbation de cette régulation va avoir des effets en cascade désastreux.
Dans l’état actuel des connaissances, une sur-alimentation provoque une sécrétion de leptine telle que les neurones sensibles au sucre perdent progressivement cette sensibilité. Le taux de glucose sanguin a alors tendance à augmenter et son contrôle n’est, progressivement, plus assuré par le seul pancréas.
Le métabolisme général se trouve lui aussi déréglé et l’excès de glucose est utilisé dans la cellule pour produire de l’acétate, le précurseur idéal de la synthèse d’acides gras qui à leur tour vont être stockés dans des tissus adipeux qui se développent et ne servent plus que comme des impasses métaboliques provoquant un surpoids qui va aggraver à son tour toute une série de troubles dans l’ensemble de l’organisme, en particulier des mécanismes d’inflammation systémiques, c’est-à-dire qui se répandent dans tout l’organisme dont en particulier, nous le verrons ci-dessous, au niveau du cerveau. L’athérosclérose est l’exemple le mieux documenté de ces effets secondaires pathologiques. Ces perturbation dites d’intolérance au glucose affectent dans le monde entre 20 et 35 % des adultes et jusqu’à 17 % des enfants en surpoids. Aux USA plus de 45 % de la population est en surpoids …
La difficulté pour un médecin traitant réside dans le fait que l’augmentation du taux de glucose sanguin dans le sang à jeun est un processus multifactoriel résumé dans le diagramme ci-dessous (où NFG est l’acronyme de « normal fasting glucose », glucose sanguin normal à jeun, et IFG l’acronyme de « impaired fasting glucose » ou taux de glucose anormal) :
Des études récentes ont rassemblé des données reliant le diabète de type 2, le surpoids et l’obésité avec le dysfonctionnement du cerveau et c’est alarmant pour ne pas dire terrifiant. La perturbation de l’homéostase du glucose dans l’organisme a un effet direct sur la « santé » du cerveau comme le résument les deux diagrammes ci-dessous, plus parlants qu’un long discours :
Note explicative. La neurogenèse, bien que très discrète chez l’adulte, joue néanmoins un rôle non négligeable dans le maintien de l’intégrité des fonctions de l’hippocampe. Cette neurogenèse est contrôlée par un facteur de croissance d’origine cérébrale appelé Brain-Derived Neurotrophic Factor (BDNF). Ce facteur stimule la production et la différenciation des cellules neuronales de l’hippocampe. L’hippocampe est une région du cerveau située sous le cortex qui est déterminante dans la consolidation de la mémoire de court-terme dite instantanée vers une mémoire de long-terme. Dans les maladies neuro-dégénératives telles que la maladie d’Alzheimer la perturbation de ce mécanisme de consolidation de la mémoire est l’un des premiers symptômes notés par le praticien.
La conclusion de cette étude ayant rassemblé plus de un millier d’articles et de revues est évidente, le surpoids et la perturbation de l’homéostase du glucose sont des facteurs centraux de la dégénérescence du cerveau. Sachant que dans la plupart des pays de l’OCDE les projections font état de plus de 40 % de personnes en surpoids ou pathologiquement obèses (indice pondéral corporel supérieur à 25) en 2030 il est terrifiant de constater que les habitudes sédentaires et une nourriture trop abondante et trop riche en sucre va « zombifier » tout un pan des générations à venir. Réjouissant n’est-il pas ?
Source et illustrations : Frontiers in Neuroendocrinology, vol. 53, Avril 2019
« Sugar in mind : Untangling a sweet and sour relationship beyond type A diabetes », Nicolas Cherbuin & Erin I. Walsh