Le système nerveux périphérique et la mémoire

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Il y a maintenant près de 40 ans que j’avais pour habitude de déjeuner d’un sandwich au bout de la terrasse du Salk Institute avec Francis Crick et nous devisions naturellement de science mais aussi de bien d’autres sujets. Francis était en quelque sorte un électron libre puisqu’il se contentait de penser. Sa préoccupation était le mécanisme de la mémoire, un vaste sujet inexploré à l’époque puisqu’il n’existait pas encore le puissant outil d’investigation de l’activité cérébrale qu’est devenue l’imagerie par résonance magnétique nucléaire fonctionnelle. Francis avait épousé Odile, à moitié française et à moitié britannique, il y avait bien longtemps. Odile était une artiste tout comme Françoise Gilot, l’épouse de Jonas Salk, qu’elle comptait parmi ses amis. Dans ce petit monde de scientifiques mêlant l’art et la science, somme toute deux disciplines qui parfois se rejoignent puisqu’il qu’Odile Crick créa, on dirait maintenant une vision d’artiste, l’image de la molécule d’ADN sur une feuille de papier, la science était elle-même considérée comme un art. Cette image de l’ADN fit la Une du journal Nature en 1953. Chez Jonas, parmi un certain nombre d’oeuvres de Picasso, se trouvaient aussi les oeuvres artistiques de Françoise Gilot et chez Francis il existait un harmonieux mélange de tableaux d’art moderne.

Exécuter une oeuvre d’art fait le plus souvent appel à la mémoire à moins de se limiter à un modèle ou à un bouquet de fleurs. Notre cerveau a en effet emmagasiné des milliers de milliers de clichés qu’une collection de disques durs de 2 téraoctets, ceux que j’utilise pour sauvegarder mes fichiers et dossiers, ne suffirait pas pour tous les mémoriser, car non seulement nous stockons des images mais également des sons, des odeurs comme le parfum d’une rose, et également l’ambiance de ces flashs de mémoire si on peut formuler les choses ainsi.

Francis avouait que la mémoire était un problème qui le surpassait et il se perdait en conjectures que les outils de la science de l’époque étaient incapables d’explorer. Depuis ces années les puissants moyens d’investigation à la disposition des neurobiologistes ont montré que le cerveau était un ensemble complexe d’aires individualisées qui sont toutes interconnectées. On pourrait dire que chaque cerveau humain est une sorte de réseau internet avec ses serveurs, ses zones de stockage qu’on appelle aujourd’hui le « cloud » et ses fibres, optiques pour l’internet, constituées de paquets de neurones spécialisés pour transmettre des informations d’une aire cérébrale à l’autre.

La mémoire se construit grâce à un agencement spatial d’interconnexions de neurones mais ce mécanisme de construction est encore largement inconnu. Ce que l’on connait schématiquement est le siège de la mémoire qui se situe dans le cortex préfrontal. Ce qui est également admis est que le sommeil favorise la consolidation de la mémoire récente. Encore faut-il que ce sommeil réponde à des critères bien précis pour que la mémoire puisse être consolidée. La mémoire explicite (aussi appelée associative) est consolidée par les phases de sommeil au cours desquelles le mouvement des yeux est lent tandis que la mémoire implicite (dite aussi inconsciente) est elle-même consolidée lors des phases de sommeil avec des mouvement oculaires rapides. Il est également reconnu que durant la phase de sommeil dite profonde au cours de laquelle la mémoire explicite est consolidée le rythme des battements cardiaques ralentit et la température du corps diminue. Mais ces modifications physiologiques sont commandées par le système nerveux autonome. Or ce système dit vagal projète des terminaisons jusqu’au cortex préfrontal. La situation étant par elle-même très complexe il s’est agi de tenter de trouver un effet du système vagal (nerfs parasympathiques) qui commande largement le sommeil et ses différentes phases sur le mécanisme de consolidation de la mémoire.

C’est ce qui a été montré par une équipe de neurophysiologies de l’Université de Californie à Riverside dirigée par le Docteur Sara Mednick et c’est un scoop car on ignorait jusqu’à ces travaux que le système nerveux autonome puisse avoir un tel effet sur la consolidation de la mémoire associative. Le système parasympathique commandant entre autres effets les battements du coeur, en suivant ces derniers et en effectuant des tests de mémorisation, l’équipe de Sara Mednick a pu montré que contrairement à ce qu’il était généralement admis le système nerveux autonome jouait un rôle essentiel dans le mécanisme de consolidation de la mémoire explicite. Il s’agit d’une observation mais le mécanisme intime de cette consolidation doit encore être exploré car on ne dispose que de peu d’éléments d’information sur les modifications biochimiques au niveau du cortex en dehors d’une augmentation remarquable de l’acétyle-choline au cours de la phase de sommeil paradoxal, un neuromédiateur considéré comme impliqué dans la plasticité neuronale. Le cerveau livre petit à petit ses secrets et les biologistes ont encore de longues années de travail devant eux. Si Francis Crick était encore de ce monde – il avait plus de soixante ans quand je partageais avec lui ces conversations mémorables et aurait eu 100 ans le 8 juin dernier – il serait tout simplement émerveillé …

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Source : PNAS doi : 10.1073/pnas.1518202113 aimablement communiqué par le Docteur Mednick qui est ici chaleureusement remerciée. Illustrations Wikipedia et Françoise Gilot « Le coup de téléphone » (1952).

Note : Françoise Gilot fut la muse et l’amante de Pablo Picasso et la mère de ses enfants Claude et Paloma. Elle épousa Jonas Salk en 1970. Elle a aujourd’hui 95 ans et vit retirée à New-York.

Etat des recherches sur la maladie d’Alzheimer

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Alois Alzheimer (Wikipedia)

Comme on ne peut pas procéder à des expérimentations directes sur les êtres humains, la mise au point d’une lignée de souris transgéniques développant tous les symptômes de la maladie d’Alzheimer (AD) a largement contribué à préciser le mécanisme ou plutôt maintenant « les » mécanismes d’apparition de cette maladie, car il y a une succession d’étapes dans le développement de cette maladie. On sait par exemple que le cerveau produit naturellement la protéine amyloïde beta et qu’il lui faut environ 4 heures pour l’éliminer. Si ce processus d’élimination vient à s’allonger alors un fragment de cette protéine peut s’accumuler et former des dépôts qui au final tuent les neurones. Le processus d’élimination des déchets du cerveau utilise la voie dite glymphatique qui filtre le liquide céphalo-rachidien et relargue les métabolites et les déchets indésirables dans le liquide interstitiel pour être ensuite pris en charge par la circulation sanguine. Ce système ressemble un peu au rôle du système lymphatique pour « nettoyer » d’autres organes. Avec les souris transgéniques triplement modifiées génétiquement pour reproduire les trois symptômes de la maladie d’Alzheimer (3xTg-AD), à savoir surproduire le précurseur de la protéine amyloïde beta, la preseniline et la protéine tau, quand on anesthésiait ces souris et selon la position dans laquelle on les laissait pour dormir, l’élimination du fragment 46 de la protéine amyloïde s’effectuait presque normalement si elles dormaient sur le côté contrairement aux positions sur le ventre ou sur le dos. Il ne s’agit pas du tout d’une découverte anecdotique : l’élimination des protéines déchets a été suivie par imagerie (IRM) du cerveau des souris. Ce résultat rejoint les études récentes relatives à la qualité du sommeil dans le développement des maladies neurodégénératives.

Ces mêmes souris ont permis d’y voir un peu plus clair au sujet de l’influence du métabolisme des acides gras dans le cerveau sur l’apparition de la maladie. Cette dernière étude tout à fait remarquable parue dans le dernier numéro de la revue Cell Stem Cell a montré que parallèlement aux autres symptômes développés par les souris transgéniques il y avait une accumulation anormale de triglycérides. En soi il ne s’agit pas d’un scoop scientifique puisqu’Alois Alzheimer lui-même avait décrit cet état de choses en 1907 en colorant des coupes de cerveau de patients morts de la maladie. Un ensemble d’études épidémiologiques a permis d’établir une relation de cause à effet entre l’apparition de la maladie d’Alzheimer (AD) et des conditions métaboliques périphériques dégradées comme la résistance à l’insuline, l’obésité et les troubles du métabolisme des lipides, ces trois désordres étant souvent associés. Avec ces souris transgéniques il a été possible de déterminer la nature des triglycérides s’accumulant sous forme de gouttelettes au niveau de l’épendyme, le tissu glial sous-jacent au cortex préfrontal, entre autres régions du cerveau, en contact avec la cavité ventriculaire baignée de liquide céphalo-rachidien, interface justement impliqué dans l’élimination des déchets cérébraux dont il était fait mention plus haut.

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Organisation du système glymphatique (Wikipedia)

L’astuce de l’approche expérimentale choisie dans cette étude a consisté à mettre en œuvre une technique de désorption au micron près à l’aide d’un laser directement sur les coupes de tissu cérébral couplée à un spectrographe de masse. Il n’existe en effet pas de techniques suffisamment spécifiques pour déterminer la nature au niveau cellulaire des lipides accumulés sous forme de micro-gouttelettes.

L’enrichissement pathologique en acide oléique des triglycérides ainsi déterminés a été attribué à une perturbation du métabolisme lipidique cérébral. La situation semble donc se clarifier un peu car ce dérèglement du métabolisme des triglycérides cérébraux semble être l’un des signaux les plus précoces de l’apparition de la maladie d’Alzheimer. Cette accumulation de lipides à cet endroit précis du cerveau contribue à l’empoisonnement progressif du cerveau conduisant au développement de la maladie. La figure tirée de l’article paru dans Cell Stem Cell (voir le lien) représente des coupes de tissu cérébral humain au niveau de la zone sous-ventriculaire du lobe frontal. La lumière sur la gauche des clichés est le ventricule. Les points rouges sont les accumulations de gouttelettes de triglycérides anormalement enrichis en acide oléique (CTRL : contrôle, AD : Alzheimer).

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Source : Hamilton et al., Aberrant Lipid Metabolism in the Forebrain Niche Suppresses Adult Neural Stem Cell Proliferation in an Animal Model of Alzheimer’s Disease, Cell Stem Cell (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.stem.2015.08.001

Article aimablement communiqué par le Docteur Karl Fernandes de la Faculté de Médecine de l’Université de Montréal.

Mal dormir : le premier signe d’Alzheimer

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Le sommeil, très schématiquement, se décompose en trois phases, l’assoupissement suivi du sommeil REM, ou sommeil paradoxal, durant lequel les yeux ne cessent de bouger, c’est la phase des rêves dont on se souvient parfois, et enfin le sommeil profond durant lequel les yeux restent immobiles. Cette dernière période est essentielle pour le maintien de la mémoire mais elle n’est pas continue car elle est interrompue par des périodes plus ou moins longues de sommeil paradoxal au cours de la nuit. Il est possible de différencier le sommeil paradoxal du sommeil profond en suivant l’activité électrique du cerveau. Pour simplifier, les électroencéphalogrammes sont très différents : au cours du sommeil profond peu de signaux électriques mais de fortes amplitude, au cours du sommeil paradoxal beaucoup de signaux mais de faible amplitude. Lors du sommeil profond, toujours schématiquement, le cerveau reconstitue ses réserves d’énergie et prend le temps de finaliser les connections neuronales impliquées en particulier dans la mémoire à long terme.

Quand on vieillit on a de plus en plus de difficultés à atteindre le sommeil profond et l’un des signes de la maladie d’Alzheimer est la perte de mémoire. De plus les personnes souffrant de cette maladie éprouvent de nettes difficultés à atteindre ce stade du sommeil profond. En conséquence, surveiller la qualité du sommeil peut indiquer l’éventuelle apparition de cette maladie. C’est en partant de cette hypothèse qu’une équipe de biologistes de l’Université de Berkeley s’est intéressée à des sujets présentant des troubles du sommeil. L’approche a réuni tous les moyens d’investigation dont on dispose pour explorer en profondeur le fonctionnement du cerveau : imagerie en tomographie par émission de positrons (PET-scan) pour quantifier l’importance des dépôts de protéine amyloïde, IRM fonctionnelle (fMRI) pour suivre la consommation d’oxygène durant les processus de finalisation de la mémoire et enfin le suivi par électroencéphalographie (EEG) de l’activité électrique du cerveau. L’étude a été conduite sur 26 adultes d’âge compris entre 65 et 81 ans qui ne présentaient aucun signe de démence ou de maladie neurodégénérative ni de désordres psychiatriques. Par PET-scan les chercheurs effectuèrent une évaluation de la teneur en protéine beta-amyloïde, le marqueur de la maladie d’Alzheimer qui émet un signal spécifique, puis chaque sujet fut soumis à des tests de mémorisation afin de déterminer par la suite la « qualité » de leur mémorisation. Après une nuit de sommeil durant laquelle l’activité de leur cerveau fut enregistrée (EEG) ils furent soumis au résultat du test de mémoire consistant à « ressortir » de leur cerveau le maximum de paires de mots associés parmi 120 mots proposés la veille tout en suivant l’activité de leur cerveau par fMRI.

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Le résultat fut parfaitement clair ! Les difficultés rencontrées au cours du sommeil, c’est-à-dire un sommeil profond de mauvaise qualité, se sont révélées corrélées avec la présence de protéine amyloïde dans le cerveau mais aussi avec de mauvais résultats au cours des tests de re-mémorisation et une activité cérébrale inférieure montrée par fMRI.

Le Professeur de neuroscience Matthew Walker résume la situation ainsi : « le sommeil aide le cerveau à se débarrasser des protéines toxiques durant la nuit et à prévenir ainsi une potentielle destruction des cellules nerveuses. Le mieux vous vous souvenez après une bonne nuit de bon sommeil, le moins vous dépendez de l’hippocampe et le mieux vous utilisez votre cortex. C’est comme si vous utilisez les données du disque dur de votre ordinateur plutôt que celles stockées dans une clé USB ». Et il ajoute : « plus il y a de protéine beta-amyloïde dans le cerveau, plus le sommeil est de mauvaise qualité et plus la mémoire devient défectueuse ».

On ne sait pas traiter la maladie d’Alzheimer par contre il existe toute une panoplie de drogues pour traiter les insomnies de types nombreux et variés. Comme on ne sait pas non plus si c’est une mauvaise qualité du sommeil qui provoque ou accélère le développement de la maladie d’Alzheimer et inversement si c’est l’apparition de cette maladie qui dégrade la qualité du sommeil, alors ce que préconisent ces biologistes de l’UC Berkeley c’est de se traiter quand on s’aperçoit qu’on a de plus en plus de difficultés à s’endormir ou que l’on constate de plus en plus de pertes de mémoire inexpliquées. Tant qu’à faire on ne risque rien …

Source et illustrations : UC Berkeley News et voir aussi https://www.youtube.com/watch?v=rvr37cUE-x4

La science n’est plus ce qu’elle était !!!

brain washing system

Le 28 juin dernier, je laissais ce billet sur mon blog ( https://jacqueshenry.wordpress.com/2013/06/28/comment-le-cerveau-se-debarrasse-de-ses-dechets/ ) et je constate que les médias se sont emparé aujourd’hui d’un sensationnel article scientifique paru dans le journal Science hier sur le sommeil et l’élimination des déchets accumulés par le cerveau au cours de la période d’éveil, ce qui expliquerait pourquoi on a besoin de sommeil. En injectant à des souris du bromure de tétraméthylammonium, une équipe de biologistes de l’Université de Rochester a pu montrer que le mécanisme de « nettoyage » du cerveau était plus de deux fois plus actif durant le sommeil et que c’était (peut-être, ajout de ma part) la première explication « moléculaire » du besoin de sommeil. En effet, en utilisant ce que l’on appelle la fluorescence « deux photons » ( http://en.wikipedia.org/wiki/Two-photon_absorption ) ces chercheurs ont montré de manière non ambigüe que le bromure de tétraméthylammonium fluorescent dans le bleu après excitation à l’aide d’impulsions ultra brèves d’une lumière laser de haute énergie ressortait du tissu cérébral plus vite pendant le sommeil. Mais tout ce travail illustré de belles photos n’explique pas pourquoi le cerveau a besoin de sommeil. J’ai moi-même fait la douloureuse expérience du recalage du cycle jour-nuit à mon retour du Japon il y a une semaine. Malgré les pilules de mélatonine, il m’a fallu six jours pour arriver à me resituer par rapport au jour et à la nuit et une amie médecin rencontrée ce matin m’a fait remarquer que j’avais l’air fatigué et je l’ai rassurée en attribuant cette fatigue au jet-lag avec de surcroit une petite crise de paludisme pour aider. J’en profite pour expliquer à mes lecteurs pourquoi il m’arrive d’avoir une crise de paludisme après avoir pris l’avion, pas toujours mais souvent. Mon hypothèse serait que le foie, au cours d’un long voyage (12 heures de vol) en avion, se dilaterait en raison de la pressurisation de la cabine qui correspond à une altitude d’environ 2000 mètres. Cette dilatation libérerait des larves de Plasmodium vivax dans le sang conduisant à une petite crise que mon système immunitaire a appris à combattre presque efficacement depuis 15 ans. En conséquence, ne dormant pas très bien et titillé par le paludisme, mon cerveau a eu un surcroit de travail pour éliminer ses déchets ce qui ne m’empêche nullement de continuer à écrire sur mon blog. Bref, comme pour valider leurs résultats ces même biologistes de l’Université de Rochester ont fait une digression sur le besoin en sommeil et la taille du cerveau qui me paraît spécieuse. Les éléphants qui ont un gros cerveau et une immense mémoire comme chacun sait – ils se souviennent même de l’endroit où ils iront mourir, c’est dire – n’ont besoin que de 4 heures de sommeil par jour. A l’inverse les chauve-souris dorment 20 heures par jour pour justement éliminer leurs déchets. Et les linottes ? Conclusion, moins on a d’éléments scientifiques à prouver, plus on utilise des techniques d’investigation sophistiquées pour bien montrer qu’on a effectué un beau travail (comme le montre la photo) voilà la science contemporaine !

Perdre du poids : mode d’emploi

Pour grossir rapidement les sumotori ont compris depuis longtemps qu’ils fallait beaucoup manger le soir et c’est facile à comprendre puisqu’après un repas pantagruelique suivi d’un long sommeil, l’organisme n’a rien d’autre à faire que de stocker tout ce surcroit de calories sous forme de graisse. C’est une habitude ancestrale chez l’homme que de se nourrir aussi le soir, on pourrait même dire depuis la nuit des temps quand les lendemains bien nourris n’étaient pas assurés si la chasse ou la cueillette n’étaient pas fructueuses. Mais cette envie de se nourrir le soir est aussi commandée par les rythmes d’alternance jour-nuit (rythmes circadiens) et beaucoup de personnes n’ont pas très faim le matin et ont un gros appétit le soir. Cette habitude de se nourrir le soir est qui plus est favorisée par l’éclairage artificiel qui perturbe légèrement le rythme circadien et donc l’envie de manger quelque chose  subrepticement avant d’aller se coucher en ouvrant la porte du réfrigérateur, un comportement qui assure une prise de poids intempestive. Or en ces temps d’abondance de nourriture trop salée, trop sucrée et trop graisseuse, c’est la catastrophe, le surpoids et l’obésité avec toutes les pathologies qui sont associées. La situation s’aggrave encore si on reste scotché devant la télévision tard le soir, qu’on grignote des trucs pas vraiment sains comme des chips, du pop-corn ou des cacahuètes ou pire des barres chocolatées en buvant un liquide hyper-sucré et qu’ensuite le sommeil n’est pas au rendez-vous. Une équipe de médecins et de biologistes de l’Université de l’Oregon a donc montré qu’il en était ainsi, on a un plus grand appétit le soir que le matin et qu’il était beaucoup plus productif pour celles et ceux qui décident vraiment de perdre du poids de manger normalement au petit-déjeuner et au repas de midi et de peu se nourrir le soir voire ne rien manger du tout puis de se coucher tôt, une hygiène de vie indispensable pour perdre du poids. Avis aux amateurs …

 

Source : Oregon Health and Science University

Narcolepsie, bonheur et hypocretine …

J’ai un souvenir très présent d’un oncle qui souffrait de narcolepsie. Si le repas trainait en longueur il lui arrivait de s’endormir entre deux plats et pour ne pas sombrer dans une somnolence durable, il devait s’obliger en permanence à occuper ses doigts, sa pensée, parler, marcher, jouer au tennis ou aller tailler ses rosiers, que sais-je encore, mais il était handicapé parce qu’il ne pouvait pas conduire une voiture de peur de s’endormir brutalement. Jeune enfant, l’état de mon oncle m’impressionnait parce que, moi-même, j’avais de la peine à trouver le sommeil, toujours poursuivi par des angoisses variées alimentées par le moindre bruit extérieur puisque nous avions dans la famille l’habitude de dormir la fenêtre ouverte, en pleine campagne. Et dans le silence de la nuit, la campagne frémit de toutes sortes de bruissements étranges pour un enfant qui cherche le sommeil.

Au début des années 2000 une cause putative de la narcolepsie fut avancée quand on découvrit que les patients souffrant de cette infirmité neurologique avaient dans leur cerveau à peine 5 % de la quantité attendue de cellules nerveuses sécrétant l’hormone appelée hypocretine ou encore orexine dans l’hypothalamus, cette région du cerveau extrêmement complexe située entre la base du cerveau et l’hypophyse et siège de nombreuses sécrétions hormonales dont les fonctions sont précisément ciblées pour réguler un grand nombre de processus biologiques fondamentaux comme par exemple la régulation de la production d’hormone de croissance et d’autres hormones hypophysaires mais aussi d’autres peptides ayant un effet sur le système nerveux central ou l’ensemble du corps. Ces hormones généralement de nature peptidique (comme l’hormone de croissance ou l’insuline) sont le plus souvent sécrétées par un petit nombre de neurones hypothalamiques et la régulation de leur excrétion est elle-même sous le contrôle d’autres facteurs, ce qui rend l’hypothalamus d’une complexité encore plus incroyable que la complexité du reste du cerveau. Le Docteur Jerome Siegel découvreur de la relation entre l’hypocretine et la narcolepsie vient de mettre en évidence une relation directe entre ce peptide cérébral et ce qu’on pourrait appeler le « bonheur », mais oui, le bonheur ! Et cette découverte va en faire rêver plus d’un par ces temps de morosité, dans une France, fille aînée de l’Eglise mais d’une Eglise sans pape, aux mains de mécréants socialistes dirigistes, écologistes, marxistes et gauchistes, tous des mots qui riment avec antéchrist, il y a de quoi être triste (j’abuse dans la rime) et dépressif (je n’ai pas trouvé de rime) !!!

Le docteur Siegel du Centre de Recherche sur le Sommeil de UCLA a fait cette découverte assez exceptionnelle dans ses retombées potentielles tant pour soigner certaines formes de dépressions que pour donner de la bonne humeur ou accroitre la vigilence. Il a fait cette découverte en soignant huit malades souffrant d’épilepsie incurable dans son service de psychiatrie du Ronald Reagan UCLA Medical Center. Il a implanté dans le cerveau de ces malades, avec leur consentement, de fines électrodes et des capillaires microscopiques pour d’abord tenter de soigner leur épilepsie, mais qu’il a utilisé aussi pour mesurer en continu, à l’aide de dispositifs expérimentaux de microdialyse connectés à ces capillaires aussi fins qu’un cheveu, la teneur en hypocretine lorsque les patients regardaient la télévision, discutaient avec les infirmières ou leur famille, prenaient leur repas ou faisaient une sieste. Ces mêmes malades notaient aussi en quelques mots s’ils étaient ou non de bonne humeur, en quelque sorte comment ils se sentaient, chaque heure, pendant le temps que durait l’analyse d’hypocretine, au cours des périodes d’éveil. L’équipe du Docteur Siegel a découvert que les taux d’hypocretine n’étaient pas liées à l’éveil en général mais atteignaient un maximum au réveil, au cours d’émotions, de colère ou d’interactions sociales normales. En quelque sorte l’hypocretine serait « le peptide de la bonne humeur ». D’après le Docteur Siegel, trouver des analogues ou des inhibiteurs de cette hormone peptidique cérébrale pourrait permettre de soigner de nombreuses affections neurologiques. Au cours de cette expérimentation l’équipe de neurobiologistes a aussi découvert un autre peptide appellé MCH (melanine concentrating hormone) qui est sécrété pendant le sommeil et dont la sécrétion chute au moment du réveil. Là aussi il y a des applications futures intéressantes pour traiter les désordres du sommeil.

Source : http://newsroom.ucla.edu/portal/ucla/peptide-a-key-to-happiness-244002.aspx

Note : l’hypocretine est un peptide (ou petite protéine) se présentant sous deux formes de respectivement 29 et 39 amino-acides et présentant des analogies avec la sécrétine, une hormone peptidique d’origine intestinale qui régule les sécrétions gastrique et pancréatique ainsi que l’homéostase de l’eau (activité rénale). Il est intéressant de noter que la sécrétine est la première hormone en tant que telle identifiée et appelée « hormone » par les Anglais Bayliss et Starling en 1902 mais encore aujourd’hui, son mode d’action n’est pas totalement élucidé.