Pour un partisan de l’énergie nucléaire comme votre serviteur la précipitation des décisions contradictoires du candidat Macron laisse rêveur. Il était entendu que l’arrêt des deux réacteurs de l’usine de Fessenheim serait entériné quand l’EPR de Flamanville serait opérationnel. Non ! L’usine a été fermée à la grande satisfaction de Corinne Lepage qui a tout fait pour atteindre ce but dès l’administration Sarkozy, décision reprise par Hollande et enfin mise en application par Macron. L’EPR de Flamanville est toujours soumis à la décision de l’agence de sureté nucléaire car des soudures au niveau du circuit primaires sont considérées comme défectueuses. Le Président de tous les Français vient d’annoncer que des travaux de remise à niveau, on ne sait pas de quoi il parle, seraient réalisés pour prolonger de 30 ans le fonctionnement de certains éléments du parc nucléaire français, les tranches 900 MW ? les autres ? Personne n’en sait quoi que ce soit.
Macron s’est excité en mentionnant que la France allait se lancer dans la construction de réacteurs modulaires de faible puissance. Où sont les ingénieurs et les techniciens capables de mettre un tel programme en forme alors que la Russie a près de 20 ans d’avance et la Chine 15 ans d’avance dans ce domaine particulier. Les SMRs (small modular reactor) comprennent des éléments fabriqués en usine et assemblés sur site. Leur puissance électrique est égale au tiers de celle d’un réacteur de Fessenheim. La Chine maîtrise parfaitement cette technologie. Il est possible que des ingénieurs français aillent se former en Chine.
Après avoir vendu la division Alstom-Energie à General Electric en 2015, alors qu’il était ministre des finances de Hollande, Macron a fini par réaliser dans son cerveau embrouillé qu’il avait fait une erreur. La France rachète donc pour le double de sa valeur ce département, dont la turbine Arabelle ou peut-être seulement la turbine Arabelle, à GE pour le double du montant de la vente, soit 1,5 milliards d’euros. Quid des brevets, quid des autres activités d’Alstom qui restent la propriété de GE ? C’est l’inconnu, le flou, le « en même temps ». Toujours est-il que cette affaire revêt une couleur électoraliste évidente. La nouvelle taxonomie incluant l’énergie nucléaire dans les énergies renouvelables va peut-être permettre d’attirer des capitaux pour la mise en place du plan délirant de 8 nouveaux EPRs supposés remplacer les réacteurs vieillissants, selon les décideurs politiques, de la gamme 900 MW alors qu’ils pourraient être encore exploités pendant au moins 30 ans. Et pendant ce temps-là, tels sœur Anne du haut de la falaise de Flamanville, on ne voit toujours rien venir du côté de l’unique EPR français. Encore une fois la France devra faire appel à la Chine pour son vaste programme de construction de nouveaux EPRs. L’autocrate Macron ne sait pas de quoi il parle, il ne sait également pas s’entourer de conseillers respectables, on l’a vu avec cette poignée de pseudo-médecins tous corrompus qu’il a réuni pour emmerder les Français au sujet du coronavirus.
Dans sa fameuse (et unique) comédie « Les Plaideurs » Jean Racine met en scène le portier Petit-Jean du juge Dandin, dans la célèbre première scène de l’acte premier de l’oeuvre. J’ai appris cette scène qu’il fallait réciter de mémoire lorsque j’étais au collège ou plutôt à l’école primaire. Il y figure ce célèbre vers « Qui veut voyager loin ménage sa monture ». Vous pouvez retrouver ce texte ici : https://www.atramenta.net/lire/oeuvre392-chapitre-3.html . Le but de ce billet n’est pas de faire un commentaire de ce texte plein de sagesse paysanne. J’en citerai cependant un autre passage qui est tout à fait approprié à l’objet de mon billet : « Sur l’avenir bien fou qui se fiera, tel qui rit vendredi, dimanche pleurera ». En effet la grande escroquerie de l’IPCC qui fait l’objet du grand raout de Glasgow, ville industrielle dont je ne me souviens que de l’immense distillerie Johnny Walker, est de prédire l’avenir à l’aide de modèles informatiques tous aussi faux les uns que les autres. Et le premier adage cité plus haut semble avoir été ignoré par la Commission européenne dans ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’autre escroquerie de l’IPCC à laquelle l’ensemble du monde occidental a fini par croire à grands renforts de propagande répétitive depuis des dizaines d’années.
En effet, réaliser d’ici 2030 une réduction de 55 % des émissions de ces supposés gaz à effet de serre en Europe va tuer l’Europe, car « qui veut voyager loin ménage sa monture ». En d’autres termes toute politique énergétique demande du temps, beaucoup de temps. Le tableau ci-dessous figurant dans le document écrit par Philippe Herlin dont j’ai fait mention dans mon précédent billet explique clairement les conséquences que pourrait endurer la France si les désirs de la Commission européenne étaient appliqués à la lettre. La planification du secteur énergétique doit être faite sur le long terme. Neuf années c’est ridiculement court et les conséquences des décisions de la Commission européenne sont extrêmement préoccupantes, je dirai même suicidaires.
Ce tableau ne concerne que la France dont la production d’électricité est déjà « verte » à plus de 80 %. Le rectangle vert en haut et à droite de cette illustration est bien vert mais il comprend en grande partie les petites unités de production d’électricité utilisant du gaz comme combustible qui sont d’une souplesse suffisante pour pallier aux aléas de la production électrique des éoliennes et aussi quelques unités de production d’électricité utilisant du charbon. Que voit-on par ailleurs ? Les deux postes qui excitent les écologistes au plus haut point sont les transports et le résidentiel. On ne va tout de même pas réduire les émissions de GES du secteur agricole à moins de choisir soit d’affamer la population soit d’être condamné à importer ce que l’on peut produire sur le sol national. Dans le secteur des transports supprimer les poids lourds et les véhicules utilitaires légers paralyserait l’économie. Il reste donc les véhicules particuliers et le secteur résidentiel, c’est-à-dire le chauffage, l’éclairage et la consommation d’électricité que nécessite le confort normal d’un logement. Sur les 445 millions de tonnes d’équivalents CO2 il faut trouver un stratagème satisfaisant les injonctions de la Commission européenne et 55 % de ce montant c’est 244 MtCO2. En convertissant la totalité des véhicules particuliers en voitures électriques on est loin, très loin, du compte : 72 pour 244. De toutes les façons il n’y aura jamais assez le lithium pour convertir tous les véhicules particuliers à l’électricité.
Il apparaît donc clairement que le schéma de la Commission est inapplicable à moins d’obliger tous les Français, y compris les politiciens, à réduire d’une manière insupportable leur train de vie, en particulier ne plus manger de viande, l’élevage occupant une part importante dans ce bilan, et reboiser avec des milliards d’arbres toutes les prairies de la douce France puisque les forêts sont des pièges à gaz à effet de serre. « Ne mangez plus de viande ! ». J’imagine l’effet qu’un tel ordre émanant du gouvernement aurait sur la population …
Inutile de continuer à défendre les lubies de Madame Van der Leyen, ce ne sont que des lubies.
Pour terminer ce billet la seule source d’énergie non carbonée capable de réduire les émissions de GES est le nucléaire. Le Président Macron a eu une idée de génie opportuniste : développer le plus vite possible les petits réacteurs nucléaires modulaires (SMR) pouvant être produit en série. Il faudra au moins dix ans pour que ce qui reste de l’industrie nucléaire française encore capable de construire une centrale nucléaire se reconvertisse à cette technologie qui n’est pas miniaturisée comme on aurait tendance à le croire. Raisonnablement on peut espérer que dans 20 ans la France pourra devenir un acteur d’une importance tout relative dans le domaine nucléaire. Les SMR sont à l’heure actuelle en balbutiement. La Chine apparaît comme le leader dans ce domaine avec les deux SMRs haute température refroidis à l’hélium de 210 MW électriques unitaires et la Russie avec l’usine flottante comprenant deux réacteurs de 50 MW électriques alimentant une petite ville du nord-est de la Sibérie. Une multitude d’autres projets occupent les ingénieurs américains, russes, coréens, chinois et anglais. Tout en voulant vanter l’avenir de l’industrie nucléaire française dans le domaine des petits réacteurs nucléaires modulaires le Président Macron a ordonné la fermeture des deux réacteurs de la centrale électrique de Fessenheim qui représentent 6 SMRs de 300 MW de puissance électrique alors que cette usine pouvait encore fonctionner pendant au moins 30 ans. En conclusion la France ne pourra pas respecter les engagements de la Commission européenne à moins de tuer au sens littéral du terme le pays tout entier. Réchauffement du climat ou pas il faudra bien que les décideurs politiques retrouvent la raison, mais je dois déborder d’optimisme.
Note. Le premier SMR (eau pressurisée) construit par la Chine ( Shanghai Nuclear Engineering Research and Design Institute (SNERDI)) d’une puissance électrique nominale de 300 MW a été opérationnel en 1991. Il s’agit de la série CNP-300 dont plusieurs unités ont été construites au Pakistan, la dernière d’entre elles ayant été connectée au réseau électrique en 2017, sa construction ayant débuté en 2011. La Chine construit aujourd’hui des SMRs haute température dans le but de produire de l’hydrogène à un prix abordable à l’avenir. La Chine a en effet pour ambition de produire des véhicules automobiles munis de piles à hydrogène car il lui paraît évident que la pénurie annoncée de lithium ne permettra pas de répandre les voitures électriques « made in PRC » très longtemps. La Russie, de son côté, a construit un SMR à neutrons rapides refroidi avec du plomb liquide d’une puissance également de 300 MW électriques, le réacteur BREST. Pour la catastrophe annoncée des investissements ESG je conseille à mes lecteurs de voir cette interview :
Alors que le gouvernement français pousse EDF à persévérer dans le projet Hinkley Point C en Grande-Bretagne, la mise en chantier d’un nouvel EPR avec on ne sait pas trop quel financement, ce qui a d’ailleurs conduit le Directeur financier d’EDF à proprement claquer la porte, cette monstruosité technologique et financière se trouve laminée par la technologie des réacteurs dits SMR selon la terminologie de l’IAEA, l’agence internationale de l’énergie atomique. Le SMR – acronyme de Small Modular Reactor – est une technologie en kit, fabriquée en série pour atteindre un coût le plus bas possible, et dont la mise en oeuvre ne dépasse pas 3 à 5 ans. Depuis 2011 le Département de l’Énergie américain a fait le choix de privilégier cette technologie au détriment des grands projets de puissance électrique supérieure à 1000 MW électriques. À la suite d’un appel d’offre gouvernemental, des compagnies comme Westinghouse, Holtec, NuScale ou encore General Atomics ont présenté leurs projets. L’affaire a suivi son cours jusqu’à récemment lorsque la TVA, Tennessee Valley Authority, une compagnie d’électricité appartenant à l’Etat fédéral américain, a déposé un projet de SMR qui a été approuvé par la NRC et qui sera développé sur le site d’Oakridge avec l’appui technologique de la société Babcok & Wilcox.
Parallèlement, la Grande-Bretagne soutient financièrement le développement de SMRs sur son territoire alors que celui d’Hinkley Point est toujours pendant. On se trouve donc dans une situation où s’opposent les tenants du gigantisme et ceux des petits réacteurs modulaires de 300 MW beaucoup mieux adaptés aux réseaux de transport et de distribution existants. Pour résumer la situation actuelle dans le monde, les SMRs ont le vent en poupe : 11 SMRs sont en cours de construction en Chine, Corée du Sud, Russie et USA et 13 autres en sont encore au stade d’études d’ingénierie au Japon, en Russie, aux USA, en Inde, au Canada et au Pakistan. Mise à part la technologie chinoise, deux configurations sensiblement identiques sont développées aux USA par Babcock & Wilcox, d’une part, et par Westinghouse d’autre part. Quant à la Chine, CNNC propose une gamme de puissances électriques allant de 100 à 350 MW dans une configuration proche de celles choisies aux USA.
L’intérêt du SMR est sa structure modulaire, fabriquée en usine puis transportée sur site. Economiquement et à l’évidence, lorsque de grandes séries seront projetées le coût global de telles unités de production électrique pourra atteindre un milliard de dollars par 300 MW électriques prévues pour durer 60 ans avec un rechargement de combustible tous les deux ans et des systèmes de sécurité dits passifs c’est-à-dire ne nécessitant pas de redondance particulièrement coûteuse comme dans le cas de l’EPR. Il serait peut-être urgent qu’EDF revoie sa copie au sujet d’Hinkley Point C quand la tendance pour les nouveaux projets d’énergie nucléaire s’oriente à l’évidence vers les petites unités. Source : World Nuclear Association http://www.world-nuclear.org/information-library/nuclear-fuel-cycle/nuclear-power-reactors/small-nuclear-power-reactors.aspx