De quoi se nourrissaient les hommes de Neandertal …

Homo_neanderthalensis_adult_male_-_head_model_-_Smithsonian_Museum_of_Natural_History_-_2012-05-17.jpg

C’est dans la Grotte des Fées, près de Châtelperron dans l’Allier que fut découverte la civilisation dite « châtelperronienne » qui remonte à environ 40000 ans avant l’ère présente et qui est classée dans le paléolithique supérieur c’est-à-dire à peu près quand l’homme moderne envahit l’Europe et ce qui est aujourd’hui le territoire français. Le même type d’artéfacts, des pierres taillées et des ornements personnels, fut retrouvé également dans la Grotte du Renne à Arcy-sur-Cure dans l’Yonne. Les archéologues considérèrent que ces grottes avaient été occupées par l’homme de Néandertal bien avant l’arrivée de l’homme moderne et qu’il fut chassé par ce dernier mais la controverse ne put pas être clairement levée. Une étude récente réalisée dans le cadre d’une collaboration entre plusieurs universités européennes s’est intéressée plus particulièrement à des restes osseux et des dents retrouvés dans la grotte du Renne dans des couches archéologiques où ont été également retrouvés les mêmes types d’artéfacts que dans la grotte des Fées. Le but de cette étude était de préciser la chronologie de l’interaction entre les hommes de Néandertal et l’homme moderne. Près de 200 fragments d’os ont été datés et analysés et parmi ceux-ci 28 ont été formellement identifiés d’origine humaine mais pour préciser l’origine de ces fragments d’os – Néandertal ou homme moderne – il fallut procéder à l’extraction du collagène des os car l’état de conservation de l’ADN ne permit pas d’établir une quelconque certitude quant à l’origine de ces os.

Il fut donc fait appel à une analyse très fine des résidus de collagène osseux en tenant compte des processus de dégradation avec le temps des acides aminés constitutifs de cette protéine particulière. Le résultat le plus significatif concerne des fragments d’os crâniens d’un enfant d’environ un an selon l’état de maturité de ces os et probablement non sevré datant de 42000 ans avant l’ère présente, contenant des fragments de collagène dont le séquençage a permis d’établir sans ambiguïté qu’il s’agit bien d’un homme de Néandertal parmi les derniers représentants de cet homme ancien qui disparut rapidement par la suite.

Capture d’écran 2016-10-14 à 12.26.44.png

Le plus intéressant (à mon goût) dans cet article est l’étude isotopique de ces protéines qui a permis de préciser les habitudes alimentaires des hommes de Néandertal. Il s’agit de mesurer les compositions isotopiques du carbone et de l’azote des échantillons. La teneur en carbone-13 est généralement très faible dans les plantes en dehors des plantes dites C4 telles que le maïs ou le sorgho. Or il n’existait pas de telles plantes à l’époque dans l’Yonne d’aujourd’hui. Le seul renseignement que peut fournir une telle étude conduit à savoir si ces hommes de Néandertal consommaient des poissons ou des fruits de mer. Il fut donc procédé à une analyse des isotopes de l’azote qui ont la particularité de s’enrichir en isotope N-15 tout au long de la chaine alimentaire de l’ordre de 3 à 5 parties pour mille. Les Néandertaliens se sont révélés par cette technique d’étude être des carnivores qui mangeaient peu de poissons de rivière. Pour les fragments d’os de l’enfant qui ont été analysés la situation a été un peu compliquée car l’enfant était probablement encore nourri au sein, un régime alimentaire qui a encore plus enrichi les fragments de collagène osseux en azote-15. Les hommes de Néandertal se nourrissaient donc du produit de leur chasse, des rennes herbivores ou des carnassiers comme des canidés, probablement des loups. Ces homme primitifs étaient capables de confectionner des outils pour chasser à l’aide d’ossements munis de pierres taillées tranchantes qui ont été retrouvées dans ces grottes. Mais il ne faut pas oublier qu’ils confectionnaient également des bijoux d’ornement et vivaient en petits groupes organisés. Avaient-ils développé un langage, nul ne le sait mais c’est vraisemblable. En conclusion de cette étude les occupants de la Grotte du Renne étaient bien des Néandertaliens mangeurs de viande qui furent délogés par la suite par l’homme moderne …

Source et illustration : PNAS, doi : 10.1073/pnas.1605834113 et aussi reconstitution de la tête d’un homme de Néandertal (Wikipedia)

Il faut adapter le régime alimentaire avec l’âge …

Capture d’écran 2016-07-17 à 13.16.53.png

Selon le Docteur Caroline Apovian, Professeur de médecine pédiatrique à l’Université de Boston, notre masse musculaire décline après 30 ans de 1 % par an. C’est inexorable et le métabolisme général diminue parallèlement. Cette diminution est plus marquée chez les femmes qui produisent très peu de testostérone, une hormone dont l’un des rôles est d’être un anabolisant favorisant une certaine stabilité de la masse musculaire chez les hommes. Par voie de conséquence il faut plus d’efforts physiques aux femmes pour éviter que leur organisme, compte tenu de cette diminution du métabolisme basal, n’accumule pas de graisses inutiles. Comme si ça ne suffisait pas la production par l’hypophyse d’hormone de croissance diminue également après la trentaine.

Après 40 ans la situation est loin de se stabiliser. C’est l’âge durant lequel on prend conscience d’une dégradation évidente de la silhouette mais aussi de la souplesse de la peau et également de la masse musculaire. Tous les efforts pour perdre par exemple du poids doivent être constants car tout relâchement dans la discipline que l’on s’impose aboutit à une rapide reprise de poids, l’organisme traversant en effet une période d’adaptation critique, en particulier et encore une fois, chez les femmes à l’approche de la ménopause. Statistiquement le début de la ménopause se situe aux alentours de 51 ans et le processus peut durer entre deux et dix ans, selon des études réalisées à la Mao Clinic. La cinquantaine est donc critique chez les femmes. Non seulement la masse musculaire a tendance à diminuer mais la solidité du squelette également, ce qui n’est pas le cas chez les hommes car ils vivent une transition hormonale beaucoup plus progressive.

Selon le Docteur Apovian, il est critique de surveiller la balance alimentaire lors des quarantaine et cinquantaine en s’efforçant de diminuer les rations riches en sucre tout en enrichissant le régime alimentaire avec des produits carnés et du poisson. Cette spécialiste recommande aussi de moins manger et de manger seulement à heures fixes sans oublier les exercices physiques réguliers. Encore une fois le corps médical n’a rien inventé mais s’efforce de rappeler quelque sagesse pour préserver sa santé …

Source : dailyburn.com

Les orques : de fins dégustateurs ?

1024px-Killerwhales_jumping.jpg

C’est en utilisant des chiens « renifleurs » que des biologistes sont arrivés à retrouver les excréments des orques flottant à la surface des eaux baignant l’archipel des îles San Juan situées dans le Détroit de Juan de Fuca tout près de Vancouver.

Pourquoi s’intéresser aux fientes des orques, tout simplement pour savoir de quoi ces mammifères marins, familiers des touristes qui fréquentent les parcs d’attraction marins, avec leur drôle de peau noire et blanche, se nourrissent en pleine mer. Certes l’étude parue dans le journal scientifique PlosOne et réalisée dans cet endroit particulier n’est pas représentative des habitudes alimentaires des orques du monde entier ( DOI : 10.1371/journal.pone.0144956 ) mais elle a le mérite de détailler si l’on peut dire ce que préfère l’orque au cours des saisons.

Capture d’écran 2016-01-27 à 14.17.27.png

Dans le nord-est de l’Océan Pacifique coexistent deux populations d’orques, ceux qui se nourrissent de mammifères marins, otaries et autres marsouins, et ceux qui se nourrissent de poissons. On ne sait pas trop s’ils arrivent à se rencontrer et à se lier d’amitié. Les mangeurs de poissons résident plus au sud que ceux qui préfèrent les phoques, surtout les bébés phoques, ce qui ferait bondir d’horreur BB (Brigitte Bardot). Jusqu’à ce que cette récente étude le précise on ne savait pas trop de quoi se nourrissaient ces orques « résidents » car ils restent dans les parages de cet archipel très recherché par les pêcheurs de saumon, très probablement de ce poisson, mais encore fallait-il le prouver.

Capture d’écran 2016-01-27 à 16.57.38.png

En collectant les excréments des orques il a fallu réaliser une analyse détaillée des fragments d’acide ribonucléique encore présents afin d’identifier la composition du menu de ces cétacés plutôt voraces. À l’issue de ces travaux il est apparu que les orques évoluant dans cette région se nourrissent exclusivement de saumons avec une très nette prédilection pour le saumon Chinook (Oncorhynchus tshawytscha) qui n’est pourtant pas l’espèce la plus abondante. L’analyse des acides nucléiques a aussi permis de préciser une petite variation du menu des orques au cours de l’été. Les orques ne dédaignent pas les saumons coho (O. kisutsh) en fin d’été lorsque ceux-ci s’apprêtent à remonter les rivières pour frayer. Au milieu de l’été l’espèce la plus abondante est le saumon sockeye dit aussi saumon rouge (O. nerka) qui ne se trouve que dans l’Océan Pacifique Nord-Est. Malgré la surabondance du sockeye les orques préfèrent néanmoins et toujours le chinook. Seraient-ils de fines fourchettes ?

Note : Le saumon coho est considéré comme le nec plus ultra des saumons. Pourtant les orques semblent partager l’avis des consommateurs de saumon que nous sommes puisque le saumon élevé en captivité (2,5 millions de tonnes chaque année) dans les fermes marines est essentiellement du saumon chinook !

Source : PlosOne, illustrations PlosOne et Wikipedia.

Chinook_Salmon_Adult_Male.jpg

Sockeye_adult_male.jpg

Oncorhynchus_keta.jpg

Et dans l’ordre le chinook, le sockeye et le coho. Il faut être un pêcheur professionnel pour les différencier …

Régime alimentaire et cancer du colon : enfin des preuves irréfutables !

940px-Colon_and_rectum_cancers_world_map_-_Death_-_WHO2004.svg

Dans les pays occidentaux, le cancer du colon détient le triste palmarès d’avoir la médaille d’argent en termes de décès. Cent cinquante mille Américains, 250000 Européens et approximativement un million de personnes dans le monde décèdent de cancer du colon chaque année. Les coloscopies de dépistage ont très légèrement réduit la mortalité mais il se trouve que dans la communauté afro-américaine (c’est ainsi qu’on appelle les « Blacks » aux USA, ceux-là même qui servent de cible à la police) l’incidence de cancers du colon est la plus élevée avec 65 cas pour cent mille personnes de cette même communauté. Certes les Afro-Américains n’ont pas émigré d’Afrique récemment mais on a remarqué par exemple que les Japonais ayant immigré à Hawaii ont acquis en une génération cette même exposition au cancer du colon que les Américains blancs ou les Hawaiiens de souche vivant à Hawaii. Pourquoi se focaliser particulièrement sur les Afro-Américains pour tenter de trouver une explication à l’apparition de cancers du colon, tout simplement parce que de manière frappante les Sud-Africains ruraux sont exceptionnellement peu atteints par ce type de cancer (moins de 5 pour cent mille) et qu’il parut intéressant à une équipe pluri-universitaire dirigée par le Docteur Stephen O’Keefe de l’Université de Pittsburg de comparer les régimes alimentaires de ces Africains avec celui des Afro-Américains.

Le régime alimentaire est fortement suspecté de favoriser l’apparition du cancer du colon et l’hypothèse de travail de l’étude publiée dans Nature Communication (voir le lien) fut d’étudier l’évolution de la flore bactérienne ainsi que l’apparition (ou la disparition) de certains métabolites liés à cette flore dans les selles et l’urine chez un groupe d’une vingtaine d’Afro-Américains d’ages compris entre 50 et 65 ans à qui on demanda de se nourrir pendant une quinzaine de jours exclusivement avec une nourriture typique des villages ruraux d’Afrique du Sud et vice-versa dans un village de ce pays.

L’ordinaire de style sud-africain comprenait des beignets de farine de maïs, des croquettes de saumon, des épinards, des poivrons rouges et des oignons pour le petit-déjeuner. Le déjeuner comportait des boulettes végétariennes à base de farine de maïs et de patate douce accompagnées de tranches de mangue, de gombo (voir note) cuit dans du beurre salé et de tomates. Et le repas du soir se composait de galettes de maïs, de niébé (voir note), de tranches d’ananas et de thé noir comme boisson. Les malheureux Sud-Africains durent se contenter de malbouffe typiquement nord-américaine riche en graisses et en sucres et pauvre en fibres : saucisses de bœuf 100 % industrielles et pancakes pour le petit déjeuner, hamburger-frites pour le déjeuner et boulettes de viande et riz pour le dîner !

Les résultats des analyses furent spectaculaires. La flore intestinale fut en quelques jours bouleversée favorablement chez les Noirs américains avec la disparition de métabolites suspectés favoriser l’apparition de polypes au niveau du colon, une diminution du taux de renouvellement des cellules épithéliales intestinales ainsi qu’une réduction de l’inflammation de cet épithélium. Pour ne mentionner que l’acide butyrique, un métabolite simple associé à une réduction de la prolifération des cellules épithéliales, la production de cet acide fut multiplié par 2,5 avec le régime sud-africain chez les Afro-Américains et réduite de moitié en seulement 15 jours chez les Sud-Africains soumis au régime nord-américain. Il s’agit d’une conséquence de l’abondance de fibres dans le régime alimentaire favorisant le développement de bactéries productrices d’acide butyrique. Un autre métabolite augmentant dans les selles chez les Sud-Africains soumis au régime nord-américain typique est la choline qui est connue pour être transformée par les bactéries en triméthylamine et métabolisée dans le foie en triméthylamine-N-oxide (TMAO) un composé puissamment athérogénique, en d’autres termes augmentant les risques cardiovasculaires. Mais le TMAO peut aussi provenir de la dégradation bactérienne de la lécithine et de la carnitine, deux additifs alimentaires communément retrouvés dans les préparations alimentaires industrielles et pour la carnitine également ajoutée dans les boissons énergétiques. Autant dire que tous les éléments sont réunis pour se préparer de bons gros problèmes d’artères outre les effets sur le colon car la TMAO affecte également le métabolisme du cholestérol au niveau de l’épithélium intestinal et perturbe celui-ci au niveau des artères.

Enfin, soumis à un régime riche de type nord-américain, il a été noté chez les Sud-Africains étudiés une forte augmentation dans les selles des sels biliaires secondaires. Les sels biliaires sont sécrétés par le foie et leur action détergente favorise la digestion. Ces sels, conjugués des acides cholique ou désoxycholique, sont pris en charge par les bactéries intestinales, en particulier au niveau du colon, et sont déconjugués par ces dernières pour libérer les acides libres dont il est maintenant reconnu qu’ils favorisent des inflammations chroniques et le développement du cancer du colon. Or dans cette étude, l’ « occidentalisation » du régime alimentaire multiplia par 4 en quelques jours la présence d’une activité enzymatique clé impliquée dans la libération de ces sels biliaires secondaires alors que cette même activité fut réduite en quelques jours de plus des deux tiers chez les Afro-Américains de l’étude.

Inutile d’insister plus encore à moins d’entrer dans la complexité de cette étude, mais dans les grandes lignes, la malbouffe de type occidental et plus particulièrement la malbouffe riche en graisses et en sucres est à l’évidence, en grande partie, à l’origine des cancers du colon mais il s’agit de la conséquence d’une profonde altération de la flore intestinale avec des conséquences d’autant plus importantes que cette malbouffe nous prive des défenses naturelles (l’acide butyrique en particulier) nous protégeant contre ce cancer du colon. La malbouffe industrielle qui a envahi nos assiettes dans les pays occidentaux et dans de plus en plus d’autres régions du monde a donc été montrée par cette expérimentation originale mais riche en enseignements être l’une des principales causes de la dégradation de notre santé intestinale et artérielle en général.

Bon appétit mon colon !

Notes. Gombo ou okra (Abelmoschus esculentus), plante de la famille des hibiscus très largement cultivée pour ses fruits d’une quinzaine de centimètres de long riches en graines consommés encore verts frits dans de l’huile de coprah ou du beurre et bien d’autres préparations culinaires. Le goût de ce fruit rappelle celui de l’aubergine. Le niébé (Vigna unguiculata) est un haricot blanc très populaire dans de nombreux pays tropicaux, sub-tropicaux et semi-arides à haute valeur nutritive en protéines, carbohydrates, sels minéraux et vitamines.

Lien en accès libre pour les curieux, illustration Wikipedia, de jaune à rouge incidence des cancers du colon dans le monde de moins de 2,5 à plus de 27,5 cas pour 100000 habitants.

http://www.nature.com/articles/ncomms7342.epdf?referrer_access_token=_6Z6iqyluuC9EDGYIQC6BdRgN0jAjWel9jnR3ZoTv0PGvowOInK6Lou9N9ZRCqlh5AW4X3SFrORbxSsdASfqfn-lQS0UOA1o1kL9tAV-AWQ37JUhFf62zaLpU0VqpvC_kXUUl_8FvregfTOh5wSpDI7atonn6oyqaHqxkbsHLas%3D&tracking_referrer=www.bbc.com