Une méduse dégénérée devient un parasite du saumon : étrange !

Fdl17-9-grey.jpg

Il y a quelques jours je relatais une étude de cas clinique assez terrifiante, l’envahissement du corps d’un homme par des tumeurs générées par des cellules de ténia. Cette fois-ci il ne s’agit ni de ténia ni d’un être humain mais d’un parasite qui décime les fermes marines de salmonidés. Les saumons et les truites arc-en-ciel parasités deviennent fous et tournent en rond indéfiniment, ne se nourrissent plus et meurent. Leur cerveau a été parasité par une créature microscopique qu’on appelle un myxozoaire. Ce parasite obligatoire passe le plus clair de sa vie sous forme d’un amas de quelques cellules. Les poissons se contaminent en ingérant un ver annelé qui sert de véhicule aux entités infectieuses appelées actinospores :

Capture d’écran 2015-11-17 à 11.16.15.png

Jusqu’à une étude parue dans les PNAS par une équipe plurinationale de biologistes (en accès libre, voir le lien) on ne savait pas trop comment classer ce parasite dont l’ADN est l’un des plus petits pour un organisme vivant. Ce qui intriguait les zoologistes était la faculté qu’avait cette étrange créature à former une sorte de tentacule pour pouvoir s’accrocher à l’hôte et s’y incorporer car elle ne peut vivre à l’état libre, le Myxobolus cerebralis étant un parasite obligatoire (photo) constitué de seulement 4 à 6 cellules. Les tentatives de classification n’étaient pas concluantes et la seule manière d’élucider la nature de cette étrange créature a donc été le séquençage de son ADN.

Il s’est avéré que ce parasite est un proche cousin des anémones de mer, des méduses et des coraux. Et quand on dit proche, c’est un abus de langage car le myxobolus par exemple a perdu une très grande quantité de gènes par rapport à ceux d’une méduse et ne peut plus s’organiser en une structure multi-cellulaire complexe. Seule cette capsule présente sur les cellules du parasite et se transformant en un dard comme ceux des anémones de mer est un vestige de parenté avec les méduses et les coraux faisant également partie de la famille des cnidaires. On se trouve donc en présence d’un parasite qui est une forme dégénérée d’une méduse (ou d’une anémone de mer) avec plus de 75 % des gènes qui ont disparu. Des gènes commandant par exemple les interactions entre cellules et la différenciation cellulaire qui sont universels dans le règne animal ont disparu, les gènes Hox, présents aussi chez l’homme …

Le plus proche parent de ce parasite est un cnidaire appelé Polypodium hydriforme vivant en eau douce et parasitant les ovaires des esturgeons mais le lien de parenté s’arrête là car entre ces deux « cousins » génétiquement apparentés les différence sont de taille. Moins d’un tiers des gènes du polypodium se retrouvent dans le myxobolus ce qui rend ce dernier un parasite endocellulaire obligatoire avec les conséquences indésirables sur le système nerveux des salmonidés et également les dégâts économiques des éleveurs de poissons. Les êtres vivants d’adaptent pour engendrer des êtres étranges  !

Source : PNAS : www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.1511468112

https://jacqueshenry.wordpress.com/2015/11/06/une-etude-de-cas-clinique-terrifiante/

Les poissons d’élevage ? Oui, en fermant les yeux !

Capture d’écran 2014-06-05 à 22.35.09

Lorsque j’étais en post-doc au Salk Institute, le patron m’avait désigné un technicien, un grand blond bronzé qui s’intéressait à ce que je lui demandais de faire dans le laboratoire un peu comme moi de mes premières paires de chaussettes. Comme je constatais qu’il ne montrait absolument aucun intérêt à ce qui se passait dans le laboratoire, je finis par me résigner à lui demander ce qu’il pouvait faire de ses journées en dehors des quelques quatre ou cinq heures, au mieux les meilleurs jours, de présence dans le laboratoire. Il me répondit qu’il était très occupé par sa ferme. Une ferme ! Que mes lecteurs oublient immédiatement l’idée que je puisse affabuler, ce ce que je relate est la stricte vérité. Mon technicien, qui ne travailla jamais vraiment au cours des trois mois de son bref séjour dans le laboratoire, possédait une ferme marine qu’il louait à l’Etat de Californie dans la baie de La Jolla, au nord de San Diego. Excellent sportif, il plongeait en apnée pour équiper les 10 acres de fond marin en piquets sur lesquels il accrochait des petits paniers métalliques contenant des petits ormeaux. Il avait passé des mois sinon des années pour aménager cette ferme avec des milliers de pieux qu’il avait planté dans les sédiments de la baie par quinze mètres de fond et des paniers qu’il avait confectionné lui-même avec du fil de fer et il commençait à récolter les premiers bénéfices de son travail. Un panier rempli d’une vingtaine de ces coquillages que l’on appelle abalones en Californie, ormeaux en Bretagne, lui permettait à l’époque de s’assurer un revenu presque quotidien frisant les 100 dollars de l’époque. Autant dire qu’il était bien plus riche que moi et que son travail de technicien de laboratoire de biologie ne l’intéressait nullement.

Cela se passait il y a plus de 35 ans et aujourd’hui les fermes marines se sont tellement développé de par le monde que le tonnage, toutes espèces confondues, provenant de l’aquaculture en eau douce et en mer a dépassé celui de l’élevage bovin et est en passe de surpasser l’ensemble des élevages d’animaux de la ferme en atteignant déjà en 2012 la bagatelle de 95 millions de tonnes, 25 % de plus de la moitié de tous les poissons sauvages pêchés dans les océans. Parallèlement les prises de poissons déclinent depuis environ cinq ans non pas en raison d’un supposé changement climatique mais tout simplement parce que la pêche intensive diminue mécaniquement si l’on peut dire les prises, un phénomène particulièrement évident avec le thon ou la morue.

Il est donc évident que les fermes marines et en eau douce ont un bel avenir devant elles puisqu’on estime que la demande en poissons continuera à augmenter dans les prochaines années d’environ 2 % par an. En d’autres termes, dans les années à venir, l’augmentation de la consommation de poissons proviendra exclusivement des fermes marines et également en eau douce. Par exemple l’élevage des tilapia, un poisson commun dans le Nil, atteint déjà 5 millions de tonnes rien qu’en Chine.

Capture d’écran 2014-06-05 à 21.18.06

Pratiquement toutes les crevettes consommées de par le monde proviennent d’élevages intensifs situés aux Philippines, en Thaïlande, et à un moindre degré au Texas ou en Floride. Le saumon sauvage est réservé aux élites qui peuvent se permettre de payer pour cette rareté des prix extravagants. La presque totalité du saumon provient d’élevages intensifs répartis dans tous les pays où l’eau de mer est froide, depuis l’Alaska, la Colombie Britannique jusqu’à l’Orégon, l’île d’Hokkaido au Japon, l’Ecosse, la Norvège ou encore l’Islande et la Patagonie, un gigantesque business dont il vaut mieux ignorer les détails. La Chine produit plus de 40 millions de tonnes de carpes chaque années dans des conditions sanitaires qu’il est préférable également de ne pas mentionner. La Chine est le premier producteur de poissons d’élevage du monde et la grande majorité de ces derniers est vendue vivante sur les marchés, faut-il le rappeler.

Capture d’écran 2014-06-05 à 21.38.06

L’une des dernières espèces de poissons candidate prometteuse des fermes marines est le cobia, un cousin du saumon (Rachycentron canadum) dont l’élevage est tellement prometteur que la plus grande ferme marine au monde vient d’être mise en place au large des côtes du Panama côté Pacifique. D’ors et déjà cette exploitation produit environ 1500 tonnes de ce poisson à la chair recherchée par les plus grands restaurants. Le problème est l’exploitation de telles fermes éloignées des côtes car elle nécessite une logistique appropriée et de la nourriture et c’est sur ce dernier point que réside tout le problème de l’aquaculture marine. S’il faut continuer à décimer les océans pour nourrir des poissons d’élevage le jeu en vaut-il la chandelle comme on dit ? Des recherches pourraient mettre un terme à ce massacre aveugle comme des plantes transgéniques riches en acides gras oméga-3 pour produire des tourteaux susceptibles d’être des matières premières pour les élevages de poissons marins ( https://jacqueshenry.wordpress.com/2014/01/25/ogm-et-poissons-delevage/ ) afin de stabiliser cette pêche sans discernement qui décime les plateaux continentaux intensément chalutés à cette unique fin. Il n’en reste pas moins que pour produire un kilo de poisson d’élevage il faut en moyenne 1 kilo de nourriture, c’est presque magique, alors qu’il faut 2 kilos pour produire la même quantité de viande de poulet, 3 kilos pour produire 1 kilo de viande de porc et environ 7 kilos de nourriture pour produire un kilo de viande de bœuf. Pour l’élevage du saumon les recherches récentes ont permis de réduire significativement l’apport de nourriture provenant de la pêche en mer. Un saumon aujourd’hui dans votre supermarché préféré a été nourri avec une mixture à plus de 90 % d’origine végétale, le reste étant d’origine marine avec quelques additifs comme des carotènes d’origine naturelle, il ne faudrait pas tout de même que la chair du saumon soit blanche comme celle de la morue, et quelques antibiotiques, fongicides et autres produits permettant de combattre les parasites qui affectionnent tout particulièrement le saumon surtout quand il se trouve dans un espace confiné. Pour ce qui est de la qualité sanitaire de la moindre crevette congelée de provenance inconnue il vaut mieux ne pas être trop regardant. Bref, à moins de désertifier l’ensemble des océans, il faut se résigner à manger des poissons, des crustacés et autres crevettes, les homards sont devenus un souvenir, en fermant les yeux et en ne se posant surtout pas trop de questions. Et c’est pourtant l’avenir car nous n’avons pas le choix …

Source : National Geographic, illustrations NG et Wikipedia

Organique (« bio ») ou conventionnel ?

 

Capture d’écran 2014-04-14 à 09.20.19

Les produits dits organiques coûtent en général beaucoup plus cher que leurs équivalents conventionnels mais la dépense supplémentaire est-elle vraiment justifiée ? Je sais que certains de mes lecteurs ne vont pas aimer mes arguments, pourtant il n’y a aucune différence entre organique et conventionnel ! Si la différence de prix est évidente, il est difficile de faire la différence dans la qualité en termes de contamination ou de valeur nutritionnelle. Le lait organique, la viande ou la laitue organiques sont-ils meilleurs ? Pas vraiment … Les laitues organiques peuvent être contaminées avec des E.coli comme leurs contreparties conventionnelles, les œufs, dans les deux cas peuvent aussi contenir des salmonelles et des hormones peuvent se retrouver dans le lait. Examinons donc 5 catégories de produits, le lait, les légumes, la viande, les œufs et le poisson. La principale différence que l’on pourrait attendre entre les deux sortes de lait est la teneur en acides gras omega-3. Le lait organique est légèrement plus riche en ces acides gras en raison du régime alimentaire des vaches mais la différence est tellement minime que payer un litre de lait trois fois plus cher n’est pas justifié. Pour information il y a autant d’omega-3 dans 100 grammes de saumon que dans 5 litres de lait, organique ou pas. Quant aux antibiotiques et aux hormones, parlons-en tout de même malgré le fait que l’usage des hormones est interdit dans la plupart des pays d’Europe mais pas les antibiotiques, l’étude ayant été réalisée aux USA. Chaque camion de lait est contrôlé et si des antibiotiques son décelés le chargement est détruit. Aux USA environ un chargement sur 6000 subit ce triste sort. L’usage des antibiotiques en cas de maladie entraine une carence légale durant laquelle le lait est détruit. Pour les hormones, la majorité du cheptel bovin américain est traité avec des injections d’hormone de croissance bovine produite par génie génétique. Il s’agit d’une protéine qui, si elle se retrouve dans le lait, est digérée comme toutes les autres protéines, son activité est détruite par la pasteurisation et n’a de toutes les façons aucun effet sur l’organisme humain. Pour les pesticides présents dans le lait, même chose, aucune différence n’a jamais pu être notée formellement entre le lait organique et le lait conventionnel.

Toujours à propos du lait, certains activistes écologistes ont avancé le fait que les vaches traitées avec de l’hormone de croissance produisaient plus d’Insulin like Growth Factor type I (IGF-I) supposé favoriser l’apparition de certains cancers. Il est opportun de signaler que les tourteaux de soja favorisent par un mécanisme encore inconnu la surproduction d’IGF. Dans le doute le lait bio ou le lait conventionnel c’est du pareil au même.

Pour les légumes c’est sensiblement la même histoire. Aucune étude scientifique digne de ce nom n’indique que les légumes dits « bio » ou « organiques » sont meilleurs pour la santé. Ce serait plutôt le contraire puisque l’usage raisonné de pesticides tendrait à diminuer l’occurrence de bactéries indésirables. La recherche de résidus de pesticides n’a pas pu permettre de conclure pour l’une ou l’autre des filières puisque près d’un tiers des légumes et fruits dits organiques sont « contaminés » avec des pesticides sans que la santé humaine soit pour autant compromise. Les produits maraîchers et fruitiers sont plus riches en résidus de pesticides, à concurrence de 60 % selon les études, mais les niveaux de résidus n’ont rien d’alarmant pour la santé. Cependant les organophosphorés pourraient poser problème, et le conditionnel est de mise puisqu’aucune étude n’a jamais pu démontrer clairement que sur le long terme les organophosphorés étaient délétères pour le cerveau. L’EPA américaine (Environmental Protection Agency) prévoit une étude détaillée qui devrait aboutir à la fin de l’année 2017 pour cette présence spécifique de résidus d’organophosphorés. Bref, rien de concluant pour le moment.

Si on s’intéresse aux qualités nutritives de la viande « organique » la situation est encore moins évidente. Le fait que les tenants de la viande bio revendiquent une plus importante teneur en omega-3 tient plutôt du mensonge car leur argument n’est basé que sur une teneur relative par rapport à la quantité totale de graisses. Or la viande bio ou organique est sensiblement moins grasse que la viande obtenue à partir d’élevages conventionnels. Il s’agit pour ce cas précis d’un détournement démagogique de résultats d’analyse obtenus selon des pratiques de laboratoire parfaitement codifiées afin d’alimenter une idéologie tendancieuse dont la finalité est de faire croire au consommateur que la viande dite bio est plus saine. L’explication est pourtant évidente car l’organisme requiert un certain pourcentage d’acides gras insaturés en position omega-3, je passe sur les détails, et les animaux élevés selon des critères organiques plus ou moins bien définis accumulent moins de graisses saturées et le taux d’omega-3 est mécaniquement augmenté. Reste les traces de pesticides dans la viande : aucune étude approfondie n’a jamais prouvé que les viandes organiques étaient exemptes de pesticides comme le clament les écologistes. Quelles que soient les conditions d’élevage, la situation est strictement identique. Pour les bactéries pathogènes, même cas de figure non significatif. Les viandes organiques, en particulier la viande de poulet est plus fréquemment contaminé par le Campylobacter mais sans que le seuil soit alarmant. En revanche certains viandes provenant d’élevages conventionnels peuvent être contaminées par des bactéries résistantes aux antibiotiques classiques. Les analyses effectuées sur la demande de la FDA n’ont jamais été concluantes ni dans un sens ni dans l’autre.

Les œufs. On entre dans un domaine hautement polémique fort intéressant et significatif de la collusion entre l’industrie agro-alimentaire et les régulateurs. Les œufs ont été accusés de véhiculer toutes sortes de bactéries dont la plus connue est la Salmonelle. Or un œuf fraichement pondu est essentiellement stérile et ce n’est que son conditionnement qui peut introduire des germes indésirables dont les Salmonelles de triste réputation. Cette simple observation a conduit au bannissement pur et simple de la préparation de sauce mayonnaise tant dans le secteur de la restauration commerciale que chez les particuliers qui par voie de conséquence se méfient des œufs après avoir été endoctrinés par des campagnes publicitaires tapageuses au sujet des risques sanitaires des mayonnaises. Il est d’abord intéressant de noter qu’une étude réalisée par l’Université de Stanford n’a pas pu montrer que les œufs organiques étaient moins contaminés par des bactéries que les œufs d’origine conventionnelle. De plus la présence de Salmonelles a très clairement été prouvée comme résultant d’une mauvaise conservation des œufs, en particulier soumis à des changements de température propice à des échanges variés au travers de la coquille de l’oeuf qui est poreuse. La peur a fait le reste et le lobby des producteurs de soja s’est emparé du problème en imposant l’utilisation de la lécithine de soja comme succédanée au jaune d’oeuf pour la mise en œuvre de la mayonnaise. Par voie de conséquence la mayonnaise est l’un des produits de l’industrie agro-alimentaire parmi les plus frelatés en termes d’additifs, d’antioxydants, de colorants et d’exhausteurs de goût, un cocktail que l’auteur de ces lignes est totalement incapable de prendre en charge sur le plan digestif. Les œufs, organiques ou non sont à 99,99 % exempts de salmonelles si leur conservation est correctement conduite.

Pour finir en parlant des poissons, il y a les poissons de rivière, de moins en moins parce qu’il y a surpêche et aussi pollution, les poissons océaniques qui ne peuvent en aucun cas être considérés comme « organiques » et enfin les poissons d’élevage, qu’il s’agisse des poissons d’eau douce comme les truites ou les espèces marines qui constituent d’ors et déjà plus de 60 % de tous les poissons consommés dans les pays de l’OCDE. A priori la loi interdit l’usage d’hormones et d’antibiotiques avec les poissons d’élevage mais la situation est pour le moins ténébreuse pour ne pas dire franchement opaque. La densité en terme de population des élevages de truites, de saumon, de rougets et autres dorades rend quasiment obligatoire l’usage sur-abondant d’antibiotiques et de fongicides. De plus la nourriture est un excellent véhicule inavoué pour introduire ces produits. Aucune étude sérieuse n’a pu montrer clairement, encore une fois, que les éleveurs respectaient les régulations à la lettre mais en tout état de cause, il n’existe pas de poissons d’élevages pouvant être approuvés « organiques » ou « bio », c’est tout simplement une vue de l’esprit. Il n’existe plus sur les étalages des poissonniers de saumons de rivière, et depuis longtemps : qui oserait acheter un kilo de saumon garanti de rivière d’Ecosse pour 500 euros ?

En conclusion, manger industriel, intensif, conventionnel, ou bio et organique n’est qu’une question de disponibilité financière sans aucun fondement sanitaire, chimique ou biochimique. Les consommateurs convertis au « bio » sont des alouettes piégées par le miroir mensonger d’exploitants agricoles et de distributeurs avides de profits faciles.

Source : Washington Post