Retraitement « bio » des déchets de matières plastiques (1)

Ce n’est pas mon but d’abonder dans le sens Gunter Pauli (lien en fin de billet) quand il affirme qu’un jour ou l’autre on arrivera à recycler tous les déchets que l’économie moderne génère ni approuver le fait que la société Apple s’est lancée pour la bonne cause, surtout la sienne, en rachetant toutes les décharges de par le monde où sont entreposés des déchets électroniques pour éventuellement les recycler un jour, non, ce n’est pas l’objet des deux prochains billets dont voici la première partie.

Il s’agit pour l’instant de science, de biologie très sophistiquée à l’état brut, en attendant des applications industrielles à grande échelle du recyclage « biologique » des matières plastiques dont la production annuelle atteint des centaines de millions de tonnes sans aucune alternative valorisante autre que l’incinération pour produire de l’électricité. Le petit Nicolas, fameux laryngophoniste, imposteur adulé par tous les Français, ne peut pas comprendre le moindre mot de l’un ou l’autre des articles parus dans la revue « Frontiers in Microbiology » du 13 février 2020 faisant état de l’avancement du traitement enzymatique et/ou microbiologique des divers déchets « plastiques » produit de par le monde. Cet illustre hélicoptériste s’est contenté d’émettre le concept fumeux d’économie circulaire, une vue de l’esprit totalement inapplicable à l’échelle de centaines de millions de tonnes de déchets. Tiens, il est sorti de sa grotte infestée de milliers de chauve-souris celui-là … Il doit y avoir une opportunité vert-rouge à saisir !

Des biologistes de l’Université de Düsseldorf en Allemagne se sont attaqué de manière raisonnée et pragmatique la dégradation du polyéthylène-téréphtalate (PET), le polyester constituant des bouteilles à usage unique et des films alimentaires. Ils ont identifié la présence d’une activité dite cutinase ou polyestérase qui hydrolyse les polymères comportant des liaisons ester dans une bactérie marine appelée Pseudomonas aestusnigri. Faisant une recherche dans les banques de données génomiques le gène de l’enzyme en question a été identifié par analogie de séquences. Il a été isolé et inséré dans l’ADN de la bactérie E. coli puis produit en grandes quantités afin d’être cristallisé pour pouvoir procéder à une étude fine de sa structure.

Ce travail fastidieux et complexe n’a pas été entrepris par curiosité scientifique mais dans le but de procéder à une amélioration de l’activité d’hydrolyse. Connaissant très précisément la structure du site actif de cet enzyme l’équipe de Düsseldorf a alors procédé à une mutagenèse dirigée vers quelques bases de l’ADN du gène pour modifier ce site actif au niveau de quelques amino-acides seulement afin d’obtenir un enzyme montrant une activité satisfaisante pour envisager dans un futur encore indéterminé le traitement du PET par voie strictement enzymatique. Le problème à résoudre avec ce type d’activité enzymatique réside dans le fait que la molécule qui doit être attaquée est un polymère. Il faut donc que le site actif de l’enzyme dans lequel est introduite une molécule d’eau pour casser la liaison ester soit suffisamment ouvert sinon l’hydrolyse de cette liaison ne pourra pas être efficace.

Connaissant la structure tridimensionnelle de la protéine enzymatique diverses mutations ont permis cette amélioration de l’activité, des mutations pas nécessairement au niveau du site actif rendant en quelque sorte la protéine « plus souple ».

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Ces remarques sont illustrées par la figure ci-dessus qui est une modélisation du site actif de l’enzyme tel que déduit de la structure obtenue par diffraction de rayons X. En bleu (A) figure l’enzyme natif et la flèche indique la position de la sérine-171 (cent-soixante-et-onzième aminoacide de la séquence de la protéine). La figure C montre la même sérine active dans le site de l’enzyme modifié. Le site actif comprend trois aminoacides, la sérine-171, l’acide aspartique-106 et l’histidine-249. Ont été superposés les oligomères d’éthylène téréphtalate utilisé comme substrat lors de cette étude. La figure F montre l’agencement probable de trois unités de cet oligomère. On remarque que le site actif est bien plus béant (Figure C) avec l’enzyme modifié que celui de l’enzyme natif (A).

Il reste à montrer la faisabilité industrielle de la « digestion » du PET dans un fermenteur avec cet enzyme produit en quantités massives comme le sont aujourd’hui toutes sortes d’enzymes pour des applications aussi variées que les lessives, la synthèse chimique, l’industrie agro-alimentaire ou le traitement des fibres textiles.

Source : https://doi.org/10.3389/fmicb.2020.00114

Et pour les amateurs de Gunter Pauli :

https://www.youtube.com/watch?v=OVd8YOFvVtc

et de Hulot : https://www.youtube.com/watch?v=J0-U1Z8SssM

Un enzyme qui dégrade le PET (polyéthylène-téréphtalate)

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Les matières plastiques en tous genres ont inondé nos vies quotidiennes, depuis les touches des claviers d’ordinateurs jusqu’aux bouteilles d’eau minérale en passant par les jouets, le mobilier ou encore les chaussures et les vêtements. Rien que pour le polyéthylène-téréphtalate, plus connu sous l’abréviation de PET, une matière plastique transparente constituant les bouteilles de boissons variées, la production annuelle mondiale était de 56 millions de tonnes en 2013, dont 60 % utilisés pour les fibres textiles, par exemple le Dacron, et le reste pour les emballages. Les monomères du PET sont issus directement du pétrole. Il s’agit de l’acide téréphtalique et de l’éthylène-glycol. Le PET est inerte et jusqu’à récemment il n’était pas considéré comme biodégradable. Des petits curieux avaient bien noté quelques dégradations ici ou là, dans les creux humides des centre de retraitement des matières plastiques, mais jamais personne ne s’était sérieusement penché sur les populations bactériennes susceptibles de dégrader ces produits envahissants. C’est ce à quoi s’est intéressée une équipe de biologistes de l’Institut de Technologie de Kyoto et de la Keio University à Yokohama.

Il y a en effet un immense enjeu économique et environnemental s’il existe des activités enzymatiques capables de dégrader le PET pour le recycler car traiter des résidus de matières plastiques dans un fermenteur avec des bactéries ou éventuellement avec des enzymes produits par sur-expression avec des bactéries ou des levures comme il en existe pour les lessives, certaines synthèses chimiques ou encore dans l’industrie textile est beaucoup plus rentable industriellement que de traiter des matières plastiques chimiquement ou encore à l’aide de canons à électrons.

L’équipe dirigée par le Docteur Kenji Miyamoto a donc suivi le chemin d’investigation classique en allant dans un premier temps collecter quelques 250 échantillons dans un centre de traitement des matières plastiques situé près d’Osaka. Une mixture bactérienne s’est révélée capable de pousser sur des films de PET dans un milieu de culture contenant essentiellement des sels minéraux et quelques vitamines.

La deuxième étape a consisté à isoler la bactérie capable de pousser sur ces films de PET et de la caractériser en détail. Elle a été nommée Ideonella sakaiensis car elle fait partie de la famille des « Ideonelleae ». Les toutes premières investigations ont montré que cette bactérie semblait, à l’aide de petits filaments (indiqués par des flèches dans l’illustration), excréter quelque chose sur le film de PET, probablement des enzymes capables de dégrader ce substrat carboné, le seul présent dans le milieu de culture.

L’étape suivante a donc tout naturellement conduit à la caractérisation des gènes de la bactérie qui étaient exprimés en présence de PET puis de sur-exprimer le produit de ces gènes dans des bactéries adéquates afin d’en étudier les propriétés et reconstituer le schéma de dégradation du PET. Et ça se passe ainsi :

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PETase est un enzyme qui hydrolyse le PET en fragments dont le MHET (monohydroxy-ethyl téréphtalate) qui va à son tour être coupé en téréphtalate et éthylène-glycol. Comme tout se passe en dehors de la bactérie, celle-ci a mis au point un système lui permettant de « pomper » ces deux molécules chimiques qui vont lui servir d’aliment carboné comme le CO2 atmosphérique sert d’aliment aux plantes et au plancton. Finalement la bactérie dispose d’un équipement enzymatique interne qui va conduire à l’acide protocatechuique facilement assimilé pour le métabolisme basal.

L’étape finale de ce travail remarquable a consisté à ajouter directement l’enzyme PETase à des films de PET et le résultat – une dégradation de ces films – a permis de vérifier qu’on n’avait pas besoin de la bactérie pour procéder à la dégradation de cette matière plastique en ses constituants initiaux.

À n’en pas douter ces travaux vont conduire à des applications industrielles pour dégrader le PET dans des conditions infiniment moins coûteuses en énergie que les techniques chimiques et physiques actuellement utilisées à petite échelle en raison de leur prix. On peut imaginer des fermenteurs de plusieurs centaines de milliers de litres dans lesquels une solution enzymatique réduira le PET en ses constituants initiaux qu’on pourra récupérer et repolymériser avec les catalyseurs adéquats. Cependant il ne faut pas oublier que la majeure partie du PET (plus de 50 %) est recyclée sous forme de fibres de mauvaise qualité qui servent notamment à fabriquer des revêtements de sol ou des vêtements particuliers comme les « polaires ». Il faut souhaiter un grand avenir à ces travaux innovants qui conjuguent les techniques les plus modernes de la biologie pour aboutir à une application industrielle respectueuse de l’environnement …

Source : Science, DOI : 10.1126/science.aad6359 , article aimablement communiqué par le Docteur Kenji Miyamoto que je tiens à la disposition de mes lecteurs.