Le Sieur Abinanti de l’Assemblée de l’Etat de New-York a déposé le 12 janvier 2015 un « projet de loi » (comme on dit en France) pour interdire l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés dans la production de vaccins (voir le lien) :
Le texte est sibyllin mais c’est justement cet aspect flou qui est alarmant car un tel texte, s’il est adopté, ouvre toute grande la porte à l’interdiction totale des OGMs tant dans l’industrie pharmaceutique que dans l’industrie agro-alimentaire si ce politicien veut rester droit dans ses bottes et persévérer dans ce sens. Le nombre d’applications industrielles d’organismes génétiquement modifiés est tel qu’il paraît difficile de tout interdire en bloc et d’un coup de baguette magique législative. Juste deux exemples très parlants suffiront à situer l’ampleur du vaste problème que soulève ce dénommé Thomas J. Abinanti, activiste anti-OGM bien connu dans la sphère écolo-conservatrice de la Côte Est des USA. La production d’insuline humaine est aujourd’hui entièrement réalisée avec des bactéries ou de la levure de boulangerie modifiées génétiquement afin d’exprimer l’insuline sous forme d’une seule chaine polypeptidique qui est ensuite traitée à l’aide d’enzymes (également produits par génie génétique) pour finalement obtenir de l’insuline humaine active quasiment indiscernable de l’insuline native. Sans organismes génétiquement modifiés reviendra-t-on à l’insuline de porc pour le traitement du diabète de type 1 avec tous les inconvénients que ce retour en arrière comporterait ? Un autre exemple est la synthèse des produits anticonceptionnels. Cette synthèse, pour deux étapes décisives, fait appel à des enzymes produits par génie génétique car elles sont irréalisables par voie chimique classique. Va-t-on interdire les anticonceptionnels pour cette raison ? Des myriades d’autres exemples peuvent être cités à l’appui du bien-fondé de l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés dans des domaines aussi divers que l’industrie textile ou celle des détergents mais également dans l’industrie alimentaire. Supposons que ce projet de législation soir voté lors de la prochaine session de l’Assemblée de l’Etat de New-York, l’ensemble de l’industrie des vaccins rétrogradera de cinquante ans et certains vaccins importants ne seront même plus disponibles parce qu’il n’existe pas d’autre alternative pour leur production !
Le Sieur Abinanti fait partie de ces politiciens qui parlent et veulent légiférer à propos de faits dont ils ignorent le moindre iota. Il fait partie de cette engeance de démagogues versant dans le populisme pour satisfaire un électorat béat qui les réélira car il s’agit à l’évidence de travailler très précisément sur la peur catalysée par l’ignorance et le politicien est là pour rassurer la populace. C’est pour cette raison qu’Abinanti, qui n’en est pas à son premier coup d’éclat en la matière, a déposé plusieurs projets de loi pour obtenir toutes les informations relatives à l’usage de microorganismes génétiquement modifiés utilisés dans la production de vaccins. Comme si les firmes pharmaceutiques allaient dévoiler leurs petits secrets de fabrication, les brevets industriels ne décrivent en effet jamais totalement un procédé de fabrication, loin s’en faut ! C’est exactement sur ce point que ces politiciens bornés appuient leur argumentation : puisque c’est secret c’est donc dangereux ! C’est à l’évidence sur cette fibre que jouent les opposants au nucléaire civil. Le nucléaire a longtemps été top secret puisque ce sont les militaires qui se sont les premiers accaparés cette technologie pour développer des armements. Le nucléaire civil est resté entaché du secret militaire initial, donc de dangerosité et les politiciens démagogues et populistes, poussés par des organisations toutes aussi ignorantes et infiltrées à tous les niveaux du pouvoir, profitent de ce « marché de la peur » pour entraver tout projet d’expansion du nucléaire civil et de favoriser les moulins à vent.
À propos de l’initiative d’Abinanti le Docteur Paul Offit, chef de la division des maladies infectieuses de l’Hôpital pour enfants de Philadelphie est clair : « les modifications génétiques sont au cœur de la technologie moderne de production des vaccins ». Un certain nombre de vaccins anti-viraux utilisent encore des virus tués ou dont la virulence a été atténuée mais les conditions de production des virus compliquent singulièrement la tâche pour l’obtention d’un vaccin « propre » présentant le minimum d’effets secondaires indésirables. C’est la raison pour laquelle les industriels ont développé des bactéries ou des levures génétiquement modifiées voire des cellules d’origine humaine (voir le vaccin de Jonas Salk pour la polio) pour s’affranchir de ces problèmes parfois insurmontables de production à grande échelle de protéines virales ou de virus atténués. Abinanti, décidément pas à court d’arguments, définit les OGMs dans un sens très large : « ce sont des organismes qui ont été « altérés » au niveau moléculaire ou cellulaire par des moyens non accessibles dans des conditions naturelles, incluant les techniques d’ADN ou d’ARN recombinants, la fusion cellulaire, la microencapsulation, la macroencapsulation, la délétion ou le doublement de gènes, l’introduction de gènes étrangers et des procédés modifiant la position des gènes … » sic ! Les technologies qui seraient interdites par ce projet de loi sont exactement celles qui permettent aux biologistes de produire des vaccins efficaces, propres et sûrs. Il y a une cinquantaine d’années on arrivait à modifier un virus au niveau de son pouvoir infectieux en le cultivant dans des œufs, des embryons ou des organes d’animaux jusqu’à obtenir à la suite d’essais et d’échecs hasardeux, longs et coûteux, une forme de virus atténué protégeant les gens avec un minimum de risques. Les techniques modernes de la biologie moléculaire ont permis de s’affranchir de l’aspect sale et difficilement contrôlable de cette technologie qui paraît aujourd’hui artisanale de production des vaccins. L’autre immense avantage des techniques modernes de biologie moléculaire est le temps de réponse très rapide devant l’apparition d’un nouveau virus. Sans ces techniques on n’aurait jamais pu obtenir en quelques mois un vaccin contre le virus Ebola ni contre le rotavirus il y a quelques années qui tue encore des milliers d’enfants dans le monde chaque jour. Ce dernier virus responsable de la gastroentérite est maintenant contrôlable à l’aide d’un vaccin qui a été mis au point par la juxtaposition de plusieurs gènes du virus conduisant à la production d’un super-antigène constituant un vaccin très efficace plutôt que d’utiliser le virus « atténué » et à des prix infiniment plus abordables en particulier pour les pays dits « pauvres » …
Voilà dans quel genre de régression dangereuse les politiciens peuvent précipiter toute un population manipulée par des idéologues criminels !
Source : Forbes, illustration rotavirus, lien : http://assembly.state.ny.us/leg/?default_fld=&bn=A01706&term=2015&Summary=Y&Actions=Y&Votes=Y&Text=Y