Bataille entre les Université de Berkeley et d’Harvard pour la « propriété » du CRISPR !

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Je ne voudrais pas ennuyer mes lecteurs avec un exposé tellement spécialisé que moi-même je dois faire un effort pour comprendre de quoi il s’agit mais il se passe en ce moment une bataille féroce et complexe entre deux laboratoires américains à propos d’un brevet dont les potentialités d’application sont tellement vastes, des milliards voire des dizaines de milliards de dollars en jeu, qu’il est intéressant d’en faire un compte-rendu aussi compréhensible que possible. Il s’agit de savoir qui est propriétaire du brevet d’application du CRISPR dans le domaine des thérapies géniques et des manipulations de l’ADN. Je sens que certains de mes lecteurs vont décrocher, thérapies géniques, CRISPR, c’est déjà ésotérique … Il s’agit pourtant de l’une des plus grandes avancées, peut-être la plus grande, de ces dernières années dans le domaine de la biologie moléculaire avec des applications tellement vastes que même les auteurs des brevets ne peuvent toutes les embrasser clairement à ce jour dans les « revendications » formulées à l’appui de la demande de ces brevets.

CRISPR, acronyme de « Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats », je ne le répéterai pas, est un système mis au point par les bactéries pour se défendre contre les attaques virales, en quelque sorte un système immunitaire au niveau moléculaire consistant à détruire l’ADN d’un virus attaquant ces bactéries. En bref il s’agit d’un complexe de protéines comprenant un système de reconnaissance spécifique de l’ADN à attaquer lui-même constitué d’ADN et d’une machinerie d’enzymes qui vont couper cet ADN viral étranger pour le rendre inactif. La bactérie se défend comme elle peut mais ce truc est fantastiquement sophistiqué et efficace. Depuis sa découverte à la fin des années 80 par une équipe de biologistes de l’Université d’Osaka dirigée par le Professeur Yoshizumi Ishino qui ne comprit pas ce à quoi il avait à faire, ce système de reconnaissance au niveau de l’ADN de séquences très précises a fait l’objet d’une intense recherche qui s’est focalisée pour utiliser le CRISPR comme outil moléculaire pour éteindre ou éditer des gènes de manière ultra-spécifique et cette approche fut rendue possible en grande partie avec l’apparition de machines permettant d’une part de séquencer l’ADN rapidement et également de machines synthétisant des brins d’ADN répondant à une utilisation ciblée. Ce système, d’origine bactérienne et ubiquitaire, c’est-à-dire qu’il est universellement présent dans les bactéries, constitue un outil d’une versatilité quasiment sans limites. Les curieux peuvent se plonger dans le long article de Wikipedia relatif au CRISPR : http://en.wikipedia.org/wiki/CRISPR . Subodorant à juste titre que les applications potentielles de cet outil étaient immenses le laboratoire de génomique de l’Université de Berkeley dirigé par le Docteur Jennifer Doudna déposa un brevet en mai 2012 relatif aux applications du CRISPR dans une multitude de domaines. Pendant le même temps une autre équipe travaillant sur le même sujet au Broad Institute de génomique du MIT sur le campus de l’Université d’Harvard et dirigée par le Docteur Feng Zhang a déposé quasiment le même brevet concernant les applications du CRISPR sur les cellules eucaryotes, c’est-à-dire possédant un noyau, plantes, animaux et êtres humains, pressentant comme Doudna les immenses potentialités de cet outil.

Le MIT a immédiatement affuté ses couteaux comme Doudna de son côté et il appartient maintenant à la justice de décider qui a ce qu’on appelle l’antériorité de la découverte du CRISPR mais aussi de ses applications. L’affaire est en effet complexe car ces applications potentielles et déjà démontrées dans une multitude de situations semblent « évidentes » pour les uns mais « leur » propriété pour les autres, tout dépend de quel côté on se place … L’affaire est bien décrite côté MIT en suivant ce lien :

http://www.technologyreview.com/featuredstory/532796/who-owns-the-biggest-biotech-discovery-of-the-century/ mais les Régents de l’Université de Californie, propriétaires du brevet de Doudna ne l’entendent pas du tout de cette oreille bienveillante ni le Helmholtz Center for Infection Research à Braunschweig en Allemagne, copropriétaire du brevet déposé par le laboratoire de Doudna en la personne d’une certaine Emmanuelle Charpentier, biologiste française exilée et de renommée mondiale, co-auteur de ce brevet (voir le lien). On va donc droit vers un duel à rebondissements d’autant plus que Zhang n’a pas apprécié la réception fastueuse organisée par le gratin de la Silicon Valley, Zuckerberg était présent, pour remettre à ces deux biologistes talentueuses le Breakthrough Prize, ça se passait le 9 novembre 2014, trois millions de dollars à chacune …

Qui a l’antériorité du brevet, là est toute la question. C’est seulement en 2012 que Doudna et Charpentier ont démontré toute la potentialité du CRISPR en synthétisant une molécule faisant partie d’un CRISPR modifié qui pouvait pénétrer dans une bactérie et couper l’ADN à un endroit choisi par avance. En janvier 2013 elles franchirent une nouvelle étape en réussissant à couper un gène dans des cellules humaines et à le remplacer par un autre gène toujours avec ce même outil, ce qu’on appelle une « édition » de gène. L’équipe d’Harvard publia des travaux presque identiques au même moment. La compétition s’accéléra alors et en quelques mois des centaines d’expérimentations furent couronnées de succès prouvant que cette technique peut révolutionner l’agriculture et la médecine. Un gène a pu être ainsi introduit chez une souris souffrant d’une maladie génétique et se retrouver guérie à la suite de cette insertion ciblée au bon endroit sans perturber le reste du chromosome ! Des gènes variés ont été « édités » avec des plantes. On peut même rêver de pouvoir, dans un proche futur, créer des super-embryons (humains) présentant des caractéristiques génétiques améliorées. L’industrie pharmaceutique pourtant souvent réticente à considérer immédiatement les avancées de la recherche fondamentale s’intéresse de très près au CRISPR comme par exemple Novartis qui envisage très sérieusement d’éditer par cette technique des gènes d’immunoglobulines pour attaquer certains cancers …

Mais revenons à la polémique sur les brevets. En réalité personne n’a inventé le CRISPR que les bactéries ont mis au point depuis des centaines de millions d’années. Nous nous sommes seulement contenté de comprendre comment ce truc fonctionnait, Ishino est passé à côté de cette compréhension car il était trop surpris par la séquence de ce gène atypique. Une fois qu’il eut identifié le gène qu’il appela « iap », Ishino regarda autour de ce gène pour savoir s’il n’y aurait pas un site (une séquence de bases de l’ADN) pouvant être éventuellement reconnu par une protéine entrainant alors l’expression de ce gène ou au contraire la répression de son expression. En fait il ne trouva pas ce qu’il cherchait mais au contraire un enchainement bizarre répété cinq fois de petits bouts de séquence d’ADN de 29 bases les uns à la suite des autres mais séparés les uns des autres par des espaceurs de 32 bases. Ishino et son équipe ne purent trouver d’explication à ce résultat pour le moins surprenant. Avec l’avènement des machines à séquencer quelques années plus tard on découvrit que ces séquences répétitives se retrouvaient pratiquement dans toutes les bactéries et le nom de CRISPR fut adopté en 2002 par Ruud Jansen de l’Université d’Utrecht aux Pays-Bas. Jansen observa que ces séquences étaient toujours accompagnées autour d’elles des même gènes codant pour des DNAses, des enzymes coupant l’ADN comme une paire de ciseaux coupe un fil. Les machines à séquencer facilitèrent alors la compréhension de cet enchainement répétitif « palindromique » de petites séquences d’ADN : elles avaient une origine virale et servaient donc à se lier à l’ADN d’un virus pénétrant dans la bactérie pour que le produit des gènes associés, ces DNAses, détruisent l’ADN viral.

Doudna comprit très vite l’intérêt que représentait ce système pour construire un outil permettant de couper spécifiquement n’importe quel ADN à un endroit précis choisi à l’avance alors que les biologistes ne disposaient alors que d’enzymes pour la plupart d’origine bactérienne coupant l’ADN, certes au niveau de séquences de bases connues, mais de manière non spécifique, pas du tout exactement là on on le souhaitait comme par exemple à un endroit précis d’un chromosome. En modifiant le CRISPR à l’aide d’une séquence d’ARN pouvant s’hybrider avec une région bien précise de l’ADN Doudna réussit à lui associer deux DNAses qui permirent de carrément éliminer un gène d’un chromosome ! À l’inverse en construisant une autre panoplie enzymatique autour du CRISPR il est possible d’introduire un gène à la bonne place dans un chromosome, une immense avancée dans l’ingénierie génétique. Autant dire que les applications sont tellement variées que la bataille pour le brevet entre l’Université de Californie et l’Université d’Harvard promettent un feuilleton à rebondissements … À suivre

Sources : Doudna RNALab ( http://rna.berkeley.edu )

http://www.helmholtz-hzi.de/en/research/research_topics/bacterial_and_viral_pathogens/regulation_in_infection_biology/e_charpentier/

http://www.technologyreview.com/featuredstory/532796/who-owns-the-biggest-biotech-discovery-of-the-century/

Quand les écolos se prennent les pieds dans le tapis …

 

J’avais une haute opinion de Paul Craig Roberts dont je lis le blog régulièrement (www.paulcraigroberts.com) jusqu’à sa mention de la communication de Stephanie Seneff du MIT qui clame que le glyphosate, matière active du RoundUp est une cause de l’autisme (voir le lien en fin de billet). Il faut resituer qui est cette Stephanie Seneff. Toute titulaire d’un PhD qu’elle soit, cette personne est une scientifique senior dans le Laboratoire des Sciences Informatiques et d’Intelligence Artificielle du MIT. Elle n’a jamais entrepris une quelconque recherche sur le glyphosate. Cependant elle est une militante anti-OGM déclarée. Ce n’est pas une raison pour que PC Roberts fasse référence à son pamphlet dénué de toute argumentation scientifique et basé sur des allégations qui n’ont jamais pu être vérifiées à moins qu’il ait accepté les yeux fermés de se faire contaminer par cette idéologue bornée et nocive.

Rappelons quelques faits à propos du glyphosate. Il s’agit d’un puissant inhibiteur d’un enzyme de la voie de biosynthèse des aminoacides aromatiques dérivant de l’acide shikimique. Or cette voie de biosynthèse est absente chez les animaux et seules les plantes, les champignons et les microorganismes en sont pourvus. Cependant, la persistance du glyphosate dans le sol est très courte et les effets de cet herbicide sur les bactéries du sol est négligeable. Le glyphosate est l’herbicide présentant la plus faible toxicité pour les animaux, y compris les poissons, les oiseaux et les insectes. Lors de l’application de glyphosate, la plante meurt du fait de l’accumulation intra-cellulaire de shikimate. Enfin les plantes génétiquement modifiées pour résister au glyphosate sur-expriment l’enzyme cible appelé EPSP synthase et en aucun cas l’herbicide s’accumule dans ces plantes modifiées. Cet a priori est sorti d’on ne sait où pour confondre les esprits en assimilant glyphosate et plantes génétiquement modifiées.

Toutes les études réalisées depuis le début des années 2000 n’ont jamais pu mettre en évidence d’effets adverses du glyphosate sur la santé animale ou humaine dans quelque domaine de la santé que ce soit :

http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/10854122

http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22202229

http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21798302

http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22683395

L’argumentaire de Seneff pour déclarer péremptoirement qu’ « en 2025 la moitié des enfants seront autistes » (sic) est basé sur le graphique suivant qui confond causalité et corrélation :

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À la vue d’un tel amalgame Seneff affirme que la corrélation entre les deux courbes est une preuve de causalité. Cette démarche est totalement dénuée de fondement scientifique. Il s’agit d’une vulgaire manipulation ! Prenons un contre-exemple établissant une corrélation encore meilleure entre l’autisme et la vente de produits dits « bio » (organic en anglais) :

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On peut tout aussi bien affirmer que la consommation de produits bio, exempts de plantes génétiquement modifiées ou des produits en dérivant et exempts de pesticides, donc de glyphosate, favorisent aussi l’apparition de l’autisme ! C’est du gros foutage de gueule, pour rester à la limite de la politesse … Mais c’est la manière d’agir des activistes idéologiquement déformés par des groupes de pression dont le seul but est de discréditer toute forme de progrès scientifique et technique et de répandre la peur dans les esprits. Cette fois-ci cette activiste anti-OGM s’est bien pris les pieds dans le tapis !

http://www.anh-usa.org/half-of-all-children-will-be-autistic-by-2025-warns-senior-research-scientist-at-mit/print/

Nos ancêtres vivent toujours dans l’océan …

Le plus vaste écosystème de la planète est l’océan et quand on se trouve au large, il semble qu’il n’y a aucune trace de vie, l’eau est presque noire avec parfois de très fines particules de poussière provenant d’un continent lointain mais il n’y a aucun poissons et donc pas d’oiseaux, apparemment pas de vie, une sorte de désert aquatique. Il m’est arrivé de me baigner au large, loin de toute terre habitée, dans une eau parfaitement limpide, en pensant qu’il y avait 4000 mètres de cet univers sombre au dessous de ma modeste carcasse.

Pourtant cette eau est peuplée de bactéries qui puisent leur énergie du soleil pour assimiler le gaz carbonique dissous, quelques photons et les sels minéraux de l’eau de mer font le reste. C’est ce qu’on appelle scientifiquement le picoplancton photosynthétique par opposition au plancton proprement dit qui est constitué de milliers d’espèces différentes parfois visibles à l’oeil nu. Le plancton incapable d’utiliser la lumière pour survivre (comme les plantes terrestres) se nourrit de ces bactéries, les plus petits organismes capables de transformer l’énergie solaire.

Ces microorganismes appelés cyanobactéries constituent le premier maillon de la chaine alimentaire océanique en étant eux-mêmes dévorés mais surtout en sécrétant des petites « gouttes » de matière contenant toutes sortes d’éléments nutritifs pour d’autres organismes. On ne savait pas pourquoi ces bactéries, les Prochlorococcus et les Synechococcus, excusez du peu, se vidaient de leurs réserves en pure perte, on connaissait ce type d’excrétion avec des bactéries couramment trouvées sur notre peau ou dans notre tube digestif, mais on ignorait totalement que ces descendants directs des premières formes de vie terrestre en faisaient de même. Et ces petites vésicules (voir la photo) représentent un apport carboné et donc une fixation de carbone loin d’être négligeables si l’on considère l’ensemble des océans.

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Les Prochlorococcus sont les organismes vivants photosynthétiques les plus simples que l’on puisse trouver et la signification de cette excrétion peut être expliquée en considérant que ce sont des leurres pour les virus et également un véhicule pour transférer des informations génétiques au sein de cette population de bactéries. Par microscopie électronique, des bactériophages (virus) ont été trouvés attachés à ces gouttelettes d’un centième de microns de diamètre.

Pour la petite histoire, on considère que les Prochlorococcus comptent parmi les plus anciennes bactéries, les archéobactéries, qui possèdent des pigments utilisés pour la photosynthèse retrouvés dans aucun autre être vivant, un forme particulière de chlorophylle ainsi qu’un carotène primitif. Ces bactéries ont un ADN qui code pour à peine 2000 protéines différentes alors que les algues unicellulaires les plus simples expriment déjà plus de 10000 gènes. L’océan garde donc en son sein les traces de l’apparition de la vie sur la terre qui s’appuyait sur le soleil comme le font aujourd’hui les algues, le phytoplancton et les plantes terrestres et ces bactéries jouent un rôle essentiel dans le cycle du carbone.

Source : MIT

 

Maladie de Parkinson : un espoir (encore lointain) de traitement …

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Les progrès constants de la médecine ont pour résultat un accroissement de l’espérance de vie et une diminution de la mortalité due aux cancers et aux maladies cardiovasculaires. Ces deux effets sont d’ailleurs à l’évidence liés. Mais l’autre conséquence est que, la population vieillissant, l’apparition de maladies neurodégénératives est en constante augmentation et c’est inévitable. C’est la raison pour laquelle la quête de nouveaux médicaments permettant de combattre les trois principales maladies qui affectent de plus en plus de personnes que sont les maladies de Parkinson, d’Alzheimer et de Huntington est une des préoccupations majeures des équipes de recherches privées et publiques. Si la maladie de Huntington est d’origine génétique, son évolution n’est pas sans rappeler les deux autres maladies neurodégénératives y compris au niveau de l’accumulation d’une protéine appelée huntingtine qui est anormalement exprimée et perturbe profondément le fonctionnement normal du cerveau. Le tableau cytologique de la maladie d’Alzheimer montre également une accumulation de fragments de la protéine beta-amyloïde résultant d’une conformation anormale de cette protéine ainsi qu’une modification de la protéine tau, deux composants essentiels de l’intégrité des neurones. Quant à la maladie de Parkinson, il y a également accumulation dans les neurones d’une protéine appelée alpha-synucléine. Cette dernière protéine, différente de la protéine beta-amyloïde de la maladie d’Alzheimer, a tendance a subir spontanément, au moins dans un tube à essai, une autolyse conduisant à divers fragments qui sont toxiques pour la cellule nerveuse et qui ont été retrouvés après étude post mortem du tissu nerveux de malades. Le rôle de l’alpha-synucléine est mal connu mais on sait cependant qu’elle est essentielle dans le maintien de la structure fonctionnelle du neurone, de son métabolisme énergétique et de la régulation de la sécrétion des neurotransmetteurs stockés dans des vésicules intracellulaires car l’alpha-synucléine interagit avec les membranes lipidiques des organites intracellulaires comme les mitochondries, les centrales énergétiques de la cellule, et l’appareil de Golgi, le lieu où s’effectuent les synthèses en particulier de ces neurotransmetteurs. Dans le développement de la maladie de Parkinson cette protéine s’accumule anormalement dans des inclusions appelées corps de Lewy mais encore une fois la cause de ces dérèglements est toujours inconnue. Ce que l’on sait par contre depuis une dizaine d’années, c’est que l’alpha-synucléine est toxique pour les levures car elle se lie aux membranes des mitochondries et perturbe profondément le métabolisme énergétique de ces organismes. C’est en mettant à profit cette observation qu’une équipe pluridisciplinaire du MIT a mis au point un test permettant d’effectuer un screening haute fréquence de plus de deux cent mille composés chimiques. Pour mettre au point un test rapide et simple le choix des levures comme « animal de laboratoire » n’a pas été fait par hasard car la levure est un microorganisme complexe dont les fonctions cellulaires sont presque identiques à celles de n’importe quelle cellule humaine, que ce soit le métabolisme énergétique ou celui des lipides. Les levures ont d’abord été modifiées génétiquement pour sur-exprimer l’alpha-synucléine, mais pas trop afin qu’elles ne meurent pas mais aient une croissance ralentie car la toxicité de l’alpha-synucléine perturbe, comme pour les neurones, le métabolisme. Le screening haute fréquence met le plus souvent en œuvre des boites de culture en polyéthylène constituées de 96 alvéoles et c’est sur une mesure rapide de la croissance des levures à l’aide d’appareils optiques simples que repose justement la rapidité du test. Si un composé chimique inhibe la production d’alpha-synucléine alors la levure se multiplie normalement puisque la toxicité de la protéine est supprimée. Un seul composé chimique a été identifié comme actif dans ce modèle très éloigné de la maladie de Parkinson elle-même. Il s’agit d’un aryl benzymidazole qui a ensuite été étudié plus en détail sur d’autres systèmes cellulaires en culture dont des neurones de nématode ou de rat utilisés comme modèle de la maladie de Parkinson. Plus probant encore, même si une telle molécule sera ou ne sera jamais un médicament car de nombreuses autres études devront être réalisées dans ce but, ces mêmes biologistes ont utilisé des cellules provenant de patients présentant une forme rare de maladie de Parkinson d’origine génétique et bien identifiée comme résultant d’une mutation du gène codant pour l’alpha-synucléine. Ces cellules, par exemple d’épithélium buccal, ont été rendues pluripotentes et redirigées pour générer des neurones avec parallèlement, comme contrôles, des cellules traitées de la même manière mais obtenues à partir d’un sujet sain. Comme on pouvait s’y attendre les neurones, ou plutôt les cellules nerveuses obtenues en culture présentaient les même symptômes, corps de Lewy et fragilité métabolique, que celle du patient dont elles étaient issues. L’aryl benzimidazole identifié par le test sur les levures s’est révélé actif sur ces neurones en culture en restaurant les fonctions cellulaires déficientes en raison de cette mutation. Il reste un long chemin à parcourir car l’alpha-synucléine n’est pas synthétisée par la cellule par hasard et interférer avec cette synthèse pourrait faire apparaître des effets adverses pires que le mal lui-même. Les recherches ultérieures devront montrer que la dégradation spontanée de l’alpha-synucléine peut être directement atteinte et éventuellement stoppée par cette molécule, un espoir tout de même dans le traitement de cette maladie pour laquelle il n’existe pour le moment aucun traitement de la cause primaire mais seulement des traitements partiels des effets et qui ne permettent en aucun cas ni de ralentir et encore moins de soigner la maladie.

Source et illustration : Whitehead Institute, MIT.

Les nanotechnologies au secours des diabétiques

Il y a les seringues pour s’injecter de l’insuline encore faut-il ne pas se tromper sur la dose nécessaire à un instant donné, il y a aussi les pompes programmées pour injecter de l’insuline pendant une durée déterminée et maintenant il y aura une nouvelle nano-technique tellement ingénieuse que je n’ai pas pu résister à écrire ce billet. L’idée est venue de chercheurs de l’Université de Chapel Hill en Caroline du Nord et du MIT à Boston. Ils ont emprisonné de l’insuline cristallisée dans des micro-billes qui peuvent être injectées par voie sous-cutanée. D’abord pour éviter que les billes ne se dispersent, ils ont imaginé deux sortes de micro-capsules perméables aux petites molécules circulant dans le sang constituées de dextrans, les unes chargées positivement et faites de chitosan, un polymère proche de la chitine des ailes d’insecte et constituant de la carapace des crevettes et les autres chargées négativement et faites d’alginate extrait des algues comme son nom l’indique. Ces deux produits sont parfaitement tolérés par l’organisme, les alginates sont d’ailleurs des additifs alimentaires bien connus. Les micro-billes négatives et positives s’attirent et forment des agrégats qui restent dans la zone de l’injection sous-cutanée. Mais là où l’astuce est encore plus frappante c’est qu’avec l’insuline ces capsule contiennent aussi un enzyme appelé glucose oxydase qui convertit le glucose en acide gluconique quand le glucose sanguin pénètre dans les micro-capsules. L’acidification qui en résulte, un peu comme ce qui se passe dans l’estomac, dissout l’enveloppe de la microcapsule et l’insuline est libérée dans les vaisseaux sous-cutanés et va progressivement vers le foie. Comme l’insuline joue alors son rôle, le taux de glucose dans le sang diminue et la glucose oxydase n’a plus assez de glucose à oxyder et le relâchement d’insuline est stoppé jusqu’à une nouvelle élévation du niveau de sucre sanguin. C’est un peu ce que l’on a pu observer chez des sujets normaux car le pancréas ne sécrète pas en continu l’insuline mais de manière oscillatoire avec une période de trois à six minutes. C’est donc le taux de glucose sanguin qui commande en temps réel la diffusion de l’insuline exactement comme ce qui se passe dans le pancréas.

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Pour tester leur idées les biologistes ont utilisé des souris modifiées génétiquement pour être diabétiques. Une seule injection de micro-billes par voie sous-cutanée a permis de réguler leur taux de sucre pendant plus de dix jours. Pour ceux, diabétiques ou non, qui sont opposés par idéologie plus que par conviction scientifique aux OGM, il faut rappeller que l’insuline injectable est produite par génie génétique et que l’utilisation de souris génétiquement modifiées a permis de valider cette nouvelle technique qui fera dans un avenir proche l’objet d’essais cliniques, quant aux nano-technologies, elles réservent encore de nombreuses surprises dans tous les domaines.

 

Source : news.ncsu.edu, illustration : ACS Nano 

Le télé-enseignement pour « dégraisser le mammouth » ?

Les restrictions budgétaires dans certains états américains sont telles qu’il manque des classes dans l’enseignement secondaire, les « colleges », équivalents des lycées. De plus le manque d’enseignants, pour les mêmes raisons de restrictions budgétaires, fait que le niveau des « graduate students », l’équivalent des bacheliers français, a diminué à tel point que pour pouvoir entrer à l’Université les élèves doivent suivre des cours de rattrapage payants et souvent à la charge des étudiants qui doivent emprunter pour suivre ces cours. Rien qu’en Californie plus de 50 % des candidats à l’université ne sont pas au niveau requis et il manque dans les collèges des centaines de milliers de places et des milliers de professeurs. C’est la crise en Californie comme dans beaucoup d’autres états américains mais on en parle peu de ce côté-ci de l’Atlantique. Par exemple les professeurs de l’université de Californie (université publique et presque gratuite pour les résidents de Californie) ont vu leur salaire diminuer de 40 % depuis 2009 et rien ne laisse présager une amélioration dans les années à venir. C’est pourquoi il se développe un enseignement à distance peu coûteux qui ne nécessite qu’un ordinateur et l’assiduité de l’élève, dans toutes les matières et d’une extrème qualité puisque les cours sont préparés par des professeurs d’universités réputées comme Harvard (MIT), Stanford ou UC Berkeley avec pour certains un financement de la fondation Bill & Melinda Gates. L’expérience de télé-enseignement a débuté en 2011-2012 et semble d’ors et déjà un succès puisque plus de 90 % des télé-élèves ont pu intégrer l’université sans devoir passer par des cours de rattrapage. A n’en pas douter, pour « dégraisser le mammouth » du système éducatif français pléthorique et extrêmement coûteux dont la qualité s’amenuise année après année, il serait temps d’envisager une telle approche avec les économies considérables qui en résulteraient pour l’Etat. Reste à savoir si les enseignants seraient prêts à se prêter à ce genre d’expérience nouvelle mais parfaitement dans le sens de l’évolution des technologies modernes de communication et d’information, trop jaloux de pouvoir formater les élèves en leur inculquant une pseudo-culture générale orientée idéologiquement et totalement inutile pour la vie active. Quoi de plus intelligent et positif que d’utiliser un ordinateur pour s’éduquer dans une matière quelconque comme les mathématiques ou la chimie moyennant une centaine d’euros par an et par matière avec des cours attrayants et interactifs, des applications sous forme d’exercices et de devoirs et une plus grande ouverture vers la connaissance !

 

Source : San Jose State University et udacity.com