Origine de la malaria

Comme pour les êtres humains le plasmodium (Plasmodium malariae) responsable de la malaria est originaire d’Afrique et le réservoir principal de ce parasite se trouvait chez les cousins de l’homme, les grands singes d’Afrique, bonobos, chimpanzés et gorilles. Le plasmodium s’est répandu dans le monde à la faveur des migrations des moustiques au cours des millénaires. Vers les années 1920 en examinant des chimpanzés malades le P. malariae fut observé dans leur sang mais il fallut attendre un siècle pour que les techniques modernes d’étude de l’ADN permettent d’élucider le mystère de la parenté entre les diverses souches de ce parasite.

Pour une bonne compréhension de cet arbre phylogénétique les P. malariae n’infectent que les grands singes mais un être humain peut être éventuellement infecté mais très rarement. Il existe deux souches distinctes de P. vivax très proches génétiquement, l’une infectant les grands singes d’Afrique et l’autre l’homme. P. ovale présent dans les îles du Pacifique occidental provoque la fièvre tierce en raison de son cycle de reproduction dans le sang différent de celui de P. vivax dont l’épisode de fièvre est appelé fièvre quarte puisque sa durée est de 4 jours au lieu de 3 pour le précédent. Le plus dangereux de tous les plasmodium est le P. falciparum pour plusieurs raisons. Le système immunitaire est profondément perturbé par la présence du parasite. P. falciparum attaque le cerveau induisant un coma puis la mort et enfin ce parasite, comme P. ovale est une cause reconnue du « cancer » du sang appelé lymphome de Burkitt. En étudiant les plasmodium chez les singes d’un sanctuaire pour grands singes Gabon il a été possible d’établir l’arbre phylogénétique complet du plasmodium. Dans l’illustration ci-dessus la barre horizontale représente la dérive génétique séparant chaque branche. Le Plasmodium laverania a aussi été découvert chez les grands singes d’Afrique. De cette branche éloignée est issu le falciparum.

Il est donc maintenant admis que la malaria était à l’origine une zoonose présente chez les grands singes d’Afrique qui s’est adaptée à l’homme après que celui-ci ait divergé de l’ancêtre commun au cours de l’évolution. Source : http://dx.doi.org/10.1038/s41467-022-29306-4

SARS-CoV-2 : peur irraisonnée

Au cours des 18 derniers mois durant lesquels la planète entière a enduré une pandémie considérée comme la maladie du siècle ayant engendré toutes sortes de prises de décisions toutes aussi inutiles sinon aberrantes les unes que les autres de la part des gouvernements mais très juteuses pour les laboratoires pharmaceutiques, et de leurs dirigeants, cela va de soi, avec leurs thérapies géniques jamais expérimentées auparavant sinon pour tenter de pallier à des cas de cancers réfractaires à tous les traitements chimiques connus. Des milliards de personnes ont été soumises à ces thérapies et certains dirigeants de ces firmes pharmaceutiques se sont bien enrichis. C’est notamment le cas du CEO de Moderna, un transfuge de Biomérieux, qui se trouve maintenant à la tête d’une fortune de 2 milliards de dollars. Merci pour lui, alors que le « vaccin » produit par sa société se voit interdit par de plus en plus de pays. Je ne disserterai pas ici des effets secondaires de cette thérapie mais de la gravité relative de cette pandémie.

Par ordre décroissant des principales causes de mortalité par maladies infectieuses sévissant dans le monde, voici le palmarès. La tuberculose a tué au cours des 18 derniers mois 2,25 millions de personnes, la malaria 1,5 millions de personnes et le HIV 1,02 millions de personnes. Total : 4,77 millions de morts. Enfin pour le coronavirus : 4,98 millions de morts sur cette même période de 18 mois, un tout petit peu plus que les trois maladies citées réunies. En ce qui concerne la tuberculose qui sévit non plus seulement dans les pays sous-développés mais dans les banlieues défavorisées des grandes villes des pays européens contrairement à ce que l’opinion publique aurait tendance à croire, il existe un traitement dont j’ai mentionné l’existence dans un précédent billet, il s’agit de la clofazimine. L’OMS est opposée au traitement des tuberculeux à l’aide de cette molécule. Il existe le vaccin BCG qui est considéré comme désuet et inefficace par les grands laboratoires pharmaceutiques qui peinent et sans succès à trouver de nouveaux produits pour combattre cette maladie.

En ce qui concerne la malaria, aux dernières nouvelles il existerait un vaccin. Personnellement je souffre de cette saloperie depuis plus de 20 et j’attends de voir quels seront les résultats des campagnes de vaccination et si les personnes naïves (n’ayant jamais été infectées par le Plasmodium) ne risquent pas de mourir foudroyées à la suite de cette vaccination si elles se trouvent confrontées au parasite. Enfin pour le HIV il n’existe toujours pas de vaccin et il y aura toujours en moyenne un million de morts chaque année avec cependant son cortège d’immunodéprimés sous tri-thérapie largement vulnérables aux autres infections dont le coronavirus, un fait à déplorer dans les Antilles françaises, information que j’ai fait figurer sur ce blog et qui n’a fait l’objet d’aucun commentaire.

La principale cause de mortalité dans le monde et qui éclipse totalement celle du coronavirus et des autres maladies infectieuses ces 18 derniers mois, soit 9,75 millions de morts, coronavirus compris, est l’ensemble des maladies cardiovasculaires dont le tribut payé par l’humanité a été au cours de cette même période de 18 mois de 27 millions de morts selon les données de l’OMS les plus récentes c’est-à-dire plus de 5 fois le nombre de morts par coronavirus. Il faut moral garder et surtout relativiser sinon ce sera une paranoïa généralisée …

D’où vient le Plasmodium vivax ?

C’est une question débattue depuis que l’on a découvert un Plasmodium très proche du « vivax » humain chez les grands singes d’Afrique. L’idée que le P.vivax soit originaire d’Afrique comme l’homme moderne était séduisante mais il n’existait aucune preuve permettant de l’affirmer. Il a été nécessaire pour trancher entre l’hypothèse de l’origine africaine et l’origine asiatique d’étudier en détail 447 génomes de P.vivax et 19 génomes de P.vivax simiesque, de gorilles et de chimpanzés obtenus au Gabon, au Cameroun et en Côte-d’Ivoire. Cette étude s’est focalisé sur les SNPs (single nucleotide polymorphism), environ 2 millions, du chromosome 5 du parasite. Je rappelle que le Plasmodium vivax est la forme de malaria la plus répandue dans le monde avec entre 2,5 et 5 millions de cas nouveaux chaque année. Cette fièvre ne s’éteint pas après le premier contact avec le parasite, contrairement au Plasmodium falciparum mais peut réapparaître sans prévenir pendant de longues années après la primo-infection sans que l’on soit pour autant en contact avec un anophèle, le moustique vecteur du parasite et dans un pays exempt de malaria.

À l’issue de cette étude réalisée à l’Université de Montpellier en France sous la direction du Docteur Virginie Rougeron il apparaît que le P.vivax tel qu’on le connaît maintenant est originaire de l’un des trois pays suivants : Indonésie, Malaisie ou Papouasie-Nouvelle Guinée (PNG) ou simultanément de ces trois pays. Ce serait aller un peu vite d’en rester là car les clades très proches de ces trois pays ont des « ancêtres » phylogénétiques ayant conduit à l’apparition du P.vivax de Chine puis des clades de Thaïlande, du Vietnam et du Cambodge et parallèlement du clade du Myanmar. À peu près au même moment dans le «  temps génétique » deux branches distinctes ont émergé l’une en Afrique et l’autre en Amérique Centrale et du Sud avec dans la branche « africaine » le clade de l’Inde. À cet arbre phylogénétique se superposent des mouvements de population mais dans tous les cas l’origine du parasite se situe quelque part à mi-distance entre le P.vivax d’Asie et les autres, Afrique et Amérique à l’exception de l’Inde, le P.vivax des grand singes d’Afrique (PVL, Plasmodium vivax Like) divergeant très tôt. Le parasite indien ne fait partie des autres parasites africains que phylogénétiquement et non pas géographiquement, cela s’entend :

Les calculs de dérive génétique (drift parameter) tenant compte des mouvements migratoires humains modifient cet arbre. Le vivax de l’Inde provient alors du Myanmar et divers mélanges (admixtures) ont aussi lieu entre le Cambodge, la Malaisie, PNG et l’Indonésie. Tous ces calculs sont basés sur les accumulations de SNPs pour déterminer la dérive génétique et sur la fréquence des séquences identiques en dehors des zones hyper-variables de l’ADN susceptibles d’être allumées avec la même amorçe en utilisant l’outil PCR (bootstrap) si j’ai bien compris le sens de l’article :

Très belle étude qui a le mérite de clarifier une situation et d’affirmer que le Plasmodium vivax est bien originaire des zones équatoriales de l’Asie insulaire. Il reste un mystère non encore élucidé car le P.vivax a été beaucoup moins étudié que son cousin le falciparum car il ne provoque que très peu de décès. De plus les populations africaines sont protégées contre le vivax car elles ne possèdent pas l’antigène Duffy à la surface de leurs hématies. Cependant de nouvelles souches de P.vivax ont fait leur apparition et elles sont capables d’envahir ces hématies exemptes de l’antigène Duffy. Au même titre que le P.falciparum le « vivax » est devenu aujourd’hui une préoccupation majeure dans de nombreux pays d’Afrique jusque là épargnés car les économies de ces pays seraient gravement pénalisées par une infestation massive quand on sait que 15 % à 20 % de la population est en permanence malade malgré toutes les thérapeutiques anti-malaria existantes dans les pays où la malaria est endémique.

Source : http://advances.sciencemag.org/content/7/18/eabc3713

Souvenirs

Il y a exactement 23 ans je me trouvais avec mon fils puiné et un de ses amis au sud de l’île de Tanna au Vanuatu dans une petite pension perdue dans la forêt au bord de Resolution Bay, du nom du bateau à bord duquel se trouvait le capitaine James Cook lors de son second voyage d’exploration dans l’Océan Pacifique sud. C’est là que je souffris de ma première crise de malaria. Cet épisode ne nous empêcha pas d’aller au bord du cratère du Yazur pour admirer le lac de lave qui était perturbé par de petites explosions à peu près toutes les 30 secondes. Depuis lors le lac de lave a disparu et le Yazur, considéré comme l’un des volcans les plus dangereux du monde, prépare peut-être son explosion cataclysmique. En effet le réservoir de magma sous-jacent soulève la partie sud de l’île puisque James Cook trouva une profondeur de 60 brasses (120 mètres) en 1774 alors qu’elle n’est plus que d’une dizaine de brasses aujourd’hui.

De retour à Port-Vila, je me documentais au sujet de la malaria et me munis de chloroquine mais il était illusoire de se protéger contre une nouvelle crise puisque celles-ci se succédèrent au cours des années suivantes, longtemps après avoir quitté ces lieux paradisiaques mais un peu dangereux sur le plan sanitaire. En effet le Plasmodium qui m’a empoisonné l’existence pendant plus de 20 ans est classé dans la catégorie vivax. J’avais également compris que les larves du parasite restaient dormantes dans le foie et j’en suis resté persuadé jusqu’à la lecture d’un article paru dans la revue Plos medicine ( https://doi.org/10.1371/journal.pmed.1003632 ) ce 26 mai 2021 relatant une étude réalisée en Papouasie-Nouvelle Guinée et focalisée sur une histologie du pancréas de patients décédés de malaria ou ayant subi une ablation de cet organe. Comme au Vanuatu peuplé de papous, la malaria est endémique dans ces deux pays et les deux formes de Plasmodium coexistent, falciparum et vivax.

Lors d’une crise les hématies sont endommagées par le parasite et le sang est purifié par la rate. Les hématies endommagées s’accumulent dans cet organe et l’un des rôles de la rate est de recycler le fer de l’hémoglobine, pour faire court. Comme on aurait pu s’y attendre à chaque crise la rate s’enrichit en formes asexuées du Plasmodium comme on peut le noter dans la figure ci-dessus tirée de l’article en référence. Mais la rate ne reste pas le réservoir principal du parasite (en ce qui concerne le vivax) bien qu’au cours d’une crise la densité de parasite peut être 100 fois plus élevée que dans le sang. Ces observations invalident l’hypothèse d’un autre réservoir qui a été évoqué comme étant la moelle osseuse ( J Infect Dis. 2020:jiaa177. Pmid:32556188 ). La malaria est une maladie du sang et elle a longtemps été traitée avec de la chloroquine jusqu’à l’apparition de formes résistantes du parasite en particulier en Asie du Sud-est.

Pour un vaccin contre la malaria il y a encore un long chemin …

Alors qu’au cours de l’année 2020 la malaria aura encore tué près d’un million de personnes dans le monde alors que tous les yeux étaient tournés vers les morts provoqués par le SARS-CoV-2 et pour faire exception puisque tous les moyens étaient mobilisés pour sauver des vies humaines dans les pays occidentaux, ce nouveau virus a surpassé la malaria avec 3 213 602 morts dans le monde à la date du 4 mai 2021. Mais si la malaria a été surpassée par le coronavirus en cette année 2020 elle a également tué autant de personnes dans le monde durant ces 20 dernières années. Bref, il n’y a pas de quoi pavaner malgré une très nette amélioration essentiellement due à la généralisation de moustiquaires imprégnées d’insecticides, par exemple, et le retour à pas feutrés du DDT dont on imprègne les murs dans les cases des villages des pays tropicaux parce c’est justement sur ces murs que les moustiques viennent se poser durant la journée pour, la nuit tombée, aller se nourrir du sang des occupants de la case en se laissant littéralement tomber sur eux puis leur transmettant le plasmodium qui va tuer et tuera encore. S’étant imprégné de DDT les moustiques meurent avant d’avoir infecté leurs proies.Ce qui est très surprenant au premier regard est le très faible taux de mortalité par le SARS-CoV-2 dans les pays où précisément sévit de manière endémique la malaria. Je ne les citerai pas tous ici mais il s’agit de la péninsule cochinchinoise, la Birmanie, la Malaisie, l’Indonésie et la Nouvelle-Guinée mais aussi et surtout l’ensemble des pays d’Afrique en dehors de l’Afrique du sud qui a voulu jouer dans la cour des grands en interdisant les traitements précoces à base d’hydroxychloroquine ou d’Ivermectine.

Mais revenons à la malaria. Le Jenner Institute, émanation de l’Université d’Oxford, a imaginé de faire produire par des levures génétiquement modifiées dans ce but une protéine chimérique, une partie de la protéine de capside du virus de l’hépatite B fusionnée à une partie de la protéine de surface du parasite de la malaria sous sa forme existant dans la salive du moustique appelée sporozoïte. L’attention a été porté sur le Plasmodium falciparum qui tue beaucoup plus de personnes que le P. vivax. Cette protéine chimérique s’assemble spontanément en particules ressemblant à un virus et le patient inoculé par ce produit conditionné avec un adjuvant constitué de saponines d’origine végétale développe des anticorps contre la protéine du sporozoïte. Les premiers essais cliniques en phase 3 ont été effectués sur un nombre restreint d’enfants âgés de 5 à 17 mois dans une région du Burkina-Faso où la malaria est endémique. Il est encore prématuré de se réjouir puisque sur 146 enfants ayant reçu le vaccin 39 ont tout de même développé la malaria à falciparum alors que dans le groupe témoin de 147 enfants 106 d’entre eux ont, eux, développé la maladie. C’est à peu près ce qui se passe avec les vaccins à ARN pour le SARS-CoV-2 : une protection incomplète. De plus il existe une multitude de « variants » qui diffèrent au niveau des protéines de l’enveloppe du sporozoïte, c’est aussi exactement la situation à laquelle on est confronté dans les pays européens avec le soi-disant super-efficace pseudo-vaccin à ARN messager dirigé contre le SARS-CoV-2.

Le vaccin expérimental de GSK développé par une approche sensiblement identique, le Mosquirix, a de son côté péniblement atteint une efficacité de 56 % la première année et réduite à 36 % après 4 années. Il est donc clair que devant le peu de profits attendus pour la production de ces vaccins les grands laboratoires pharmaceutiques, qui pour certains d’entre eux ont trouvé la poule aux œufs d’or avec le SARS-CoV-2, ne sont pas très nerveux en ce qui concerne la malaria. Enfin, pour clore ce sujet, l’Institut des pathogènes émergeants à l’Université de Floride privilégie une toute autre approche consistant à affaiblir la capacité de transmission du parasite de l’homme vers le moustique. Je ne suis pas du tout spécialiste mais j’ai beaucoup de peine à imaginer comment ce but pourra être atteint …

Source : AAAS News, illustration Wikipedia

Une nouvelle arme contre la malaria : les microsporidies

Lorsque je suis arrivé il y a 24 ans à Port-Vila, capitale du Vanuatu, je n’avais pas en poches les 200000 dollars US de l’époque qu’il fallait déposer sur un compte en banque pour obtenir un visa de résident. Le seul moyen de communication avec la France était un fax qui se trouvait au bureau de poste mais avec les 10 heures de décalage horaire avec l’Europe il fallait au moins une journée de plus pour pouvoir espérer une réponse. Je restais donc assis sur les marches du bureau de poste situé près de la centrale électrique qui alimentait la ville et le ronronnement des moteurs diesel me tenait compagnie en attendant un fax qui m’était destiné. Un matin, peu de jours après mon arrivée dans ce pays dont j’ignorais l’existence une semaine auparavant, un Néo-Zélandais m’adressa la parole et me demanda ce que je faisais ici à Port-Vila. Lorsqu’il comprit que j’étais Français et que je parlais presque parfaitement anglais il me demanda si j’accepterais un poste d’enseignant à l’internat d’Onesua au nord de l’île d’Efate, île de l’archipel où se trouve Port-Vila. Après avoir conclu un accord de principe en buvant une bière il me glissa que ce n’était que pour quelques mois mais que je pourrais ainsi obtenir mon visa de résident.

Je partis entre deux avions à Nouméa pour acheter des livres de cours, un petit ordinateur portable et diverses fournitures scolaires. La librairie, apprenant que j’allais enseigner le français à Onesua, me fit cadeau d’un plein carton de toutes sortes de livres, de crayons et de cahiers pour mes élèves. De retour à Port-Vila j’achetai une petite Suzuki 4×4 et je partis avec mon sac et quelques provisions de nourriture à la très pesbytérienne et très anglophone pension Onesua High School à 4 heures de piste de Port-Vila. Très vite je compris qu’il y avait dans les deux classes dont j’avais la charge pour l’enseignement du français en permanence au moins un tiers des élèves qui étaient absents et à l’appel réglementaire lorsque je commençais mes cours les élèves me répondaient : « he is sick » ou « she is sick », cette pension était en effet mixte. La direction de l’école m’informa que la malaria était endémique et que malgré la distribution épisodique de chloroquine à tous les élèves il arrivait parfois que certains d’entre eux étaient victimes d’une crise de fièvre. Il n’y avait pas de médecin sur le campus, seulement une infirmière américaine également enseignante bénévole envoyée par son église ici au Vanuatu qui me confia plus tard que les deux formes de Plasmodium étaient présentes dans ce pays. J’eus la chance de n’attraper que la forme vivax de ce parasite et j’en souffre toujours encore épisodiquement …

Je compris que dans n’importe quel pays où la malaria est endémique le développement économique n’est tout simplement pas possible, et c’est le cas dans de nombreux pays d’Afrique encore aujourd’hui. J’ai écrit cette longue introduction pour replacer l’impact de cette maladie dans le contexte d’une étude réalisée au Kenya. Dans le cadre des nombreux travaux réalisés à l’Université de Nairobi pour tenter de trouver de nouvelles armes contre le moustique vecteur ou le parasite lui-même. L’attention des biologistes et des entomologistes a exploré une nouvelle voie pour combattre le moustique vecteur, essentiellement l’anophèle, mais peut-être aussi le plasmodium lui-même quand a été découverte l’existence d’un microsporide (ou microsporidie) infectant l’anophèle arabiensis. Un petit mot sur les microsporidies. Ce sont des eukaryotes et leur génome est le plus petit de tous les eukaryotes. Ce sont des parasites intra-cellulaires obligatoires qui se reproduisent en général en formant des spores. Il existerait autant d’espèces de microsporidies que d’espèces vivantes depuis les arthropodes jusqu’à l’homme mais il y a aussi des microsporidies qui infectent d’autres parasites obligatoires. L’intérêt de ces travaux de recherche réside dans le fait que ce parasite du moustique se transmet à la descendance par les œufs. De plus ce parasite ne réduit pas le nombre d’œufs produit par le moustique femelle après son repas de sang mais également, et c’est une découverte intéressante, il réduit la formation des oocystes du Plasmodium dans le tractus intestinal du moustique. Par conséquent, et cela a été démontré à l’aide de tests PCR, la formation des sporozoïtes du Plasmodium dans les glandes salivaires du moustique se trouve fortement diminuée voire totalement inhibée. Les sporozoïtes sont la forme infectante du Plasmodium pour les êtres humains. Enfin les microsporidies n’affectent pas le sex ratio du moustique.

Les microsporidies pourraient constituer un outil d’une exceptionnelle spécificité pour combattre la malaria. Puisque la transmission de ce parasite intracellulaire spécifique de l’anophèle est verticale il suffirait dans la pratique d’élever des moustiques porteurs de microsporidies et de les disperser dans la nature. Il s’agirait d’une sorte de lutte biologique qui sera chaleureusement accueillie par les partisans de la préservation des écosystèmes, la lutte chimique à grande échelle contre les moustiques n’étant pas envisageable dans des pays d’Afrique comme le Kenya mais également dans les archipels de l’Océan Pacifique comme les Salomon et le Vanuatu. Cette nouvelle approche pourra grandement contribuer au développement économique de tous ces pays en réduisant l’incidence de la malaria sur les populations …

Source : https://doi.org/10.1038/s41467-020-16121-y et pour les curieux : https://en.wikipedia.org/wiki/Microsporidia

Histoire de malaria et de moustiques …

En regroupant une série de statistiques internationales le nombre de décès d’êtres humains provoqués par des créatures vivantes depuis le début de l’année 2000 ressort ainsi :

1. Moustiques : 8 000 000 (environ 450 000 par an, surtout des enfants)

2. Êtres humains (guerres, attentats, homicides) : 475 000 (également beaucoup d’enfants)

3. Serpents (essentiellement en Inde) : 50 000

4. Chiens et mouches des sables : 25 000 chacun

5. Mouche tse-tse et mouche assassine : 10 000 chacune

Les crocodiles pourtant considérés comme les pires ennemis de l’homme sont classés en 10e position avec 1000 morts, les hippopotames 500 morts, les éléphants et les lions, 100 morts chacun, les requins et les loups arrivent enfin en 15e position avec chacun 10 morts par an.

Pourtant, en revenant au tueur numéro un de ce palmarès macabre 11 milliards de dollars sont dépensés chaque année uniquement pour se protéger des piqûres de moustiques. À vrai dire les moustiques ne sont pas létaux directement : la raison pour laquelle ils tuent tant d’êtres humains tient au fait qu’ils transmettent au moins 15 armes biologiques de destruction massive sous forme de parasites et de virus. Les moustiques sont les vecteurs de ces maladies comme des drones pourraient aussi transporter des bombes chargées d’armes biologiques. Si les moustiques n’existaient pas la palme des destructions reviendrait aux hommes, instinctivement tueurs et destructeurs, suivis de loin par les serpents, surtout les cobras.

Notre système immunitaire est très bien adapté à notre environnement. La preuve a été apportée lors des conquêtes de pays éloignés de cet environnement natal. Les Européens ont décimé des populations entières en Amérique latine, en Afrique et dans les îles du Pacifique non pas par les armes mais en important des armes biologiques de destruction massive telles que la rougeole, la variole et la grippe lors des colonisations successives car les peuplades natives n’étaient pas immunisées. En retour beaucoup de ces Européens ont été mis à genoux par des maladies auxquelles ils n’étaient pas habitués comme celles inoculées par les femelles des moustiques. Dans n’importe quel pays infesté de moustiques porteurs de maladies (ou non) dès le coucher du Soleil ces drones ailés viennent rapidement piquer les chevilles, ils adorent les chevilles car elles sont bien vascularisées et ne sont jamais trop éloignées du sol !

Le moustique s’immobilise sur la peau à l’aide de ses six pattes munies de fins crochets et en quelques secondes trouve un vaisseau « intéressant » qu’il va atteindre rapidement avec un appareil buccal très sophistiqué qui ressemble à un couteau électrique avec deux lames agissant en va-et-vient et qui ménage un passage dans la peau à l’appareil de succion, le proboscis, une sorte de fin tuyau, la seringue hypodermique qui pompera 4 à 5 milligrammes de sang, trois fois le propre poids du moustique, tandis qu’une autre « seringue » injecte de la salive contenant des produits anti-coagulants. C’est la salive qui transmet les maladies et c’est l’anti-coagulant qui provoque les démangeaisons cutanées. Par expérience personnelle, dans un environnement quelconque, le moustique (femelle de l’Anophèle) va rechercher du sang 48 à 72 heures avant que le temps devienne pluvieux car il faut de l’eau pour que les oeufs survivent et se transforment en larves et pour que les oeufs arrivent à maturité il faut également un séjour de 48 heures dans l’utérus du moustique, la femelle, car les mâles se contentent de nectar de fleurs … et de sexe. Ils peuvent en effet féconder plusieurs femelles au cours de leur vie aérienne. Cependant le moustique tigre pique n’importe quand car il lui faut très peu d’eau pour que les oeufs survivent après la ponte et se transforment en larves.

Contrairement aux idées reçues, les moustiques ne sont pas particulièrement attirés par les blondes ni par des odeurs corporelles inhabituelles comme celles différenciant, semble-t-il, les Blancs des Noirs. Par contre les moustiques sont 2 fois plus attirés par les personnes ayant un sang de groupe O que celles ayant un sang de groupe A, et juste un peu moins attirés par celles ayant un sang de groupe B. Les odeurs corporelles jouent enfin un rôle essentiel pour que les moustiques pénètrent dans les habitations et s’immobilisent dans l’obscurité en attendant que leur proie survienne, proie qu’ils localisent dans l’obscurité totale à l’aide de détecteurs infra-rouges tout aussi sophistiqués que leur appareil buccal.

Pour les odeurs corporelles naturelles ou non, les moustiques n’aiment pas particulièrement les personnes qui se lavent mal mais ils sont attirés par celles qui dégagent des odeurs de pieds insistantes car les bactéries qui provoquent ces odeurs produisent aussi des substances chimiques présentant de réelles propriétés aphrodisiaques pour les moustiques. Les parfums, eaux de toilettes et autres savons odorants n’ont aucun effet répulsif, bien au contraire. Il a été observé que les buveurs de bière étaient très recherchés par les moustiques, peut-être dégagent-ils plus de CO2 (encore lui !) que les personnes qui ne boivent pas de bière. La femelle du moustique est en effet capable de détecter le CO2 exhalé par une proie humaine à plus de 50 mètres, un drone téléguidé par ce gaz et les radiations infra-rouges. Pour terminer ce tableau, terrifiant si vous transpirez, votre transpiration contient de l’acide lactique et l’odeur de cette substance attire particulièrement les moustiques et les femmes enceintes qui exhalent 20 % de plus de CO2 attirent significativement plus les moustiques que les autres femmes, phénomène qui aggrave la situation en cas de transmission du Zika ou de la malaria.

Une autre idée reçue consiste à croire que les moustiques femelles, après avoir déposé leurs oeufs, sont promises à une mort rapide. Il n’en est rien. Ces sales animaux volants peuvent vivre trois semaines, s’accoupler à nouveau après la ponte et piquer à nouveau une proie. C’est là que réside le fait que les moustiques peuvent transmettre des maladies infectieuses car le réservoir de ces maladies transmissibles à l’homme, c’est justement l’homme lui-même. Et au cours de ses trois semaines de vie, la femelle a largement l’occasion de recharger ses glandes salivaires en parasites ou en virus. Je souffre moi-même de crises de malaria depuis plus de 20 ans (P. vivax) et lorsque j’ai une crise, si un moustique me pique il y a tout lieu de penser que lors d’une autre piqûre motivée par la nécessité d’amener à maturation des oeufs fécondés, ce même moustique femelle pourra transmettre la malaria dont je souffre à une autre personne.

L’évolution a admirablement bien adapté les Plasmodium car ces parasites doivent « vivre » un cycle particulier dans les glandes salivaires du moustique.

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De plus ces parasites ne tuent pas systématiquement leur hôte final, l’être humain et certains primates, et c’est aussi la raison pour laquelle ils ont survécu à des milliers d’années d’évolution. Le cycle de vie des Plasmodium leur permet de survivre mais aussi à leur hôte de survivre en grande majorité malgré le grand nombre de morts. D’une manière générale tous les agents pathogènes se sont adaptés au cours de leur évolution pour survivre et se multiplier avant la mort de leur hôte. Certains virus comme le HIV ont poussé la sophistication de leur survie en traversant librement la barrière placentaire. Bien d’autres agents pathogènes, outre les Plasmodium, ont besoin d’un véhicule pour être transmis comme les puces, les mouches, les tiques, les mites ou les moustiques. Le typhus, la peste bubonique, la maladie de Chagas, la trypanosomiase ou maladie du sommeil, la maladie de Lyme en sont des exemples. Les moustiques sont les maîtres incontestés dans l’art d’évoluer et il en est de même des parasites et autres virus qu’ils véhiculent.

Par exemple lors de la bataille de Londres, consistant pour l’armée allemande à bombarder à l’aveugle la capitale britannique, la population se réfugiait dans les galeries du métro, les caves et d’autres souterrains, y compris les collecteurs d’égouts. Les moustique Culex, habitués à se nourrir essentiellement avec du sang des oiseaux et très accessoirement des êtres humains, soumis aux mêmes conditions de survie que leurs proies, apprirent à se nourrir du sang des souris, des rats et éventuellement du sang des animaux de compagnie des humains. Il y a aujourd’hui toujours dans le métro de Londres des descendants de ces moustiques qui ont évolué le temps du Blitz de 1940-41 !

Le Plasmodium vivax ainsi que les autres Plasmodium est un parasite réellement diabolique car au cours de son cycle de vie il change en permanence de forme ainsi que de couverture protéique. C’est la raison pour laquelle il est si difficile à attaquer avec des produits chimiques ou des vaccins car il a trouvé une parade inattaquable : rester dormant dans le foie puis attaquer périodiquement les globules rouges du sang dans lesquels il pénètre pour se protéger et s’y multiplier de manière asexuée. Ce processus dure environ 48 heures et se reproduit plusieurs fois de suite, en général trois fois. Chaque cycle est signalé à l’hôte par une violente crise de fièvre passagère qui disparaît en quelques heures pour réapparaître quelques 48 heures plus tard. Lors de la littérale explosion des hématies un signal chimique synthétisé par cette forme asexuée du parasite et encore mal identifié se retrouve dans la sueur. Ce signal indique au moustique qu’il faut s’abreuver de ce sang chargé en parasites qui vont ainsi compléter leur cycle de reproduction dans les glandes salivaires du moustique. Plus sophistiqué encore, lorsque les glandes salivaires sont progressivement envahies par les formes sexuées du parasite qui sont confinées dans des sacs appelés oocystes (stade 11 dans l’illustration). Cette accumulation inhibe en partie la sécrétion de salive et la femelle du moustique n’a pas le temps de récupérer la totalité du sang dont elle a besoin en une seule piqûre. Elle est alors obligée de trouver d’autres victimes accélérant ainsi le processus de contamination par le parasite à d’autres personnes. Stratégie tout simplement admirable !

Source : partiellement inspiré d’un article paru sur The Guardian, illustration CDC.

Notes. La mouche des sables est le vecteur du redoutable virus de Chandipura provoquant une maladie proche de la rage et à de rares exceptions mortelle. Cette mouche est aussi un agent transmetteur de la leishmaniose. Certaines mouches des sables se contentent d’arracher littéralement un morceau de chair qui s’infecte très rapidement dans certaines contrées comme par exemple les îles Marquises.

La controverse soulevée par les protecteurs de l’environnement à propos d’un lâcher de moustiques anophèles génétiquement modifiés pour ne produire que des mâles est infondée sous le fallacieux prétexte que l’écosystème serait gravement modifié car le moustique n’est que rarement consommé par les créatures mangeuses d’insectes. Lors de l’éradication systématique des moustiques de la côte sud-ouest de la France, de la Camargue à la frontière espagnole il y eut de timides mouvements de protection de la nature. Depuis cette date, aux alentours des années 1970, alors que la côte méditerranéenne était infestée de moustiques et hostile à tout développement touristique un nouvel équilibre du biotope s’est établi et cette partie de la France du sud n’a jamais connu de « printemps silencieux » comme le prétendit Rachel Carson dont le livre conduisit à l’interdiction en 1972 du DDT, le plus grand crime contre l’humanité jamais perpétré par l’homme. Depuis cette date, en effet, le nombre de morts attribués à la malaria et autres maladies transmises par les moustiques a dépassé celui de toutes les guerres depuis le début du XXe siècle y compris au moins 20 millions d’enfants. Il n’existe malheureusement pas d’insecticides spécifiques du moustique et le DDT, classé comme cancérigène probable au même titre que le glyphosate, serait aujourd’hui rapidement interdit sous la pression des ONGs …

Au Myanmar le combat contre la malaria s’organise

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La Birmanie ou Myanmar défraye la chronique internationale en raison du conflit religieux et ethnique entre les Rohingyas musulmans et les bouddhistes. Ces Rohingyas sont indésirables tant au Myanmar qu’au Bangladesh et ce dernier pays a décidé de parquer quelques réfugiés dans une île isolée au large du delta du Gange. Mais le Myanmar est beaucoup moins connu pour son action sanitaire de grande ampleur et de longue haleine pour contenir la malaria. Ce pays couvert de forêt tropicale humide est totalement infesté de moustiques anophèles qui transmettent la malaria. Les villageois qui côtoient ces forêts constituent le réservoir du Plasmodium et la stratégie adoptée depuis plusieurs décennies pour sinon éradiquer du moins contenir la malaria est de réduire ce réservoir au niveau local, c’est-à-dire de réduire la population villageoise porteuse de plasmodium, et non pas d’utiliser massivement des insecticides pour éradiquer les moustiques, une mission impossible en pratique.

Cette stratégie consiste à entrainer des personnels pour dépister systématiquement les sujets infectés et d’une part les traiter avec des médicaments anti-malaria et d’autre part à traiter l’ensemble de la population du même village avec ces mêmes médicaments. Le principe est simple. Le cycle de reproduction sexuée du parasite à l’intérieur des glandes salivaires du moustique pour produire des sporozoïtes, la forme transmise par piqûre, est alors rompu si tous les habitants d’un village donné sont exempts de parasite à la suite de ces traitements médicamenteux.

Cette approche semble prometteuse puisque les résultats montrent que dans de nombreux villages, plus d’une cinquantaine, ayant servi de plateforme d’essai et de mise au point de cette stratégie les cas de malaria ont pratiquement disparu. Cette stratégie met à profit le fait que les moustiques ne parcourent jamais de très longues distances. Mais la vigilance reste de mise car l’éradication ne peut être vraiment atteinte que si le nombre de cas reste nul pendant plusieurs années. Il apparaît alors deux situations qui doivent être prises en compte. D’une part un manque de vigilance en cas de fièvre, il faut rapidement dépister la cause de la fièvre à l’aide du test sanguin et le dépistage est peu coûteux et simple à mettre en oeuvre. Si le sujet s’avère positif il doit être immédiatement traité et isolé afin d’éviter que des moustiques s’en approchent. D’autre part l’immunité des individus diminue puisqu’ils ne sont plus en contact avec le parasite et ils deviennent ainsi plus vulnérables à une nouvelle infection. La Fondation Bill & Melinda Gates est très impliquée dans ce programme d’éradication d’un nouveau genre mais les projections de cet organisme indiquant une possible éradication totale de la malaria à l’horizon 2030 paraissent optimistes. Il y a en effet d’autres maladies qu’il faudrait aussi prendre en considération et qui demanderaient les mêmes efforts comme la tuberculose et le HIV également endémiques au Myanmar.

Source : Bill & Melinda Gates Foundation

Note. Au sujet de l’immunité supposée protéger contre la malaria je voudrais mentionner ici mon cas personnel. Je souffre de la malaria (P. vivax) depuis maintenant 21 ans et si les crises, aujourd’hui, n’ont plus la même ampleur que les premières, celles-ci n’ont pas disparu, loin de là. Il me semble, mais ce n’est qu’une opinion personnelle, que parler d’immunité dans le cas du P. vivax paraît abusif sinon excessif.

Le CO2 et les moustiques : une fantastique coopération !

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Il y a maintenant 20 ans que Dame nature, que d’aucuns voudraient protéger quoiqu’il en coûte, m’a gratifié de la malaria, une saloperie d’un Plasmodium vivax qui a élu domicile dans mon foie et me détruit la santé périodiquement. Et chaque fois qu’une publication scientifique paraît au sujet de la malaria je me précipite pour la lire en détail.

L’article paru dans le dernier numéro du périodique Current Biology détaille comment les moustiques femelles qui ont besoin de sang pour la maturation de leurs oeufs détectent leur proie. C’est tout simplement machiavélique ! Ces sales bêtes, femelles qui plus est (je ne suis pas sexiste mais tout de même), qualifiées d’anthropophiles possèdent toute une série de récepteurs pour géolocaliser leur proie à coup sûr.

Contrairement à ce que pensent les béotiens qui n’ont jamais vécu dans les pays tropicaux, je ne leur en veux pas, ce n’est pas la lumière qui attire les moustiques, c’est plutôt le contraire car la lumière a tendance à « éblouir » les moustiques qui deviennent incapables de localiser leur proie à l’aide de leurs détecteurs infra-rouge. Ici, je ne parle pas des moustiques du genre tigre qui transmettent la dengue qui piquent à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, une autre saloperie que j’ai attrapé aux îles Marquises, mais des Anophèles qui transmettent spécifiquement la malaria.

 

Les Anophèles comme les Aedes sont attirés, outre par les infra-rouges, par le CO2 (encore lui !), l’odeur corporelle, la vapeur d’eau que l’on exhale comme le CO2 en respirant et la détection visuelle directe comme par exemple au crépuscule. L’article cité en référence fait état de l’identification détaillée des divers récepteurs du CO2 et des odeurs corporelles permettant aux moustiques de se diriger vers leur proie. Ces récepteurs se trouvent localisés presque exclusivement dans les antennes de ces sales bêtes. À l’aide de l’outil de biologie moléculaire CRISPR-case9 les biologistes de l’Université Internationale de Floride à Miami ont pu identifié le mécanisme extraordinairement sophistiqué dont disposent ces immondes insectes que les écologistes, qui n’ont jamais été vaincus par des crises de malaria, refusent qu’un quelconque insecticide ne menace leur vie paisible.

Notre odeur corporelle est le résultat de la présence d’une série de substances volatiles excrétées par les glandes sudoripares et nous pourrons nous tartiner de déodorants et d’huiles essentielles, ce sera totalement inefficaces pour repousser les moustiques parce que ces derniers possèdent des récepteurs que n’importe lequel des parfums ne pourra pas leurrer, à l’exception notoire du diéthyl-toluamide (DEET), le seul produit efficace qui repousse les moustiques à condition qu’il soit utilisé dans une formulation concentrée. Il semblerait que les moustiques « n’aiment pas » cette odeur.

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Dans la sueur, source de notre odeur, il y a au moins 12 composés volatiles, du moins les plus abondants et qui ont été testés en laboratoire. Il s’agit du 1-octènol, de la géranylacétone, de la sulcatone, de l’octanal, du nonalal et du dodécanal, des cétones très volatiles aux odeurs caractéristiques et bien connues des chimistes. Il y a aussi le linaool, le limonène et le 2-éthylhexanol et pour compléter cette liste à la Prévert une série d’acides que l’on trouve notamment dans les fromages comme l’acide lactique et les acides butyrique, heptanoïque, octanoïque et nonanoïque qui participent avantageusement aux fumets inoubliables d’un Epoisses, d’un Comté de deux ans d’âge ou d’un Rocamadour bien coulant.

Toutes ce molécules volatiles sont détectées par le moustique à l’aide de récepteurs très spécialisés. Ce qui est incroyable dans ce mécanisme est que cette détection est amplifiée par la présence de gaz carbonique que nous exhalons en respirant à une concentration de l’ordre de 2000 ppm à la sortie de nos poumons. Entre parenthèses et cela n’a rien à voir avec les moustiques, quand certains climato-réchauffistes prétendent que le CO2 est toxique, ce même CO2 sert de signal pour les moustiques et pour leur survie ! La sophistication des détecteurs du moustique ne s’arrête pas là. La détection infra-rouge indique au moustique qu’il s’agit bien d’un animal – nous, humains – à sang chaud et qu’il est approprié de lui pomper son sang.

Le moustique est donc équipé d’un système extraordinairement sophistiqué pour choisir sa proie : il faut que la température du corps de cette proie avoisine les 37 degrés, qu’il répande du CO2 en respirant, et qu’il dégage les composés chimiques mentionnés ci-dessus. Imparable !

Source et illustrations : Current Biology, doi : 10.1016/j.cub.2019.02.045

Un effet négligé de la malaria

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Quand les « globules rouges » – les hématies – sont infectées par le Plasmodium, agent pathogène parasite provoquant les crises de paludisme, certaines d’entre elles se trouvant dans la moëlle osseuse, siège de la production de ces cellules sanguines, libèrent des protéines du parasite. Une équipe de biologistes de l’Université d’Osaka s’est donc intéressée aux effets potentiels de la malaria sur l’intégrité des os dits longs, ceux qui produisent les cellules sanguines des lignées rouge et blanche. Et ils n’ont pas été déçus. J’avais contacté le Professeur Shizuo Akira, directeur de cette équipe, pour me proposer comme sujet d’étude de l’intégrité de mes os. Je souffre en effet depuis maintenant 20 ans de crises épisodiques de malaria. Mais ne disposant pas de crédits suffisants pour prendre en charge mes frais de déplacement en Shinkansen depuis Tokyo et mon hébergement sur place à Osaka il n’avait pas donné suite à ma proposition.

La libération de protéines spécifiques du Plasmodium dans la moëlle osseuse altère la structure de l’os à la suite d’une réponse immunitaire complexe impliquant divers mécanismes décrits dans le résumé en image ci-dessus. Le mécanisme complexe est induit par une protéine appellée RANK (acronyme de receptor activator of nuclear factor kB) présente à la surface des ostéoblastes constamment produits dans l’intérieur de l’os qui se transforment ensuite en ostéoclastes, constituant finaux de l’architecture interne poreuse de l’os permettant à la moëlle de séjourner tout en étant protégée dans les os longs. Or la cascade immunitaire provoquée par diverses molécules du Plasmodium perturbe ce mécanisme délicat et dès lors affaiblit cette architecture osseuse. La première étape de la réponse immunitaire est une activation de la réponse primaire provoquée par la présence de protéines étrangères. Le facteur initial de cette réponse immunitaire est appellé MyD88 (voir le résumé imagé ci-dessus).

Le résultat observé sur l’évolution de la structure des os d’un modèle de souris pour l’étude en laboratoire de la malaria est parlant. Les os longs brunissent et deviennent plus fragiles et de tels effets peuvent souvent être observés chez les enfants souffrant de malaria et dont la croissance osseuse est alors perturbée. Que mes lecteurs se rassurent à mon sujet, mes os semblent être en parfait état mais la gingivite dont je souffre épisodiquement peut également être provoquée, selon cette étude, par la présence de Plasmodium.

Source et illustration : Science Immunology, 2, eaam8093 (2 June 2017)