En regroupant une série de statistiques internationales le nombre de décès d’êtres humains provoqués par des créatures vivantes depuis le début de l’année 2000 ressort ainsi :
1. Moustiques : 8 000 000 (environ 450 000 par an, surtout des enfants)
2. Êtres humains (guerres, attentats, homicides) : 475 000 (également beaucoup d’enfants)
3. Serpents (essentiellement en Inde) : 50 000
4. Chiens et mouches des sables : 25 000 chacun
5. Mouche tse-tse et mouche assassine : 10 000 chacune
Les crocodiles pourtant considérés comme les pires ennemis de l’homme sont classés en 10e position avec 1000 morts, les hippopotames 500 morts, les éléphants et les lions, 100 morts chacun, les requins et les loups arrivent enfin en 15e position avec chacun 10 morts par an.
Pourtant, en revenant au tueur numéro un de ce palmarès macabre 11 milliards de dollars sont dépensés chaque année uniquement pour se protéger des piqûres de moustiques. À vrai dire les moustiques ne sont pas létaux directement : la raison pour laquelle ils tuent tant d’êtres humains tient au fait qu’ils transmettent au moins 15 armes biologiques de destruction massive sous forme de parasites et de virus. Les moustiques sont les vecteurs de ces maladies comme des drones pourraient aussi transporter des bombes chargées d’armes biologiques. Si les moustiques n’existaient pas la palme des destructions reviendrait aux hommes, instinctivement tueurs et destructeurs, suivis de loin par les serpents, surtout les cobras.
Notre système immunitaire est très bien adapté à notre environnement. La preuve a été apportée lors des conquêtes de pays éloignés de cet environnement natal. Les Européens ont décimé des populations entières en Amérique latine, en Afrique et dans les îles du Pacifique non pas par les armes mais en important des armes biologiques de destruction massive telles que la rougeole, la variole et la grippe lors des colonisations successives car les peuplades natives n’étaient pas immunisées. En retour beaucoup de ces Européens ont été mis à genoux par des maladies auxquelles ils n’étaient pas habitués comme celles inoculées par les femelles des moustiques. Dans n’importe quel pays infesté de moustiques porteurs de maladies (ou non) dès le coucher du Soleil ces drones ailés viennent rapidement piquer les chevilles, ils adorent les chevilles car elles sont bien vascularisées et ne sont jamais trop éloignées du sol !
Le moustique s’immobilise sur la peau à l’aide de ses six pattes munies de fins crochets et en quelques secondes trouve un vaisseau « intéressant » qu’il va atteindre rapidement avec un appareil buccal très sophistiqué qui ressemble à un couteau électrique avec deux lames agissant en va-et-vient et qui ménage un passage dans la peau à l’appareil de succion, le proboscis, une sorte de fin tuyau, la seringue hypodermique qui pompera 4 à 5 milligrammes de sang, trois fois le propre poids du moustique, tandis qu’une autre « seringue » injecte de la salive contenant des produits anti-coagulants. C’est la salive qui transmet les maladies et c’est l’anti-coagulant qui provoque les démangeaisons cutanées. Par expérience personnelle, dans un environnement quelconque, le moustique (femelle de l’Anophèle) va rechercher du sang 48 à 72 heures avant que le temps devienne pluvieux car il faut de l’eau pour que les oeufs survivent et se transforment en larves et pour que les oeufs arrivent à maturité il faut également un séjour de 48 heures dans l’utérus du moustique, la femelle, car les mâles se contentent de nectar de fleurs … et de sexe. Ils peuvent en effet féconder plusieurs femelles au cours de leur vie aérienne. Cependant le moustique tigre pique n’importe quand car il lui faut très peu d’eau pour que les oeufs survivent après la ponte et se transforment en larves.
Contrairement aux idées reçues, les moustiques ne sont pas particulièrement attirés par les blondes ni par des odeurs corporelles inhabituelles comme celles différenciant, semble-t-il, les Blancs des Noirs. Par contre les moustiques sont 2 fois plus attirés par les personnes ayant un sang de groupe O que celles ayant un sang de groupe A, et juste un peu moins attirés par celles ayant un sang de groupe B. Les odeurs corporelles jouent enfin un rôle essentiel pour que les moustiques pénètrent dans les habitations et s’immobilisent dans l’obscurité en attendant que leur proie survienne, proie qu’ils localisent dans l’obscurité totale à l’aide de détecteurs infra-rouges tout aussi sophistiqués que leur appareil buccal.
Pour les odeurs corporelles naturelles ou non, les moustiques n’aiment pas particulièrement les personnes qui se lavent mal mais ils sont attirés par celles qui dégagent des odeurs de pieds insistantes car les bactéries qui provoquent ces odeurs produisent aussi des substances chimiques présentant de réelles propriétés aphrodisiaques pour les moustiques. Les parfums, eaux de toilettes et autres savons odorants n’ont aucun effet répulsif, bien au contraire. Il a été observé que les buveurs de bière étaient très recherchés par les moustiques, peut-être dégagent-ils plus de CO2 (encore lui !) que les personnes qui ne boivent pas de bière. La femelle du moustique est en effet capable de détecter le CO2 exhalé par une proie humaine à plus de 50 mètres, un drone téléguidé par ce gaz et les radiations infra-rouges. Pour terminer ce tableau, terrifiant si vous transpirez, votre transpiration contient de l’acide lactique et l’odeur de cette substance attire particulièrement les moustiques et les femmes enceintes qui exhalent 20 % de plus de CO2 attirent significativement plus les moustiques que les autres femmes, phénomène qui aggrave la situation en cas de transmission du Zika ou de la malaria.
Une autre idée reçue consiste à croire que les moustiques femelles, après avoir déposé leurs oeufs, sont promises à une mort rapide. Il n’en est rien. Ces sales animaux volants peuvent vivre trois semaines, s’accoupler à nouveau après la ponte et piquer à nouveau une proie. C’est là que réside le fait que les moustiques peuvent transmettre des maladies infectieuses car le réservoir de ces maladies transmissibles à l’homme, c’est justement l’homme lui-même. Et au cours de ses trois semaines de vie, la femelle a largement l’occasion de recharger ses glandes salivaires en parasites ou en virus. Je souffre moi-même de crises de malaria depuis plus de 20 ans (P. vivax) et lorsque j’ai une crise, si un moustique me pique il y a tout lieu de penser que lors d’une autre piqûre motivée par la nécessité d’amener à maturation des oeufs fécondés, ce même moustique femelle pourra transmettre la malaria dont je souffre à une autre personne.
L’évolution a admirablement bien adapté les Plasmodium car ces parasites doivent « vivre » un cycle particulier dans les glandes salivaires du moustique.

De plus ces parasites ne tuent pas systématiquement leur hôte final, l’être humain et certains primates, et c’est aussi la raison pour laquelle ils ont survécu à des milliers d’années d’évolution. Le cycle de vie des Plasmodium leur permet de survivre mais aussi à leur hôte de survivre en grande majorité malgré le grand nombre de morts. D’une manière générale tous les agents pathogènes se sont adaptés au cours de leur évolution pour survivre et se multiplier avant la mort de leur hôte. Certains virus comme le HIV ont poussé la sophistication de leur survie en traversant librement la barrière placentaire. Bien d’autres agents pathogènes, outre les Plasmodium, ont besoin d’un véhicule pour être transmis comme les puces, les mouches, les tiques, les mites ou les moustiques. Le typhus, la peste bubonique, la maladie de Chagas, la trypanosomiase ou maladie du sommeil, la maladie de Lyme en sont des exemples. Les moustiques sont les maîtres incontestés dans l’art d’évoluer et il en est de même des parasites et autres virus qu’ils véhiculent.
Par exemple lors de la bataille de Londres, consistant pour l’armée allemande à bombarder à l’aveugle la capitale britannique, la population se réfugiait dans les galeries du métro, les caves et d’autres souterrains, y compris les collecteurs d’égouts. Les moustique Culex, habitués à se nourrir essentiellement avec du sang des oiseaux et très accessoirement des êtres humains, soumis aux mêmes conditions de survie que leurs proies, apprirent à se nourrir du sang des souris, des rats et éventuellement du sang des animaux de compagnie des humains. Il y a aujourd’hui toujours dans le métro de Londres des descendants de ces moustiques qui ont évolué le temps du Blitz de 1940-41 !
Le Plasmodium vivax ainsi que les autres Plasmodium est un parasite réellement diabolique car au cours de son cycle de vie il change en permanence de forme ainsi que de couverture protéique. C’est la raison pour laquelle il est si difficile à attaquer avec des produits chimiques ou des vaccins car il a trouvé une parade inattaquable : rester dormant dans le foie puis attaquer périodiquement les globules rouges du sang dans lesquels il pénètre pour se protéger et s’y multiplier de manière asexuée. Ce processus dure environ 48 heures et se reproduit plusieurs fois de suite, en général trois fois. Chaque cycle est signalé à l’hôte par une violente crise de fièvre passagère qui disparaît en quelques heures pour réapparaître quelques 48 heures plus tard. Lors de la littérale explosion des hématies un signal chimique synthétisé par cette forme asexuée du parasite et encore mal identifié se retrouve dans la sueur. Ce signal indique au moustique qu’il faut s’abreuver de ce sang chargé en parasites qui vont ainsi compléter leur cycle de reproduction dans les glandes salivaires du moustique. Plus sophistiqué encore, lorsque les glandes salivaires sont progressivement envahies par les formes sexuées du parasite qui sont confinées dans des sacs appelés oocystes (stade 11 dans l’illustration). Cette accumulation inhibe en partie la sécrétion de salive et la femelle du moustique n’a pas le temps de récupérer la totalité du sang dont elle a besoin en une seule piqûre. Elle est alors obligée de trouver d’autres victimes accélérant ainsi le processus de contamination par le parasite à d’autres personnes. Stratégie tout simplement admirable !
Source : partiellement inspiré d’un article paru sur The Guardian, illustration CDC.
Notes. La mouche des sables est le vecteur du redoutable virus de Chandipura provoquant une maladie proche de la rage et à de rares exceptions mortelle. Cette mouche est aussi un agent transmetteur de la leishmaniose. Certaines mouches des sables se contentent d’arracher littéralement un morceau de chair qui s’infecte très rapidement dans certaines contrées comme par exemple les îles Marquises.
La controverse soulevée par les protecteurs de l’environnement à propos d’un lâcher de moustiques anophèles génétiquement modifiés pour ne produire que des mâles est infondée sous le fallacieux prétexte que l’écosystème serait gravement modifié car le moustique n’est que rarement consommé par les créatures mangeuses d’insectes. Lors de l’éradication systématique des moustiques de la côte sud-ouest de la France, de la Camargue à la frontière espagnole il y eut de timides mouvements de protection de la nature. Depuis cette date, aux alentours des années 1970, alors que la côte méditerranéenne était infestée de moustiques et hostile à tout développement touristique un nouvel équilibre du biotope s’est établi et cette partie de la France du sud n’a jamais connu de « printemps silencieux » comme le prétendit Rachel Carson dont le livre conduisit à l’interdiction en 1972 du DDT, le plus grand crime contre l’humanité jamais perpétré par l’homme. Depuis cette date, en effet, le nombre de morts attribués à la malaria et autres maladies transmises par les moustiques a dépassé celui de toutes les guerres depuis le début du XXe siècle y compris au moins 20 millions d’enfants. Il n’existe malheureusement pas d’insecticides spécifiques du moustique et le DDT, classé comme cancérigène probable au même titre que le glyphosate, serait aujourd’hui rapidement interdit sous la pression des ONGs …