Wikipedia peut s’enorgueillir d’accueillir 470 millions de visiteurs par mois. Les utilisateurs réguliers de cette encyclopédie en libre accès et dont la plupart des articles sont traduits en de nombreuses langues, ces utilisateurs, donc, sont régulièrement sollicités pour soutenir financièrement le fonctionnement de ce site qui est devenu au fil des années une véritable institution à but non lucratif, c’est que l’on peut du moins espérer. Or il se trouve que Wikipedia est devenue (ou devenu, le « genre » de Wikipedia est indéterminé) un champ de bataille pour certains sujets controversés. On y trouve un nombre croissant d’articles franchement orientés idéologiquement et c’est non seulement désagréable pour qui attend de Wikipedia une certaine objectivité et par voie de conséquence une certaine neutralité, mais cette tendance tout à fait perceptible à biaiser le contenu de nombre d’articles finira un jour ou l’autre par détruire la crédibilité de l’ensemble du corpus de cette encyclopédie. Il faudra donc pour qui cherche des informations dénuées de toute connotation idéologique s’abonner moyennant finance à une institution respectable équivalente à Wikipedia, sans pour autant être certain que cette alternative sera satisfaisante.
La question sera alors : existera-t-il un site encyclopédique gratuit sur internet à 100 % objectif et honnête dans tous les domaines de la connaissance ? La réponse est évidemment : non ! Et c’est déplorable.
En ce qui me concerne, moi qui suis un négationniste forcené du réchauffement climatique anthropique, chaque fois que je fais une recherche, je me heurte à des articles dont la teneur a été volontairement modifiée, orientée ou à la limite réécrite pour être en conformité avec la doxa de l’IPCC. Par exemple, le plus caricatural parmi beaucoup d’autres à propos du climat est l’absence de données scientifiques et objectives relatives à l’évolution des proxys ayant permis de reconstruire l’évolution climatique au cours de l’ «optimum médiéval », température, humidité et CO2 compris. Et systématiquement une foultitude d’articles y vont de leur couplet de propagande réchauffiste arrivant parfois comme un cheveu sur une assiette de soupe gluante. On ne mourra pas de cet hypothétique réchauffement climatique qui n’aura certainement pas lieu durant les prochaines centaines d’années à venir. Mais infiniment plus grave et entrant dans la même démarche de désinformation, beaucoup de personnes consultant Wikipedia en toute naïveté pour éclaircir leurs connaissances sur leurs problèmes personnels de santé peuvent et sont d’ors et déjà induits en erreur par des articles délibérément modifiés par des groupuscules d’activistes marginaux inspirés des mêmes doctrines malthusiennes et rétrogrades que celles des opposants aux combustibles fossiles, aux OGMs et aux pesticides qui réorientent de nombreux sujets relatifs à la santé et la médecine pour faire passer un message alternatif.
On se trouve donc ici au cœur du problème de la survie même de Wikipedia : le respect de certaines règles élémentaires de déontologie respectant les principes professionnels et scientifiques les plus fondamentaux. Le respect de ces règles est crucial. En médecine comme dans la plupart des disciplines scientifiques, mais plus encore en médecine car cette branche de la science concerne la vie, il y a des règles à respecter et celles-ci doivent (et sont) respectées dans ce milieu professionnel particulier. Les journaux scientifiques avec « peer-review » respectent autant que faire se peut ces règles, du moins dans le domaine médical. Les patients ont droit à la meilleure qualité de soins et quand ils font une recherche sur Wikipedia (comme il m’est arrivé de le faire pour un petit bobo) s’ils sont leurrés par des articles niant les règles fondamentales de la déontologie médicale, il y a un réel problème qu’il est nécessaire de dénoncer. Il s’agit des « médecines complémentaires et alternatives » qui modifient systématiquement les articles relatifs aux traitements de toutes sortes de pathologies même les plus morbides. Le prétexte à peine voilé de la naturopathie est que puisque un grand nombre (qui reste à définir) de médicaments sont issus de plantes, alors les plantes sont bénéfiques pour le traitement de cancers, d’asthme, d’hypertension, d’obésité, etc …
Wikipedia reflète un certain consensus scientifique et est resté relativement neutre dans l’évaluation de ses articles dont la valeur n’a d’égal que celle de leurs auteurs et éditeurs, tous anonymes et c’est peut-être là que réside le problème. Les fondements de la médecine reposent sur le respect de règles strictes tant professionnelles que scientifiques. L’éducation médicale est standardisée, les étudiants passent des examens périodiquement et ceux-ci sont standardisés. Les institutions, les hôpitaux, les organisations professionnelles et gouvernementales comme les journaux scientifiques à comité de lecture sont soumis à des règles déontologiques strictes. Et ce n’est qu’à ces conditions que les patients reçoivent des soins de la meilleure qualité. On voit donc fleurir ici et là, dans la presse de caniveau comme dans les publicités qu’on distribue dans les boites aux lettres, dans la publicité télévisuelle également un nombre sans cesse croissant de conseils pour la « liberté des soins de santé ». L’aspect le plus inquiétant est que certains médecins diplômés y vont de leur couplet pour promouvoir des produits dits « naturels » envers et contre toute régulation dans un but uniquement mercantile. Il suffit qu’un médecin affiche son orientation de naturopathe, homéopathe, réflexologiste, chiropracteur ou encore acuponcteur, pour s’arroger le droit de transgresser les principes même de la déontologie médicale. Les régulateurs (FDA aux USA, agence européenne de sécurité sanitaire, par exemple) ont défini une nouvelle ligne de standards définissant l’aspect « naturel » de ces approches pseudo-médicales. La porte est donc ouverte pour tous les excès contraires aux principes scientifiques mêmes de la médecine. Et tout ça au nom de la liberté de penser, de choisir et d’agir. Et Wikipedia participe à la promotion de cette déviance dangereuse car chaque article est édité et publié en respectant la règle du consensus. Il est donc du devoir des éditeurs des articles de Wikipedia de déterminer, au travers d’un examen minutieux des sources et références des articles, quelle est la pertinence de ces références et donc celle de l’article lui-même afin d’effectuer un tri objectif de ce qui relève de la science et de ce qui relève de la pseudo-science. Et l’opinion des promoteurs de la pseudo-science n’a aucune place dans ce processus.
Cependant les promoteurs de pseudo-science n’apprécient pas cette stratégie et si on les désapprouve, ils dénoncent une censure, une conspiration dirigée contre leurs idées. Juste un exemple cité dans la revue Natural News : « Impartialité : il faut soutenir un auteur qui cite la censure de Wikipedia au sujet de la médecine alternative ». L’article dit ceci : dans sa politique d’information, Wikipedia nie activement l’existence des sciences avec lesquelles elle n’est pas d’accord. Ce qui est en partie (seulement) le cas pour la médecine mais ne l’est plus pour ce qui concerne les plantes génétiquement modifiées, l’énergie nucléaire et le climat. On est finalement amené à faire le constat désolant que Wikipedia est progressivement et insidieusement caviardé par les activistes anti-science dont l’objectif global est de désinformer des centaines de millions de personnes dans le monde et leur imposer leur idéologie.
Pour ce qui concerne une dernière fois la médecine, il est urgent que les institutions et la communauté scientifique digne de ce nom s’insurgent par des mesures autoritaires si nécessaire contre cet envahissement des pseudo-sciences dans un média aussi quotidiennement utilisé que Wikipedia. Que des périodiques scientifiques comme Nature Climate Change aient délibérément aboli la probité de l’institution du peer-review, on peut à la limite le comprendre puisqu’il s’agit d’un périodique spécialisé pour les spécialistes de l’anti-science climatique avec un comité de lecture constitué de spécialistes de l’anti-science climatique, mais que Wikipedia s’abaisse à de telles turpitudes est d’autant plus inquiétant que cette encyclopédie englobe tous les sujets de la connaissance sans exception et y compris l’histoire ou la politique, deux sujets hautement sensibles … L’évolution dans la mauvaise (la pire) des directions d’internet est à redouter, mais n’est-il pas déjà trop tard ?
Source : inspiré en partie d’un billet paru dans Science-based Medicine